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Néphrologie & Thérapeutique 7 (2011) 566–581

Expertise Médicale Continue en néphrologie

Traitements immunosuppresseurs : mécanismes d’action et utilisation clinique§

Immunosuppressive treatments: Mechanisms of action and clinical use


Éric Thervet *, Julien Zuber, Rebecca Sberro, Guillaume Canaud, Dany Anglicheau,
Renaud Snanoudj, Marie-France Mamzer-Bruneel, Franck Martinez, Christophe Legendre
Service de transplantation rénale adulte, hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France

I N F O A R T I C L E R É S U M É

Mots clés : La transplantation rénale est le traitement de choix de l’insuffisance rénale chronique terminale. Elle
Transplantation rénale permet une amélioration de la qualité de vie et la quantité de vie des patients par rapport à la dialyse de
Immunosuppression suppléance. Ces résultats sont en partie liés à l’utilisation de traitements immunosuppresseurs plus
Inhibiteurs de la calcineurine efficaces et dont le maniement s’est amélioré au cours du temps. Les progrès de la connaissance des
Inhibiteurs de mTOR
mécanismes de l’activation lymphocytaire et des phénomènes de rejet a permis en effet de mieux définir
Inhibiteurs de l’IMPDH
Bloqueurs de la costimulation
l’utilisation de ces traitements et de leurs associations. Les traitements peuvent schématiquement être
classés selon leurs caractéristiques (traitement biologique ou chimique). Parmi les traitements
chimiques, les corticoı̈des restent très utilisés, même si la question de leur arrêt ou de leur non-
utilisation d’emblée est de plus en plus posée. Par ailleurs, la pierre angulaire des traitements
immunosuppresseurs reste les inhibiteurs de la calcineurine, caractérisés par un index thérapeutique
étroit et la nécessité d’un suivi pharmacologique. Les inhibiteurs de la mammalian target of rapamycin
(mTOR) présentent des caractéristiques antiprolifératives intéressantes pour lutter contre le phénomène
de dysfonction chronique du greffon ou pour diminuer le risque tumoral. Leur profil de tolérance rend
parfois leur maniement difficile. Les inhibiteurs de la synthèse des bases puriques font appel
principalement aux inhibiteurs de l’inosine monophosphate déshydrogénase. Leur efficacité en fait des
partenaires privilégiés des autres classes thérapeutiques. Parmi les traitements biologiques, il est
possible de séparer les anticorps déplétants ou non déplétants. Parmi les premiers, les globulines
antithymocytaires sont principalement actives sur les lymphocytes T, alors que le rituximab, un
anticorps monoclonal anti-CD20, est actif sur les lymphocytes B impliqués dans les phénomènes de rejet
à médiation humorale. Les anticorps non déplétants sont représentés par les anticorps anti-CD25, dirigés
contre le récepteur de l’interleukine-2. Dans un proche avenir, il est probable que le belatacept, bloqueur
du second signal, sera utilisé pour permettre une épargne des inhibiteurs de la calcineurine. D’autres
traitements immunosuppresseurs, agissant à des niveaux différents de la réponse immunitaire, sont en
cours d’évaluation. De plus, les progrès de la pharmacologie laissent espérer une meilleure
individualisation des traitements immunosuppresseurs et la meilleure définition des stratégies
thérapeutiques utilisées.
ß 2011 Association Société de néphrologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

A B S T R A C T

Keywords: Renal transplantation is the treatment of choice of end stage renal failure. It both improves the quality
Renal transplantation and the quantity of life compared to other techniques, such as hemodialysis. These results are partly
Immunosuppression related to the use of immunosuppressive therapy more effective and whose handling has improved over
Calcineurine inhibitors time. Advances in understanding the mechanisms of lymphocyte activation and the phenomena of
MTOR inhibitors
rejection have in fact better defined the use of these treatments and their associations. Treatments can be
IMPDH inhibitors
broadly classified according to their characteristics (biological or chemical). Among chemical
costimulation blockade
treatments, steroids are widely used, although the question of their avoidance or spearing is still a

§
Cet article est paru initialement dans EMC (Elsevier Masson SAS, Paris) Néphrologie, 18-065-F-10, 2009. Nous remercions la rédaction de EMC-Néphrologie pour son
aimable autorisation de reproduction.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : eric.thervet@nck.aphp.fr (É. Thervet).

1769-7255/$ – see front matter ß 2011 Association Société de néphrologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.nephro.2010.12.008
É. Thervet et al. / Néphrologie & Thérapeutique 7 (2011) 566–581 567

matter of debate. The cornerstone of immunosuppressive regimens remains the calcineurin inhibitors,
characterized by a narrow therapeutic index and the need for therapeutic drug monitoring. Inhibitors of
mammalian target of rapamycin (mTOR) have interesting antiproliferative effects that could be
important against chronic allograft dysfunction and/or carcinogenesis. However, their safety profile
makes them difficult to handle. Inhibitors of purine synthesis are largely based on inhibitors of inosine
monophosphate dehydrogenase (IMPDH). Their effectiveness makes them privileged partners of other
therapeutic classes. Among biological treatments, it is possible to separate the depleting and non
depleting antibodies. Among the former, antithymocyte globulins are mainly active in T cells, whereas
rituximab, a monoclonal anti-CD20, is active in B cells involved in the phenomena of humoral rejection.
The non depleting antibodies are represented by anti-CD25, directed against the receptor for
interleukin-2. In the near future it is likely that the belatacept, a costimulation blockade fusion protein
will be used to allow calcineurin inhibitors sparing. Other immunosuppressive agents, acting at
different levels of the immune response are being evaluated. In addition, advances in pharmacology
offered hope of a better individualization of immunosuppressive therapies and better definition of
therapeutic strategies used.
ß 2011 Association Société de néphrologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction CD154 engage son ligand CD40 sur la cellule présentatrice


d’antigène qu’elle active, induisant ainsi une augmentation de
La transplantation rénale adulte est le traitement de choix de l’expression des molécules CD80 et CD86 [6].
l’insuffisance rénale chronique au stade terminal. Elle améliore la Celles-ci permettent de délivrer le deuxième signal par
qualité de vie des patients, mais aussi leur espérance de vie [1]. Les l’engagement de la molécule de cosignal CD28 sur le lymphocyte.
progrès considérables réalisés au cours des 20 dernières années Ce cosignal renforce le signal transmis par le TCR, en activant AP-
sont dus à l’effet combiné d’une diminution très significative de 1 qui, complexé à NFAT, transactive les gènes IL-2 et IL-2R. Son
l’incidence des rejets aigus, témoin de l’efficacité de l’immuno- absence ne permet pas au lymphocyte de s’activer totalement et
suppression, et d’une meilleure prévention des complications celui-ci devient anergique.
infectieuses qui témoignent, elles, de la puissance de ces Le troisième signal est induit par la fixation de cytokines sur
traitements [2,3]. À l’heure actuelle, dans la plupart des équipes, leurs récepteurs, et en particulier l’IL-2. Ce troisième signal conduit
la survie des patients à un an excède 95 % et celle des greffons se à la prolifération cellulaire. En résumé, l’expression induite de
situe entre 90 et 95 %, en fonction de la typologie des patients CD25 (IL2Ra), permet la formation du récepteur de haute affinité
(rapport de l’Agence de biomédecine). de l’IL-2, associant les chaı̂nes a, b et g. Ces récepteurs
Les enjeux actuels du traitement immunosuppresseur, induc- transmettent un troisième signal qui conduit à la prolifération
tion de tolérance mise à part, sont multiples. Le traitement cellulaire, à l’expression de gènes anti-apoptotiques et à la
immunosuppresseur doit être efficace, et donc puissant, à la production de cytokines et de chémokines. Trois voies principales
période initiale. Cette puissance permet une meilleure préven- de signalisation sont décrites en aval du récepteur de l’IL-2. Une
tion des rejets aigus et la prévention et/ou le traitement des voie MAP-kinase, une voie initiée par la Janus kinase 3 (JAK3),
rejets sévères, en particulier ceux dont les mécanismes sont en mettant en jeu les protéines STAT5, et une voie en aval de la
relation avec l’immunité humorale. À plus long terme, il est phosphoinositide-3-kinase (PI-3K), impliquant mTOR [7].
important de définir pour chaque patient une immunosuppres- La prolifération cellulaire, parfois assimilée à un quatrième
sion de maintenance, dont le rapport bénéfice/risque est le signal, requiert la synthèse de nucléotides purines et pyrimidines,
meilleur possible. Il convient alors de mieux individualiser le respectivement dépendantes des enzymes inosine monopho-
traitement pour contenir la part immunologique de la néphro- sphatase déshydrogénase (IMPDH), et dihydroorotate déshydro-
pathie d’allogreffe, mais aussi améliorer la tolérance et donc génase (DHODH).
l’observance de ces traitements [4]. Enfin, un certain nombre de récepteurs aux chémokines (CCR1,
CXCR3, CCR5) et molécules d’adressage, comme le récepteur
2. Réponse allo-immune sphingosine-1-phosphate (S-1-P), sont exprimées, permettant au
lymphocyte de quitter l’organe lymphoı̈de secondaire où il a été
Les détails de la réponse allo-immune sont présentés dans un activé pour rejoindre le tissu cible [8].
chapitre spécifique de ce traité. Il convient cependant d’en rappeler
quelques notions puisque ces mécanismes vont expliquer l’action 3. Traitements immunosuppresseurs chimiques
des traitements immunosuppresseurs utilisés.
Succinctement, l’activation complète d’un lymphocyte T naı̈f 3.1. Corticoı̈des
requiert plusieurs signaux (Fig. 1) [5]. Le premier signal est
secondaire à la reconnaissance d’un déterminant antigénique, les 3.1.1. Mécanismes d’action
molécules HLA par exemple, par le récepteur de l’antigène du
lymphocyte T (TCR). Ce premier signal est transmis par la molécule Les glucocorticoı̈des, dont l’utilisation remonte aux années 1960,
CD3, couplée aux protéines tyrosine kinase lck et ZAP-70, qui le agissent comme agonistes des récepteurs des glucocorticoı̈des. Leurs
relaient par trois voies de signalisation. Il s’agit de celle des MAP mécanismes sont complexes et ont été résumés récemment dans un
kinases, de celle dépendante du couple calcium–calcineurine et article de synthèse [9]. À un dosage important, ils possèdent aussi des
enfin de celle impliquant la protéine kinase C thêta (PKCu), qui effets indépendants de la fixation au récepteur. Les effets médiés par
activent respectivement les facteurs de transcription comme le récepteur sont principalement des effets transcriptionnels, par
l’activator-protein 1 (AP-1), le nuclear activating factor (NFAT), et l’intermédiaire d’interaction avec les éléments de fixation à l’ADN et
le facteur nucléaire kB (NF-kB). Ces derniers conduisent à des interactions protéine–protéine du complexe « récepteur des
l’expression de CD154 (CD40 ligand), mais aussi de l’interkeukine stéroı̈des ». Cela entraı̂ne un effet sur des facteurs de transcription tels
2 (IL-2) et de la chaı̂ne alpha (CD25) de son récepteur. La molécule que AP-1 et NF-kB.
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Les corticoı̈des se fixent sur un récepteur intracellulaire 3.1.2. Utilisation clinique


