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La Presse Médicale

Volume 46, Issue 3, March 2017, Pages 320-330

Mise au point

Cancers de la cavité buccale : facteurs de risque et prise en charge


Oral cancer: Risk factors and management
Arnaud Paré , Aline Joly

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https://doi.org/10.1016/j.lpm.2017.01.004 ↗
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Points essentiels

La cavité buccale est la localisation la plus fréquente des cancers des voies aérodigestives supérieures
(VADS). Le carcinome épidermoïde est le sous-type histologique le plus fréquent et représente plus de 95 %
des cancers de la cavité buccale (CCB). Les principaux facteurs de risques sont l’intoxication alcoolo-
tabagique mais également les lésions dites précancéreuses. Ces lésions précancéreuses sont des maladies
chroniques de la muqueuse buccale et sont responsables de quasiment 20 % des cas de cancer. Le plan
traitement des CCB est décidé de façon collégiale en réunion de concertation pluridisciplinaire après
réalisation d’un bilan clinique, radiologique et endoscopique. Ce bilan permet d’évaluer l’extension
locorégionale de la tumeur ainsi que son statut métastatique. La chirurgie, la radiothérapie ou encore la
chimiothérapie font partie de l’arsenal thérapeutique possible. Cependant, le pronostic dépend
principalement de la résécabilité de la tumeur ainsi que des comorbidités du patient pouvant limiter les
possibilités de traitement. La chirurgie d’exérèse s’associe fréquemment à des techniques de reconstructions
qui ont comme objectif de restituer les fonctions de phonation, de déglutition et de respiration et de limiter
les séquelles esthétiques. Souvent diagnostiqués à un stade tardif, le pronostic de ces tumeurs reste mauvais
malgré les progrès thérapeutiques et les efforts croissants de prévention. Le profil des patients alcoolo-
tabagiques échappant au circuit médical, le taux élevé de récidive ainsi que la fréquence des secondes
localisations expliquent en grande partie l’absence d’amélioration de la survie depuis de nombreuses
années.

Key points

Oral cavity is the most frequent anatomical subsite of upper aero-digestive tract malignancies. Squamous
cell carcinoma is the most common histological type and totalizes more than 95% of oral cancer. Main risk
factors are tobacco and alcohol exposure and also potentially malignant lesions. These precancerous lesions
are a chronic disease of oral mucosa and are responsible for about 20% of oral cancer. The treatment of oral
cancer depends on clinical, radiological and endoscopic staging and according to the multidisciplinary
tumor board decision. Indeed, tumor staging gives information about loco-regional and metastatic spread.
Treatment can include surgery, radiation therapy and chemotherapy. However, the prognostic mainly
depends on tumor resectability and patient comorbidities. Tumor removal is often associated with
reconstruction procedures in order to restore phonation, swallowing and breathing functions with
acceptable aesthetic outcomes. The usual delayed diagnosis explains the poor prognostic of oral cancer in
spite of prevention attempt and therapeutic improvement. Indeed, the profile of tobacco and alcoholic
patients outside of medical system, the high rate of recurrence and the frequency of second primary
malignancies explain the stable incidence for years.

Section snippets

Anatomie et sous-localisations des cancers de la cavité buccale

La cavité buccale est une dénomination anatomique large regroupant plusieurs sous-localisations (figure 1).
Elle comprend les régions allant des arcades dentaires jusqu’à la jonction avec l’oropharynx. Elle inclut
également la face interne des joues, les lèvres muqueuses et le vestibule correspondant à la muqueuse
située entre les arcades dentaires et la face interne des joues et de lèvres. Par conséquent, l’examen clinque
de la cavité buccale nécessite une palpation et une inspection en…

Incidence et survie

À l’échelle mondiale, les dernières données d’incidence et de mortalité de l’International Agency for
Research on Cancer (IARC) rapportaient 300 0 00 nouveaux cas et 145 0 00 décès par an [2].

La dernière étude épidémiologique en France relatée par l’InVS remonte à 2007 [1].

Avec environ 7000 nouveaux cas et 1750 décès annuels, les CCB sont la première localisation des cancers des
VADS (35 %) et sont responsables de 1,2 % des décès par cancer. L’âge moyen au diagnostic est 60,3 ans chez
les hommes…

Éthylo-tabagisme

L’association du tabac et d’alcool est de loin le facteur de risque principal. Pour le tabac, le risque de
développement de CCB augmente avec la durée d’exposition et plus particulièrement à partir 20 paquets
années [3]. Inversement, après 20 ans d’arrêt, le risque n’est plus significativement différent des personnes
non fumeuses. Le tabac à chiquer est également un facteur carcinogène avec notamment l’adjonction de
bétel qui donne des localisations préférentiellement au niveau de la face…

Présentation clinique

Dans la majorité des cas, le développement des CCB se fait après l’évolution d’une dysplasie en carcinome in
situ évoluant ensuite vers un carcinome épidermoïde infiltrant. La présentation habituelle est celle d’une
lésion ulcérée, bourgeonnante, saignant au contact avec une induration péri-lésionnelle correspondant à
l’infiltration sous-muqueuse de la tumeur (figure 7). L’aspect peut parfois être trompeur notamment dans
les formes nodulaires peu ulcérées ou celles principalement sous-muqueuses.…

Bilan préthérapeutique
L’objectif du bilan pré-thérapeutique est de confirmer le diagnostic, de déterminer le stade local, l’extension
régionale et à distance et d’évaluer les comorbidités du patient. Ce bilan permet ensuite d’évaluer de façon
collégiale en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) les possibilités thérapeutiques.

