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UNIVERSITÉ DE DJIBOUTI

FACULTÉ DE MÉDECINE DE DJIBOUTI


Année Universitaire 2021 – 2022

CHIRURGIE GÉNÉRALE
DCEM1

LE CANCER DE L’ŒSOPHAGE

Prof. Rached LETAIEF


Prof. Ag. Mohamed Salah JARRAR
LE CANCER DE L’ŒSOPHAGE

OBJECTIFS ÉDUCATIONNELS :

1- Décrire les éléments anatomiques propres à l’œsophage et les particularités


anatomopathologiques de l’extension tumorale
2- Citer les causes favorisantes et prédisposantes dans la genèse du cancer de l’œsophage
3- Poser le diagnostic d’un cancer de l’œsophage sur des éléments cliniques et para-cliniques.
4- Réunir les éléments cliniques et para-cliniques du bilan pré-thérapeutique.
6- Citer les formes cliniques du cancer de l’œsophage
7- Décrire les principes du traitement des cancers de l’œsophage.

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I- INTRODUCTION :
C’est le développement d’une tumeur maligne au niveau de l’œsophage. C’est un cancer grave, de
pronostic très sombre du fait de son siège, de sa survenu chez des patients souvent multi-tarés et de sa
découverte au stade tardif. Il est associé à un cancer de la sphère ORL dans 15% des cas.
Le traitement chirurgical curatif n’est possible que 20 à 30% des cas et l’exérèse chirurgicale est
associé à une lourde mortalité avec un bénéfice limité sur la survie. Son pronostic est sombre avec une
survie globale à 5 ans d’environ 10%. La chimiothérapie et la radiothérapie occupent actuellement une
place importante dans la prise en charge thérapeutique et dans l’amélioration du pronostic.

II- RAPPEL ANATOMIQUE :


1. Situation et rapports :
L’œsophage est un conduit musculo-muqueux contractile de 25 cm de long, étendu entre la bouche
œsophagienne ou bouche de Killian (située à l’endoscopie à 15 cm de l’arcade dentaire supérieure) et
le cardia (situé à 40 cm). Il est particulier par :
- Son siège profond, à l’étroit dans le médiastin postérieur,
- L’absence de séreuse qui jouerait le rôle d’une barrière limitant temporairement l’extension
tumorale,
- La dispersion du drainage lymphatique.
L’œsophage peut être subdivisé en 3 portions:
a. L’œsophage supérieur : Il est compris entre la bouche de Killian et le bord supérieur
de la crosse aortique. L’œsophage y est à l’étroit entre le plan pré-vertébral en arrière et la trachée en
avant, latéralement il est en contact par l’intermédiaire de la gaine viscérale du cou avec les deux lobes
thyroïdiens, les vaisseaux thyroïdiens inférieurs et le nerf laryngé récurrent gauche.

b. L’œsophage moyen : Il est compris entre le bord supérieur de la crosse aortique et le


pédicule pulmonaire inférieur gauche. Dans cette portion, l’œsophage est également à l’étroit entre le
plan pré-vertébral en arrière, la crosse aortique et la bronche principale gauche en avant, latéralement
l’aorte descendante et le nerf vague gauche à gauche, la veine Azygos, le conduit thoracique et le nerf
vague droit à droite.

c. L’œsophage inférieur : Il est compris entre le bord inférieur du pédicule pulmonaire


inférieur et le cardia. Dans cette portion, l’œsophage est moins à l’étroit. Il est appliqué en arrière
contre le pilier gauche du diaphragme, l’aorte abdominale et le rachis ; en avant le nerf vague gauche
et le lobe gauche du foie ; et latéralement le péricarde.

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Fig.1. Divisions de l’œsophage