spécifique. Le gène de ce récepteur est localisé sur le chromosome
5q31-32. Après fixation des glucocorticoı̈des sur son récepteur, il Les corticoı̈des peuvent être utilisés dans le traitement
se produit une dissociation de molécules chaperons, telles que des d’attaque après transplantation selon des modalités posologiques
protéines du choc thermique (heat-shock protein ou HSP) de ce variables selon les schémas d’immunosuppression. Il n’est pas
récepteur. Dans la cellule, les corticoı̈des agissent donc de trois possible de proposer un protocole standard d’utilisation de ceux-ci.
manières. Tout d’abord, le complexe glucocorticoı̈des–récepteur De plus, leur non-utilisation d’emblée (avoidance), ou leur arrêt à
est transloqué dans le noyau, où il se fixe sous la forme d’un distance de la transplantation reste une des grandes controverses
homodimère sur des séquences de l’ADN, appelées sur des dans le domaine de la transplantation. Un éditorial fait d’ailleurs
éléments récepteurs de glucocorticoı̈des (GRE). Le complexe état des tribulations de l’arrêt des stéroı̈des après transplantation
résultant recrute, soit des protéines coactivatrices, soit corépres- [10] ! Il semble raisonnable de proposer un arrêt des stéroı̈des et/
sives, qui modifient la structure de la chromatine, facilitant ou ou l’absence complet d’utilisation de ceux-ci dans des populations
inhibant ainsi l’assemblage de la machinerie cellulaire de base et à faible risque de rejet en encadrant cette manœuvre par des
l’initiation de la transcription par la RNA polymérase II. Deuxi- techniques (biopsie de dépistage et/ou test immunologiques)
èmement, la régulation d’autres gènes répondeurs aux glucocort- susceptibles de dépister précocement une complication.
icoı̈des implique l’interaction entre le complexe du récepteur Les corticoı̈des sont également utilisés pour le traitement
cortisol–glucocorticoı̈des et d’autres facteurs de transcription curatif des épisodes de rejet aigu prouvé. Dans ce cas, les protocoles
comme le facteur NF-kB. Les effets immunosuppresseurs des associent le plus souvent de fortes doses par voie intraveineuse
corticoı̈des sont alors liés à la diminution de l’expression de pendant quelques jours, suivies d’une augmentation transitoire de
cytokines (IL-1, IL-6 et IL-2 et interféron-g [INF-g]). Cette action est la posologie orale des corticoı̈des.
en particulier secondaire à l’induction de la synthèse d’une
protéine, appelée I–kB. Cette protéine inhibe la translocation 3.2. Inhibiteurs de la calcineurine : ciclosporine et tacrolimus
nucléaire de NF-kB. Le troisième mécanisme est une signalisation
des glucocorticoı̈des par l’intermédiaire de récepteurs associés à la Les inhibiteurs de la calcineurine bloquent la transduction
membrane et de deuxième messager (voies non génomiques).
[()TD$FIG] intranucléaire du premier signal. Ils restent la pierre angulaire des

Fig. 1. Représentation des différentes étapes de l’activation lymphocytaire T. Le premier signal est issu de la reconnaissance de son ligand par le récepteur des lymphocytes
T (TCR), qui active les facteurs de transcription pro-inflammatoires NF-kB, NFAT et AP-1 par différentes voies de signalisation. Le second signal est délivré par l’engagement
des molécules de cosignal (CD28, inducible costimulator-ligand [ICOS-L], CD40L), qui renforcent le premier signal. Enfin, le troisième signal naı̂t de la fixation de l’IL-2 sur son
récepteur de haute affinité. Celui-ci délivre un message permettant la prolifération, la sécrétion de cytokines et de chémokines, ainsi que des signaux protégeant de la mort par
apoptose. La prolifération cellulaire est dépendante de la synthèse de bases puriques et pyrimidiques. L’expression du récepteur S-1-P permet au lymphocyte de s’extraire du
ganglion drainant pour atteindre les tissus cibles sous l’effet des chémokines pro-inflammatoires, dont il exprime les récepteurs (CCR1, CCR5, CXCR3). CMH : complexe majeur
d’histocompatibilité ; IDO : indoléamine 2,3-dioxygénase ; ZAP-70 : protéine tyrosine kinase ; PLC : phospholipase C ; CTLA-4 : cytotoxic T lymphocyte antigen-4 ; DAG :
diacylglycérol ; PKC : protéine kinase C ; PI-3K : phospho-inositol-3 kinase ; Akt : protéine kinase ; STAT : signal transducer and activator of transcription ; mTOR : mammalian
target of rapamycine ; G1-S-G2-M : phases du cycle cellulaire ; JAK3 : Janus kinase 3.
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traitements immunosuppresseurs utilisés actuellement. La ciclo- protéines sont des enzymes, ou rotamases, impliquées dans
sporine, isolée à partir de Tolypocladium inflatum Gams et dont l’assemblage des protéines (cette propriété n’est pas impliquée
Borel mit en évidence les propriétés immunosuppressives en 1976, directement dans le mécanisme d’action). Les complexes ainsi
est utilisée depuis le début des années 1980 en transplantation. Le formés se lient à la calcineurine et bloquent son action par
tacrolimus est un antibiotique de la famille des macrolides. Malgré phénomène allostérique. En bloquant le translocation de NFAT
une structure différente, il a un mode d’action similaire à celui de la dans le noyau, les inhibiteurs de la calcineurine inhibent la
ciclosporine. synthèse d’IL-2 et de produits d’activation précoce (c-myc, l’IL-3,
l’IL-4, le GM-CSF, le TNF-a et INF-g).
3.2.1. Mécanismes d’action
3.2.2. Ciclosporine
La stimulation des lymphocytes T, consécutive à la présentation
d’un antigène par les molécules du complexe majeur d’histocom-
patibilité, entraı̂ne une cascade de réactions intracytoplasmiques 3.2.2.1. Utilisation clinique. L’efficacité de la ciclosporine a été
qui aboutissent à l’augmentation intracellulaire de calcium. Ceci démontrée dans des études datant du début des années 1980.
induit l’activation, par la calmoduline, d’une protéine intracellu- L’utilisation de celle-ci a permis une amélioration de la survie des
laire, la calcineurine. Cette sérine/thréonine phosphatase a pour greffons en comparaison avec les traitements de l’époque, c’est-à-
substrat le composant cytoplasmique du facteur de transcription dire les corticoı̈des et l’azathioprine, et l’essor moderne de la
NFAT. La déphosphorylation de celui-ci facilite sa translocation transplantation d’organe [12,13]. La ciclosporine est en revanche
nucléaire, où il va induire la synthèse de cytokines, en particulier associée à de nombreux effets indésirables. Il existe des complica-
d’IL-2, responsable du signal de prolifération lymphocytaire. La tions en relation avec son effet immunosuppresseur (risque
ciclosporine et le tacrolimus sont classés comme inhibiteurs de la infectieux et carcinologique). La ciclosporine est aussi associée à
calcineurine (Fig. 2) [11]. Leur action passe par leur fixation sur des complications spécifiques. Il s’agit, en premier lieu, d’une
leurs cibles protéiques spécifiques de la famille des immunophi- néphrotoxicité aiguë et chronique [12,14]. La néphrotoxicité aiguë,
fonctionnelle et réversible, est liée à des effets hémodynamiques. La
[()TD$FIG]
lines, respectivement la cyclophiline et la FK binding protein 12. Ces
néphrotoxicité chronique est caractérisée par une fibrose tubulo-
interstitielle en bande (Fig. 3) et une artériolopathie de l’artériole
afférente du glomérule [15]. Par ailleurs, une hypertension artérielle
est présente chez 50 à 60 % des patients traités par ciclosporine. La
pathogénie de cette hypertension artérielle est multifactorielle,
même si le rôle du système rénine–angiotensine (SRA), de l’endothé-
line et de l’oxyde nitrique semble prédominant [16–18]. Enfin, la
ciclosporine induit un profil lipidique athérogène en augmentant la
concentration plasmatique du cholestérol, de sa fraction LDL et la
péroxydation des lipides [19]. D’autres effets indésirables ont
également été décrits. Parmi ceux-ci, les inconvénients cosmétiques,
tels que l’hirsutisme et l’hypertrophie gingivale, ne sont pas à
négliger pour améliorer l’observance des patients.

3.2.2.2. Pharmacologie. Un grand nombre des effets indésirables


décrits au chapitre précédent sont en relation avec des concentra-
tions excessives de ciclosporine dans le sang. En effet, la
ciclosporine est caractérisée par un index thérapeutique étroit,
une grande variabilité intra- et interindividuelle, l’absence de
marqueur pharmacodynamique simple et une bonne corrélation
[()TD$FIG]

Fig. 2. Les voies de signalisation en aval du récepteur des lymphocytes T (TCR)


constituent des cibles privilégiées pour les drogues immunosuppressives.
Celles-ci visent l’antagonisme des facteurs de transcription NFAT, AP-1 et NF-kB, de
façon tissu spécifique, par le blocage des voies de signalisation propres au
lymphocyte. La ciclosporine et le tacrolimus, toutes deux des prodrogues
complexées à des immunophilines, inhibent la calcineurine, senseur biologique
de l’afflux de calcium dans la cellule après l’engagement du TCR. Les stéroı̈des ont
un effet plus ubiquitaire, agissant directement sur les facteurs de transcription AP-
1 et NF-kB. Enfin, la molécule CD3, complexée au TCR, peut également être la cible
d’anticorps, deplétants ou non. ZAP-70 : protéine tyrosine kinase ; PLC : Fig. 3. Fibrose en bandes en relation avec une néphrotoxicité chronique des
phospholipase C ; DAG : diacylglycérol ; PKC : protéine kinase C ; FK506 : inhibiteurs de la calcineurine (trichrome de Masson, cliché Laure-Hélène Noël,
tacrolimus ; NFAT : nuclear activating factor. service d’anatomopathologie, hôpital Necker, Paris).
[()TD$FIG]
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Fig. 4. Corrélation entre les points uniques de concentration mesurée à différents délais après la prise et l’aire sous la courbe entre 0 h et 4 h. Le point unique présentant la
meilleure corrélation est le point 2 h après la transplantation (C2) (d’après [22,23]).

