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Névralgie du trijumeau
et neurochirurgie
M. Sindou, Y. Keravel, E. Simon, P. Mertens
Désormais la neurochirurgie moderne permet dans presque tous les cas de venir à bout de la douleur des
névralgies trigéminales essentielles. Lorsque celles-ci deviennent pharmacorésistantes, on peut avoir
recours à deux grands types de méthodes chirurgicales. Les premières correspondent à l’interruption des
voies responsables des phénomènes douloureux. Elles sont soit percutanées : thermocoagulation,
compression par ballonnet gonflable ou injection de glycérol, soit par radiochirurgie stéréotaxique. Le
second type de méthode est la décompression vasculaire microchirurgicale qui lève le conflit
vasculonerveux sur la racine trigéminale, cause la plus fréquente de la névralgie essentielle. Cette
méthode, qui est conservatrice et curative, nécessite un abord direct sous anesthésie générale. Elle
s’adresse aux patients en bon état général. Lorsque les patients sont très âgés et/ou en état général
précaire, les méthodes percutanées ou la radiochirurgie sont préférables, mais la durée de leur efficacité
est généralement proportionnelle au degré d’hypœsthésie séquellaire, avec ses conséquences.
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C D
Figure 2. Représentation schématique (A) et vues opératoires (B, C, D) des différentes localisations des conflits vasculonerveux [3].
Les conflits étaient situés :
dans 52,3 % des cas dans la portion juxtapontine de la racine trigéminale (D, exemple de conflit vasculonerveux par une boucle de l’artère cérébelleuse
supérieure pulsant dans l’aisselle de la racine droite), dans 54,3 % des cas dans la portion cisternale de la racine (C, exemple de conflit par l’artère cérébelleuse
supérieure reposant sur la racine trigéminale droite, déformée en hamac) et dans 9,8 % dans la portion juxtapétreuse de la racine (B, exemple de compression
par une veine : la veine pontique transverse inférieure à la sortie de la racine du porus du cavum de Meckel à droite). À son entrée dans le tronc cérébral
(c’est-à-dire au niveau de la trigeminal root entry zone), la racine du nerf trijumeau présente trois parties : la pars minor (5) motrice pour les muscles masticateurs,
la pars intermediaris (6), émanation supérieure de la pars major et dédiée à la sensibilité cornéenne, la pars major (7) sensitive. 1. porus du Cavum de Meckel ;
2. portion juxtapétreuse ; 3. tiers moyen ; 4. portion cisternale ; 8. portion juxtapontine ; 9. trigeminal root entry zone (TREZ).
A B C
*
*
D E
Figure 3. Imagerie par résonance magnétique (IRM) (3 Tesla, coupes axiales, haute résolution) d’un conflit vasculonerveux entre l’artère cérébelleuse
supérieure et le nerf trijumeau à gauche.
A à C. IRM, séquence T2 haute résolution (A), séquence 3D time of flight (TOF) angiographie (B), séquence 3D T1 avec gadolinium (C). Conflit (flèche) avec
une boucle de l’artère cérébelleuse supérieure.