2. Drainage lymphatique : Il est important à connaître car l’extension lymphatique constitue


un facteur pronostique essentiel. Un réseau muqueux organisé en mailles losangiques se prolonge dans
la sous-muqueuse en mailles plus grandes. Ces réseaux sont en continuité en haut avec les réseaux du
pharynx et en bas avec ceux de l’estomac. Les collecteurs de ces réseaux vont traverser la musculeuse
pour atteindre le premier relais ganglionnaire (ganglions épi-œsophagiens) situé au contact de la
musculeuse. Mais, fait capital pour atteindre ces ganglions, les collecteurs prennent des trajets variés
(ascendant, descendant) et surtout, parfois très brefs, très courts. Parfois, ils peuvent être très longs
atteignant des ganglions à distance de l’origine de la lymphe. Le cancer saute les relais (jumping). À
partir de ces ganglions épi-œsophagiens, des collecteurs plus importants rejoignent les ganglions para-
œsophagiens qui constituent le 2ème relais, et qui en réalité appartiennent au système lymphatique
commun du médiastin qu’il s’agisse des ganglions du ligament triangulaire du poumon, des ganglions
latéro-trachéaux, inter trachéo-bronchiques ou des ganglions du cardia. Ainsi, il n’y a pas de système
lymphatique spécifique de l’œsophage. En effet, le système lymphatique des 3 régions que traverse
l’œsophage, assure le drainage de plusieurs viscères:
- Au niveau cervical: les ganglions de la chaîne jugulo-carotidienne et récurrentielle.
- Au niveau thoracique: les ganglions latéro-trachéaux, inter trachéo-bronchiques et les ganglions du
pédicule pulmonaire.
- Au niveau abdominal: ganglions œso-cardio-tubérositaires, gastrique gauche et cœliaques.

Cette étude du drainage lymphatique permet de souligner:


- La dispersion des relais ganglionnaires,
- La possibilité pour le cancer de l’œsophage de sauter de relais ganglionnaire, c’est à dire la
possibilité d’envahissement ganglionnaire à distance alors que les ganglions juxta-tumoraux sont
intacts (saut ganglionnaire ou « jumping »).

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Fig.2. Drainage lymphatique de l’œsophage

3. Vascularisation :
Mis à part 3 petites artères œsophagiennes propres nées de l’aorte, l’œsophage n’a pas de
vascularisation artérielle propre. En effet, il reçoit tout le long de son étendue des branches des
organes voisins (artère thyroïdienne inférieure, aorte, diaphragmatique inférieure et gastrique gauche).
Quant au drainage veineux, il rejoint par l’essentiel le système azygos.

III- ÉPIDÉMIOLOGIE :
A- Épidémiologie descriptive :
1- Répartition géographique : reconnaît des zones à haut risque (Chine, Iran, Afrique du
sud…) où l’incidence atteint 35 à 150 cas pour 100 000 habitants (Europe, USA : 10 / 100 000).
2- Âge et sexe : La prévalence masculine est nette (12 hommes pour une femme). Sa
fréquence augmente avec l’âge à partir de 60 ans.
B- Épidémiologie causale :
1- Carcinome épidermoïde :
a- Les facteurs exogènes :
- L’alcool et le tabac : L’intoxication alcoolo-tabagique est retrouvée dans 90% en cas de carcinomes
épidermoïdes. Le risque chez un homme buvant plus d’un litre de vin par jour et fumant plus d’un
paquet de cigarette par jour est multiplié par 4. La même intoxication favorise également les cancers
ORL et bronchiques.
- Facteurs nutritionnels :
• Microtraumatismes œsophagiens provoqués par l’absorption d’aliments chauds (thé) ;
• Carences vitaminiques (riboflavine, rétinoïde) ;

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• Régime pauvre en végétaux frais ;
• Consommation de résidu d’opium ;
• Régime riche en nitrite et en nitrates (Chine) avec production de nitrosamines, véritables
carcinogènes.
-Les infections virales : HPV
-Les antécédents de radiothérapie médiastinale

b- Les facteurs endogènes :


- Les œsophagites : elles justifient une surveillance endoscopique avec biopsies multiples en s’aidant
de colorations vitales pour repérer les lésions suspectes (dysplasie sévère ou carcinome). Les
principales causes d’œsophagite sont :
* L’œsophagite caustique au stade cicatriciel : le risque de dégénérescence est de 20% après 20 ans
d’évolution.
* L’œsophagite sidéropénique : (syndrome de Kelly Peterson ou Plummer Vinson) Elle associe une
dysphagie, une anémie hypochrome hyposidérimique et des dépôts de membranes sur l’œsophage.
Elle est plus fréquente dans les pays scandinaves.
- L’achalasie de l’œsophage : même opérée
- Les antécédents de cancers des voies aéro-digestives supérieures
-Le diverticule de Zenker

2- Adénocarcinome : touche le 1/3 inférieur de l’œsophage et la jonction œso-gastrique.