entre la concentration sanguine et l’effet observé. Toutes ces cette AUC courte rend cette approche plus facile, elle ne permet pas
caractéristiques rendent ce traitement éligible pour un suivi non plus un suivi en pratique courante régulière. L’étape ultérieure
thérapeutique pharmacologique. Dans le cas de la ciclosporine, a donc consisté à déterminer le point unique le mieux corrélé à
pendant longtemps le suivi thérapeutique pharmacologique a cette AUC0-4. Il est apparu que le prélèvement unique le mieux
reposé sur la mesure de la concentration résiduelle (c’est-à-dire corrélé était la concentration mesurée 2 heures après la prise
immédiatement avant la prise du matin), appelée également C0. (Fig. 4) [24]. De plus, la C2 correspond à la période d’inhibition
Plus récemment, la pratique de la concentration mesurée deux maximale de la calcineurine et de sécrétion d’IL-2 [22]. Enfin, une
heures après la prise (C2), ou même la pratique de mesure d’aire étude a précisé l’effet bénéfique du suivi thérapeutique par la
sous la courbe (area under curve [AUC]) ont pu être proposées pour C2 sur la prévention des effets toxiques chez des patients
améliorer l’individualisation du traitement. transplantés rénaux à long terme : chez les patients ayant une
Le suivi thérapeutique de la ciclosporine par la C0 reste la C2 supérieure de plus de 10 % à la concentration cible (800 ng/mL),
méthode la plus utilisée pour l’adaptation de sa dose. Le suivi par la une réduction des doses de ciclosporine a permis une réduction des
C0 est facile à expliquer aux patients et au personnel soignant [20]. signes de toxicité rattachés à la ciclosporine chez 75 % des patients,
De plus, en utilisant la C0, les écarts de temps entre la prise sans survenue d’épisodes de rejet aigu (Cole E., communication
médicamenteuse et le prélèvement sont moins stricts que lorsque personnelle). Le principal inconvénient du suivi thérapeutique par
l’on s’intéresse à la partie initiale de la courbe concentration/temps la C2 est la précision du temps de prélèvement par rapport au
(cf. infra). De ce fait, la plus grande partie des études réalisées temps de prélèvement théorique. L’écart de prélèvement ne doit
jusqu’en 2003 pour évaluer le risque de rejet aigu après pas excéder dix minutes avant ou après la C2. Ceci implique que le
transplantation rénale ont utilisé une adaptation posologique de patient et le personnel paramédical respectent précisément les
la ciclosporine reposant sur une détermination de la C0, y compris temps de prise du médicament et celui du prélèvement.
lorsqu’il s’agissait de la forme de microémulsion. Toutefois, les Des conférences de consensus ont été organisées pour tenter de
valeurs cibles de la C0 ont souvent été définies de façon arbitraire préciser les avantages, les cibles et les limites de l’utilisation de la
ou approximative et il existe une grande variation de concentra- C2. Le groupe Consensus on Neoral C2 : Expert Review in
tions cibles selon les centres de transplantation rénale. Les valeurs Transplantation (CONCERT) a publié la première conférence de
cibles de la C0 décrites dans la littérature dépendent aussi du délai consensus portant sur l’utilisation de la C2 [22]. L’analyse des
après transplantation (première année ou à distance de la greffe) et données cliniques a montré qu’il existe une association entre les
du traitement immunosuppresseur associé (monothérapie, asso- valeurs de la C2 et le risque de survenue d’un épisode de rejet après
ciation avec le mycophénolate mofétil, l’azathioprine ou le transplantation d’organe. Ce lien persiste quels que soient les
sirolimus, utilisation d’une induction biologique, etc.). Les recom- traitements initiaux (en particulier induction biologique) utilisés
mandations sont à prendre avec précaution car aucune étude après la transplantation. De plus, l’obtention de concentrations
prospective comparant deux concentrations cibles de la C0 sur adéquates dès cinq jours après transplantation est importante pour
l’incidence du rejet aigu n’est disponible. obtenir la plus faible incidence de rejet. L’utilisation de la C2 est
Même si la C0 reste la méthode la plus utilisée, le meilleur également intéressante car elle permet d’individualiser une
marqueur de l’exposition à un médicament est la mesure de l’AUC population particulière présentant des C2 faibles malgré des
entre 0 heure et 12 heures. Cependant, la détermination de cette posologies quotidiennes élevées. Dans ce cas, la réalisation d’un
AUC ne peut être effectuée de façon répétitive pour les patients. dosage plus tardif, par exemple 6 heures après la prise (C6), ou une
Une première approche pour faciliter son utilisation est de AUC complète, permettent de différencier les véritables mauvais
proposer une estimation de l’AUC par des techniques de absorbeurs, qui ont une C6 basse, des patients présentant un retard
prélèvements limités ou une approximation bayésienne. Dans le à l’absorption (C6 > C2), comme en présence d’une gastroparésie
cas de la ciclosporine, une étude a montré que l’AUC mesurée diabétique. En période plus tardive suivant la transplantation,
précocement en période post-greffe est significativement associée l’utilisation de la C2 pourrait améliorer la fonction rénale des
au rejet aigu. Cette relation existe pour l’AUC entre 0 heure et patients et d’autres complications comme l’hypertrophie gingivale
12 heures et celle entre 0 heure et 4 heures (AUC0-4) [21]. Même si ou l’hirsutisme. Une nouvelle conférence a donné lieu à la
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Tableau 1
Recommandations pour les concentrations de C2 cibles après transplantation rénale [23].

Équipes Régime immunosuppresseur C2 cibles (ng/mL)

Anvers (Belgique) CsA, MPA, stéroı̈des  antiCD25 M1 : 1300–1500


M2–M3 : 900–1300
M4–M6 : 750–950
> M6 : 700
Oslo (Norvège) CsA, MPA, stéroı̈des M1 : 1500–2000
M2 : 1400–1600
M3 : 1000–1200
Berlin (Allemagne) CsA, MPA, stéroı̈des M1 : 1400–1600
M2–M6 : 800–1100
> M6 : 450–700
CsA, MPA, stéroı̈des, antiCD25 M1 : 1 000–1100
M2–M6 : 700–900
> M6 : 450–700
CsA, inhibiteurs de mTOR, stéroı̈des M1 : 500–700
M2–M6 : 400–600
M7–M12 : 300–500
> M12 : 200–400
Newcastle (Angleterre) CsA, azathioprine, stéroı̈des, antiCD25 M1–M3 : 1000–1500
M4–M6 : 800–1200
> M6 : 600–1000
Paris Necker (France) CsA, MPA, stéroı̈des, antiCD25 M1–M3 : 1000–1200
M4–M6 : 800–1000
> M6 : 600–800

CsA : ciclosporine microémulsion ; MPA : inhibiteur de l’inosine monophosphatase déshydrogénase (IMPDH) ; AntiCD25 : anticorps monoclonal antirécepteur de
l’interleukine 2 ; mTOR : mammalian target of rapamycine ; Mn : délai (n mois) après transplantation.

définition de valeurs cibles selon le type d’organe et la période ciclosporine sous sa forme « classique » en termes d’incidence de
après la transplantation (Tableau 1) [23]. Cette conférence a aussi rejet [27]. Cependant, l’utilisation de la forme non-microémulsion
mis en avant quelques limitations de cette stratégie en indiquant et d’autres biais laissent planer un doute sur la démonstration
que d’autres outils (comme des AUC courtes) sont parfois utiles. rigoureuse de cette supériorité.
D’autres critiques ont été avancées plus récemment. Knight et Une étude récente, non exempte de critique méthodologique,
Morris ont conduit une revue systématique des études portant sur vient d’être publiée. Portant sur plus de 1500 patients, elle montre
le bénéfice clinique d’un suivi par la C2 [25]. Les auteurs ont une meilleure efficacité du tacrolimus comparé à la ciclosporine.
identifié 29 études, dont dix avaient une méthodologie adéquate Cette étude a montré que des C0 de tacrolimus cibles comprises
(contrôlée et randomisée). À la période initiale après la trans- entre 3 ng/mL et 7 ng/mL étaient associés aux meilleurs résultats
plantation, l’utilisation de la C2 par rapport à la C0 est associée à [28]. Dans cette étude, les patients recevant du tacrolimus
une augmentation de 50 % en moyenne de la dose de ciclosporine présentaient une meilleure fonction rénale, une moindre incidence
utilisée. Elle n’était pas associée à une diminution significative de de rejet aigu et une meilleure survie à un an du greffon rénal en
l’incidence de rejet aigu, mais ne s’accompagnait pas non plus comparaison avec les groupes traités avec de fortes ou de faibles
d’une dégradation significative de la fonction rénale. Les résultats doses de ciclosporine ou avec du sirolimus combinés aux autres
chez les patients en situation stable sont encore plus rares. Une traitements (mycophénolate mofétil et stéroı̈des). D’autres études
seule étude portant sur 70 patients a été réalisée pour comparer ne retrouvent pas une telle différence [29].
après trois mois un suivi par la C2 et un suivi par la C0 [26]. Les En ce qui concerne les effets indésirables, la néphrotoxicité et
incidences de rejet aigu et de néphrotoxicité étaient identiques l’HTA sont des complications communes aux deux inhibiteurs de la
dans les deux groupes. En revanche, l’utilisation de la C2 était calcineurine. En revanche, si le profil lipidique est meilleur en cas
associée à une diminution d’environ 20 % de la posologie d’utilisation du tacrolimus, ce dernier est associé à une augmenta-
quotidienne de ciclosporine, sans augmentation de l’incidence tion du risque de troubles de la glycorégulation. Une étude
de rejet aigu, et à une diminution de la posologie des traitements randomisée a récemment rapporté l’incidence de ces troubles [29].
antihypertenseurs. En conclusion, il existe des arguments théori- Cette étude a comparé de façon prospective l’incidence de troubles
ques pour la supériorité du suivi par la C2, mais il n’existe pas de de la glycorégulation observés chez des patients transplantés
preuve probante de sa supériorité en clinique. recevant, soit un traitement par ciclosporine, soit un traitement par
Ceci ouvre la porte à un suivi différent, en particulier à distance tacrolimus. Après six mois, l’incidence de diabète survenant après
de la transplantation. Il peut s’agir d’AUC abrégées, utilisant des transplantation ou d’anomalie de la glycémie à jeun a été de 26 %
outils bayésiens. Cette approche a été utilisée par l’équipe de dans le groupe traité par ciclosporine, contre 33,6 % dans le groupe
néphrologie de Rouen. Une adaptation fondée sur des cibles basses traité par tacrolimus (p = 0,046).
d’AUC abrégée dans le long terme permet une amélioration De plus, l’utilisation du tacrolimus est associée à la survenue
significative de la fonction rénale sans augmentation du risque de d’une alopécie réversible, en particulier chez les patients
rejet aigu (Étienne I, communication personnelle). diabétiques et les femmes [30].
Le tacrolimus pourrait aussi être associé à une augmentation du
3.2.3. Tacrolimus risque de survenue d’une néphropathie à virus BK pouvant
conduire à la perte du greffon [31].