D. Fusion entre la séquence T2 et la séquence 3D TOF angiographie (astérisque : conflit).
E. Constatation opératoire de la présence du conflit (astérisque). La photo est inversée pour raison didactique.
latérale et Hartel (1913) la voie par le foramen ovale. Au lieu Parallèlement à ces méthodes lésionnelles se développa par
d’alcool, Jaeger proposa, en 1957, l’injection d’eau chaude au étapes successives la méthode conservatrice de décompression
niveau du ganglion, et Jefferson, en 1963 l’injection de phénol vasculaire microchirurgicale. Cette méthode repose sur la
(1/20e dans la glycérine). En 1941, Kirschner développa l’élec- constatation (fréquente) faite par Dandy en 1934, puis Lazorthes
trocoagulation sous anesthésie générale par approche stéréo- en 1964, de conflits vasculaires chez les malades opérés dans
taxique du ganglion à travers le foramen ovale. Cette technique l’angle pontocérébelleux pour névralgie essentielle de façon, à
fut ensuite améliorée par Thiry (1962) qui utilisa un courant de l’époque, à y réaliser une radicotomie juxtaprotubérantielle. La
moindre intensité de façon à éviter la perte totale de la sensi- simple décompression vasculaire ne fut réalisée pour la première
bilité tactile, puis par Schürmann (1972) qui remplaça l’anes- fois qu’en 1959 par Gardner. Elle fut ensuite popularisée (par
thésie générale par une neuroleptanalgésie pour contrôler en voie sous-temporale extradurale transtentorielle) par Jannetta à
peropératoire les effets de la coagulation. partir de 1966, puis par Hardy de Montréal (par voie rétromas-
Sweet (1969) raffina encore la technique pour en faire toïdienne) en 1970. C’est cette dernière voie qui est maintenant
l’actuelle thermocoagulation différentielle contrôlée du triju- pratiquée, particulièrement depuis que Jannetta l’a codifiée en
meau, en utilisant un générateur à haute fréquence comme y adaptant les techniques microchirurgicales.
source de chaleur, une thermistance pour mesurer la tempéra-
ture en bout d’électrode, et une anesthésie générale lors des Techniques actuelles
temps douloureux de l’intervention de très brève durée pour
permettre la coopération du malade. Cette dernière méthode est Toutes les données de la littérature concernant les techniques
capable d’obtenir une analgésie sans anesthésie complète et qui actuelles sont détaillées dans le rapport à la Société de neuro-
ne concerne que le seul territoire douloureux. Toujours dans le chirurgie de langue française de mai 2009 intitulé : « Neurochi-
cadre des techniques percutanées, Hakanson introduisit en rurgie fonctionnelle dans les syndromes d’hyperactivité des
1981 la neurolyse du ganglion de Gasser par injection de nerfs crâniens » par Sindou et Keravel [6].
glycérol dans la citerne trigéminale du cavum de Meckel par la Sont successivement considérées les techniques lésionnelles
voie du foramen ovale. Également par la même voie, Mullan percutanées (Fig. 5, 6) et radiochirurgicales (Fig. 7), puis la
développa, en 1979, la compression percutanée du ganglion de décompression vasculaire microchirurgicale (Fig. 8, 9).
Gasser par ballonnet gonflable.
C’est en 1951 que Leksell appliqua la technique de radiochi-
Thermorhizotomie percutanée, rétrogassérienne
rurgie stéréotaxique par gamma-knife à la névralgie du triju- Cette technique mise au point par Sweet [8] repose sur deux
meau, en prenant pour cible le ganglion de Gasser. Mais cette bases anatomophysiologiques. Une température de 60 °C à
méthode ne perdit son caractère anecdotique qu’à l’avènement 70 °C appliquée de quelques secondes à quelques minutes est
de l’IRM fine que rendit possible le guidage du rayonnement. capable d’obtenir une analgésie sans anesthésie complète du
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A B C
D E
Figure 4. Imagerie par résonance magnétique (IRM) (3 Tesla, coupes axiales, haute résolution) d’un conflit vasculonerveux entre une veine pontique
transverse et le nerf trijumeau à gauche.
A à C. IRM, séquence T2 haute résolution (A), séquence 3D time of flight (TOF) angiographie (B), séquence 3D T1 avec gadolinium (C). Noter que le vaisseau
conflictuel n’est pas visible en 3D TOF angiographie (B), mais apparaît sur la séquence 3D T1 avec gadolinium (C). Conflit (flèche) avec la veine pontique
transverse inférieure.
D. Fusion entre la séquence T2 et la séquence 3D T1 avec gadolinium.
E. Constatation opératoire de la présence du conflit veineux, avec une zone grisâtre correspondant à une zone de démyélinisation (astérisque).
territoire opéré. La somatotopie des fibres rétrogassériennes et altération de la sensibilité cornéenne, bien centrée sur la
permet de placer l’électrode de telle sorte que la thermocoagu- zone-gâchette, et couvrant la totalité du territoire névralgique.
