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Résumé
Université Ferhat Abbas 1, Sétif.
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EL HAKIM Revue Médicale Algérienne 33
Dossier
Introduction
L’épilepsie est la deuxième pathologie neurologique la Physiopathologie de l’épilepsie
plus fréquemment rencontrée [1], touchant plus de 50 Toute lésion importante des structures corticales peut
millions de personnes dans le monde, dont 350.000 en déclencher des crises. Une tumeur, un accident vas-
Algérie [2]. Elle constitue un problème majeur de santé culaire cérébral, une hémorragie, une infection ou un
publique de par les conséquences médicales, sociales, traumatisme peuvent être en cause.
culturelles et économiques qu’elle entraine, à la fois pour
Chez plus des deux tiers des patients, une étiologie évi-
les malades épileptiques que pour la société [3].
dente ne peut être identifiée. La plupart des épilepsies
Ces dernières années, de plus en plus de médicaments d’origine génétique définie sont dues à des anomalies
antiépileptiques ont été découverts, s’ajoutant aux an- des canaux membranaires. Seules quelques-unes des
ciennes molécules, permettant ainsi aux patients et aux causes génétiques connues de l’épilepsie sont des ano-
médecins d’avoir de nombreuses options pour traiter les malies des neurotransmetteurs [8].
épilepsies.
Actuellement plus des trois quarts des cas (75 %) Médicaments antiépileptiques
peuvent être contrôlés de manière satisfaisante avec ces Les médicaments antiépileptiques (MAE) ou anticon-
médicaments [4]. vulsivants, sont des médicaments utilisés dans le trai-
La plupart de ces antiépileptiques (AE) ont une marge tement de l’épilepsie. Ils préviennent en grande partie la
thérapeutique étroite et une variabilité Pharmacociné- survenue de nouvelles crises chez le patient épileptique,
tique importante [5] d’où la nécessité de procéder à la ou modifient l’allure de la crise ou les composants psy-
mesure de leurs concentrations dans les liquides biolo- chiques qui peuvent accompagner la maladie [9].
giques ou « Suivi Thérapeutique Pharmacologique » à Il existe plusieurs classifications des MAE selon diffé-
chaque fois qu’il y a modification posologique, co- rents critères, ainsi les médicaments antiépileptiques
prescription ou échappement thérapeutique. commercialisés peuvent être classés :
Le suivi thérapeutique pharmacologique est une spécia-
lité clinique multidisciplinaire dont l’objectif est d’amé- A. En fonction de leur date de mise sur le marché :
liorer les soins aux patients, en ajustant de manière indi- On distingue les antiépileptiques de première et de nou-
viduelle la dose de certains médicaments [6]. velle génération :
Molécules d’ancienne génération ou classique : barbi-
Définition de l’épilepsie turiques (primidone, phénobarbital), benzodiazépines,
En 2005 un groupe de travail de l’International League carbamazépine, éthosuximide, phénytoïne, valproate de
Against Epilepsy (ILAE) (Ligue internationale contre sodium.
l’épilepsie), a formulé une définition conceptuelle de la Molécules de nouvelle génération : gabapentine, lamo-
«crise épileptique» et de «l’épilepsie» : L’épilepsie est un trigine, lévétiracétam, lacosamide, oxcarbazépine, pré-
trouble cérébral caractérisé par une prédisposition du- gabaline, tiagabine, topiramate, zonisamide [10].
rable à générer des crises épileptiques et par les consé- B. En fonction de leur efficacité :
quences neurobiologiques, cognitives, psychologiques
Antiépileptiques majeurs :
et sociales de cette affection.
Ils suppriment la majorité des crises lorsqu’ils sont em-
Une crise épileptique est la présence transitoire de signes ployés seuls (en monothérapie). Exemples : Phénobar-
et/ou symptômes dus à une activité neuronale excessive bital, Phénytoïne, Acide valproïque ...
ou synchrone anormale dans le cerveau. Elle résulte de
décharges électriques excessives dans un groupe de cel- Antiépileptiques mineurs :
lules cérébrales. Ces décharges peuvent se produire dans Ils peuvent agir seuls mais ils sont plus efficaces en asso-
une seule partie du cerveau (crises partielles), ou se pro- ciation (polythérapie). Exemples : Vigabatrin, lamotri-
pager aux différentes autres parties (crises généralisées). gine...