3.2.3.1. Utilisation clinique. Si les mécanismes d’action sont 3.2.3.2. Pharmacologie. Le tacrolimus est aussi un traitement à
communs entre les deux inhibiteurs de la calcineurine, leur valeur index thérapeutique étroit et ses caractéristiques en font un bon
respective en termes d’efficacité reste un sujet de controverse. Les candidat à un suivi thérapeutique pharmacologique. Les concen-
études initiales ont montré une supériorité du tacrolimus sur la trations cibles sont, comme pour la ciclosporine, mal précisées. Le
572 É. Thervet et al. / Néphrologie & Thérapeutique 7 (2011) 566–581

Tableau 2
Recommandations pour les concentrations cibles (C0) de tacrolimus en ng/ml après transplantation (P. Wallemacq, communication personnelle).

Délai (mois) Sans induction AntiCDC25 Anticorps polyclonaux/HRI MMF/minimisation des stéroı̈des Inhibiteurs de mTOR

Trithérapie

0–3 10–15 3–7 5–10/10–15 10–15 3–7


3–12 5–15 3–7 5–10/10–15 8–12 3–7
> 12 5–10 3–7 5–10/8–12 5–10 3–7

AntiCD25 : anticorps monoclonal antirécepteur de l’interleukine-2 ; HRI : haut risque immunologique ; MMF : mycophénolate mofétil ; mTOR : mammalian target of
rapamycine.

suivi thérapeutique du tacrolimus est fondé principalement sur la (allèle *1) et de 0,15 mg/kg/j pour les patients ne l’exprimant pas
concentration résiduelle (C0). Même si certains travaux sont (*3/*3). Il faut à présent démontrer l’intérêt clinique d’une adaptation
contradictoires, il semble qu’il existe une corrélation entre la C0 et pharmacogénétique de ce traitement.
la survenue d’effets secondaires pour des concentrations élevées et
le risque de rejet cellulaire pour des concentrations faibles. De plus, 3.3. Inhibiteurs de mTOR : sirolimus et évérolimus
la corrélation entre la C0 et l’AUC semble satisfaisante. Une étude
prospective a montré que le suivi de transplantés rénaux traités 3.3.1. Mécanismes d’action
par tacrolimus par la C2 n’augmentait pas de façon significative
l’efficacité du suivi thérapeutique [32]. En revanche, il a été montré Les inhibiteurs de la mTOR, le sirolimus et l’évérolimus,
que le suivi thérapeutique fondé sur l’AUC diminue le risque de bloquent une voie de signalisation, en aval des récepteurs à
surexposition à ce médicament. Les auteurs ont défini une AUC l’IL-2 et l’IL-15 [7]. Pour être actif, ils doivent se lier, comme le
cible entre 175 et 250 ng.h/mL au cours des six premières semaines tacrolimus, à la protéine FKBP12 mais n’ont aucun effet sur la
post-transplantation, puis une AUC cible autour de 125 ng.h/mL phosphatase calcineurine.
[33]. À nouveau, l’inconvénient majeur de cette approche est la Le sirolimus est un macrolide dont la structure est très proche
nécessité de nombreux prélèvements sanguins. de celle du tacrolimus, mais dont le mécanisme d’action est
Une conférence de consensus, non encore publiée, a fait un complètement différent [39]. En se fixant sur le FKBP12, il inhibe la
point sur les connaissances actuelles portant sur le tacrolimus et a prolifération cellulaire induite par les cytokines telles que l’IL-2,
proposé des cibles thérapeutiques (Tableau 2) (Wallemacq P., l’IL-3, l’IL-4 et l’IL-6 par une voie indépendante du calcium. Il
communication personnelle). bloque le cycle cellulaire en phase G1. Le complexe sirolimus-FKBP
Un autre aspect, tout à fait original, de la prise en charge de se lie à la protéine mTOR. Cette protéine a une activité
patients traités par tacrolimus est l’apport de la pharmacogénétique. d’autophosphorylation sur les résidus sérines. Elle contrôle
Il a en effet été montré que le polymorphisme du gène du cytochrome l’activité d’une protéine kinase, la p70S6k et la phosphorylation
P450 3A5 (CYP3A5) est associé avec la pharmacocinétique du d’une protéine qui inhibe le début de la traduction, la 4E-BP1. Le
médicament et pourrait se révéler être un outil intéressant pour blocage de la p70S6kinase, qui phosphoryle la protéine ribosomale
permettre une individualisation prédictive des posologies initiales à S6 impliquée dans l’activation de l’étape d’initiation, est respon-
utiliser après transplantation et obtenir ainsi des concentrations sable de l’inhibition de la traduction des ARNm comprenant un
cibles plus précocement et de façon plus reproductible. La principale domaine riche en polypyrimidine à leur extrémité 5’(5’-TOP). Ces
enzyme impliquée dans le métabolisme du tacrolimus est la sous- ARN messagers constituent une petite famille de transcrits
famille 3A du cytochrome P450 [34]. Les activités CYP3A chez présents en grande quantité dans la cellule, qui codent pour des
l’homme reflètent l’expression hétérogène d’au moins deux iso- [()TD$FIG]
formes de cette sous-famillle, les CYP3A4 et CYP3A5, dont les gènes
sont situés de façon adjacente sur le chromosome 7q21. Il est admis
que le CYP3A5 est le plus important pour le métabolisme du
tacrolimus. Seuls les individus avec au moins un allèle CYP3A5*1 (A à
la position 6986) produisent des hauts niveaux d’acide ribonucléique
messager (ARNm) et expriment la protéine CYP3A5, qui représente
alors au moins 50 % du contenu total en CYP3A [35]. Les porteurs de
l’allèle CYP3A5*3 (G en position 6986) ont une variabilité de
séquence dans l’intron 3 qui crée un site d’épissage et codent pour un
ARNm tronqué avec un codon stop prématuré. Il a été montré qu’il
existe une association entre les besoins en tacrolimus et ce
polymorphisme (Fig. 5) [36]. Les patients avec un génotype
CYP3A5*1/*1 ont un haut niveau de métabolisme intestinal et
hépatique et la dose quotidienne nécessaire pour obtenir des C0 de
tacrolimus adéquats est plus élevée. La présence d’un allèle *1 est
associée à la survenue plus précoce des épisodes de rejet après
transplantation, en raison de concentrations inadéquates dans le
contexte d’un traitement initial sans induction biologique [37]. La
plus grande fréquence de cet allèle dans la population noire pourrait
expliquer en partie les moins bons résultats observés après
transplantation rénale dans cette population. En utilisant le
Fig. 5. Influence du génotype du cytochrome P450 3A5 (CYP3A5) sur les paramètres
génotypage de patients inscrits sur la liste d’attente pour lesquels
pharmacocinétiques de patients transplantés un mois (M1) après l’introduction du
une pharmacocinétique complète de tacrolimus était réalisée, des tacrolimus. La dose quotidienne de tacrolimus nécessaire pour atteindre les
posologies initiales adaptées au génotype ont été déterminées [38]. concentrations cibles est significativement plus élevée chez les patients porteurs
Elles seraient de 0,30 mg/kg/j pour les patients exprimant le CYP3A5 d’un allèle *1, c’est-à-dire exprimant l’enzyme CYP3A5 (d’après [36]).
É. Thervet et al. / Néphrologie & Thérapeutique 7 (2011) 566–581 573

protéines ribosomales et des composants de l’appareil traduc- des purines et la perturbation de l’interconversion de ces bases
tionnel. La protéine 4E-BP1 sous sa forme phosphorylée se dissocie bloquant la synthèse d’ADN et le passage en phase S. Ce sont les
de eIF4E, qui peut alors se lier à la coiffe et mettre en route la différents métabolites de l’azathioprine, surtout l’acide thioinosi-
traduction des ARNm. Le sirolimus inhibe l’induction de la nique et les nucléotides dérivés de la 6-thioguanine qui sont actifs.
phosphorylation de 4E-BP1 par les facteurs de croissance et L’acide thioinosinique inhibe par un pseudofeedback la phospho-
augmente ainsi la fraction eIF4E séquestrée, inactive dans la ribosyl-pyrophosphate amidotransférase (PRPP) et d’autres
cellule. Le blocage de ces réponses par le sirolimus va bloquer en enzymes de l’interconversion des base puriques. La 6-thioguanine
aval la progression du cycle cellulaire de la phase G1 à la phase S. et d’autres dérivés sont des pseudonucléotides intégrés à l’ADN.
Cytotoxiques, ils entraı̂nent des cassures chromosomiques ainsi
3.3.2. Utilisation clinique que des anomalies des acides nucléiques.