lation n’atteigne que les fibres correspondant au territoire La revue de la littérature a été faite sur dix séries, totalisant
douloureux. L’électrode est introduite à travers la joue et le 7 483 patients, suivis avec un recul de 3 à 26 ans en moyenne
foramen ovale (voie de Hartel), puis poussée postérieurement selon les séries (moyenne 9 ans) [11-13]. Cette revue fait état
jusqu’au bord supérieur du rocher, sous contrôle radiologique et d’une sédation immédiate dans 94 % des cas en moyenne (de
brève anesthésie générale intraveineuse (propofol), de quelques 81 % à 99 % selon les séries) et du maintien de l’efficacité à
minutes. Dans cette localisation radiologique, l’extrémité de long terme dans 60,4 % des cas (de 20 % à 93 % selon les
l’électrode est en principe au niveau rétrogassérien, en l’occur- séries). La Figure 10 est donnée à titre illustratif. Les principaux
rence le plexus triangulaire. C’est en effet à ce niveau que se effets secondaires et complications neurologiques étaient les
trouve la meilleure cible pour réaliser la thermolésion [9]. Le suivants : hypœsthésie faciale (5 % à 98 % des cas selon les
repérage de la position de l’extrémité de l’électrode au niveau séries) et déficit masticateur (4 % à 24 %) pour les premiers,
des fibres correspondant à la zone-gâchette est fait par électros- kératite (1 % à 8 %), et dysesthésies pénibles/anesthésie
timulation. Dans notre procédure [10], un courant de 5 Hz (à
douloureuse (0,8 % à 7 %) pour les secondes. La mortalité
l’intensité-seuil de 0,2 ± 0,1 V) est utilisé pour provoquer non
rapportée est de 1 ‰, par effraction de la carotide.
seulement des paresthésies (perçues par le patient), mais aussi
Dans notre série de 2 800 patients opérés et suivis avec un
des réponses musculaires (à type de réflexes trigéminofaciaux)
au niveau de la face, réponses observées par l’opérateur. Au recul allant jusqu’à 28 ans pour les plus anciennement traités
niveau du plexus triangulaire, les fibres du V3 (mandibulaires) (17 ans en moyenne) [12], le taux de récidives s’est élevé à 7 %.
sont en position inférolatérale, celles du V2 (maxillaires) Ce taux relativement faible a été obtenu au prix d’une hypœs-
intermédiaire et celles du V1 (ophtalmiques) supéromédiane. En thésie marquée du territoire névralgique dans la quasi-totalité
outre, la survenue de réponses masticatrices (directes) pour une des cas. Cette hypœsthésie était gênante (avec dysesthésies)
stimulation électrique à intensité faible (< 0,5 V) indiquerait dans 5 % des cas et s’accompagnait d’un syndrome d’anesthesia
une électrode trop proche de la racine motrice. Une fois dolorosa dans 3 % des cas.
l’électrode vérifiée en bonne place, la thermolésion est faite sous Délicate à réaliser, la thermocoagulation rétrogassérienne,
brève anesthésie générale intraveineuse (généralement propo- lorsqu’elle est faite avec précision, permet une analgésie durable,
fol), mais suffisamment légère pour examiner le réflexe cornéen et de la seule zone douloureuse. Elle n’a pas de contre-
durant les 30 à 60 secondes de la coagulation. Le critère indication d’âge. Beaucoup de séries comportent nombre de
d’efficacité de la thermocoagulation est l’obtention d’une patients nonagénaires. Cette technique est très opérateur-
analgésie à la piqûre sans perte complète de la sensibilité tactile dépendante. Elle requiert un entraînement spécifique
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A B C D
1
V1
3 4
5
V2
2 6 V3
E F G
H I J
Figure 6. Voies percutanées. Voie transjugoforaminale ovale de Hartel : repères cutanés (A), passage à travers la fosse ptérygomaxillaire et le foramen ovale
(B). Rapports anatomiques du trocart dans la joue : canal de Sténon (1, en C) et dans la fosse ptérygomaxillaire : artère maxillaire interne (2, en D). Traversée
du foramen ovale et placement de l’extrémité de l’électrode dans le plexus triangulaire (D). Neurolyse chimique au gycérol : schéma de l’injection dans la
citerne trigéminale (E) et contrôle radiographique par cisternographie iodée (H). Compression par ballonnet gonflable : schéma de la mise en place de la sonde
de Fogarty dans le cavum de Meckel (F) et contrôle radiographique du ballonnet en place (I). Thermorhizotomie rétrogassérienne : schéma de l’électrode en
place dans le plexus triangulaire selon la somatotopie des fibres (G) et contrôle radiographique (J). V1 : branche ophtalmique ; V2 : branche maxillaire ; V3 :
branche mandibulaire. 1. Ballon gonflé dans le cavum de Meckel ; 2. trocard inséré à travers le foramen ovale ; 3. pars major ; 4. racine trigéminale ; 5. ganglion
de Gasser ; 6. branche masticatrice (motrice).