Les crises peuvent varier en intensité, allant de brèves C. En fonction du spectre d’efficacité :
pertes d’attention ou de petites secousses musculaires à Antiépileptiques à spectre large :
des convulsions sévères et prolongées. Leur fréquence Efficaces dans un grand nombre de syndromes, qu’ils
est également variable, de moins d’une fois par an à plu- soient épilepsie avec crises partielles ou épilepsie avec
sieurs fois par jour [7]. crises généralisés.
particulières. Zone
thérapeutique
1
Il repose a priori sur des informations pharmacogéné- Risque d’inefficacité
tiques, démographiques et cliniques et a posteriori sur 0
0 24 48 72 96 120 144
la mesure des concentrations sanguines du médicament
Temps (h)
(suivi pharmacocinétique) ou de composés endogènes
de substitution ou de paramètres biologiques d’effet Figure 1 : Représentation de la zone thérapeutique [13]
(suivi pharmacodynamique) [6].
Le suivi thérapeutique des médicaments par dosages d. Analytique :
sanguins représente un moyen d’augmenter la sécurité • Disponibilité de méthodes analytiques fiables, pré-
et l’efficacité de certains traitements, quand l’adaptation cises, et reproductibles à un coût supportable.
des posologies est délicate (marge thérapeutique étroite,
C. Intérêt du STP dans
effets difficilement mesurables). Cette approche ne rem-
le traitement antiépileptique
place pas le suivi clinique, mais peut le compléter par
des données objectives [11]. L’apport pour le clinicien du dosage des médicaments
antiépileptiques dans le plasma peut s’expliquer par
B. Critères pour l’utilité du STP quelques constats [13] :
Le suivi et plus particulièrement le contrôle des concen- • La relation concentration plasmatique/effets cliniques
trations ne présente un intérêt thérapeutique que si les est assez nette pour la plupart des médicaments antiépi-
critères suivants s’appliquent [12] : leptiques. L’observation d’un grand nombre de patients
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a permis de déterminer pour chaque antiépileptique, • En cas d’échec du traitement : ceci est important pour
avec plus ou moins de précision, une zone indicative de connaître la raison de la résistance au traitement. Il est
concentrations efficaces. Ces observations constituent possible de cette manière de savoir si la résistance est
une aide précieuse au traitement, permettant d’amener due à une non observance du traitement par le patient ou
directement les concentrations dans la zone efficace et à une métabolisation très rapide ; à moins qu’il ne s’agisse
donc d’être plus rapidement efficace. Ceci est très im- d’une réelle inefficacité d’origine pharmacologique ;
portant puisque l’effet thérapeutique recherché (dimi- • En cas d’intoxication : quand un sujet développe des
nution du nombre de crises par unité de temps), est sou- signes ou des symptômes d’une intoxication, le dosage
vent long et difficile à apprécier, les crises chez certains des concentrations plasmatiques permet de savoir si
patients pouvant être très espacées dans le temps. II est l’antiépileptique est imputé ;
important de préciser que la zone thérapeutique opti- • En cas d’affection intercurrente ou de modification
male n’est qu’une indication approximative basée sur physiologique (ex : la grossesse) : la cinétique des anti-
une observation statistique et qu’il convient de traiter le convulsivants peut être modifiée ;
patient et non le taux sanguin.
• En contrôle de routine : ceci permet de connaître la
• A l’exception de l’acide valproïque, de l’éthosuximide et
concentration plasmatique efficace pour un patient
des benzodiazépines, les médicaments antiépileptiques
donné et constituer une référence individuelle en cas
ont un index thérapeutique réduit.
de problèmes ultérieurs. Chez un adulte bien équili-
• La toxicité est directement liée aux concentrations
bré, les dosages de routine ne doivent pas excéder 1 à 2
plasmatiques.
dosages par an. Pour que ces dosages soient efficaces, il
• D’un point de vue pharmacocinétique, il a été noté
est nécessaire de les rapporter au poids, à l’âge, au sexe,
pour certains médicaments antiépileptiques que les
à la thérapeutique associée et au temps écoulé entre la
concentrations plasmatiques n’augmentent pas toujours
dernière prise et le prélèvement.
de façon proportionnelle avec l’augmentation de la dose.
• Lorsque le traitement nécessite l’association de plu- E. Paramètres pharmacocinétiques
sieurs antiépileptiques, ou que d’autres médicaments à prendre en considération
sont utilisés simultanément, les dosages plasmatiques • Pic plasmatique ou concentration maximale (Cmax) : la
peuvent aider à gérer dans de meilleures conditions plus forte concentration plasmatique en principe actif
d’éventuelles interactions médicamenteuses complexes. obtenue après administration du médicament [15].
De même, certains paramètres physiopathologiques,
• Concentration minimale (Cmin) : la plus faible concen-
comme l’état des fonctions rénales et hépatiques, sont
tration réellement obtenue entre deux administrations [15].
