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DOSSIER

Les avancées
significatives
en neurologie

Actualités thérapeutiques
dans la myasthénie
auto-immune
Current therapeutic strategies in myasthenia gravis
C. Marois*, S. Demeret*

L
a myasthénie auto-immune (MAI) est une Mécanismes
C. Marois
maladie rare (prévalence estimée à 20/100 000), physiopathologiques
présentant des profils cliniques variés et d’évo-
lution imprévisible, rendant la prise en charge théra- La MAI est une maladie auto-immune médiée par
peutique complexe. La MAI est due à la présence les lymphocytes B (LB), à l’origine de la ­production
d’autoanticorps dirigés contre des composants de la d’autoanticorps pathogènes spécifiques de type IgG :
jonction neuromusculaire postsynaptique, majori- les anticorps anti-RACh, anti-MUSK et anti-LRP4.
tairement contre le récepteur de l’acétylcholine Les lymphocytes T (LT) CD4+ ont également un rôle
(anticorps anti-RACh), moins souvent contre la majeur dans la physiopathologie de la MAI en pro-
protéine muscle-specific kinase (anticorps anti-MuSK) duisant des cytokines pro-inflammatoires et en régu-
encore plus rarement contre la protéine low-density lant la production des LB. Les anticorps anti-RACh,
lipoprotein receptor-related protein 4 (anticorps de type IgG2 et IgG4 bloquent le site de fixation de
anti-LRP4). Parfois, aucun anticorps n’est mis en l’acétylcholine sur le RACh et activent le complément
évidence, on parle alors de myasthénie séronégative. conduisant à la destruction du RACh. Les anticorps
Dans environ 15 % des cas, la MAI peut être d’origine anti-MUSK inhibent la protéine MuSK qui joue un
paranéoplasique, et s’associer à un thymome [1]. rôle majeur dans le regroupement des RACh sur la
membrane post-synaptique, altérant ainsi la trans-
mission neuromusculaire. À la différence des anticorps
Symptômes et formes anti-RACh, les anticorps anti-MUSK, de type IgG3,
de la maladie n’activent pas le complément [2].

L’atteinte de la jonction neuromusculaire se mani-


feste par une fatigabilité musculaire à l’effort, fluc- Stratégie thérapeutique
tuante, pouvant toucher la musculature faciale,
bulbaire, axiale, segmentaire ou respiratoire, et La prise en charge thérapeutique de la myasthénie
associer différents symptômes cliniques : diplopie doit être individualisée, dépendant de l’âge et des
binoculaire, ptôsis, dysphagie, dysphonie, déficit comorbidités du patient, de sa symptomatologie et
moteur des membres, tête tombante, dyspnée. Il de sa gêne fonctionnelle, du type d’anticorps ainsi que
existe différents profils cliniques de la myasthénie : des souhaits du patient [3]. Un arbre décisionnel est
la forme oculaire pure qui se manifeste par une proposé (figure).
diplopie ou un ptôsis isolé ou par une diplopie et
un ptôsis associés ; et la forme généralisée qui peut
toucher tous les groupes musculaires. Traitement symptomatique
La MAI évolue par poussées, plus ou moins sévères,
pouvant mettre en jeu le pronostic vital. En effet, Le traitement symptomatique repose sur les anticho-
la dysfonction diaphragmatique et la dysphagie linestérasiques par voie orale : bromure de pyrido­
* Unité de médecine intensive et réani-
mation à orientation neurologique,
peuvent conduire à une insuffisance respiratoire stigmine (60 mg) ou chlorure d’ambénonium (10 mg).
département de neurologie, hôpital aiguë et nécessiter alors la mise en place d’une En bloquant de façon réversible l’acétylcholinestérase,
de La Pitié-Salpêtrière, et Sorbonne
université, Paris.
venti­lation mécanique en réanimation : on parle ils prolongent l’action de l’acétylcholine au niveau
alors de “crise myasthénique”. postsynaptique. Prescrits en 1re intention, ils per-