- L’endobrachy-œsophage ou œsophage de Barrett : il s’agit d’une cicatrisation anormale des
lésions d’œsophagite peptique secondaires à l’agression chronique de la muqueuse du bas œsophage
par un RGO pathologique. Elle s’accompagne d’une métaplasie intestinale avec risque de dysplasie de
bas puis de haut grade. Cette affection multiplie le risque de cancer par 30 à 125 fois par rapport à la
population générale.
- Autres :
 RGO
 BMI élevé
 Tabagisme / alcoolisme

IV- ANATOMIE PATHOLOGIQUE :


A- Localisation :
• 1/3 supérieur (C6- T4) : 10%
• 1/3 moyen (T4 – veines pulmonaires inférieures) : 60% +++
• 1/3 inférieur : 30% (veines pulmonaires inférieures – cardia).

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B- Macroscopie : On distingue le cancer « superficiel » et le cancer « invasif ».
1. Le cancer superficiel :
- C’est un cancer qui ne dépasse pas la tunique sous-muqueuse,
- C’est un cancer associé à un pronostic plus favorable que le cancer invasif car le risque d’atteinte
ganglionnaire, sans être nul, est beaucoup plus faible.
- Le cancer superficiel sans atteinte ganglionnaire est encore appelé cancer précoce (early cancer). Ce
cancer peut se présenter sous 3 types:
 Type 1: muqueuse dépolie, légèrement surélevée ou franchement polypoïde.
 Type 2: plat avec 3 sous groupes : (a): élevé (b): plat (c): déprimé
 Type 3: franchement ulcéré.
Ces types sont peu fréquents, ils se voient essentiellement au cours de campagne de dépistage de
masse (Japon) ou chez les populations à haut risque, soumises à des surveillances endoscopiques
répétées.

2. Le cancer invasif : C’est la forme la plus fréquente. La tumeur peut être:


 Végétante ou bourgeonnante à base d’implantation large, jamais pédiculée.
 Ulcérée, bords épais, irréguliers et éversés.
 Infiltrante souvent circonférentielle et sténosante.

C- Microscopie :
- Carcinome épidermoïde : forme la plus fréquente (65%), son incidence est en diminution.
- Adénocarcinome : forme moins fréquente (26%), son incidence tend à augmenter. Barett 
Métaplasie  dysplasie  cancer.
- Autres : cancer anaplasique, mélanome, léiomyosarcome, métastase, lymphome …
- Multifocal dans 15% des cas.

D- Extension tumorale :
Elle est pariétale et extra-œsophagienne.
1. Extension pariétale : Elle se fait en hauteur et en profondeur: En profondeur: née au
niveau de la muqueuse, la tumeur va envahir progressivement les couches sous jacentes, sous
muqueuse puis musculeuse. L’absence de séreuse rend l’envahissement des viscères adjacents très
rapide. En hauteur: l’examen des pièces d’exérèse a montré que les limites macroscopiques de la
tumeur ne correspondent pas toujours à l’extension histologique. Ainsi les limites macroscopiques de
la tumeur sont dépassées de 2 cm 9 fois/10. Il faut dépasser la tumeur de 8 à 9 cm pour être en tissu
sain. Par ailleurs dans 15% des cas, il existe des tumeurs multifocales distantes les unes des autres de 5
cm.

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2. Extension extra-œsophagienne : Elle se fait par contiguïté, par voie lymphatique ou
veineuse.
 Par contiguïté : Elle est relativement rapide favorisée par l’absence de séreuse au niveau de
l’œsophage. Cet envahissement va dépendre du siège du cancer. Ainsi peuvent être envahis au niveau
de:
- L’œsophage cervical et thoracique supérieur: la membraneuse trachéale, le nerf récurrent, l’axe
carotidien et la thyroïde.
- L’œsophage thoracique moyen : la bronche souche gauche, la plèvre, le poumon, l’aorte, la veine
azygos et le canal thoracique.
- L’œsophage thoracique inférieur : le péricarde, l’aorte et le diaphragme.
 Lymphatique : Elle est fréquente et précoce, et constitue un facteur pronostique important. Elle
est corrélée avec le degré d’envahissement pariétal de la tumeur. Elle est anarchique : l’existence de
collecteurs longs explique la possibilité d’atteinte ganglionnaire à distance de la tumeur « jumping »,
la plupart des ganglions atteints sont dans le thorax mais plusieurs en dehors (ganglion sus-
claviculaire, cervical ou cœliaque).
 Extension métastatique : Surtout vers le foie puis les poumons et les os.
 Tous ces éléments font que :
- Le cancer de l’œsophage est un cancer grave,
- L’exérèse doit porter au moins à 8 cm au dessus du pôle supérieur de la tumeur.

