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Dr Mehnane

A.U :2022-2023

La chimiothérapie des cancers de la cavité buccale


1. Introduction
 Il existe une panoplie de traitements du cancer utilisées seule ou associée entre eux en
fonction du type du cancer, de sa localisation et de son stade d’évolution; à savoir la
chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie, l’hormonothérapie et l’immunothérapie.

 Si les formes localisées peuvent être contrôlées à long terme dans deux tiers des cas
par la chirurgie ou la radiothérapie, les formes diagnostiquées à un stade localement
avancées ne sont accessibles à une guérison que dans un tiers des cas après
l’association d’une radiothérapie et une chimiothérapie.

2. Définition de la chimiothérapie
La chimiothérapie utilise des substances médicamenteuses qui vont empêcher la croissance et
le développement des cellules cancéreuses et/ou les détruire.

Il s’agit d’un traitement systémique agissant tant sur les cellules cancéreuses que sur certaines
cellules saines (particulièrement les cellules à division rapide).

3. Bases biologiques de la chimiothérapie


Les médicaments anticancéreux doivent détruire les cellules cancéreuses et épargner les
cellules normales, en exploitant au mieux leurs différences.

Une chimiothérapie recourt, en général, à une association de 2 à 4 médicaments


antimitotiques donnés simultanément ou séquentiellement en 1 à 5 jours, cette séquence
constitue un cycle qui se répète au bout de 21 à 28 jours.

4. Modes d’utilisation
1- Chimiothérapie locale:

Elle est rarement utilisée en stomatologie, elle est indiquée sur:

1. Les ganglions cervicaux.

2. Les masses tumorales nécrosées.

3. Les tumeurs avancées non opérables.

4. Les sarcomes de Kaposi intra buccaux.

2- Chimiothérapie régionale:

La voie artérielle carotidienne externe par cathétérisme de l’artère temporale superficielle


ou de l’artère thyroïdienne supérieure, en perfusion lente.

3- Chimiothérapie systémique: elle est délivrée par:


1. Voie buccale : celle-ci est peu utilisée à cause des problèmes d’instabilité chimique
dans les milieux digestifs et/ou alimentaires.

2. Voie intramusculaire : elle est contre- indiquée chez les patients présentant des
troubles de la crase sanguine.

3. Voie intraveineuse : c’est une voie directe et rapide , l’injection est suivie d’un rinçage
immédiat de la veine, ou prolongé (3 à 6 heures) ou continu.

 L’inconvénient est que le capital veineux se détériore du fait des ponctions et de la


toxicité de nombreuses substances.

 Toutes ces techniques comportent un risque infectieux et thromboembolique, mais


l’utilisation de cathéters extériorisés à la peau ou des sites implantables en a diminué
la survenue.

5 . Toxicité de la chimiothérapie
1- Toxicité immédiate:

Ce sont les accidents veineux par extravasation accidentelle, ou encore les accidents
allergiques (surtout à la Bléomycine).

2- Toxicité gastro-intestinale:

Ce sont surtout les nausées et les vomissements , l’apparition des anti-5HT3 (zophren®) a
nettement amélioré la survenue de ces troubles gastriques.

3- toxicité aiguë retardée: celle-ci est réversible

1. Hématologique :

C’est essentiellement l’hypoplasie médullaire, toutes les drogues en sont responsables sauf
la Bléomycine et la Vincristine

2. Gastro-intestinale:

Elle se caractérise par une anorexie, des nausées, vomissements, diarrhées, constipations.

Sur le plan buccal : stomatite et mucite.

3. Rénale et urinaire:

Le Cisplatine est le plus toxique

4. Cardiaque:

Le Cyclophosphamide et le 5-Fluoro-Uracile sont à l’origine de nécroses myocardiques


aigues.

5. Hépatique: Sous forme de cirrhose modérée et réversible.


4- Toxicité chronique:

Elle concerne surtout des organes situés hors de la sphère bucco-pharyngée : cœur,
poumons, reins, et système nerveux périphérique.

6. Indications de la chimiothérapie :
1. Chimiothérapie palliative:

Elle a pour objectif de faire régresser ou au moins de ralentir l’évolution de formes


avancées, récurrentes ou métastatiques, souvent inaccessibles aux traitements loco régionaux
(rechutes loco régionales des cancers des VADS).

2. Chimiothérapie d’induction néo-adjuvante:

- Chimiothérapie première:

Elle est destinée en première ligne aux malades à fort potentiel évolutif pour lesquels le
risque métastatique est au premier plan ( par exemple, Chimiothérapie première des cancers
inflammatoires du sein, du cancer du poumon à petites cellules)

Son rôle est de réduire une tumeur localement avancée pour l’amener à la portée des
traitements locorégionaux curatifs dans des conditions d’application aussi peu mutilantes que
possible ( les carcinomes verruqueux).

- Chimiothérapie adjuvante :

Elle est administrée aux patients ayant déjà subi un traitement primaire de leur tumeur par
chirurgie ou radiothérapie.