Même si ce sujet reste matière à controverse, le profil 3.4.1.2. Utilisation clinique. L’azathioprine est utilisé comme trai-
d’efficacité et de tolérance des deux inhibiteurs de mTOR, le tement adjuvant pour la prévention des rejets aigus. À la dose de
sirolimus et l’évérolimus, sont globalement comparables. 2 mg/kg/j à 3 mg/kg/j, il est administré en une prise quotidienne.
Les premières études portant sur le sirolimus ont été réalisées en Son intérêt clinique est difficile à préciser. Une méta-analyse n’a
utilisant cette molécule en association avec les inhibiteurs de la pas mis en évidence d’amélioration des pertes de greffon et de
calcineurine [40,41]. Si l’efficacité pour la prévention des épisodes de l’incidence de rejet aigu en cas d’utilisation d’azathioprine [51].
rejet aigu est bonne et si le sirolimus, seul, ne semble pas être associé Cependant, le suivi des données du registre de transplantation
à une néphrotoxicité propre, ces études ont montré que l’association rénale laisse supposer une efficacité à long terme d’un traitement
des deux classes thérapeutiques était responsable d’une potentia- double par azathioprine et ciclosporine. De plus, une étude laisse
lisation de la néphrotoxicité des inhibiteurs de la calcineurine. planer un doute sur la supériorité du mycophénolate mofétil,
L’intérêt s’est alors porté sur l’utilisation de cette classe thérapeu- pourtant très utilisé à présent en transplantation rénale [52].
tique selon d’autres modalités, comportant soit une introduction La toxicité de l’azathioprine est hépatique et médullaire.
immédiate sans inhibiteur de la calcineurine, soit une minimisation L’azathioprine est responsable d’hépatites cholestatiques réversi-
des doses d’inhibiteurs de la calcineurine, soit une introduction bles, de pélioses, de maladies veino-occlusives ou d’hyperplasie
secondaire plus ou moins précoce de l’inhibiteur de mTOR avec arrêt nodulaire régénérative. Le rôle favorisant d’une co-infection virale B
de l’inhibiteur de la calcineurine [39]. Cette approche est d’ailleurs ou C est probable [53]. La myélotoxicité porte surtout sur la lignée
celle retenue par l’autorisation de mise sur le marché européenne granuleuse, mais est aussi responsable d’anémies normocytaire ou
[42]. La première approche consiste donc en une introduction macrocytaire et de thrombopénies. Une diminution des globules
immédiate. Cette manœuvre est discutée car, même si elle a donné blancs nécessite la diminution, voire l’arrêt du traitement. Plus
des résultats satisfaisants dans certaines études en association avec rarement, il existe des aplasies médullaires favorisées par l’associa-
un traitement biologique d’induction par anticorps monoclonaux tion à l’allopurinol [54,55] ou la présence d’une activité basse d’une
anti-IL2R [43] ou anticorps polyclonaux [44], d’autres études ont été enzyme du métabolisme, la thiopurine méthyltransférase (TPMT),
arrêtées prématurément. Une autre approche consiste en une chez 0,3 % de la population [56]. La mesure de l’activité de la TPMT
introduction secondaire (par exemple après 3 mois), qui permet une peut servir au suivi pharmacodynamique de l’azathioprine [57,58].
stabilité dans le long terme de la fonction du greffon et des lésions Enfin, le rôle à long terme des cassures chromosomiques sur le
histologiques [42]. De plus, une analyse montre que l’incidence des potentiel cancérigène de l’azathioprine reste discuté [59].
tumeurs est plus faible chez les patients traités par sirolimus que par
anticalcineurines [45]. Il est d’ailleurs de plus en plus admis que 3.4.1.3. Pharmacologie. L’efficacité thérapeutique et la toxicité de
l’intérêt des inhibiteurs de mTOR pourrait reposer sur leurs effets l’azathioprine sont secondaires aux caractéristiques des différentes
antiprolifératifs, bénéfiques à long terme sur la néphropathie étapes de son métabolisme. L’azathioprine suit probablement un
d’allogreffe et les proliférations tumorales. Une étude sur l’intro- métabolisme essentiellement hépatique. Sa transformation en
duction secondaire du sirolimus a montré qu’elle pouvait ralentir 6-mercaptopurine (6-MP) et en un dérivé nitro-imidazolé inclut
l’évolution de la néphropathie d’allogreffe. une part enzymatique, catalysée probablement par les glutathion-
Une des particularités des inhibiteurs de mTOR est leur profil de S-tranférases.
tolérance. Introduits à la période initiale après la transplantation, ils La 6-MP comporte trois voies métaboliques principales.
ont été associés à une augmentation de la durée de la reprise L’hypoxanthine guanine phosphoribosyl transférase la transforme
retardée de fonction, possiblement en relation avec une diminution en acide thioinosinique. L’acide thioinosique est lui-même actif,
de la prolifération des cellules tubulaires rénales [46,47]. Ils ont aussi mais est aussi transformé en 6-thioguanine nucléotides (6-TGN).
été associés à des retards de cicatrisation et à une augmentation du Ces 6-TGN sont responsables de l’effet immunosuppresseur et de la
risque de lymphocèle [48]. D’autres complications peuvent être toxicité, proportionnelle à leurs concentrations. La TPMT trans-
observées. Il s’agit en particulier de complications hématologiques forme la 6-MP en 6-méthylmercaptopurine par méthylation de la
(thrombopénie, anémie), hépatiques, métaboliques (lipidiques), fonction thiol. La xanthine oxydase (XO) inactive enfin les
cutanéomuqueuses (acné, aphtes, etc.) ou de pneumopathies différents produits du métabolisme de la 6-MP. La 6-mercapto-
interstitielles sévères [49]. Les mécanismes de toutes ces complica- 8-hydroxypurine, les dérivés 6-méthylés et les 6-thioguanines
tions ne sont pas encore bien élucidés. En revanche, les inhibiteurs sont métabolisés par la XO en acide thiourique.
de mTOR, sirolimus et évérolimus, pourraient avoir une action Comme cela a déjà été précisé, la TPMT présente un
bénéfique contre le cytomégalovirus [50]. polymorphisme d’origine génétique, responsable d’épisodes
d’aplasie médullaire grave.
3.4. Inhibiteurs de la synthèse des bases puriques
3.4.2. Inhibiteurs de l’inosine monophosphate déshydrogénase
3.4.1. Azathioprine (IMPDH)

3.4.1.1. Mécanismes d’action. Le mécanisme d’action de 3.4.2.1. Mécanismes d’action. Le mycophénolate mofétil est une
l’azathioprine est complexe, par inhibition de la synthèse de novo prodrogue de l’acide mycophénolique (MPA), un inhibiteur de
574 É. Thervet et al. / Néphrologie & Thérapeutique 7 (2011) 566–581

l’IMPDH. Une revue récente a fait le point sur ses mécanismes reproductibles selon de nombreux facteurs, en particulier
d’action [60]. La recherche s’est développée à partir d’observations alimentaires. La seconde approche consiste à étudier l’AUC du
réalisées sur les mécanismes de déficiences génétiques d’enzymes MPA. Il existe différentes méthodes pour la calculer. La plus fiable
impliquées dans les voies du métabolisme des bases puriques. consiste à réaliser de multiples prélèvements sanguins pour
Certaines de ces déficiences ont des effets dramatiques sur les calculer ainsi une AUC complète. Cette méthode est inutilisable en
réponses immunitaires. En 1972, Giblett et al. ont montré que les pratique clinique, car elle représente trop de contraintes pour le
enfants ayant un déficit en adénosine désaminase (ADA) présentent patient et le personnel soignant. Une autre méthode consiste à
une immunodéficience combinée impliquant les lymphocytes T et B. réaliser une stratégie de prélèvements limités à deux ou trois
Peu de temps après, il a été montré que les enfants présentant un temps après la prise [69]. Des formules mathématiques permet-
déficit en hypoxanthine-guanine phosphoribosyl transferase tent de calculer l’AUC. L’utilisation d’algorithmes de régression
(HGPRTase) ont un système immunitaire normal, démontrant que linéaire a l’inconvénient majeur de nécessiter un strict respect des
la voie de sauvetage des purines, catalysée par l’HGPRT est heures de prélèvements. L’estimation bayésienne, méthode
importante pour le développement et les fonctions cérébrales mais mathématique et statistique, permet, à partir de trois prélève-
pas pour le système immunitaire, alors que c’est l’inverse pour l’ADA. ments sanguins, de calculer les AUC et présente l’avantage d’une
En partant de cette observation, la stratégie de développement d’un plus grande souplesse pour les heures de prélèvements [70]. Les
traitement immunosuppresseur a consisté à obtenir une copie estimateurs bayésiens permettent le calcul de l’AUC et l’adapta-
phénotypique d’une déficience en ADA. Il fallait inhiber une enzyme tion de posologie pour fixer la nouvelle dose en fonction de la cible
qui limite le niveau de synthèse des nucléotides guanidiques, c’est- thérapeutique.
à-dire l’IMPDH. L’acide mycophénolique est un produit de fermen- La question se pose de l’intérêt clinique du suivi thérapeutique
tation du Penicillium brevicompactum. Son action principale est pharmacologique du MPA. Une étude avec des concentrations
l’inhibition de l’isoforme de type II de l’IMPDH exprimé dans les contrôlées a conclu que les patients du groupe à faible exposition
lymphocytes T et B activés. Son action est donc liée au fait que les présentent une incidence élevée de rejet [71]. Pour les autres
lymphocytes sont tributaires de la voie de synthèse de novo des groupes, le taux de rejet était sensiblement identique, avec plus
bases guanidiques et que l’expression de l’IMPDH de type II est d’effets secondaires dans le groupe cible avec la valeur la plus
majeure dans les cellules du système immunitaire. Les monocytes haute. Les conférences de consensus recommandent l’utilisation
sont aussi affectés par le MPA. du suivi thérapeutique pharmacologique du MPA et proposent une
cible thérapeutique comprise entre 30 mg h/L et 60 mgh/L [66,69].
3.4.2.2. Utilisation clinique. La dose utilisée habituellement est de Plus récemment, deux études prospectives randomisées, explorant
2 g/j. Trois études multicentriques, contrôlées, randomisées en l’intérêt du suivi thérapeutique pharmacologique, ont apporté des
double aveugle, regroupant 1493 patients receveurs d’allogreffe résultats contradictoires. La première étude internationale, pas
rénale, ont testé l’efficacité du mycophénolate mofétil [61]. Celles- encore publiée, n’a pas montré d’amélioration de l’incidence de
ci ont toutes montré que l’utilisation du mycophénolate mofétil en rejet aigu ou des effets indésirables en cas de suivi thérapeutique
comparaison avec un placebo ou l’azathioprine permet de pharmacologique (Van Gelder T, communication personnelle).
diminuer de façon significative les épisodes de rejet aigu. Cette étude est entachée de nombreux biais méthodologiques,
En ce qui concerne les effets indésirables, outre ceux observés dont le plus important réside dans la non-réalisation des
habituellement avec les traitements immunosuppresseurs, le adaptations posologiques. La deuxième étude, française, a étudié
mycophénolate mofétil se caractérise principalement par des la valeur du suivi thérapeutique pharmacologique du MPA dans
troubles digestifs à type de douleurs et/ou de troubles du transit, une population homogène de patients recevant un traitement par
généralement réversibles à l’arrêt ou à la diminution des doses [62]. ciclosporine, avec une adaptation réalisée effectivement selon
De plus, une toxicité hématologique (leucopénie) est également l’AUC calculée par méthode bayésienne et des concentrations
fréquente. obtenues par chromatographie en phase liquide à haute perfor-
Le mycophénolate de sodium est une autre prodrogue de l’acide mance (HPLC) [72]. Dans ce contexte, le suivi thérapeutique
mycophénolique. Sa présentation galénique sous forme de pharmacologique réalisé à j7, j14, M3 et M6 pour obtenir une AUC
comprimés gastroprotégés à libération lente avait laissé espérer cible de 40 mgh/L, est associé à moins d’échec de traitement et de
une amélioration des effets indésirables digestifs. Les études rejet aigu, sans augmentation des événements indésirables. En
randomisées n’ont pas confirmé cette amélioration, même si des raison du caractère contradictoire des deux études cliniques citées,
cas d’amélioration en cas de conversion ont été rapportés [63–65]. le bénéfice d’un suivi thérapeutique pharmacologique systéma-
tique pour le MPA est discutable : il peut être proposé à la période
3.4.2.3. Pharmacologie. Le mycophénolate mofétil est le morpholi- initiale de la transplantation et en cas d’évolution clinique
noéthylester du MPA, qui est le principe actif. Il est rapidement inhabituelle.
hydrolysé dans le tube digestif supérieur, pour produire du MPA Toutes ces études ont été réalisées avec le mycophénolate
[66]. Le mycophénolate de sodium libère le MPA à un pH neutre dans mofétil. Pour le mycophénolate de sodium, en raison d’une
l’intestin grêle avec, de ce fait, une absorption plus lente [67]. Le MPA variabilité plus marquée des caractéristiques pharmacocinétiques
est métabolisé principalement dans le foie par les enzymes du en relation avec une absorption moins prévisible, il n’a pas été
système uridine disphosphate glucuronyltransférase (UGT). La possible pour l’instant de proposer une approche de l’AUC par des
comparaison du mycophénolate mofétil et du mycophénolate de algorithmes de régression linéaire ou des estimateurs bayésiens.
sodium montre que ce dernier présente une concentration
maximale (Cmax) retardée, en relation avec une absorption plus 3.4.3. Inhibiteurs de la synthèse des bases pyrimidiques : léflunomide
tardive [64], mais une augmentation du Cmax et de l’AUC normalisée
à la dose [68]. Un autre traitement utilisé pour le traitement de la polyarthrite
Dans tous les cas, le suivi thérapeutique pharmacologique ne rhumatoı̈de, le léflunomide, a pu être utilisé dans certains cas pour
peut être fait que par le dosage du MPA. Plusieurs approches ont la prévention des rejets aigus après transplantation rénale. Compte
été tentées pour réaliser le suivi thérapeutique pharmacologique tenu de l’absence d’indication précise, nous ne ferons qu’évoquer
du médicament. La première approche consiste à doser le C0 de les connaissances actuelles. Le léflunomide, un malononitrilamide,
MPA mais les résultats sont sujets à caution, puisque l’existence inhibe l’activité de l’enzyme dihydroorotate déshydrogénase
d’un deuxième pic plasmatique entraı̂ne des modifications non (DHOH), enzyme clé de la synthèse des bases pyrimidiques. En
É. Thervet et al. / Néphrologie & Thérapeutique 7 (2011) 566–581 575