3. Classification pTNM (AJCC 2010) :


T: Tumeur primitive
N : Adénopathies régionales
- Tx : Tumeur non évaluée.
- Nx : ganglions non évalués.
- T0 : pas de tumeur.
- N0 : Pas des ganglions envahis.
- Tis : carcinome in situ ou dysplasie de haut grade.
- N1: 1-2 ganglions envahis.
- T1a : infiltration de la muqueuse et la musculaire muqueuse.
- N2 : 3-6 ganglions envahis.
- T1b : infiltration de la sous-muqueuse.
- N3 : 7 ganglions envahis ou plus.
- T2 : infiltration de la musculeuse.
- T3 : infiltration de l’adventice. M : Métastases à distance
- T4a : Tumeur envahissant la plèvre, le péricarde ou le diaphragme (résécable). - Mx : pas d’information.
- T4b : Tumeur envahissant l’aorte, des vertèbres, de la trachée (non résécable). - M0 : pas de métastases.
- M1: métastases à distance.
Stades :
- Stade 0 : pTisN0M0. - Stade IIIA : pT4aN0M0 ou pT3Nl M0 ou pTl -2N2M0.
- Stade IA : pTl N0M0. - Stade IIIB : pT3N2M0.
- Stade IB : pT2N0M0. - Stade IIIC : tous les pT4N+M0 et tous les pTN3M0.
- Stade IIA : pT3N0M0. - Stade IV : tous T ou N Ml.
- Stade IIB : pTl -T2 Nl M0.

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V- ÉTUDE CLINIQUE :
A- Circonstances de découverte :
Dans environ 50% des cas, le cancer de l’œsophage est asymptomatique ou peu symptomatique. Il est,
donc, découvert dans le cadre d’un bilan initial ou de suivi d’un cancer des voies aéro-digestives
supérieures ou d’une cirrhose alcoolique.
Dans les stades avancés, il devient symptomatique. Le maître symptôme est la dysphagie. Elle est
initialement aux solides puis aux liquides aboutissant à une aphagie (impossibilité d’avaler). La
dysphagie est un signe tardif qui impose la pratique d’une fibroscopie.

Il existe d’autres signes :


• Accrochage alimentaire avec sensation de corps étranger
• Douleurs rétro-sternales ou dorsales profondes ou inter-scapulaire
• Fausses routes alimentaires
• Hoquet
• Haleine fétide (stase alimentaire)
• Régurgitations, pyrosis
• Dysphonie : paralysie des cordes vocales par envahissement du nerf laryngé récurent
• Hématémèse ou anémie chronique
• Toux à la déglutition en rapport avec une fistule œso-trachéale
• Amaigrissement important et rapide

B- Examen physique :
Il est souvent pauvre. Il permet de préciser le retentissement du cancer et de la dysphagie prolongée
sur l’état général. Il existe souvent une altération profonde de l’état général avec état de déshydratation
et perte importante de poids.

C- Diagnostic positif :
Fibroscopie digestive haute : Le diagnostic repose sur la fibroscopie digestive haute avec biopsies
multiples. La fibroscopie permet :
- de mettre en évidence la lésion : zone d’altération muqueuse, ulcération, surélévation, végétation, ou
même un rétrécissement rigide dure à la pince à biopsie …
- de préciser son siège sur l’œsophage : c’est le niveau du pôle supérieur de la tumeur par rapport aux
arcades dentaires
-de préciser son entendue : en hauteur et en circonférence.
-de rechercher des nodules de perméation

Il faut explorer endoscopiquement la totalité de l’œsophage car la lésion peut être multifocale et les
colorations vitales s’imposent à cause de la discrétion de l’expression endoscopique de ces lésions

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satellites. Ces colorants permettent de démasquer les zones néoplasiques et de diriger les biopsies.
Deux types de colorants peuvent être utilisés:
* Le bleu de Toluidine qui se fixe électivement sur les cellules néoplasiques (marqueur positif).
* Le Lugol qui est fixé par les cellules claires des couches superficielles de l’épithélium malpighien,
cellules qui sont absentes en cas de cancer ou de dysplasie sévère. Il s’agit donc d’un marqueur
négatif.

En cas de sténose œsophagienne, l’endoscopie doit comporter nécessairement une dilatation avec des
biopsies étagées, tout particulièrement au niveau de la sténose et dans la portion sous-sténotique.
Les lésions limitées et superficielles sont de diagnostic difficile, et peuvent nécessiter la réalisation
d’une nouvelle endoscopie avec nouvelles biopsies.