Elle est destinée à traiter une tumeur résiduelle qui pourrait exister sous forme de micro-
métastases.

3 - Chimiothérapie concomitante à la radiothérapie:

Le principe est celui de la coopération spatiale des deux modalités thérapeutiques


permettant d’une part l’amélioration du contrôle local par radio-sensibilisation des cellules
tumorales et d’autre part l’éradication des foyers métastasiques résiduels.

Cette association va permettre de lutter contre les phénomènes de repopulation cellulaire en


augmentant la dose et l’intensité dans un laps de temps plus court.

La radiochimiothérapie majore l’apoptose des cellules tumorales par l’induction de


signaux moléculaires.

Cette combinaison améliore significativement la survie sans récidive et la survie globale au


prix d’une majoration de la toxicité . Donc elle est administrée sous réserve de l’état général
du patient, de son âge dans les formes localement avancées inopérables.
• Différentes molécules

- Les molécules les plus utilisées sont le Cisplatine (agent alkylant dérivé du platine utilisé
seul : 100mg/m² toutes les 3 semaines) et le 5 Fluoro-Uracile (antimétabolite analogue des
bases pyrimidiques utilisé seul : 1000mg/m²/j pdt 4 jrs ts les 21 jrs) ainsi que le Méthotrexate
(antimétabolite antagoniste de l’acide folique ; perfusion hebdomadaire : 40mg/m²) pour les
carcinomes épidermoïdes.

- Bléomycine, Vincristine, Cyclophosphamides…

- Actuellement, les espoirs ont principalement porté sur les taxanes, molécules de nouvelle
génération. Les taxanes, le paclitaxel (monothérapie : 250 mg/m² ttes les 3 semaines ou en
association) et le doxétaxel (mono : 100 mg/m² ttes le 3 sem ou en association) sont des
alcaloïdes de l’if, poisons du fuseau mitotique. Association paclitaxel (135mg/m²), cisplatine
(75 mg/m²), 5FU (1000mg/m² pdt 5jrs).

- La vinorelbine (alcaloïde de la pervenche, poison du fuseau mitotique) en mono : 30 mg/m²


ou en association avec le cisplatine a aussi été proposée.

• Les Thérapies ciblées: sont des traitements dirigés contre des cibles moléculaires
(récepteurs, gènes ou protéines).

• Elles ont pour avantage d’être moins toxiques en épargnant les cellules saines et
permettent d’individualiser le traitement selon la pathologie et la biologie moléculaire
du patient.

Selon la nature de la molécule utilisée, on distingue:

- les anticorps monoclonaux qui interagissent avec les ligands de récepteurs membranaires
ou bien avec la partie extracellulaire du récepteur en empêchant la fixation de la molécule. Ils
portent le suffixe « mab ». Ils sont administrés par voie intra-veineuse.

- les inhibiteurs tyrosine kinase (ITK) qui sont de petites molécules pénétrant dans la
cellule où elles inhibent les voies de signalisation en agissant sur la portion intracellulaire des
récepteurs. Ils portent le suffixe « nib » et sont administrés per os.

Les molécules de thérapies ciblées peuvent également être classées selon leur mode d’action.
On distingue donc :

- les anti-angiogéniques

- les inhibiteurs de HER

- les inhibiteurs de KIT, un récepteur membranaire

 les inhibiteurs de mTOR

 cytokine
• Pour les lymphomes agressifs les protocoles CHOP (doxorubicine 50 mg/m² J1,
cyclophosphamide 750 mg/m² J1, vincristine 1,4 mg/m² J1 et prednisone 40 mg/m²
J1–J5) ; ou R – CHOP (R : Rituximab 375 mg/m² : anti-corps monoclonal anti-
CD20) ;ou CHOP-Bléomycine… ;

• Pour les lymphomes de faible malignité : chimiothérapie orale : cyclophosphamide ou


chlorambucil ou chimiothérapies séquentielles avec anthracyclines ; parfois utilisation
de fludarabine et des anti-corps monoclonaux.

7. Effets secondaires et complications


La chimiothérapie est à l’origine de nombreux effets secondaires et de complications qui
sont essentiellement représentés par:

• une alopécie,

• une rupture des membranes muqueuses (mucite),

• une dépression médullaire (infection, saignement, anémie),

• des troubles gastro-intestinaux (diarrhée,malabsorption),

• une altération de la nutrition et des dysfonctions pulmonaires et cardiaques.

1- Manifestations buccales

Les complications buccales de la chimiothérapie sont de deux types :

• les unes résultent de l’effet direct, sur la sphère buccale, des agents utilisés (mucite,
xérostomie,chimiocarie) ;

• les autres indirectes, qui sont les conséquences, au niveau de la cavité buccale, d’une toxicité
générale (infections secondaires à la leucopénie et à l’immunodépression, saignements
buccaux secondaires à la thrombocytopénie, ostéonécrose des maxillaires induite par les
bisphosphonates,neurotoxicité).