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Points forts
» La myasthénie auto-immune est une maladie neuromusculaire à l’origine de profils cliniques variés, Mots-clés
nécessitant une prise en charge thérapeutique individualisée. Myasthénie
» Le traitement de fond repose sur les anticholinestérasiques à visée symptomatique, sur les immuno- Anticholin­-
suppresseurs à visée étiologique, et sur la thymectomie. estéra­siques
» Les immunosuppresseurs de 1re ligne sont les corticoïdes dont on cherchera la dose minimale efficace, Corticoïdes
l’azathioprine et le mycophénolate mofétil. Immunosuppresseurs
» En cas d’échec de ces thérapeutiques, la myasthénie est dite réfractaire et doit faire discuter un traite- Thymectomie
ment immunosuppresseur de 2e ligne par rituximab, plus rarement ciclosporine, tacrolimus ou méthotrexate.
» Des thérapies plus récentes viennent dorénavant s’ajouter aux options thérapeutiques des myasthénies
réfractaires : les inhibiteurs de C5 et les anticorps dirigés contre les récepteurs Fc néonataux.

Symptômes oculaires Symptômes généralisés Highlights


Signes de gravité (dysphagie, troubles respiratoires) ? » Myasthenia gravis is a
Introduction OUI neuromuscular disease with
anticholinestérasiques NON
various clinical presentations,
Disparition des symptômes et bonne tolérance du traitement ? requiring an individual treat-
OUI NON Hospitalisation pour ment plan.
Contre-indication aux corticoïdes ? cure d’IgIV ou » Symptomatic treatment
Surveillance régulière NON OUI échanges plasmatiques is based on acétylcholines-
Pas d’ajout de traitement terase inhibitors, combined
Cure de corticoïdes with immunosuppressors and
thymectomy.
+ Thymectomie » First line immunosuppres-
Introduction traitement Azathioprine Switch si échec
Mycophénolate mofétil si sive therapy is based on corti-
de fond de 1re ligne : ou mauvaise tolérance • Thymome
costeroids, gradually tapered
Disparition des symptômes et bonne tolérance du traitement ? • Sujet jeune to the minimal efficient dose,
+ Ac anti-RACh
OUI NON azathioprine, or mycophenolate
mofetil.
Rituximab (anti-MUSK++), ciclosporine, tacrolimus » In case of inefficiency of the
Traitement 2e ligne : Si échec : adresser à un centre expert first line, myasthenia gravis is
called refractory, and ­rituximab,
Figure. Algorithme de la myasthénie auto-immune. cyclosporin, tacrolimus or
methotrexate as second line
treatment can be discussed.
» Emerging therapy options
mettent souvent une amélioration des symptômes cholinestérasiques doivent être prescrits en 1re inten- are promising in refractory
musculaires. Leur efficacité dure entre 3 et 6 heures tion à tous les patients atteints de myasthénie. Le myasthenia gravis: C5 ­inhibitors
pour les formes à libération immédiate (bromure traitement sera poursuivi en fonction du rapport or neonatal Fc receptor anta­
de pyridostigmine 60 mg, ambenonium chloride bénéfice/effets indésirables, les posologies seront gonists are currently evaluated.
10 mg), entre 8 et 10 heures pour les formes à libéra- adaptées par le patient en fonction de ses symptômes
tion prolongée (bromure de pyridostigmine 180 mg myasthéniques. L’efficacité et la tolérance des anti­ Keywords
à LP). Les effets indésirables, fréquents, peuvent être cholinestérasiques sont souvent moindres dans les Myasthenia
un facteur limitant leur utilisation, et l’explication MAI à anticorps anti-MUSK. Anticholinesterases
précise au patient des modalités d’utilisation permet
Corticosteroids
d’optimiser leur prescription. Les effets indésirables
Immunosuppressants
muscariniques (diarrhées, spasmes coliques, hyper- Traitement de fond
Thymectomy
salivation) peuvent être atténués par la prescription
d’anticholinergiques (teinture de belladone) ; les Malgré une bonne efficacité des traitements anti-
effets indésirables nicotiniques (crampes, fascicula- cholinestérasiques, une minorité de patients seront
tions) nécessitent une diminution de la posologie. suffisamment soulagés par ce traitement seul, et
Un surdosage majeur peut entraîner une aggrava- il est important de ne pas retarder l’introduction
tion paradoxale du déficit musculaire, avec risque de d’un traitement de fond, en particulier dans les MAI
détresse respiratoire par atteinte diaphragmatique généralisées. Dans la myasthénie oculaire pure, un
et encombrement majeur ; les signes de surdosage tel traitement sera proposé si les symptômes ont
associés (crampes, fasciculations, hypersalivation, un retentissement fonctionnel important.
douleurs abdominales, vomissements, myosis, brady-
cardie) permettent de faire le diagnostic et de stopper ◆ Corticothérapie
le traitement. Ces crises, dites cholinergiques, ne sur- Les corticoïdes peuvent être introduits au dia­
viennent pas aux posologies maximales autorisées gnostic ou lors d’une aggravation de la maladie,
qui doivent être respectées par le patient. Les anti- par voie orale à la dose maximale de 1 mg/kg/j