D- Bilan pré-thérapeutique : Il comprend le bilan d’extension du cancer (résécabilité) et le


bilan d’opérabilité.

1- Bilan d’extension tumorale : pour évaluer la résécabilité. Il est basé sur l’interrogatoire,
l’examen clinique et surtout les examens paracliniques. Deux examens ont permis nettement
d’améliorer la fiabilité de ce bilan d’extension tumorale : la TDM et l’écho-endoscopie.

a. L’interrogatoire : Recherche:
- Des douleurs thoraciques postérieures qui traduisent l’atteinte du fascia pré vertébral,
- Une dysphonie: témoin d’une atteinte récurrentielle,
- Des fausses routes alimentaires pouvant traduire une fistule œso-trachéale ou un cancer sténosant
haut situé.

b. L’examen physique : Recherche un gros foie, une masse épigastrique, un ganglion de


Troisier.

c. L’examen ORL avec nasofibroscopie voire une pan-endoscopie : indispensable, à la


recherche d’un cancer ORL associé dans 10 à 15% des cas et atteignant le cavum, l’hypopharynx,
l’amygdale, le larynx…

d. La radiographie du thorax : Recherchera :


- Un élargissement médiastinal,
- Une atteinte pleurale ou broncho-pulmonaire,
- Une métastase pulmonaire.
Elle permet d’apprécier dans tous les cas l’état du parenchyme pulmonaire sur ce terrain, souvent
tabagique.

e. La fibroscopie trachéo-bronchique : C’est un examen qui n’est pas nécessaire si la


tumeur atteint le 1/3 inférieur. Il est indispensable en cas de cancer atteignant la partie moyenne et
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haute de l’œsophage. Elle recherche des signes directs d’extension tumorale sur la trachée, la
bifurcation trachéo-bronchique et les bronches souches. Elle recherchera d’éventuels cancers associés
sur les voies respiratoires.

f. La TDM thoraco-abdominale : Il sert à préciser l’extension loco-régionale de la


tumeur et juger de son extirpabilité. Le résultat du scanner dépend de la qualité technique et nécessite
un radiologue averti. Il permet d’apprécier :
- La localisation de son pôle supérieur,
- L’extension locale dans la paroi œsophagienne et dans les tissus péri-œsophagiens en signalant
chaque fois si l’aorte, le péricarde, l’arbre trachéo-bronchique, la veine azygos, la plèvre et les
poumons sont envahis. En ce qui concerne l’extension trachéo-bronchique il existe des signes indirects
d’envahissement : prolongement tumoral entre trachée et crosse de l’aorte ou entre bronche souche
gauche et aorte descendante. . En ce qui concerne l’aorte: un contact tumoral sur plus du quart de la
circonférence de l’aorte avec disparition du plan graisseux péri-œsophagien, témoigne d’un
envahissement possible de l’aorte.
- L’extension lymphatique : l’étude de l’envahissement ganglionnaire n’est pas fiable et seul un
ganglion de diamètre > 20 mm est très probablement métastatique.
- La qualité du parenchyme pulmonaire (terrain tabagique +++)
- Au niveau abdominal : on étudie le foie, les ganglions cœliaques, l’existence d’une ascite
(carcinose), on recherche une atteinte des piliers du diaphragme…

g. L’écho-endoscopie : L’introduction d’un transducteur d’échographie dans les cavités


digestives permet de ne pas être gêné par les barrières habituelles aux ultrasons que constituent les gaz
intestinaux, les structures osseuses, le tissu adipeux et d’être à proximité de la structure cible, ce qui
autorise l’utilisation de sonde de haute fréquence et l’obtention d’image de haute résolution.
Il est ainsi possible d’étudier la paroi de l’œsophage, les structures latéro-œsophagiennes en particulier
les aires ganglionnaires et les structures médiastinales postérieures. Cet examen est plus performant
que le TDM pour étudier l’extension pariétale et ganglionnaire. L’écho-endoscopie est non réalisable
en cas de tumeur sténosante non franchissable.

h. Autres examens :
- PET-SCAN : Tomographie par Émission de Positons : pour étude du statut ganglionnaire et
métastatique.
- Échographie cervicale et sus-claviculaire : avec ou sans biopsie à l’aiguille fine des
adénopathies.
- Scintigraphie osseuse : en cas de signes en faveur de métastases osseuses.
- IRM cérébrale : en cas de signes en faveur de métastases cérébrales.

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- Laparoscopie : pour les adénocarcinomes localement avancés, potentiellement résécables, afin
de détecter une maladie métastatique.
- Transit œsophagien : de moins en moins réalisé.