Une biopsie initiale est indispensable pour confirmer le sous-type histologique de la tumeur. Elle peut être
réalisée précocement en cabinet de consultation sous anesthésie locale ou…

Traitement

Le traitement des CCB dépend du stade de la maladie, de l’état général du patient et de la décision de la RCP
regroupant chirurgiens, oncologues, radiothérapeutes, radiologues et anatomo-cytopathologistes. La
chirurgie reste le traitement de choix pour les CCB quand elle est possible. Elle peut être réalisée seule ou
associée à de la radiothérapie et/ou chimiothérapie.…

Chirurgie des CCB

Le but de la chirurgie est de réaliser une résection tumorale complète et à distance.

L’exérèse implique par conséquent des marges d’au moins un centimètre autour de la tumeur pour limiter
les résections incomplètes microscopiquement. En peropératoire, des examens extemporanés peuvent être
réalisés en cas de doute sur le caractère complet de la résection et peuvent ainsi guider la poursuite de celle
ci. Le geste chirurgical peut aller de la simple exérèse avec suture directe à une amputation…

Radiothérapie

La radiothérapie peut être indiquée pour les patients inopérables ou en postopératoire. Les progrès de ces
dernières années reposent principalement sur la diminution des séquelles post-radiques via la radiothérapie
conformationnelle ou plus récemment la radiothérapie par modulation d’intensité (IMRT). Ces techniques
permettent une diminution de l’irradiation des tissus sains péri-tumoraux ainsi que des séquelles comme
l’ostéoradionécrose maxillo-mandibulaire, les mucites, la xérostomie, la…

Chimiothérapie

La chimiothérapie peut être proposée à visée curative en association à la radiothérapie ou seule à visée
palliative.

En cas de chimiothérapie concomitante à une radiothérapie exclusive, l’association de sels de platine


(cisplatine ou carboplatine) et de 5 fluoro uracile (5 FU) est recommandée. En cas de contre-indication à la
chimiothérapie à base de sels de platine ou de patient fragile, un anticorps monoclonal ciblant le récepteur
de l’EGF (cétuximab, ERBITUX®) peut également être associé à la …

Surveillance et prévention

Les CCB nécessitent une surveillance de par le risque important de récidive ou de seconde localisation des
VADS. En effet, le taux de récidive locale à 5 ans est de l’ordre 20 à 30 %, celui de récidive ganglionnaire
autour de 20 % et celui de métastase à distance de 5 à 10 %. Se surajoute le risque de cancer métachrone qui
est évalué de 15 à 20 % à 5 ans [3].

Habituellement, un contrôle clinique est réalisé tous les 3 mois pendant 2 ans où le risque de récidive est
maximum, puis espacé à tous…
Conclusion

Les cancers de la cavité buccale sont les tumeurs malignes les plus fréquentes de VADS et sont
majoritairement représentés par les carcinomes épidermoïdes. L’intoxication alcoolo-tabagique reste le
principal facteur de risque mais le développement chez des patients pouvant être non buveurs/non fumeurs
à partir de lésions précancéreuses préexistantes représente près de 20 % des cas. Le bilan clinique,
endoscopique et radiologique permet de définir le stade de la maladie ainsi que le plan…

Déclaration de liens d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.…

Références (19)

J. Guigay et al.
Cetuximab, docetaxel, and cisplatin as first-line treatment in patients with recurrent or
metastatic head and neck squamous cell carcinoma: a multicenter, phase II GORTEC study
Ann Oncol (2015)

V. Gregoire et al.
Gefitinib plus cisplatin and radiotherapy in previously untreated head and neck squamous cell
carcinoma: a phase II, randomized, double-blind, placebo-controlled study
Radiother Oncol (2011)

M.K. Wax et al.


The role of positron emission tomography in the evaluation of the N-positive neck
Otolaryngol Head Neck Surg (2003)

S. Blatt et al.
Diagnosing oral squamous cell carcinoma: how much imaging do we really need? A review of
the current literature
J Craniomaxillofac Surg (2016)

C. Page et al.
Bilan d’extension initial des carcinomes épidermoïdes des VADS : quelle place pour la FOGD et la
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Ann Fr Otorhinolaryngol Pathol Cervicofac (2013)

H. Mirghani et al.
Do high-risk human papillomaviruses cause oral cavity squamous cell carcinoma?
Oral Oncol (2015)

G. Lescaille et al.
Papillomavirus et cancers des VADS
Rev Stomatol Chir Maxillofac (2011)

T. Lombardi et al.
Concept actuel du lichen plan oral. Le diagnostic facile au début, peut devenir très difficile dans
les lichens anciens
Presse Med (2016)

P. Latino-Martel et al.
Facteurs nutritionnels et risque de cancer de la cavité buccale
Rev Stomatol Chir Maxillofac (2011)
There are more references available in the full text version of this article.

Cited by (25)

The Role of Imaging in Mandibular Reconstruction with Microvascular Surgery


2023, Oral and Maxillofacial Surgery Clinics of North America

Expression and bioinformatics analyses show HSP70 complements BCL2 action in oral
carcinogenesis
2022, Journal of Oral Biology and Craniofacial Research

Citation Excerpt :
…Oral Squamous Cell Carcinoma (OSCC) is amongst the most common malignancies worldwide.1…

Show abstract

Oral squamous cell carcinoma of the mandibular region mimicking cervico-facial actinomycosis
2018, Presse Medicale

CCNB2 as a potential biomarker of bladder cancer via the high throughput technology
2023, Medicine (United States)

Evolution of the Incidence of Oral Cavity Cancers in the Elderly from 1990 to 2018
2023, Journal of Clinical Medicine

The prognostic role and metabolic function of GGPS1 in oral squamous cell carcinoma
2023, Frontiers in Molecular Biosciences

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