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Dr Mehnane

A.U :2022-2023

Traitement chirurgical des cancers de la cavité buccale


1. Introduction
La cavité buccale est la localisation la plus fréquente des cancers des voies aérodigestives
supérieures. Actuellement, ces atteintes sont fréquentes et cela peut être la conséquence de la
recrudescence des facteurs de risque, tel que le tabac ou l’alcool.

Le traitement des cancers de la cavité buccale dépend du stade de la maladie, de l'état général du
patient et de la décision de la RCP regroupant chirurgiens, oncologues, radiothérapeutes, radiologues
et anatomo-cytopathologistes. La chirurgie reste le traitement de choix pour les cancers de la cavité
buccale quand elle est possible. Elle peut être réalisée seule ou associée à de la radiothérapie et/ou
chimiothérapie.

2. Facteurs pronostiques
Un certain nombre de critères sont à prendre en compte pour évaluer globalement le pronostic des
tumeurs de la cavité buccale.

1- Facteurs cliniques liés à la tumeur:

Caractéristiques macroscopiques : les lésions bourgeonnantes ou végétantes ont un meilleur


pronostic que les lésions infiltrantes et surtout ulcérantes.

Localisation anatomique : la tumeur de la lèvre est d’excellent pronostic, celle de la langue mobile
de pronostic intermédiaire et les lésions gingivales nettement plus péjoratives.

2- Facteurs histologiques:

Le degré de différenciation histologique de la tumeur observée sur la biopsie ou sur la pièce


opératoire ne paraît pas jouer un rôle, même s’il est classique de considérer que les tumeurs peu
différenciées sont à la fois plus évolutives mais répondent mieux au traitement radiothérapique.

L’existence d’atteinte des limites d’exérèse, la rupture capsulaire, l’envahissement de nombreux


ganglions, la présence d’envahissement périnerveux ou la présence de lymphangite carcinomateuse
sont de mauvais pronostic.

3- Facteur biologique: Génétique et marqueurs:

Plusieurs études ont montré des mutations du gène suppresseur de tumeur « P53 » dans les tumeurs
des voies aérodigestives supérieures ; il existe une forte corrélation entre ces mutations et la
consommation de tabac, suggérant que cette dernière induirait les mutations du gène P53. Cependant,
les études ne retrouvent une P53 positive que dans un cas sur deux de carcinome invasif.

4- Facteurs cliniques généraux:

Plus que le poids au moment de la prise en charge, la notion d’un amaigrissement important et
rapide est défavorable. Il en est de même à moyen terme pour la poursuite de l’intoxication alcool
tabagique.
3. Principes généraux d’exérèse carcinologique
- L’exérèse doit se faire sous un bon éclairage après avoir repéré au mieux les limites
lésionnelles en s’aidant de la palpation. Le tracé de l’incision est fait au préalable.
- Le trait d’exérèse doit passer en tissu sain avec une marge d’au moins 01 cm tout autour de la
tumeur (même en profondeur). Cette marge de sécurité est la garantie d’un contrôle
locorégional satisfaisant en limitant les résections incomplètes microscopiquement
- L’exérèse est réalisée à l’emporte-pièce.
- En peropératoire, des examens extemporanés peuvent être réalisés en cas de doute sur le
caractère complet de la résection et peuvent ainsi guider la poursuite de celle-ci.
- La pièce est orientée et accompagnée d’un schéma. Comme dans toute chirurgie
carcinologique,
- Dans les tumeurs de plus grande étendue, la résection est souvent suivie de réparation par
lambeaux locaux ou à distance. Dans ce cas, il doit exister une totale indépendance entre
l’exérèse et la reconstruction ; la guérison ne doit pas être compromise en raison d’une exérèse
insuffisante par souci esthétique.
- À partir du stade infiltrant (T1), la chirurgie est associée à un curage des aires ganglionnaires
cervicales sub-mento-mandibulaires et jugulo-carotidiennes.
- Le caractère uni- ou bilatéral de la chirurgie ganglionnaire dépend de la localisation de la
tumeur et du statut ganglionnaire clinique et radiologique.

 Les voies d’abord chirurgicales :

 Voie directe (intra-buccale) : la voie endobuccale est recommandée pour garder


l‘esthétique de la face.
 Voie indirecte (voie externe, trans-cutanée) : la plus fréquemment utilisée, pour les
tumeurs importantes, qui rend aisée la résection extra-périostée
(hémimandibulectomie..) ;
 Voie combinée : (pull through) : dans les cas de tumeurs mandibulaires avec
extension pelvienne.