3 2
1
A B
5
5
IV 4
V 6
VII-VIII
C D
Figure 8. Technique de la décompression vasculaire microchirurgicale (DVMC) pour un conflit vasculonerveux à partir de l’artère cérébelleuse supérieure (à
droite).
A. Abord microchirurgical rétromastoïdien « en trou de serrure ».
B. Ouverture de la dure-mère, avec lambeaux réclinés, l’un le long du sinus transverse (1), l’autre le long du sinus sigmoïde (2). L’écarteur est placé au-dessus
de l’hémisphère cérébelleux droit pour permettre une approche supracérébelleuse-infratentorielle du trijumeau. Cette approche évite les tractions sur le nerf
cochléovestibulaire (non visible, latéralement à droite). 3. Sinus pétreux supérieur.
C. Ouverture de l’arachnoïde le long du nerf trochléaire (IV), avec respect des veines pétreuses supérieures se draînant dans le sinus pétreux supérieur (3), de
façon à exposer complètement la racine trigéminale (V) depuis sa zone de pénétration dans le pont jusqu’au cavum de Meckel. La meilleure mesure de
prévention d’étirement excessif des nerfs VII et VIII est de ne pas ouvrir l’arachnoïde à leur niveau. Il existe un conflit vasculonerveux entre l’artère cérébelleuse
supérieure (4) et le trijumeau.
D. Après avoir détaché les artères du nerf, celles-ci sont transposées vers le haut le long de la tente du cervelet par deux lacettes de fibres de Téflon de 2 mm
de calibre (5), et maintenues à distance par une plaque de Téflon de 1 × 1 cm de côté (6), reposant sur la veine pétreuse, sans contact avec le nerf trijumeau.
démyélinisation focale des fibres nerveuses, qui peuvent être 15 mm de diamètre en arrière de la mastoïde, un abord micro-
observées sous microscope opératoire. Ces lésions généreraient chirurgical du trijumeau à la partie supérieure de l’angle
une hyperactivité des noyaux du système trigéminal, ce qui pontocérébelleux, une séparation des éléments du conflit
expliquerait bien le caractère épileptiforme de cette névralgie, et vasculonerveux, un écartement du vaisseau conflictuel. Lorsqu’il
l’efficacité des seuls anticonvulsivants. s’agit d’une artère, elle est maintenue à distance par un petit
Les compressions sont situées dans 52,3 % des cas au niveau écran de Téflon, si possible sans contact avec le nerf pour éviter
de la zone d’entrée de la racine dans le tronc cérébral, dans toute néocompression (Fig. 9). Lorsque le conflit est une veine,
54,3 % au niveau de la portion cisternale de la racine, dans celle-ci est coagulée puis sectionnée (Fig. 9).