plus de son action de prévention du rejet aigu, le léflunomide 4.2.2. Conséquences cliniques de l’immunisation
présenterait également une efficacité antivirale contre le cytomé-
galovirus ou le virus BK [73]. Une maladie sérique n’a été décrite qu’exceptionnellement
après utilisation d’anticorps monoclonal. La quantité et les
4. Traitements biologiques caractéristiques physicochimiques des immuns-complexes formés
ne sont vraisemblablement pas compatibles avec un dépôt massif
4.1. Introduction aux traitements biologiques dans les tissus et avec l’apparition d’une maladie sérique,
contrairement à ce qui peut être observé avec le sérum
L’utilisation thérapeutique d’anticorps monoclonaux est le antilymphocytaire. Peu d’événements cliniques graves en rapport
modèle absolu du traitement spécifique : à chaque pathologie sa avec cette immunisation ont été notés, à l’exception de quelques
cause ; à chaque cause son agent thérapeutique. Ce schéma idéal, cas exceptionnels d’anaphylaxie en relation avec une immunisa-
mais bien sûr extrêmement réducteur, a le mérite de relier chaque tion de type IgE [80]. La conséquence la plus gênante de
avancée dans la compréhension des mécanismes d’une pathologie l’immunisation est de neutraliser l’action thérapeutique ou de
à une action thérapeutique. La meilleure compréhension du rôle rendre inefficace un traitement ultérieur par le même anticorps
des lymphocytes T et des différentes sous-populations lympho- [81]. Certaines techniques (détection des anticorps bloquants par
cytaires a transformé le traitement biologique. Initialement, des un test d’inhibition d’immunofluorescence) prédisent l’efficacité
sérums antilymphocytaires ou antithymocytes de spécificité large d’un nouveau traitement par OKT3 en cas de nécessité [82].
ont été utilisés efficacement. La description, en 1975 par Kohler et La fréquence de l’immunisation est variable. Des études
Milstein, de la technologie des hybridomes a constitué un tournant initiales avaient montré que la formation d’anticorps anti-souris
marquant dans l’histoire de l’immunologie et en particulier de était présente chez 100 % des patients traités par anticorps seuls
l’utilisation thérapeutique de l’immunosuppression [74]. L’utilisa- [83]. L’association à divers immunosuppresseurs comme les
tion de ces anticorps a permis à la fois de définir les cibles à corticoı̈des, l’azathioprine, la cyclosporine ou le mycophénolate
atteindre à la surface cellulaire et de produire les agents mofétil permet de diminuer cette immunisation [78,84].
thérapeutiques efficaces. Une autre complication peut être en relation avec la fonction
Malgré leurs promesses initiales, l’utilisation thérapeutique effectrice lymphocytaire. Après injection d’OKT3, se produit une
des anticorps monoclonaux a été plutôt décevante et pendant activation lymphocytaire conduisant à la libération massive et
longtemps, seul un anticorps monoclonal dirigé contre la séquentielle de cytokines telles que l’IL-2, IL-3, l’IL-4, l’IL-6, l’IL-10,
molécule CD3 du lymphocyte T, l’OKT3, a reçu une autorisation le TNF-a et l’INF-g [85,86]. Cette libération est responsable d’un
de mise sur le marché. Ce manque relatif d’efficacité des syndrome clinique aigu grave pouvant mettre en jeu la vie des
anticorps testés était surtout lié à leur origine xénogénique. En patients traités par OKT3. Différents agents tels que les stéroı̈des, la
effet, cette origine entraı̂ne des phénomènes d’immunisation et pentoxiphylline et l’IL-10 peuvent diminuer la sécrétion de
une activation insuffisante des fonctions effectrices humaines. cytokines induite par l’injection d’OKT3 [87,88]. Il est également
C’est en partant de ces constatations et en utilisant les progrès important de bien contrôler l’état d’hydratation des patients pour
biotechnologiques que le concept de manipulation des anticorps éviter toute surcharge hydrosodée.
pour les rendre chimériques ou humanisés a été développé. Il a été montré que les propriétés activatrices ou mitogéniques
des anticorps sont, en règle générale, dépendantes de la capacité
4.2. Justification de l’humanisation des anticorps monoclonaux des régions Fc constantes qui interagissent avec les récepteurs
pour le fragment Fc présent à la surface des cellules monocytaires/
4.2.1. Immunisation macrophagiques [89]. Il est possible d’éviter cette complication en
sélectionnant des régions constantes Fc qui sont dépourvues de
Les caractéristiques de l’immunisation ont été principalement capacité de liaison aux récepteurs des cellules phagocytaires.
étudiées dans le cadre d’un traitement par OKT3. La réponse D’un autre côté, l’origine xénogénique des anticorps fait que ces
immunitaire vis-à-vis d’un anticorps monoclonal peut comporter anticorps n’interagissent généralement pas ou mal avec les
des immunoglobulines (Ig) d’isotype IgG et IgM, qui peuvent être mécanismes effecteurs de l’hôte, par exemple pour la cytotoxicité
détectées par enzyme linked immunosorbent assay (Elisa). Seules les cellulaire dépendant des anticorps (ADCC). Ceci peut limiter leur
IgG sont neutralisantes [75]. Plus rarement, des anticorps d’isotype utilité en clinique humaine. L’humanisation de l’anticorps pourrait
IgA ou IgE ont été retrouvés [75–77]. permettre de pallier cet inconvénient.
Lorsque l’on analyse leur spécificité fine, les anticorps détectés
chez les patients immunisés ne reconnaissent pas toutes les Ig de 4.3. Agents déplétants
souris. Elles sont très spécifiquement dirigées contre certains
déterminants antigéniques de l’anticorps monoclonal murin 4.3.1. Anticorps polyclonaux anti-lymphocytaires
utilisé [78]. La réponse anti-OKT3 est restreinte à des anticorps
dirigés contre l’isotype de l’OKT3 (IgG2a) et son idiotype [75]. On
distingue les anticorps anti-isotypes, spécifiques des détermi- 4.3.1.1. Mécanismes d’action. Il s’agit d’anticorps obtenus chez le
nants localisés au niveau de la partie constante (Fc) de l’anticorps lapin ou le cheval après immunisation contre des lymphocytes
monoclonal, et les anticorps anti-idiotypes, dirigés contre des humains. Après récupération des IgG ainsi formées et absorption des
déterminants situés au niveau des régions hypervariables de la anticorps toxiques (par exemple dirigés contre les plaquettes ou les
molécule, localisées au sein des fragments F(ab’)2, qui lui érythrocytes), ces anticorps sont utilisés par voie parentérale. Ils
confèrent sa spécificité antigénique. La réponse isotypique anti- interviennent à différentes étapes de la réponse immunitaire,
souris réagit avec toutes les immunoglobulines IgG2a de souris, principalement sur la reconnaissance et l’activation du lymphocyte
même avec celles qui ne présentent pas de spécificité anticellules T, mais aussi dans la transduction du message de prolifération
T, mais pas avec les immunoglobulines non-IgG2a. Ils ne bloquent lymphocytaire. Les mécanismes d’action sont multiples [5]. Ces
pas l’effet de l’OKT3. La réponse anticorps anti-idiotype bloque la anticorps entraı̂nent une lymphopénie portant essentiellement sur
liaison de l’OKT3 avec le complexe CD3 des cellules T et peut, les cellules T. Le mécanisme principal d’élimination est l’opsonisation
lorsque les anticorps sont présents à un haut titre, neutraliser les des lymphocytes T et leur phagocytose par le système réticuloen-
effets de l’OKT3 [75,79]. dothélial. La déplétion durable pourrait impliquer une apoptose des
576 É. Thervet et al. / Néphrologie & Thérapeutique 7 (2011) 566–581