à prendre en compte car ils peuvent avoir une forte in-
fluence sur les concentrations plasmatiques. • Taux résiduel (Crés) : la concentration plasmatique
obtenue à la fin d’un intervalle d’administration d’un
D. Indication du STP médicament soit juste avant la prise suivante de celui-
pour les médicaments antiépileptiques ci quelle que soit la voie d’administration et après avoir
Le dosage des concentrations plasmatiques des antiépi- atteint un état d’équilibre « steady state » [15].
leptiques apporte souvent des renseignements cliniques • L’aire sous la courbe ASC ou AUC « Area Under Curve » :
utiles dans les situations suivantes [14] : correspond à l’intégrale de la concentration plasmatique
• En début de traitement pour ajuster la dose adminis- sur un intervalle de temps défini. Son principal intérêt
trée : il sera nécessaire d’effectuer le dosage quand la est de permettre la mesure de la biodisponibilité d’un
concentration sera à l’équilibre ; médicament [16].
• En cas de modification de la dose, ou d’une co- • État d’équilibre : L’état d’équilibre des concentrations
prescription : la modification de la dose, même mineure, plasmatiques d’un principe actif est défini comme un
peut entraîner une très forte variation des concentra- état de stabilité des concentrations moyennes évoluant
tions plasmatiques (ex. : la phénytoïne). entre deux limites Cmax et Cmin si les apports du médi-
Les associations de médicaments peuvent également cament compensent les quantités éliminées. Théorique-
accroître les concentrations. ment cet état, est atteint au bout de 6 demi-vies lorsque
Des dosages seront de nouveau effectués quand les leur administration se fait toutes les demi-vies et pour
concentrations plasmatiques sont à l’équilibre ; une même dose [17].
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clinique et l’effet sur la prise en charge du patient. tique (dose administrée), des conditions de l’adminis-
La communication du résultat peut contenir, à côté tration, du prélèvement, etc.
du résultat lui-même, différentes informations supplé- D’un point de vue pharmacocinétique, l’adaptation
mentaires en fonction de l’organisation du STP dans d’une posologie se fonde sur la connaissance des carac-
l’institution : la marge thérapeutique (idéalement pour téristiques usuelles du médicament dosé (paramètres
la population et pour l’indication spécifique), un com- décrivant l’absorption, la distribution, la liaison protéi-
mentaire d’interprétation et des questions spécifiques, nique, la clairance hépatique ou rénale), mais aussi de
voire une proposition d’adaptation posologique et de leur variabilité et des facteurs les influençant.
suivi du traitement. Parmi les plus fréquents de ces facteurs figurent les
Après validation analytique du dosage, le praticien variables démographiques (âge, sexe, poids, taille), les
reçoit du laboratoire le résultat (exemple : 3,5 mg/l) et modifications physiopathologiques (insuffisances ré-
les marges thérapeutiques correspondant à la méthode nale ou hépatique, autres comorbidités), les interactions
utilisée (exemple : 0,8-2,0 mg/l). Comme pour d’autres médicamenteuses, la nourriture, les conditions parti-
résultats de laboratoires spécialisés, une interprétation culières (pédiatrie, grossesse, obésité) et les polymor-
clinique se doit d’apporter une valeur ajoutée au praticien. phismes pharmacogénétiques (dont le rôle est de mieux
Outre l’interprétation du résultat, certains aspects en mieux apprécié).
supplémentaires sont à prendre en compte. La finalité de ces études et interprétation consiste à fon-
Le résultat obtenu a toujours une certaine imprécision der une stratégie formelle d’adaptation posologique sur
qui est liée à la variabilité analytique et pré-analytique. la base d’une concentration mesurée chez un patient
Cette dernière est fonction de la précision pharmaceu- lors du STP [12,18].
Résiduel
Acide valproïquea • Réponse insatisfaisante 2-3 jours 50-100 mg/l
(minimum 6h postdose)g
• Réponse insatisfaisante
• Suspicion de toxicité
Primidonef • HPLC 1-4 jours 5-12 mg/l
• Altérations physiopathologiques
• Interactions
(a) Liaison forte et saturable aux protéines plasmatiques. La mesure de la fraction libre peut donc être justifiée dans certaines situation.
(b) Dans certaines situations, la mesure du métabolite actif (carbamazépine10, 11-époxide) peut être justifiée,
(c) Selon les immunoessais utilisés, une réactivité croisée est possible avec le métabolite actif de la carbamazépine.
(d) Après auto-induction (environ quatre semaines de traitement), la demi-vie (25-50 h) diminue (11-27 h).
(e) Pharmacocinétique non linéaire. Du fait de sa forte liaison aux protéines plasmatiques, la mesure de la fraction libre peut être justifiée dans
certaines situations.
(f) Le phénobarbital (métabolite actif) doit toujours être mesuré simultanément.
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