9,8 % à la zone de sortie de la racine du porus du cavum de La revue des grandes séries de la littérature (17 séries, totalisant
Meckel (Fig. 8). 5 124 patients) fait apparaître des résultats à peu près similaires
Le principe de l’intervention de décompression qui doit être entre les séries [11, 28]. Dans 80 % à 98 % des cas (91,8 % en
dénommée « de Gardner-Jannetta » [24, 25], qui est conservatrice, moyenne), il existait une sédation immédiate de la névralgie. Un
consiste à libérer la racine du trijumeau de la compression effet complet, sans médicaments, persistait dans 62 % à 89 % des
vasculaire par une séparation minutieuse du nerf et du vaisseau, cas (76,6 % en moyenne) au terme du suivi (5 à 11 ans selon les
et à maintenir ce dernier à distance par une prothèse-écran séries, 7 ans en moyenne). Quatre de ces séries comportaient une
conçue à cet effet. Cette dernière ne doit pas être en contact étude avec courbe de Kaplan-Meier [29-32]. Dans la plus large, celle
avec la racine pour ne pas entraîner de néocompression de cette de Barker et al. (c’est-à-dire celle de Jannetta), comportant 1 185
dernière [26, 27]. patients suivis jusqu’à 20 ans pour les plus anciennement opérés,
L’intervention, d’une durée de 3 heures environ, est faite sous 80 % avaient un excellent résultat immédiat (pas de douleur, pas
anesthésie générale. Elle consiste en une petite ouverture de de traitement médicamenteux) et 70 % à 10 ans (Fig. 12). Dans
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1
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A B C
2
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D E F
G H I
Figure 9. Décompression vasculaire microchirurgicale. Vues opératoires.
A à C. Compression vasculaire par l’artère cérébelleuse supérieure (SCA), à gauche. La SCA (3) exerce un conflit antérosupérieur sur le trijumeau (1) au niveau
de sa zone d’entrée dans le pont (A). La SCA est disséquée, détachée du nerf (B), puis maintenue à distance en situation supérieure le long et au-dessous de
la tente du cervelet par une lame de Téflon (4) (C). Noter que le groupe des veines pétreuses supérieures (2) a été conservé.
D à F. Compression vasculaire par l’artère cérébelleuse antéro-inférieure (AICA), à gauche. L’AICA (5) est en conflit postéro-inférieur avec la racine trigéminale
(1) (D). La boucle est détachée du nerf et transposée en arrière (E), puis est maintenue à distance en l’attachant par une lacette de Téflon à la veine pétreuse
supérieure (2) qui a été conservée (F).
G à I. Compression d’origine veineuse (veine pontique transverse inférieure), à droite. La veine (6) marque une empreinte sur la face inférieure de la racine (1)
à sa sortie du cavum de Meckel (G). La flèche désigne une empreinte grise, laquelle correspond à une zone de démyélinisation sous l’effet de la compression
vasculaire exercée par la veine (H). La veine conflictuelle a été coagulée, puis éliminée (I).
90
0,8
Probabilité de succès
80
70 0,6
Pourcentage
60
50 0,4
40
0,2 Bons ou excellents résultats
30 Excellents résultats
20 0,0
0 5 10 15 20
10
Années après la première opération
0
12 36 60 120 180 240 300 Figure 12. Résultats à long terme de la décompression vasculaire
microchirurgicale (DVMC) (série de Jannetta). Courbe de Kaplan-Meier
Temps (mois) des résultats satisfaisants après DVMC, sur 20 ans de suivi, dans la série de
Figure 10. Résultats à long terme de la thermorhizotomie. À titre Jannetta, publiée par Barker et al. [29]. Le taux de guérisons était de 70 %
illustratif, courbe de Kaplan-Meier des patients sans récidive, après (une à 10 ans de suivi. Noter la stabilité de la courbe au fil du temps, à long
seule) thermocoagulation, dans la série de 1 216 patients de Kanpolat et terme.
al. [13]. Bien que le taux initial de sédations complètes fût de 97,6 %, ce
taux diminua à 43 % à 25 ans d’évolution postopératoire.
100
0,8
90
Sédation complète de la douleur sans
80 0,6
prise de médicaments (%)
70
0,4
60
50
0,2
40
30 0,0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
20
Suivi (années)
10 Figure 13. Résultats à long terme de la décompression vasculaire
0 microchirurgicale (DVMC) (série personnelle ; résultats globaux). Courbe
0 12 24 36 48 60 de Kaplan-Meier des patients avec guérison complète (= pas de douleur,
pas de médicaments), jusqu’à 15 ans de suivi après DVMC, dans la série de
Temps après chirurgie (mois) Sindou et al. [28, 33]. Le taux de guérisons était de 73 % à 15 ans.