cellules T par la voie Fas–FasLigand. Une inactivation cellulaire par lymphomes post-transplantation. Le rituximab est aussi utilisé
recouvrement et/ou modulation antigénique (disparition des récep- dans des indications faisant intervenir l’immunité humorale [93].
teurs de la surface cellulaire) a également été rapportée. Par ailleurs, C’est le cas des rejets aigus humoraux après transplantation
une inhibition des phénomènes d’adhésion et de transduction du d’organe, mais aussi de pathologies telles que le lupus érythéma-
signal participe à l’action immunosuppressive. Enfin, des nouvelles teux disséminé ou la polyarthrite rhumatoı̈de. La molécule
données évoquent le rôle des sérums antilymphocytaires sur les CD20 n’est pas présente à la surface des cellules B mémoires à
lymphocytes B et les cellules dendritiques. longue demi-vie et, de ce fait, ne serait pas efficace pour permettre
une déplétion au long terme de ce contingent cellulaire. Il n’est pas
4.3.1.2. Utilisation clinique. Des études récentes ont insisté sur non plus actif sur les plasmocytes. En revanche, la déplétion
l’efficacité des anticorps polyclonaux déplétants, en particulier observée dans le sang périphérique persiste de nombreux mois
pour les patients à risque immunologique. Une étude prospective après l’injection de l’anticorps. Les complications sont principa-
randomisée a comparé un traitement par globulines antithymo- lement liées à une réaction de première dose.
cytaires à un traitement monoclonal antirécepteur de l’IL-2 (le
basiliximab) [90]. Après 12 mois de suivi, l’incidence de rejet aigu, 4.5. Anticorps non déplétants
en particulier celle des rejets aigus corticorésistants, a été plus
faible dans le groupe recevant des anticorps polyclonaux Actuellement, les anticorps utilisés de façon habituelle après
(respectivement 15,6 vs 25,5 %, p = 0,02 et 1,4 vs 8,0 %, transplantation rénale sont les anticorps anti-CD25, c’est-à-dire
p = 0,005). Il semble donc que pour les patients à risque élevé dirigés contre le récepteur de l’IL-2. Ce récepteur est composé de
de rejet ou à risque de reprise retardée de fonction du greffon, un trois chaı̂nes associées à la surface lymphocytaire pour former un
traitement d’induction biologique par anticorps polyclonaux récepteur de haute affinité. La chaı̂ne a (CD25) n’est exprimée à la
déplétants pourrait être intéressant. surface cellulaire que lorsque le lymphocyte T est activé. Les
Les effets secondaires sont nombreux. Ils sont secondaires à anticorps se fixent et bloquent la chaı̂ne a de l’IL-2. Le rôle de ces
l’injection d’une molécule xénogénique (de simples réactions anticorps est de bloquer le récepteur et d’inhiber ainsi l’activation
fébriles à la maladie sérique par dépôt des complexes immuns cellulaire T induite par l’IL-2. Les anticorps anti-CD25 inhibent
circulants) ou liés à la puissance immunosuppressive (augmenta- ainsi le signal de prolifération. Comme l’expression de
tion du risque d’infections et de tumeurs). CD25 nécessite une activation lymphocytaire T, les anticorps
anti-CD25 ne sont responsables que d’une déplétion lymphocy-
4.4. Anticorps monoclonaux déplétants taire limitée. Deux anticorps, l’un chimérique (basiliximab) et
l’autre humanisé (daclizumab), ont récemment démontré leur
4.4.1. Anticorps anti-CD3 efficacité et leur tolérance.
Les études initiales de ces traitement ont montré qu’ils
Les anticorps monoclonaux anti-CD3 ont été historiquement les diminuaient de façon significative l’incidence de rejet aigu par
premiers à être utilisés en clinique humaine. Il s’agit d’un anticorps rapport à un placebo [94–96]. En ce qui concerne leur comparaison
monoclonal de souris dirigé contre le complexe CD3. Le mécanisme avec les anticorps polyclonaux déplétants, nous avons déjà évoqué
d’action principal de l’anti-CD3 consiste en une déplétion du sang une étude en faveur des anticorps polyclonaux [90]. D’autres
circulant en lymphocytes T. Le principal problème est la tolérance études ont montré que dans une population à moindre risque de
de ce traitement, puisque la première dose est associée à un rejet, les deux stratégies donnaient des résultats comparables avec
relargage de cytokines responsables d’un syndrome clinique un profil de tolérance plus acceptable pour les anticorps anti-CD25
impressionnant, mimant un choc septique. Des anticorps de [97,98].
nouvelles générations, humanisés, pourraient redonner un intérêt
clinique à ces molécules (cf. infra.). Nous avons développé les 5. Nouveaux traitements immunosuppresseurs
avantages et les inconvénients du recours à ce type de traitement
dans l’introduction de ce chapitre. Compte tenu de ces complica- Compte tenu des aléas du développement clinique, nous ne
tions, l’OKT3 n’est plus utilisé que de façon exceptionnelle dans le ferons que citer succinctement les pistes de mécanismes et les
cadre de rejet aigu cellulaire particulièrement sévère ou récidivant. molécules en cours de développement. Seul l’avenir pourra
préciser dans quelle mesure ils seront utilisés dans le domaine
4.4.2. Anticorps anti-CD52 : alemtuzumab de la transplantation.

L’alemtuzumab est un anticorps monoclonal humanisé contre 5.1. Inhibiteurs du premier signal
la molécule CD52. Cet anticorps entraı̂ne une déplétion massive et
durable des populations lymphocytaires. Il est utilisé pour traiter Des inhibiteurs pharmacologiques du premier signal sont à
des leucémies chroniques lymphocytaires réfractaires. Des études l’étude. On compte parmi eux des inhibiteurs des kinases Lck,
ont montré que cet anticorps pouvait être efficace pour la ZAP-70, PKC-u, mais aussi de la cascade des MAP kinases (Fig. 1).
prévention et le traitement des rejets aigus après transplantation. Enfin, l’anticorps anti-CD3 humanisé non mitogénique (hOKT3g1),
Il pourrait aussi, en association avec le sirolimus, permettre à l’étude en transplantation rénale, intervient également dans la
l’obtention d’une forme de tolérance immunitaire [91]. Les effets modulation du premier signal. Cet anticorps est non déplétant et
indésirables incluent en particulier des réactions de première dose, semble capable de bloquer l’activation complète des lymphocytes
une neutropénie, et rarement une pancytopénie et des risques T. Il induirait l’anergie des cellules naı̈ves, réduirait le potentiel
d’auto-immunité [92]. Le risque majeur est celui de l’induction effecteur des cellules mémoires et favoriserait l’expansion des
d’un état d’immunodépression sévère et prolongée. cellules régulatrices.

4.4.3. Anticorps anti-CD20 : rituximab 5.2. Immunosuppresseurs bloquant le second signal

Le rituximab est un anticorps monoclonal chimérique anti- Le Belatacept1 est une protéine de fusion, associant la molécule
CD20. Il élimine ainsi la plupart des cellules B. Il est indiqué pour le CTLA-4 avec le fragment Fc d’une IgG [99]. Son mode d’action est
traitement des lymphomes B non hodgkiniens, en particulier les double. D’une part, cette protéine entre en compétition avec la
[()TD$FIG] É. Thervet et al. / Néphrologie & Thérapeutique 7 (2011) 566–581 577

5.3. Drogues ciblant le troisième signal

D’autres inhibiteurs du troisième signal sont à l’étude (Fig. 1 et


6). La molécule CP-690,550 bloque la kinase JAK3, couplée à la
chaı̂ne g, commune aux récepteurs des cytokines IL-2, IL-4, IL-7, IL-
9, IL-15, et IL-21. La voie de signalisation dépendante de STAT5 est
tout particulièrement affectée par cette inhibition. Il en résulte un
effet antiprolifératif et une réduction de l’expression de cytokines
et chémokines.

5.4. Agents modifiant le trafic et l’adressage lymphocytaire

Le FTY720, dont l’évaluation clinique a été interrompue par la


survenue de complications rétiniennes, a un mode d’action
particulièrement innovant [8]. Il cible les mécanismes de trafic
des lymphocytes (Fig. 1). In vivo, le FTY720 est rapidement
phosphorylé, donnant un composé actif, le FTY720-P qui partage
une homologie structurale avec le sphingosine 1-phosphate (S1P).
Celui-ci est sécrété par les plaquettes, mastocytes et cellules
endothéliales après activation. Des cinq récepteurs au S1P, le
récepteur S1P1 est majoritairement exprimé par les lymphocytes.
Des données récentes établissent que le récepteur S1P1 est
nécessaire à l’efflux des cellules thymiques simple-positives
(récents émigrants thymiques), comme à la sortie des lymphocytes
des ganglions périphériques. En conclusion, le FTY720-P bloque le
récepteur S1P1, internalisé, provoquant une séquestration des
lymphocytes dans les ganglions.
D’autres agents immunosuppresseurs s’inscrivant dans la
même stratégie sont à l’étude. Les récepteurs aux chémokines,
CCR1, CXCR3 et CCR5, impliqués dans l’adressage des lymphocytes
au site d’inflammation (rejet aigu), constituent des cibles
privilégiées. Deux anticorps antagonistes des récepteurs CCR1 et
Fig. 6. Le troisième signal peut être bloqué à différents niveaux. Les anticorps
CXCR3 sont en cours de développement. Ils constitueront sans
daclizumab et basiliximab reconnaissent la chaı̂ne alpha du récepteur de l’IL-2
(CD25). Le sirolimus et la molécule CP-690, 550 bloquent des voies de signalisation doute des drogues d’appoint très intéressantes dans l’avenir.
différentes du récepteur de l’IL-2, respectivement celle dépendante de mammalian
target of rapamycine (mTOR) et celle de JAK3. Le mycophénolate mofétil et le
FK778 inhibent respectivement la synthèse des bases puriques et pyrimidiques, 6. Stratégies immunosuppressives
nécessaire à la prolifération cellulaire. Enfin, l’azathioprine interfère avec la
synthèse d’ADN, à l’origine de son effet immunosuppresseur comme
procarcinogène. PI-3K : phospho-inositol-3 kinase ; Akt : protéine kinase ; G1-S- Compte tenu de la multiplicité des traitements possibles et de
G2-M : phases du cycle cellulaire ; STAT : signal transducer and activator of leur association, il n’est pas possible de définir de règles absolues.
transcription. Aussi, dans ce chapitre, nous ne ferons que poser les bases des
choix possibles en donnant un aperçu des traitements les plus
molécule de cosignal CD28 des lymphocytes, bloquant ainsi le souvent utilisés.
second signal. D’autre part, elle délivre un signal immunosup-
presseur aux cellules présentatrices d’antigène, notamment par 6.1. Bases du choix des stratégies immunosuppressives
l’induction de l’enzyme indoléamine 2,3-dioxygénase (IDO).
L’utilisation clinique du premier anticorps anti-CD154 (CD40L) En transplantation, les immunosuppresseurs ont toujours été
[100], le hu5C8, s’est compliquée d’événements thromboemboli- utilisés en association pour diminuer la toxicité spécifique de chaque
ques, probablement par activation plaquettaire. Depuis, un autre molécule et pour permettre de bloquer le système immunitaire à
anticorps, l’IDEC-131, a été développé contre un autre épitope de la différents niveaux. Historiquement, les schémas immunosuppres-
même molécule. Il semble dépourvu d’effet procoagulant. Il y a seurs ont associé des stéroı̈des à doses fortes et prolongées et
plusieurs avantages théoriques à bloquer l’axe de cosignal CD40- l’azathioprine à la dose de 3 mg/kg/j. Les complications des stéroı̈des
CD40L. D’une part, cet anticorps devrait diminuer l’activation des étaient fréquentes [102]. De plus, avec ce traitement, l’incidence de
cellules présentatrices d’antigènes, et donc la densité d’expression rejet aigu dépassait largement 50 % dans la première année et le taux
des molécules de cosignal CD80/86. D’autre part, il est vraisem- de survie des greffons à un an avoisinait à peine les 50 %. Vers la fin
blable que cet immunosuppresseur a un effet sur l’immunisation des années 1970, les sérums antilymphocytaires furent utilisés en
humorale, tant l’axe CD40-CD40L est important à la collaboration traitement dit d’induction à la phase toute initiale de la transplanta-
entre lymphocytes T et B. Une étude de phase II a montré une tion. Les sérums antilymphocytaires permirent une diminution de
supériorité d’un traitement par bélatacept par rapport à un l’incidence du rejet aigu au prix de complications infectieuses, en
traitement par cyclosporine dans la période initiale après la particulier virales et de maladies sériques [103,104]. Au début des
transplantation rénale [101]. En particulier, la fonction rénale des années 1980, la ciclosporine fut introduite, entraı̂nant une diminu-
patients traités par bélatacept est meilleure que la fonction des tion de l’incidence du rejet aigu, se traduisant elle-même par une
patients recevant de la ciclosporine, sans augmentation de augmentation très significative de la durée de survie du greffon à un
l’incidence de rejet aigu. Des études de phase III sont en cours an post-transplantation [12,13].
et devraient permettre l’utilisation clinique de cette nouvelle Actuellement, les différentes molécules immunosuppressives
approche. disponibles rendent difficiles des propositions consensuelles de
578 É. Thervet et al. / Néphrologie & Thérapeutique 7 (2011) 566–581