4. Indications thérapeutiques

1. Le carcinome de la langue :
• La glossotomie : c’est l’ablation de la langue

1.1. La glossotomie partielle : c’est l’ablation marginale ou de la pointe de la langue

1.2. L’hémi-glossectomie : intéresse les tumeurs infiltrantes ;

1.3. La glossectomie sub-totale voir totale : elle est proposé exceptionnellement après échec
des autres thérapeutiques.

Les séquelles phonétiques sont importantes et l’alimentation est possible par les mouvements
compensateurs de la joue.
2. Le carcinome de la lèvre :
• 2.1. La vermillectomie : permet l’exérèse de toute la muqueuse de la lèvre, la reconstitution se
fait à points séparés avec la ligne cutanéo-muqueuse.

• 2.2. La résection : est indiquée pour des lésions infiltrantes qui intéressent moins de 1/3 de la
lèvre avec un grand orifice buccal. La technique consiste en l’exérèse de toute l’épaisseur de
la lèvre avec incision en V et les bords sont rapprochés grâce à l’élasticité de la lèvre.

3. Le carcinome de la joue :
Le traitement chirurgical dépend de l’extension en surface et du degré d’infiltration profonde de la
tumeur.

Pour les petites lésions, on pratique une exérèse avec suture simple.

Pour les lésions infiltrantes, on pratique l’exérèse de la tumeur, du muscle buccinateur et de la peau.
La reconstruction est réalisée par le lambeau myo-cutané du grand pectoral.

4. Le carcinome du plancher buccal :


. Exérèses large : indiquée pour les lésions envahissant le plancher, la langue, la gencive et la
mandibule, on peut citer :

• Hémiglosso-pelvi mandibulectomie interruptrice et non interruptrice.

• Glosso-palvi- symphysectomie interruptrice et non interruptrice

5- Mandibulectomie:
Elle est indiquée dans les cas de tumeurs qui prennent naissance dans la mandibule (primitives) ou
qui s’y sont propages secondairement.

Selon le degré d’atteinte mandibulaire, on peut avoir recours à la:

- Pelvi mandibulectomie non interruptrice (marginale): exérèse de la tumeur d’une partie de la


mandibule avec conservation de la baguette basilaire de l’os.

- Pelvi- mandibulectomie interruptrice: Où on réalise l’exèrese totale de la tumeur avec la partie


de l’os mandibulaire atteint.

- Hémi-mandibulectomie ( résection terminale): réalisée dans les cas de volumineuses tumeurs


ayant soufflée au moins deux parois osseuses et envahie les tissus mous avoisinants, elle
consiste en une désarticulation temporo-mandibulaire et une section qui peut avoir lieu au
niveau de la région parasymphysaire ou la branche horizontale controlatérale.
6- maxillectomie:
Trois variantes sont décrites:

- Maxillectomie partielle de l’infrastructure palatine n’intéressant pas la crête alvéolaire, sans


envahissement osseux: la voute sera sectionnée selon les limites d’exerese déterminées avec
abord direct par voie endobuccale palatine.

En cas d’atteinte du plancher nasale ou sinusien, une section de la paroi naso-sinusienne sera réalisée
pour permettre la désinsertion en monobloc de la pièce opératoire.

- Maxillectomie partielle de l’infrastructure palatine intéressant la crête alvéolaire, sans


envahissement osseux:

La crête alvéolaire envahie sera incluse dans l’exerese tumorale. Un double abord palatin et
vestibulaire est alors nécessaire.

- Maxillectomie avec envahissement osseux :

• Selon le degré de l’envahissement osseux, une ostéotomie subtotale pourra être réalisée avec
conservation du plancher orbitaire ainsi que la totalité ou la partie postérieure du sinus
maxillaire par abord vestibulaire et endobuccal.

• Une prothèse obturatrice ou une reconstruction doivent être envisagés comme solution à la
perte de substance après l'intervention.

5- Curage gonglionnaire

La chirurgie ganglionnaire est à la fois exploratrice et thérapeutique.

Le type de curage est fonction de l'importance de l'extension ganglionnaire. Selon la


localisation de la tumeur, le drainage lymphatique peut se faire de manière bilatérale,
obligeant a pratiquer un curage bilatéral.

Un examen histologique extemporané des relais ganglionnaires sous-digastrique et sus-


omohyoidien voies de passage ≪ obligatoires ≫ permet de déterminer s'il est nécessaire d’
étendre le curage aux chaines sous-jacentes.