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dans les formes généralisées, 0,5 mg/kg/j dans N’ayant pas d’effet tératogène, il peut être prescrit
les formes oculaires. Cette dose peut être réduite chez la femme en âge de procréer et pendant la
chez les sujets âgés ou présentant des comorbi- grossesse.
dités (facteurs de risque cardiovasculaire, diabète, Le mycophénolate mofétil est également un anti-
obésité, troubles psychiatriques). Il existe un risque métabolite, possédant une activité cytostatique
d’aggrava­t ion paradoxale dans les 2 semaines sur les LT et les LB. Il présente comme avantage
suivant l’instauration de ce traitement justifiant un délai d’efficacité plus court que l’azathioprine
une mise en place progressive, en particulier chez (environ 2 à 4 mois). La dose recommandée est de
le sujet âgé, ou présentant des signes bulbaires ou 1,5 à 2 g/j par voie orale en 2 prises quotidiennes.
respiratoires. En raison de leurs effets indésirables, En raison de ses effets tératogènes, le traitement
les corti­coïdes à forte dose ne doivent pas être uti- est formellement contre-indiqué chez la femme
lisés de façon prolongée ; il convient de diminuer la enceinte ou allaitante, et doit être arrêté au moins
dose après 4 à 6 semaines de traitement. L’étude 3 mois avant la procréation chez l’homme et la
MYACOR a récemment mis en évidence qu’une femme. Son profil de tolérance est semblable à
décroissance rapide de la corticothérapie permet- celui de l’azathioprine, nécessitant une surveil-
tait un aussi bon contrôle de la maladie avec une lance biologique (NFS et transaminases) et un suivi
meilleure épargne cortisonique, et était donc à pri- dermato­logique  [5].
vilégier [4]. Si une corticothérapie d’entretien est
indispensable, la dose minimale efficace doit être ◆ Immunosuppresseurs de 2e ligne
recherchée, inférieure à 7 à 10 mg/j. Lorsque les traitements précédents n’ont pas
permis de contrôler la MAI, chez environ 10-15 %
◆ Immunosuppresseurs de 1re ligne des patients, on parle de myasthénie réfractaire.
L’azathioprine est un immunosuppresseur de la Dans ce cas, ou en cas de mauvaise tolérance,
famille des antimétabolites, ayant une action d’autres traitements immunosuppresseurs peuvent
antiproliférative sur les LT activés, sur les LB et alors être envisagés. La mise en place de ces traite-
une action inhibitrice de la synthèse d’anticorps. ments nécessite un avis auprès d’un centre expert.
C’est l’immunosuppresseur le plus souvent prescrit Le rituximab est un anticorps monoclonal anti-
en traitement de fond de la MAI généralisée, à la CD20 permettant de réduire la population lympho­
dose de 1 à 3 mg/kg/j. Son efficacité est retardée cytaire B. La posologie recommandée est de
de 6 à 12 mois après l’introduction du traitement. 2 perfusions de 1 g à 15 jours d’intervalle, puis de
Ses principaux effets indésirables sont la survenue 1 g tous les 6 mois. L’excellente efficacité du ritu-
d’une cytolyse hépatique, justifiant une surveil- ximab dans la MAI à anticorps anti-MUSK en fait un
lance des enzymes hépatiques à l’instauration du traitement de choix dans cette population, éven-
traitement, et son arrêt en cas de cytolyse signifi- tuellement en 1re ligne. Dans les MAI anti-RACh, il
cative (> 3N) ; les anomalies sont réversibles, mais est habituellement prescrit en 2e ligne après échec
contre-indiquent la réintroduction du traitement. ou intolérance d’un traitement immunosuppresseur
La lymphopénie est fréquente et peut nécessiter oral, ou en cas de corticodépendance trop impor-
une diminution de la posologie (si < 500/mm 3). tante ; il permet une amélioration clinique et de
Une agranulocytose, voire une pancytopénie la qualité de vie et une diminution de la consom-
peuvent exceptionnellement survenir en cas de mation de corticoïdes ; sans effets indésirables
surdosage, en cas de déficit génétique de synthèse majeurs [6].
de l’enzyme de métabolisation de l’azathioprine, la Le tacrolimus et la ciclosporine sont 2 immuno-
thiopurine méthyltransférase (TPMT) ; il convient suppresseurs inhibiteurs de la calcineurine admi-
donc de doser l’activité de la TPMT avant l’intro- nistrés par voie orale, ayant montré une efficacité
duction du traitement, afin d’adapter la posologie clinique dans la myasthénie généralisée et sont donc
en cas de déficit. L’allopurinol, qui inhibe l’activité une alternative intéressante à l’azathioprine [7]. Le
de la TPMT, est contre-indiqué en association avec tacrolimus peut être à l’origine d’effets indésirables
l’azathioprine. Le risque de carcinomes cutanés cardiaques, et de cas de PRES (posterior reversible
basocellulaires et épidermoïdes est augmenté avec encephalopathy syndrom) ; la ciclosporine a une toxi-
la prise prolongée d’azathioprine, et justifie une cité principalement rénale et hépatique.
surveillance dermatologique annuelle. Comme tous Le méthotrexate, antagoniste de l’acide folique
les immunosuppresseurs, l’azathioprine expose à inhibant la prolifération cellulaire, est utilisé dans
un risque accru d’infections, en particulier de zona. certaines pathologies auto-immunes (polyarthrite