stratégies immunosuppressives. Les choix pourront se faire selon raison de leurs effets indésirables, il a été essayé depuis longtemps
plusieurs critères : une diminution, voire un arrêt ou une absence complète des
stéroı̈des. De nombreuses études, ainsi que des méta-analyses, ont
 il peut s’agir du risque immunologique, défini par le degré tenté de montrer l’efficacité relative de ces manœuvres. Une
d’incompatibilité HLA, le degré d’immunisation antiHLA et le récente revue de la littérature précise que l’utilisation de faibles
rang de la transplantation. Les autres marqueurs sont encore trop doses pendant une période de temps limité après transplantation
à leurs balbutiements pour être inclus dans le choix en routine du est associée, sauf dans une étude, à une augmentation de
traitement ; l’incidence des rejets aigus, mais à l’absence de différence en
 il s’agit aussi, et de plus en plus, de la qualité du greffon. En cas de termes de survie des greffons. Une autre approche est un arrêt
greffon non optimal, c’est-à-dire prélevé chez un donneur pour secondaire (après trois mois) des stéroı̈des. Il convient cependant
lequel un doute existe sur l’obtention d’une fonction rénale de noter que la majorité des méta-analyses montre dans ce cas des
satisfaisante, les traitements potentiellement néphrotoxiques résultats discutables.
devront être évités ou minimisés ;
 il peut également s’agir des caractéristiques du receveur, de son 6.2.1.3. Inhibiteur de la synthèse de bases puriques. Depuis le milieu
ethnie, de son sexe, de son âge, de ses antécédents tumoraux, des années 1990, le mycophénolate mofétil a supplanté très
métaboliques, cardiovasculaires, du risque viral ou même de sa largement l’azathioprine. Il convient cependant de noter qu’une
pathologie néphrologique initiale ; étude randomisée n’a pas montré de différence entre ces
 enfin, à l’avenir, l’utilisation de la pharmacogénétique, que nous traitements [52] et que l’utilisation du mycophénolate mofétil
avons déjà évoquée, pourrait aider à ces critères de choix. n’a pas montré d’amélioration de la survie des greffons ou des
patients. L’utilisation du mycophénolate de sodium ne semble pas
6.2. Proposition de protocoles apporter d’avantage notable.

Il est possible de diviser le traitement en deux grandes 6.2.1.4. Inhibiteur de la calcineurine. L’utilisation relative de la
périodes : la période initiale et le traitement de maintenance. cyclosporine et du tracrolimus est affaire d’école. Une approche
scientifique semble être de proposer la prise en compte des risques
6.2.1. Traitement de la période initiale métaboliques (diabète ou troubles lipidiques) et le risque
immunologique.

6.2.1.1. Induction biologique. Au cours des premiers jours ou 6.2.1.5. Inhibiteur de mTOR. Malgré les attentes de ce traitement à
semaines suivant la transplantation, un traitement court par la phase initiale, plusieurs études publiées montrent une
globulines antilymphocytes ou anticorps anti-CD25 peut être augmentation des effets indésirables ou de l’incidence de rejet.
utilisé. Un tel traitement est appelé « induction ». Un traitement D’autres études ont été arrêtées prématurément pour cette raison.
d’induction est utile lors des transplantations chez des patients à Il ne semble donc pas opportun de proposer ce traitement à cette
risque immunologique. La place relative de l’un ou l’autre des types phase initiale.
de traitement est discutable, mais des travaux récents semblent
privilégier les anticorps déplétants [90]. 6.2.2. Traitement de maintenance
En dehors de ces situations, l’intérêt d’un traitement d’induction
est de diminuer l’incidence des rejets aigus à la période initiale après Le but n’est plus alors de privilégier l’efficacité immunosup-
transplantation. Il ne semble pas, dans ce cas, exister de différences pressive, mais plutôt la balance bénéfice/risque. La tendance est
entre les deux types de traitements. De plus, l’utilisation d’une donc à la minimisation, soit des stéroı̈des lorsqu’ils n’ont pas déjà
induction biologique permet de retarder et/ou de diminuer la été interrompus, soit des anticalcineurine.
posologie initiale des traitements par inhibiteurs de la calcineurine Il est également possible de remplacer un anticalcineurine par un
et, potentiellement, diminuer ainsi leur néphrotoxicité initiale. inhibiteur de mTOR afin de profiter de l’absence de néphrotoxicité et
des propriétes antitumorales de cette nouvelle classe [39].
6.2.1.2. Corticothérapie. Le traitement par corticoı̈des a représenté En l’absence de consensus, nous proposons dans le Tableau 3
un des premiers traitements immunosuppresseurs. Cependant, en quelques exemples de protocole d’immunosuppression [5].

Tableau 3
Exemples de protocole [5].

Protocole Éléments du protocole Commentaires

Induction protéique Maintenance avant adaptation Maintenance après adaptation

Traitement conventionnel Anti-CD25 Inhibiteur de la calcineurine Inhibiteur de la calcineurine Possible


ATG Inhibiteur de l’IMPDH Inhibiteur de l’IMPDH sur-immunosuppression
Aucun Stéroı̈des Stéroı̈des si besoin
Traitement conventionnel Anti-CD25 Inhibiteur de la calcineurine. Inhibiteur de la calcineurine Possible augmentation
sans stéroı̈des Inhibiteur de l’IMPDH Inhibiteur de l’IMPDH de l’incidence de rejet
Introduction secondaire ATG Inhibiteur de la calcineurine Arrêt de l’inhibiteur
du sirolimus Inhibiteur de l’IMPDH de la calcineurine
Stéroı̈des Inhibiteur de mTOR
Inhibiteur de l’IMPDH
Stéroı̈des Possible augmentation
de l’incidence de rejet
Traitement à haut risque ATG Inhibiteur de la calcineurine Inhibiteur de la calcineurine
immunologique Rituximab Inhibiteur de l’IMPDH Inhibiteur de l’IMPDH
IVIg Stéroı̈des Stéroı̈des
Anti-CD25 : anticorps monoclonal antirécepteur de l’interleukine-2 ; ATG : globulines antithymocytaires ; IVIg : immunoglobulines intraveineuses ; IMPDH : inosine
monophosphatase déshydrogénase ; mTOR : mammalian target of rapamycine.
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7. Conclusion [14] Nankivell BJ, Borrows RJ, Fung CL, O’Connell PJ, Allen RD, Chapman JR. Natural
history, risk factors, and impact of subclinical rejection in kidney transplan-
tation. Transplantation 2004;78:242–9.
On l’a vu, au fil des années, l’efficacité des associations de [15] Mihatsch MJ, Ryffel B, Gudat F. The differential diagnosis between rejection
traitements immunosuppresseurs a entraı̂né une diminution de and cyclosporine toxicity. Kidney Int Suppl 1995;52:S63–9.
[16] Lee D. Cyclosporine and the renin-angiotensin axis. Kidney Int 1997;52:248–60.
l’incidence du rejet aigu et donc une amélioration des succès à [17] Haas M, Mayer G. Cyclosporin A-associated hypertension–pathomechanisms
court terme. En revanche, le bénéfice à plus long terme est and clinical consequences. Nephrol Dial Transplant 1997;12:395–8.
modeste, voire discuté. Cela a plusieurs explications : tout d’abord, [18] Marumo T, Nakaki T, Hishikawa K, Suzuki H, Kato R, Saruta T. Cyclosporin A
inhibits nitric oxide synthase induction in vascular smooth muscle cells.
les mécanismes immunologiques qui aboutissent à la destruction Hypertension 1995;25(4 Pt 2):764–8.
chronique du greffon sont moins bien compris. En outre, la [19] Inselmann G, Barth A, Engemann R, Heidemann HT. Cyclosporin-A-induced
néphrotoxicité des anticalcineurine, dont l’importance est désor- lipid peroxidation in human liver microsomes and its influence on cyto-
chrome P-450. Eur J Clin Invest 1991;21:461–5.
mais bien évaluée à long terme, entraı̂ne une perte significative de
[20] Kasiske BL, Heim-Duthoy K, Rao KV, Awni WM. The relationship between
greffons. Enfin, d’autres effets secondaires des immunosuppres- cyclosporine pharmacokinetic parameters and subsequent acute rejection in
seurs limitent la survie, soit des patients par le biais des renal transplant recipients. Transplantation 1988;46:716–22.
complications cardiovasculaires, des infections et des cancers, [21] Mahalati K, Belitsky P, Sketris I, West K, Panek R. Neoral monitoring by
simplified sparse sampling area under the concentration-time curve: its
soit des greffons par le bais de l’HTA, du diabète et des infections à relationship to acute rejection and cyclosporine nephrotoxicity early after
BK virus. Les progrès pourront venir d’une meilleure utilisation kidney transplantation. Transplantation 1999;68:55–62.
individuelle des traitements actuellement disponibles ou de [22] Levy G, Thervet E, Lake J, Uchida K. Patient management by Neoral C(2)
monitoring: an international consensus statement. Transplantation
l’utilisation de nouvelles molécules. Enfin, la tolérance immuno- 2002;73(Suppl. 9):S12–8.
logique, c’est-à-dire la possibilité de sevrer entièrement dans le [23] Nashan B, Bock A, Bosmans JL, Budde K, Fijter H, Jaques B, et al. Use of Neoral C
long terme un patient transplanté reste un rêve à venir, même si monitoring: a European consensus. Transpl Int 2005;18:768–78.
[24] Keown P, Landsberg D, Halloran P, Shoker A, Rush D, Jeffery J, et al. A
des articles récents ont relancé le débat de la possibilité de l’obtenir randomized, prospective multicenter pharmacoepidemiologic study of cy-
en pratique clinique [105,106]. closporine microemulsion in stable renal graft recipients. Report of the
Canadian Neoral Renal Transplantation Study Group. Transplantation
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Interventions ponctuelles : rapports d’expertise pour Wyeth, versus ciclosporin as primary immunosuppression for kidney transplant
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