Examen histologique du résultat du curage ganglionnaire

• Une étude histologique conventionnelle précise :

– le nombre de ganglions identifies

– le nombre de ganglions envahis : N+

– leur siège

– l'existence ou non d'une rupture capsulaire : R+ ou R.

Une radiothérapie complémentaire est indispensable en cas de N+ multiples ou en cas de R+.


• Curage ganglionnaire radical:

Il était d’usage de réaliser un curage ganglionnaire radical incluant au moins 5 niveaux de nœuds
lymphatiques cervicaux. Mais cette méthode entrainait une morbidité importante du fait du sacrifice de
structures anatomiques importantes (le nerf accessoire et/ou la veine jugulaire interne et/ou le muscle
sternocléido- Mastoïdien).

• le curage ganglionnaire cervical fonctionnel

inclut les V groupes ganglionnaires ,mais épargne le nerf accessoire et/ou la veine jugulaire interne
et/ou le muscle sternocléido-mastoïdien. Il est réalisé pour des métastases ganglionnaires probables ou
macroscopiquement évidentes qui n’infiltrent pas ces structures non lymphatiques.

• le curage ganglionnaire sélectif

inclut un ou plusieurs groupes ganglionnaires à haut risque d’atteinte métastatique précoce. Sa


conception repose sur la localisation de la tumeur primitive et le drainage lymphatique anatomique
préférentiel. Il peut être supraomohyoïdien , postérolatéral, et/ou central .

• Une reconstruction

• Une reconstruction est nécessaire en cas de pertes de substance muqueuse et/ou osseuse
étendues. Elle se fait au moyen de lambeaux pédiculés régionaux ou par

 des transplants micro anastomosés :

• lambeaux pédiculés :
• lambeau nasogenien ;
• lambeau myocutane de grand pectoral ;
• lambeau myocutane de grand dorsal ;
• lambeau de muscle temporal ;
 transferts micro anastomosés :

• lambeau antebrachial, dit aussi lambeau chinois ;


• transfert composite musculo-cutané de fibula, grand dorsal ou de grand pectoral.
• En cas d'interruption de la continuité, la séquelle est la perte de la mastication et,
accessoirement, une modification de l'esthétique du visage auxquelles on peut remédier en
proposant tantôt un appareil-guide pour éviter les déviations mandibulaires, tantôt une
réhabilitation osseuse microchirurgicale (transfert micro anastomosé de crête iliaque ou de
fibula).
Autres moyens chirurgicaux

• Chirurgie laser

Le laser CO2 peut être proposé pour le traitement des leucoplasies précancéreuses de la cavité
buccale: douleurs intenses, cicatrisation lente, parfois récidive sont observées. Son emploi a été décrit
en complément d’un geste chirurgical d’exérèse de première intention sur les berges de résection
tumorale.
• Cryothérapie

• Elle utilise de très basses températures pour la destruction in situ des cellules tumorales. Son
développement a été initialement limité par le manque de fiabilité du contrôle de la
congélation et les risques de lésion des organes de voisinage. Une congélation rapide par de
l’azote liquide sous pression, suivie d’un réchauffement lent est la méthodologie la plus létale
pour les cellules tumorales.

• Malgré des résultats intéressants pour les carcinomes T1-T2 de la langue, en association avec
un curage ganglionnaire cervical, son application linguale reste peu développée, en raison de
l’importance de la réaction inflammatoire locale à l’origine de complication respiratoire.

• Photothérapie dynamique

• Elle a pour but la destruction du tissu tumoral en deux étapes : une molécule
photosensibilisante (photofrein) est injectée par voie sanguine et se concentre dans les cellules
malignes ; un Rayonnement électromagnétique laser, provoque une cytotoxicité sélective.

• Celle-ci est liée à la production de radicaux libres et d’oxygène . Le traitement laser a donc un
effet photochimique et non thermique. Cette thérapeutique encore peu développée pourrait
éviter un traitement chirurgical pour des tumeurs linguales de petites tailles. La
photosensibilisation est l’effet secondaire le plus habituel.

Conclusion
• L’épidémiologie ne montre pas de diminution véritable des cancers . Les campagnes de
prévention contre les risques alcoolo tabagiques doivent donc rester actives. Les indications
thérapeutiques reflètent de multiples tendances : si les tumeurs de petites tailles peuvent être
traitées de façon équivalente par la radiothérapie ou la chirurgie, le traitement des lésions plus
volumineuses fait appel le plus souvent à une association radio-chirurgicale.

• La place de la chimiothérapie reste à évaluer. Dans tous les cas, la présence d’adénopathies
cervicales métastatiques est un facteur primordial de mauvais pronostic.

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