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rhumatoïde, psoriasis). Bien que son efficacité n’ait sitant une vaccination antiméningococcique et un
pas été démontrée dans la MAI, l’utilisation de sa traitement antibiotique oral. La rapidité d’efficacité
forme orale peut être intéressante dans les MAI chez les patients répondeurs et la bonne tolérance
associées à d’autres maladies auto-immunes [8]. rapportée dans les études font de ces traitements
Le cyclophosphamide est un agent ­alkylant cyto- de bons candidats potentiels dans l’arsenal théra-
toxique, majoritairement utilisé comme chimio- peutique des patients atteints de myasthénie. Il est
thérapie anticancéreuse ou dans le cadre de encore trop tôt pour déterminer la place de ces
pathologies inflammatoires sévères. Administré en traitements à l’avenir ; du fait de leur coût, ils sont
bolus mensuels pendant 6 mois, il semble efficace actuellement réservés aux ­my­asthénies anti-RACh
dans la MAI généralisée, mais il est à l’origine de très sévères et en impasse thérapeutique.
rechutes précoces à l’arrêt du traitement et d’effets Les anticorps dirigés contre le récepteur Fc néo-
indésirables notables. Il ne doit donc être envisagé natal : le récepteur Fc néonatal (FcRn) appartient
que de façon exceptionnelle en cas de myasthénie à la famille des molécules du complexe majeur
réfractaire, en particulier lorsqu’elle est associée à d’histocompatibilité (CMH) de classe I et joue un
d’autres pathologies auto-immunes sévères [9]. rôle majeur dans le recyclage des IgG et de l’al-
Peu d’études ont cependant permis d’évaluer la bumine.­Les agents bloquant le FcRn entraînent
supériorité de l’un ou l’autre de ces traitements, une accélération du catabolisme des IgG, abou-
l’intérêt d’une association thérapeutique, ou les tissant à une réduction du taux d’autoanticorps
critères de décroissance thérapeutique. pathogènes associée à une hypogammaglobuli-
némie globable. Différents anticorps bloquant le
◆ Immunoglobulines polyvalentes ou échanges FcRn ou le fragment Fc ont été développés ces
plasmatiques d’entretien dernières années : 2 d’entre eux sont évalués dans
Les immunoglobulines polyvalentes intra­ les MAI à anticorps anti-RACh et anti-MUSK : le
veineuses (IgIV) et les échanges plasmatiques (EP) rozanolixizumab  [12] et l’efgartigimod [13]. Les
sont utilisés dans le traitement des poussées de la premiers résultats montrent une efficacité rapide,
maladie. Dans la myasthénie anti-MUSK, les EP ont avec une bonne tolérance générale (en dehors de
une plus grande efficacité que les IgIV. En cas de céphalées et de troubles digestifs) et l’absence
myasthénie réfractaire et d’impasse thérapeutique, d’effets indésirables graves. Le mode d’action de
ils peuvent être utilisés en traitement d’entretien, ces molécules, qui permet une déplétion rapide
le plus souvent en attendant l’efficacité d’un autre des anticorps pathogènes, les positionne possible-
traitement de fond [10]. Les IgIV sont cependant ment comme des alternatives aux IgIV et EP pour
des produits dérivés du sang pour lesquels il existe les poussées modérément sévères ; leur place en
des tensions d’approvisionnement, à réserver traitement de fond devra être évaluée en fonction
aux cas de contre-indications aux corticoïdes et des risques infectieux en cas d’hypogammaglobu-
immunosuppresseurs. linémie ­prolongée.