2- bilan de l’état général : pour évaluer l’opérabilité


- Évaluation du terrain : classification OMS, âge physiologique, évaluation des grandes fonctions
notamment respiratoire, hépatique, rénale et cardiaque : EFR, Gaz du sang, bilan hépatique
(transaminases, bilirubine, phosphatases alcalines, TP, facteur V …), ECG, échographie cardiaque…
L’association des tares permet une estimation du risque opératoire.
- Évaluation de l’état nutritionnel : poids (IMC), périmètre brachial, protidémie, électrophorèse
des protides, hémoglobinémie.
Au terme de ce bilan, 40% des patients ne pourront pas être opérés.

VI- FORMES CLINIQUES :

1. Formes évolutives :
a. Cancer superficiel : La lésion ne dépasse pas la sous muqueuse. Il représente le stade
idéal du diagnostic offrant au patient la possibilité d’un traitement curatif et la guérison. Les
circonstances de découverte sont rarement représentées par la dysphagie, il s’agit le plus souvent de
découverte lors de surveillance de patient à haut risque ou de découverte fortuite lors d’une endoscopie
réalisée pour une autre pathologie. Sur le plan endoscopique : les lésions apparaissent comme une
érosion muqueuse en carte de géographie saignant au contact, comme une congestion locale aux
contours flous ou comme une rugosité de la muqueuse.
Les biopsies en l’absence de lésions évidentes seront guidées par l’utilisation de colorations vitales. Le
TOGD dans ce cas particulier est d’interprétation difficile, pouvant être normal, c’est dire l’importance
de l’endoscopie. L’écho-endoscopie est un excellent examen pour préciser le degré d’envahissement
pariétal et rechercher une atteinte ganglionnaire qui sans être nulle est exceptionnelle.

b. Cancer évolué : Il s’agit de tumeur volumineuse ayant envahi les structures avoisinantes.
On est en présence d’un malade cachectique souvent aphagique ayant des signes d’extension loco-
régionales : douleurs thoraciques postérieures, dysphonie par atteinte récurrentielle, broncho-
pneumopathies à répétition par fausses routes ou par fistule œso-trachéale ou œso-bronchique. La
fibroscopie et le TOGD objectivent une tumeur étendue avec désaxation de l’axe œsophagien.
L’opacification œsophagienne peut révéler une fistule œso-trachéale ou œso-médiastinale. Le TDM
est la bronchoscopie révèlent souvent une atteinte trachéale ou bronchique voir aortique. Le pronostic
est très mauvais à court terme.

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2. Formes topographiques :
a. Cancer du 1/3 supérieur : Il se distingue par une symptomatologie bruyante marquée par
la fréquence :
- des complications respiratoires : broncho-pneumopathies par fausses routes, surinfection broncho-
pulmonaire,
- de l’atteinte récurrentielle,
- d’envahissement trachéal.
b. Cancer du 1/3 inférieur : Il a un retentissement orificiel rapide, et donc une traduction
sténosante rapide. La dysphagie est longtemps tolérée souvent précédée de troubles dyspeptiques.

3. Formes étiologiques : L’association à un cancer des voies aériennes supérieures est


possible. Elle doit être recherchée de partie pris.

4. Formes anatomopathologiques :
- L’adénocarcinome de l’œsophage : se voit rarement. Il s’agit de tumeurs qui se développent sur une
muqueuse glandulaire hétérotopique de l’œsophage. Cet adénocarcinome glandulaire peut atteindre la
partie haute de l’œsophage et il faut le différencier de l’adénocarcinome du bas œsophage qui peut
compliquer un endobrachy-œsophage.

- Le cancer sur endobrachy-œsophage : il existe un long passé de reflux gastro-œsophagien qui va


déterminer une métaplasie de la muqueuse œsophagienne au niveau des derniers centimètres. Cette
métaplasie, surtout si elle est étendue (> 8 cm) et de type intestinal, est susceptible de dégénérer et
d’entraîner l’apparition d’un adénocarcinome.

- Les sarcomes, les carcinomes anaplasiques, les mélanomes malins et les lymphomes malins sont
exceptionnels.

