CANCER COLO-RECTAL
DEPISTAGE DE MASSE
M. FAÏK
I - INTRODUCTION
Le cancer colo-rectal représente au Maroc un grave problè-
me de santé publique, il est le plus souvent diagnostiqué à
un stade avancé. L’efficacité du dépistage endoscopique est
bien établ i e, mais le coût et l’accep t abilité d’une telle
stratégie constituent la principale difficulté.
Actuellement, le dépistage annuel par l’hémoculture, test
basé sur la re ch e rche d’un saignement occulte dans les
selles, semble être assez efficace.
Le but de cet article est de mettre l’accent sur les données
disponibles.
II - DETECTION DES ETATS
PRE-CANCEREUX COLO-RECTAUX
Le stade du diagnostic ou de pronostic du cancer colo-
rectal s’est peu amélioré au cours de ces 20 dern i è re s
années, malgré le développement des moyens diagnosti-
ques (lavement baryté en double contraste, coloscopie) car
une fois les premiers symptômes apparaissant, le cancer est
souvent déjà évolué.
Donc, seul le diagnostic au stade asymptomatique dans les
cancers au début et les adénomes de plus de 1 cm (qui
constituent les vrais états pré-cancéreux) peut diminuer
l’incidence et la gravité du cancer colo-rectal.
III - PROBLEMES DU DEPISTAGE DE MASSE
L’examen dans le cadre de dépistage de masse doit être
simple, peu coûteux, facilement acceptable, détecter une
forte proportion de cancer asymptomatique et de lésions
pré-cancéreuses .
Il comporte 2 étapes : un test de sélection réalisé par une
grande partie de la population puis un examen de détection
à visé diagnostic proposé aux personnes dont le test de
sélection est positif.
Le clinicien doit prendre conscience qu’on s’adresse à une
population bien portante, non demandeuse de soins , dans
Service de chirurgie «C» Hôpital Avicenne
C.H.U. Ibn-Sina de Rabat (Maroc).
l’intention de détecter des lésions qui n’auraient été décou-
vertes que quelques années plus tard à un stade avancé.
IV - RECHERCHE D’UN SAIGNEMENT OCCULTE
DANS LES SELLES
Actuellement, la recherche d’un saignement occulte dans
les selles est le seul test de sélection.
L’hémoculture détecte 50 à 65 % des cancers asymptomati-
ques et des adénomes, de plus de 2 cm de diamètre (poly-
pes à risque élevé de cancer colo-rectal) et 20 à 35 % des
adénomes de 1 à 2 cm de diamètre.
Habituellement, les adénomes de moins de 1 cm de dia-
mètre ne saignent pas et c’est la répétition régulière du test
de dépistage qui permet de découvrir les polypes qui
augmentent de taille.
Le taux de positivité de l’hémoculture est de 2 %, dans une
population à risque moyen de cancer. L’exploration com-
plète de l’intestin (coloscopie complète, lavement baryté en
double contraste) découvre une tumeur bénIgne ou maligne
dans 40 à 50 % des cas.
Il existe d’autres tests basés sur le même principe (Hemo
Quant ) ou immunologiques (Feca E I A , Hemo Select...)
mais les résultats sont décevants ou inadaptés au dépistage
de masse.
V - LE TEST HEMOCCULT°
Une plaquette de carton imprégnée de gaïac porte le papier
réactif. Le sujet prélève et applique lui-même 2 fragments
en 2 pointes différentes des selles fraîchement émises. Les
plaquettes sont conservées à températ u re ambiante et
envoyées le plus rapidement possible au centre de lecture.
Il est préférable de s’abstenir d’absorber la vitamine «C «
et de l’aspirine pendant la réalisation du test.
Une réaction positive se traduit par une coloration bleue
apparaissant de façon instantanée en moins d’une minute, à
l’adjonction de quelques gouttes de solution alcoolique
d’eau oxygénée.
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VI - ACCEPTABILITE DU TEST DU DEPISTAGE
Le taux de participation de la population dans une campa-
gne de dépistage de masse est l’un des problèmes essen-
tiels. Il varie suivant la façon de proposer le test de dépis-
tage et par l’attitude générale de la population concernant
les problèmes de santé.
Le taux de part i c i p ation en France est de 20 %, en
Angleterre 38 à 55 %. Ce taux peut atteindre 85 % lors de
la remise du test à l’occasion d’une consultation. C’est
souligner l’intérêt de la formation des médecins généralis-
tes et les médecins du travail afin qu’ils soient activement
inclus dans l’action de dépistage pour le succès de la cam-
pagne.
Le test de dépistage doit être répété, car l’objectif est de
détecter les lésions existantes au moment de la première
campagne et celles qui apparaîtront par la suite. La répéti-
tion régulière du test paraît bien acceptée par la population.
VII - EVALUATION DE L’EFFICACITE
DU DEPISTAGE
A - Résultats
Il a été démontré qu’au bout de 13 ans, la mortalité par
cancer colo-rectal était plus basse dans le gro u p e
hémoccult° annuelle (5,9 ‰) que dans la groupe témoin
(8,3 ‰) ce qui correspond à une diminution de 33 % de la
morta-lité . Il n’y avait pas de différence de mortalité entre
le groupe réalisant hémoculture tous les 2 ans et le groupe
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Le dépistage de masse du cancer colo-rectal.
Médecine du Maghreb 1999 n°77
M. FAÏK
témoin.
Donc, il est possible de réduire la mortalité du cancer de
l’intestin mais, quel est le coût et l’acceptabilité d’un tel
programme, car il n’est pas possible d’explorer par colos-
copie 10 % d’une population de plus de 50 ans tous les ans.
B - Limites du test du dépistage
Le test Hemoccult° méconnaît 40 % des cancers diagnosti-
qués entre 2 campagnes de dépistage, c’est-à-dire sur une
période de 2 ans. Dans ce cas, le diagnostic reste assez pré-
coce puisque les 2/3 des cancers sont au stade A ou B de
Dukes.
Cette population n’a pas été faussement rassurée par un test
négatif mais au contraire sensibilisée, et ayant consulté dès
les premiers symptômes intestinaux.
Une autre limitation du programme du dépistage concerne
la population qui n’a pas participé. De plus, elle consulte
tard, seulement 10 % des cas sont au stade A de Dukes et il
existe déjà des métastases.
VIII - CONCLUSION
Actuellement, il est très difficile de proposer un dépistage
de masse du cancer colo-rectal, une telle campagne risque
d’entraîner des dépenses de santé inconsidérées. Il peut être
fait aux sujets demandeurs d’un bilan de santé. Il fa u t
attendre encore 3 à 5 ans les résultats des études contrôlées
confirmant l’efficacité réelle de cette pratique.
Concours médical . 1990 . 112, N°35, 3171 -3176.
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