• Mucites:

Certaines drogues, telles que le méthotrexate, l’actinomycine D et la daunomycine, sont à


l’origine d’ulcérations de la muqueuse buccale, qui peuvent secondairement s’étendre aux
lèvres, à la langue et à l’oesophage.

L’atrophie puis la nécrose de la muqueuse débutent en général après une semaine de


traitement et donnent lieu à des surinfections.

Elles apparaissent généralement dans les 3à 5 jours suivant l’administration d’un traitement
et disparaissent en général en 2 semaines avec une prise charge adaptée.

• Xérostomie: Certains agents, tels que l’adriamycine, peuvent être à l’origine d’une
altération de la sécrétion salivaire, favorisant l’apparition de la xérostomie.
• Chimiocaries:

• Les caries liées à la chimiothérapie sont des manifestations rares qui se présentent sous
forme de décalcification en regard de la gencive marginale.

• Le traitement repose au stade précoce sur l’application topique de fluor. À un stade


plus avancé, des techniques restauratrices seront à envisager.

2- Infections:

• Les infections bactériennes sont essentiellement d’origine dentaire.

• Les infections fongiques sont le plus souvent des candidoses sont fréquentes chez les
patients dont la numération des polynucléaires est inférieure à 200/mm³..

• Les infections virales sont dominées par les manifestations herpétiques sous forme
d’infections récurrentes exo- et endobuccales.

3- Troubles de l’hémostase et de la coagulation

• La chimiothérapie altère, de façon quantitative et qualitative, les plaquettes. Si un


saignement spontané peut être observé, notamment en cas de mucite ou de
surinfection, c’est surtout le risque hémorragique postopératoire qui doit être pris en
considération.

4- Neurotoxicité

• Bien que leurs manifestations siègent au niveau des nerfs périphériques, la vinblastine
et la vincristine peuvent être aussi à l’origine de douleurs qui miment une pulpite.

8. La prise en charge proprement dite


 Avant la chimiothérapie
- Le plus souvent, le patient est adressé par son médecin traitant pour un bilan
buccodentaire à la recherche de foyers infectieux existants ou potentiels.
- Se coordonner avec l’équipe médicale.
- Éliminer l’infection et les dents non restaurables avant de débuter la chimiothérapie.
- Terminer tous les soins au moins une semaine avant le début du traitement.
- Si des soins doivent être réalisés pendant la chimiothérapie, prendre en considération
une possible neutropénie et/ou thrombocytopénie.
- Traiter toutes les infections opportunistes.
- Motiver le patient à l’hygiène buccodentaire.

• Durant la chimiothérapie

- D’une façon générale, aucun acte chirurgical n’est souhaitable pendant la


chimiothérapie. En cas d’urgence le traitement sera discuté avec l’oncologiste et, dans
tous les cas, il sera le plus conservateur possible.
- Un brossage rigoureux à l’aide d’une brosse à dents « ultra-souple ».
- Utilisation de bain de bouche à base de Chlorehexidine ou de bicarbonate de sodium.

• Précautions contre les mucites et les ulcérations

- Les bains de bouche à base de chlorehexidine sont particulièrement efficaces pour


prévenir les mucites secondaires à la chimiothérapie.
- En fait, il est possible d’éviter ou de réduire les ulcérations buccales induites par le
méthotrexate en prescrivant de l’acide folique par voie topique ou systémique.
- Les stomatites induites par le 5-fluorouracil et le melphalan peuvent être réduites par
le froid (eau glacée ou mise en place de glaçons dans la cavité buccale).

• Infections bactériennes

- En règle générale, si la numération granulocytaire est inférieure à 2000/mm3 ou si le


nombre absolu de neutrophiles est inférieure à 500/mm3, une antibioprophylaxie, à
définir avec l’oncologiste, sera préconisée si des actes invasifs inévitables doivent être
réalisé.
- Si des actes doivent impérativement être réalisés pendant le traitement, une
prophylaxie anti-infectieuse sera prescrite.
- La démarche sera définie avec l’oncologiste.

• Infections fongiques

• Une prophylaxie antifongique sera envisagée chez les patients sévèrement


immunodéprimés, soit sous forme de suspension orale (10 mL de nystatine à 100 000
U/mL, 4 fois/j), soit sous forme de gel.

• Après la chimiothérapie

Après la chimiothérapie, toutes les valeurs hématologiques sont à nouveau normales, il n’y a
donc plus aucune contre indication aux soins dentaires, ni précautions particulières à prendre
hormis les précautions générales.

Le médecin dentiste traitant assurera à son patient un suivi bucco-dentaire régulier dont la
fréquence varie de 6 à 12 mois, à adapter en fonction du contexte clinique.

• Conclusion

Le patient sous chimiothérapie est un patient « à risque » , chez lequel l’odontologiste doit
surtout jouer un rôle prophylactique , autrement dit , supprimer toute source d’infection
buccale, dentaire, parodontale ou prothétique ainsi que supprimer les épines irritatives
mécaniques susceptibles d’entraîner des complications infectieuses graves compliquant l’état
immuno-déprimé du patient.

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