VII- DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :


1- Sténose peptique : Antécédents de pyrosis ; Sténose régulière, centrée, en queue de radis
2- Œsophagite caustique : Ingestion de caustique
3- Achalasie : Dysphagie paradoxale ; Endoscopie : ressaut
 Ces 3 diagnostics constituent des conditions pré-cancéreuses.
4- Cancers du cardia
5- Compression extrinsèque de l’œsophage : Cancer thyroïdien, cancer broncho-pulmonaire,
adénopathies médiastinales, ostéophyte vertébral
6- Tumeurs bénignes de l’œsophage

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VIII- TRAITEMENT :
A- Buts du traitement :
- assurer le libre passage du bol alimentaire
- résection carcinologique du cancer
B- Méthodes :
1- La chirurgie : elle constitue la principale méthode thérapeutique. C’est une chirurgie
lourde nécessitant une préparation intensive (kinésithérapie respiratoire, correction de tares,
alimentation parentérale …). Elle peut être à visée curative (R0) ou palliative.
a- Méthodes curatives : c’est l’œsophagectomie avec curage ganglionnaire thoracique et
cœliaque.
- Intervention de LEWIS SANTY : œsophagectomie partielle par double voie, thoracique droite
et abdominale, suivi d’une anastomose oeso-gastrique intra-thoracique après gastroplastie.

A B C
Fig.3. Intervention de Lewis Santy. A. Pièce d’œsophagectomie polaire inférieure. B. Anastomose œso-
gastrique intra-thoracique. C. Trajet de la plastie gastrique (médiastinal postérieur)

- Intervention d’AKIYAMA : œsophagectomie subtotale avec rétablissement de la continuité


digestive au niveau du cou. Elle utilise 3 abords, cervical gauche, thoracique droit et abdominal. Le
transplant est le plus souvent gastrique, rarement colique (œsophago-coloplastie).

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A B
Fig.4. Œsophagectomie par triple voie d’abord type Akiyama. A. Pièce d’œsophagectomie sub-totale. B.
Anastomose œso-gastrique cervicale.

- Œsophagectomie sans thoracotomie : La dissection de l’œsophage est réalisée de haut en bas


à travers une cervicotomie latérale gauche et le défilé cervico-thoracique et de bas en haut à travers
l’orifice hiatal élargi. Cette intervention est réalisée uniquement pour les cancers du tiers inférieur.
Elle est formellement contre indiquée en cas de tumeur du tiers moyen de l’œsophage car la dissection
est aveugle et peut se solder par un arrachement de la membraneuse trachéale. Elle a l’avantage de ne
pas ouvrir le thorax mais carcinologiquement, le curage cellulo-lymphatique peut être incomplet et ce
procédé peut donc laisser en place du tissu ou des ganglions médiastinaux envahis.

Fig.5. Œsophagectomie sans thoracotomie

- Autres techniques : œsophagectomie avec thoracotomie et curage ganglionnaire extensif,


œsophagectomie avec pharyngo-laryngectomie.
b- Méthodes palliatives : Il s’agit des stomies d’alimentation. On réalise plutôt les
jéjunostomies. Il ne faut pas opter pour une gastrostomie pour un malade opérable (greffon gastrique).

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2- La radiothérapie : 60 à 70 Grays sur la tumeur et de 45 Grays sur les aires
ganglionnaires fractionnée en 4 à 6 semaines. La référence est la radio-chimiothérapie concomitante.
Elle peut être seule en cas de contre-indication à la chimiothérapie.
3- La chimiothérapie : Plusieurs produits sont utilisés, principalement : Cisplatine, 5-FU,
Épirubicine, Docétaxel. Elle est :
- soit associée à la radiothérapie dans un but palliatif
- soit en pré-opératoire pour la réduction tumorale (chimiothérapie néo-adjuvante pendant 2 à 3
mois avant la chirurgie).
- soit administrée seule pour les formes métastatiques.

4- Les méthodes endoscopiques :


- Mucosectomie
- Laser YAG (CI en cas de tumeur infiltrante), curiethérapie : il permet la désobstruction de
l’œsophage.
- Endo-prothèse œsophagienne : en cas de sténose ou de fistule œso-trachéale (CI si pôle supérieur de
la tumeur à moins de 2 cm de la bouche œsophagienne).
- Dilatation œsophagienne : d’efficacité transitoire.

Fig.6. Endo-prothèse œsophagienne

C- Indications :
1- Traitement curatif : s’adresse aux tumeurs localement peu étendues sans métastases chez
des patients en assez bon état général et opérables. Il associe la radio et/ou la chimiothérapie pré-
opératoire à la résection œsophagienne (Akiyama ou Lewis).
a. Pour les formes précoces : dysplasie de haut grade et carcinome intra-muqueux : Le
traitement de référence est un traitement endoscopique par mucosectomie.
b. Pour les stades localisés : La chirurgie seule est le traitement de référence. La
chimiothérapie suivie d’une chirurgie peut être discutée en cas de stade localisé avec suspicion
d’envahissement ganglionnaire.

