de bonne pratique
Prescription des antibiotiques
en pratique bucco-dentaire
’AFSSAPS a élaboré ces recom- stomatologue, chirurgien maxillo-fa- ma, chirurgien-dentiste (Paris), Fran-
L mandations de bonne pratique à
partir des évaluations d’un groupe
cial (Villeneuve-Saint-Georges), Vian-
ney Descroix, chirurgien-dentiste (Pa-
çoise Goebel, AFSSAPS, Laurent
Nawroki, chirurgien-dentiste (Lille),
multidisciplinaire d’experts présidé ris), Luc Dubreuil, microbiologiste Anna Pelibossian, AFSSAPS, Isabel-
par Monsieur Philippe Lesclous, chi- (Lille), Nathalie Dumarcet, AFSSAPS, le Pellanne, AFSSAPS, Wilhelm Per-
rurgien-dentiste (Montrouge) et com- Xavier Duval, infectiologue (Paris), tot, chirurgien-dentiste (Paris), Éric
posé de : Frédéric Duffau, chargé de Nadine Forest, chirurgien-dentiste Senneville, infectiologue (Tourcoing),
projet, chirurgien-dentiste (Paris), (Neuvy-le-Roi), Pierre Gangloff, chi- Michel Sixou, chirurgien-dentiste
Jean-Jacques Bensahel, chirurgien- rurgien-dentiste (Nancy), Michel Gar- (Toulouse), Henri Tenenbaum, chi-
dentiste (Nice), Patrick Blanchard, re, infectiologue (Brest), Alice Ger- rurgien-dentiste (Strasbourg).
Principaux messages
Il convient de réserver la prescription des antibiotiques aux situations pour lesquelles ils sont nécessaires.
En médecine bucco-dentaire, les antibiotiques sont réservés à des situations peu fréquentes.
L’utilisation d’antibiotiques ne peut ni pallier l’insuffisance d’hygiène orale, ni se substituer aux règles universelles d’hygiène
et d’asepsie inhérentes à toute pratique de soins.
L’hygiène orale revêt un caractère fondamental dans la prévention des infections en médecine bucco-dentaire. Les patients
doivent recevoir une information adaptée en ce sens.
Il convient de distinguer les patients :
– de la population générale, de loin les plus nombreux (absence d’immunodépression ou de cardiopathie à haut risque
d’endocardite infectieuse) ;
– immunodéprimés (après évaluation soigneuse avec les médecins concernés) ;
– à haut risque d’endocardite infectieuse (prothèse valvulaire, antécédent d’endocardite infectieuse, cardiopathie
congénitale cyanogène). Dorénavant, chez les patients présentant une cardiopathie à risque modéré (autres
faiblesse du nombre d’études ayant pliquées au cours d’une pathologie Population générale
un niveau de preuve suffisant selon donnée, du spectre d’activité anti-
les standards actuels de l’évalua- bactérienne et des paramètres phar- Ce groupe comprend tous les pa-
tion scientifique, soulignant ainsi la macocinétiques et pharmacodyna- tients qui ne présentent aucun des
nécessité de développer la recherche miques des molécules. Il doit aussi facteurs de risque décrits dans les
clinique dans le domaine de la pres- tenir compte du critère de gravité de deux catégories suivantes, en te-
cription des antibiotiques en méde- la pathologie et des antécédents du nant compte du fait qu’aucun pa-
cine bucco-dentaire. Elles sont prin- patient, en particulier de nature al- tient n’est totalement exempt du
cipalement fondées sur la flore lergique. Les prélèvements micro- risque de développer une infection.
bactérienne des sites infectés, sur biologiques ne sont pas justifiés Dorénavant, chez les patients pré-
des paramètres pharmacocinétiques en pratique courante, en raison du sentant une cardiopathie à risque
et pharmacodynamiques des anti- peu d’intérêt qu’ils présentent. modérée (autres valvulopathies,
biotiques ainsi que sur l’expérience Dans tous les cas, ces recomman- autres cardiopathies congénitales,
clinique. dations sont générales et ne pour- prolapsus de la valve mitrale…), l’an-
Ainsi, il est possible que certains an- raient se substituer au jugement cli- tibiothérapie prophylactique n’est
tibiotiques ayant une autorisation de nique du praticien face aux situations plus indiquée lorsqu’un geste buc-
mise sur le marché (AMM) dans le individuelles. co-dentaire est réalisé.