Figure 11. Résultats à long terme de la radiochirurgie stéréotaxique. À
titre illustratif, courbe de Kaplan-Meier à partir d’une étude récente faite à
la Mayo-Clinic [22]. Le maintien d’un effet favorable sur la névralgie était
Conservatrice, la décompression vasculaire microchirurgicale
de 54 % à 5 ans.
n’entraîne que très rarement une atteinte sévère du trijumeau,
aboutissant à une anesthésie douloureuse (aucune dans notre
notre série [32, 33] , les courbes Kaplan-Meier montrent une série). La méthode traite la cause de la névralgie. Ses résultats à
probabilité de guérison à 1 an de 81,2 % et à 15 ans de 73,4 % long terme sont durables et stables dans la plupart des cas.
(Fig. 13 à 15). Les taux de mortalité rapportés étaient de 0 % à
1,2 % selon les séries, 0,3 % dont la nôtre [32, 33]. La cause en
était généralement un infarctus hémorragique de la fosse ■ Indications chirurgicales
cérébrale postérieure, lié aux spasmes produits par les manipu-
lations vasculaires. Ceux-ci peuvent être grandement réduits par Décision de chirurgie
l’application locale de gouttelettes de papavérine en solution à
1/10e. Dans les séries rapportées, les complications neurologi- Pour la plupart des chirurgiens, les critères d’indication
ques permanentes les plus fréquentes étaient les suivantes : chirurgicale sont les suivants :
perturbation de l’audition et/ou de l’équilibre (de 0,8 % à 4,5 %, • névralgie trigéminale dont le caractère essentiel a été vérifié
1,5 % dans notre série), paralysie faciale (de 0 % à 1 %, 0,4 % par l’imagerie spéciale. Dans les formes atypiques, la nature
dans notre série), diplopie par paralysie trochléaire (de 0,5 % à névralgique doit être authentifiée par le fait que les antalgi-
1 %, 0,5 % dans notre série), hypœsthésie faciale avec dysesthé- ques de type anticonvulsivants ont été efficaces au moins
sies (de 2 % à 10 %, 4 %, légères, dans notre série). La compli- temporairement, au moins au début (+++). Selon nous, celui
cation la plus fréquente était la fuite de liquide cérébrospinal qui constitue le meilleur test diagnostique est la carbamazé-
(LCS) (de 2 % à 17 %), 2 % dans notre série depuis que nous pine. En cas d’allergie ou d’intolérance, à défaut de pouvoir
apposons systématiquement une plastie de fascia lata et de l’utiliser sur une durée suffisante pour juger de son efficacité,
graisse sur la suture durale au niveau de la craniotomie. l’un des autres peut y suppléer ;
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+ –
Traitement neurochirurgical
+ –
+ – – +
Redonner
le traitement
médicamenteux Hypoesthésie Pas
douloureuse d’hypoesthésie
+ –
Refaire
Traitement médical
techniques percutanées
(douleurs neuropathiques)
ou
Stimulation corticale ?
radiochirurgie
Techniques percutanées
ou
radiochirurgie
Techniques percutanées
Douleurs Fond douloureux
ou DVMC
paroxystiques permanent
radiochirurgie
Stimulation
corticale ?
Figure 16. Arbre décisionnel. Traitement neurochirurgical de la névralgie trigéminale essentielle. DVMC : décompression vasculaire microchirurgicale.
• la troisième situation est représentée par des conditions ayant eu recours à la chirurgie et qui leur ont prodigué des
intermédiaires, au demeurant assez fréquentes. La décision « conseils ».
est alors influencée par les convictions et les compétences En cas d’un premier échec chirurgical, les recours dépendent
de l’opérateur et bien entendu la préférence des patients. beaucoup de l’existence ou non d’une hypœsthésie séquellaire
Ces derniers ont bien souvent rencontré, dans leur quête de et du type de douleurs persistantes (paroxystiques ou perma-
guérison, d’autres patients souffrant de la même affection, nentes), comme l’illustre la figure de l’algorithme (Fig. 16).
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“ Point fort
disparaissent pas après une DVMC faite secondairement.
Situations pratiques et indication chirurgicale Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright
En pratique, il existe trois types de situations concrètes. La peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré.
première est représentée par les patients en bon état .
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Sindou M., Keravel Y., Simon E., Mertens P. Névralgie du trijumeau et neurochirurgie. EMC (Elsevier
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