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c. Pour les stades localement avancés :
 Radio-chimiothérapie pré-opératoire pour les adénocarcinomes.
 Radio-chimiothérapie +/- chirurgie pour tumeur épidermoïde en cas de persistance tumorale.
 Radio-chimiothérapie seule à visée curative :
. En cas de cancer épidermoïde localement avancé,
. Quel que soit le type histologique si contre-indication à la chirurgie.
 Chimiothérapie suivie d’une chirurgie peut être discutée en cas d’adénocarcinome du 1/3 inférieur
semblant résécable facilement.

2- Traitement palliatif : s’adresse aux patients non opérables quelque soit le type de tumeur et
aux tumeurs métastatiques ou localement très envahissantes :
 La douleur, la toxicité de la chimiothérapie et/ou de la radiothérapie, l’altération de l’état
psychologique.
 La renutrition :
- 1ère intention : complémentation orale ou alimentation entérale par sonde,
- seconde intention : une jéjunostomie,
- 3ème intention : une nutrition parentérale.
 La chimiothérapie seule : pour les formes métatstatiques
 La désobstruction : pose d’une prothèse, curiethérapie à haut débit de dose, radiothérapie
externe avec fractionnement de dose adapté.

T1aM0N0 T1-2N0M0 Autres cas M0 Métastatique

Mucosectomie +

Chirurgie seule O +

CT-Chirurgie O O Adéno-K
RT-CT + adéno-K
+ Chirurgie O épidermoïde
RT-CT seule O
+
CT seule

Soins symptomatique. O
exclusifs
O

+ Modalité de référence sauf si CI ; O Modalité pouvant être proposée ; CT chimiothérapie ; RT radiothérapie

D- Résultats Ŕ pronostic :
La survie globale est de 5 à 10%. La chirurgie à visée curative n’est possible que dans 20% des cas ;
Elle permet une survie à 5 ans de 34 à 50%. Le pronostic dépend :
- du T (75% de survie dans les stades T1)
- surtout du N (10% de survie avec N+).

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Les tumeurs du 1/3 supérieur sont de mauvais pronostic vu la difficulté de l’exérèse et du curage
médiastinal supérieur.
Les traitements radio-chimiothérapie exclusifs en présence de patients inopérables ont permis des
survies de 5 à 10%.

E- Suivi :
1- Objectifs :
 Détecter les récidives locales ou à distance.
 Détecter précocement un second cancer.
 Détecter des effets indésirables tardifs liés au traitement.
 Veiller à la qualité de vie. Organiser les soins de support nécessaires, notamment la prise en charge
nutritionnelle.
2- Modalités
Il n’y a pas de consensus, amis la surveillance est clinique et radiologique.
Les examens complémentaires sont guidés par les symptômes, et dépendent de chaque situation.
Un examen clinique effectué tous les 3 mois pendant les 2 ans puis tous les 6 mois est souvent
suffisant.
Pour les cancers épidermoïdes, le suivi est à vie du fait du risque d’un second cancer (terrain alcoolo-
tabagique). Pour les adénocarcinomes, le suivi est au moins de 5 ans.
Le patient doit être informé sur la nécessité (outre le suivi systématique) de consulter en cas
d’apparition des signes les plus fréquents de récidive : la reprise de l’amaigrissement, les douleurs
abdominales, la dysphagie, les douleurs osseuses, la toux, la dyspnée, la modification de la voix

IX- CONCLUSION :
Le cancer de l’œsophage est un cancer de mauvais pronostic car trois malades sur dix sont récusés à
cause de l’extension tumorale, trois autres malades sur dix sont récusés à cause du très mauvais terrain
et seuls quatre malades sur dix sont opérés dont deux à titre curatif. De nos jours, on assiste à une
augmentation de l’incidence de l’adénocarcinome par rapport au carcinome épidermoïde. La prise en
charge est multidisciplinaire, et dépend du stade TNM et du terrain (co-morbidités). La survie à cinq
ans est de l’ordre de 15-20%. L’amélioration du pronostic impose un diagnostic précoce basé sur la
fibroscopie devant la moindre dysphagie, sur la collaboration multidisciplinaire et la mise au point de
protocole thérapeutique associant une chimio-radiothérapie pré opératoire à la chirurgie.

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