traitement des infections envisagées Les données issues de la littérature
ici ne soient pas recommandés dans scientifique ne permettent plus de
ce texte et inversement, et/ou que Notion de patient retenir les patients porteurs d’une
des schémas d’administration dif- à risque d’infection prothèse articulaire dans un groupe
fèrent des mentions légales actuel- susceptible de développer une in-
lement en vigueur. La prescription antibiotique doit être fection au niveau de la prothèse lors-
Dans la mesure où l’information décidée en fonction du risque pré- qu’un geste bucco-dentaire est réa-
contenue dans les AMM des spé- sumé du patient de développer une lisé. En conséquence, pour les
cialités recommandées est suscep- infection. Chaque patient présente patients porteurs d’une prothèse or-
tible d’évoluer, il convient de s’as- un niveau de risque infectieux qui thopédique, aucune indication à l’an-
surer, au moment de la prescription lui est propre. Selon la littérature tibiothérapie prophylactique des
de l’antibiotique, notamment du res- scientifique et les avis d’experts, des actes bucco-dentaires n’a été rete-
pect des contre-indications, mises groupes à risque ont été détermi- nue (grade C). Pour autant, cela ne
en garde et précautions d’emploi, nés en fonction du patient, des actes remet pas en question la nécessité
en ayant un regard sur les interac- bucco-dentaires et du risque de sur- de réaliser un examen bucco-den-
tions médicamenteuses. Les recom- venue de bactériémies. taire complet chez les patients can-
mandations et l’information en vi- Compte tenu de ces éléments, il a didats à la pose d’une prothèse ar-
gueur relatives à la sécurité d’emploi été décidé de distinguer trois types ticulaire afin d’éliminer les foyers
de ces spécialités sont disponibles de patients : infectieux locaux.
sur les sites Internet de : – la population générale, de loin la
– l’Agence française de sécurité catégorie englobant le plus grand Patients immunodéprimés
sanitaire des produits de santé nombre de patients ;
(AFSSAPS) : www.afssaps.fr ; – les patients immunodéprimés, à Dans ce groupe, le risque infectieux
– l’Agence européenne des médi- risque d’infection locale et de son est considéré comme lié à tout fac-
caments (EMA) : www.ema.euro- extension éventuelle, après éva- teur responsable d’une immunodé-
pa.eu. luation soigneuse avec les méde- pression, qu’elle soit congénitale ou
Le choix des antibiotiques pour le cins concernés ; acquise. En l’absence de critères
traitement des infections bucco-den- – les patients à haut risque d’endo- objectifs, biologiques ou cliniques,
taires doit être fait en tenant comp- cardite infectieuse. permettant de l’évaluer, la décision
te des bactéries habituellement im- d’inclure un patient dans cette
te pas d’antibiothérapie prophylac- Chez le patient à haut risque d’en- (par exemple le détartrage) ou de
tique (accord professionnel). docardite infectieuse, l’antibiothé- la région péri-apicale de la dent ;
Chez le patient immunodéprimé, rapie prophylactique est recomman- – en cas d’effraction de la muqueu-
l’antibiothérapie prophylactique dé- dée (grade B) : se orale (exceptée l’anesthésie lo-
pendra des situations cliniques (ac- – pour tout acte dentaire impliquant cale ou locorégionale).
cord professionnel). une manipulation de la gencive
Patient
contre-indiqué
Patient
Patient
Patient
Patient
Modalités de
Pathologies d’origine infectieuse À haut risque prescription
Population
Immunodéprimé d’endocardite (voir tableaux
générale
infectieuse 12 et 13)
Caries – – –
Pulpopathies et complications
périradiculaires :
• pulpopathies (pulpites réversibles ou
irréversibles) – – –*
• complications de la pathologie pulpaire † – – SO*
Patient
Modalités de
Pathologies d’origine infectieuse À haut risque prescription
Population
Immunodéprimé d’endocardite (voir tableaux
générale
infectieuse 12 et 13)
Mucosite péri-implantaire – – –
Péri-implantite –* R R I
Patient
Modalités de
Pathologies d’origine infectieuse À haut risque prescription
Population
Immunodéprimé d’endocardite (voir tableaux
générale
infectieuse 12 et 13)
Patient
Adulte Enfant
(posologies quotidiennes établies (posologies quotidiennes établies
Antibiotique
pour un adulte à la fonction rénale normale) pour un enfant à la fonction rénale normale,
sans dépasser la dose adulte)
Durée des traitements : jusqu’à cicatrisation muqueuse pour la prévention de l’ostéoradionécrose et la prévention de l’ostéonécrose d’origine médicamen-
teuse (BPIV). Sept jours pour les autres situations.
VO : voie orale.
IV : voie intraveineuse.
* Du fait de sa présentation pharmaceutique disponible pour la voie orale, la clindamycine est recommandée chez l’enfant à partir de 6 ans (prise de
gélules ou c omprimés contre-indiquée chez l’enfant de moins de 6 ans, par risque de fausse route). La clindamycine peut être utilisée par voie intravei-
neuse chez l’enfant à partir de 3 ans.
** Relais oral le plus précoce possible avec amoxicilline, ou clindamycine.
Tableau 15. Schémas d’administration préconisés pour l’antibiothérapie des cas particuliers.