◆ Nouvelles thérapeutiques
Deux nouvelles approches thérapeutiques de la Thymectomie
myasthénie, plus ciblées, voient le jour : l’inhibi-
tion du complément et l’inhibition du récepteur Fc La présence d’une hyperplasie thymique chez les
néonatal. De nombreux essais cliniques sont ainsi patients ayant une myasthénie généralisée anti-
actuellement en cours afin d’évaluer l’efficacité et RACh de début jeune (< 50 ans) joue un rôle dans la
la tolérance de ces nouvelles thérapies [1, 11]. maladie en pérennisant le processus auto-immun.
Plusieurs inhibiteurs du complément sont actuel- L’efficacité de la thymectomie dans ce groupe de
lement développés dans la myasthénie à anticorps patients a été démontrée dans une étude rando-
anti-RACh. L’éculizumab, anti-C5, a obtenu en 2017 misée contrôlée [13] ; elle permet de diminuer le
une AMM dans la MAI généralisée à anti-RACh recours à l’hospitalisation, de réduire l’utilisation
réfractaire après l’étude REGAIN ; le zilucoplan, d’immunosuppresseurs, et d’améliorer la sympto-
autre inhibiteur de C5, fait l’objet d’un essai théra- matologie à court terme, mais également à long
peutique de phase III ; d’autres molécules anticom- terme [14]. La thymectomie est impérative en cas
plément sont en cours de phase II. Les traitements de thymome pour des raisons carcinologiques.
anticomplément augmentent la susceptibilité aux Dans les 2 cas, la myasthénie devra être stabilisée
infections, en particulier à méningocoque, néces- avant la chirurgie, et le patient devra bénéficier,

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comme avant toute intervention, d’une cure d’IgIV tement de choix de la poussée de myasthénie sans
ou d’EP préopératoires en cas de symptômes myas- signe de gravité, chez le patient ne présentant pas
théniques persistants. de contre-indication à ce traitement.

Traitement de la poussée Conclusion


La survenue d’une décompensation de la La MAI est une maladie invalidante et potentiel-
myasthénie avec signes respiratoires ou dysphagie lement grave, avec un risque vital en cas de crise
nécessite l’hospitalisation en urgence à proximité myasthénique. Les objectifs de prise en charge sont
d’une unité de réanimation afin de mettre en place triples :
une surveillance rapprochée des constantes, de la ➤ contrôle urgent des symptômes bulbaires et
fonction ventilatoire et de la déglutition. Un trai- respiratoires exposant à un risque de décompen-
tement par IgIV ou EP doit être rapidement mis en sation grave ;
place. Le choix entre ces 2 thérapeutiques dépend : ➤ amélioration des symptômes myasthéniques les
➤ de leur disponibilité ; plus invalidants avec réduction de l’impact de la
➤ du terrain du patient (les IgIV étant à utiliser maladie dans la vie quotidienne ;
avec précaution chez les patients présentant une ➤ minimisation des effets indésirables des traite-
insuffisance rénale ou cardiaque, les EP nécessitant ments de fond.
des abords vasculaires adaptés) ; L’arsenal thérapeutique actuel, qui repose sur les
➤ du type de myasthénie (les IgIV étant généra- anticholinestérasiques, les traitements immuno­
lement moins efficaces que les EP dans les MAI à modulateurs et immunosuppresseurs et la thymec-
anticorps anti-MUSK). tomie, permet d’obtenir ces objectifs chez une
Un traitement par IgIV ou EP peut également majorité de patients. Cependant, l’impact de la
C. Marois déclare être
co-investigatrice dans les essais être mis en place en cas de décompensation de la maladie dans la vie à la fois personnelle et profes-
cliniques : mg003 et /MG004/ myasthénie lorsqu’une amélioration rapide de la sionnelle reste important chez une majorité des
MG007 (Rozanolixizumab, UCB), symptomatologie est nécessaire, ou avant la réa- patients stabilisés sous traitement, et 10 % des
RAISE/RAISE-XT (Zilucoplan, Ra
Pharmaceuticals/UCB). lisation d’un geste chirurgical. Récemment, l’effi- patients gardent une maladie incontrôlée. L’arrivée
S. Demeret déclare être cacité et l’innocuité des Ig en autoadministration de nouvelles voies thérapeutiques offre des perspec-
investigatrice principale par voie sous-cutanée (IgSC) ont été démontrées tives pour améliorer le contrôle de la maladie chez
dans les essais cliniques : mg003 dans des poussées légères à modérées de MAI. les patients réfractaires. À côté de l’arsenal théra-
et /MG004/MG007
(Rozanolixizumab, UCB), Cette voie d’abord permet ainsi une administra- peutique actuel ou à venir, l’adaptation des condi-
RAISE/RAISE-XT (Zilucoplan, tion simplifiée, à domicile [15]. Elle est à réserver tions de vie et de travail, le maintien d’une activité
Ra Pharmaceuticals/UCB), aux patients ayant déjà reçu des IgIV sans compli- physique, l’accompagnement psychologique et un
et experte pour les laboratoires
UCB, Alexion, ARGENX, JANSSEN, cations et ne présentant pas de signes de gravité. suivi médical rapproché sont des aspects majeurs
Regeneron Pharmaceuticals. La réalisation d’une cure de corticoïdes reste le trai- dans la prise en charge de la maladie. ■

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