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RÉSUMÉ : Les maladies auto-inflammatoires (MAI) sont liées à des anomalies de l’immunité innée
d’origine monogénique ou polygénique. Il s’agit d’un groupe hétérogène caractérisé par des épisodes
récurrents d’inflammation systémique pouvant toucher de nombreux organes.
L’avancée de la génétique a facilité l’identification de nouvelles MAI monogéniques germinales et
somatiques en plus des 4 historiques connues que sont la fièvre méditerranéenne familiale (FMF), le
syndrome de fièvre périodique associé à la cryopyrine (CAPS) ou maladie auto-inflammatoire associée
à la protéine NLRP3 (NRLP3-AID), le déficit en mévalonate kinase (MKD) et le syndrome de fièvre
périodique associé au récepteur TNFRSF1A (TRAPS).
Leur meilleure compréhension a permis d’identifier les grandes voies physiopathologiques dans les
MAI : les inflammasomopathies, les dysfonctions de la voie NF-κB, les interféronopathies de type 1 et
le déficit en ADA2 dont découlent les grands axes de prise en charge thérapeutique.
Un grand nombre de ces MAI ont des manifestations cutanées telles qu’un érythème, une aphtose,
une urticaire. Dans certaines MAI (HA20, VEXAS…), l’atteinte cutanée via le dermatologue peut être
la porte d’entrée vers le diagnostic de MAI.
L
es maladies auto-inflammatoires Ces dernières années, la génétique a per-
(MAI) constituent un groupe hété- mis l’identification d’un grand nombre
rogène de maladies caractérisées de nouvelles mutations mais de nom-
par une dysrégulation de l’immunité breuses MAI demeurent inclassées [4].
innée en l’absence d’infection ou d’auto- On distingue deux grandes catégories de
immunité [1, 2]. L’activation anormale MAI :
de cette première phase de la réponse – les maladies monogéniques, parmi
immunitaire non spécifique est res- lesquelles la plus fréquente est la fièvre
ponsable d’une réaction inflammatoire méditerranéenne familiale (FMF) ;
inadéquate : soit parce que la réaction – les polygéniques (ou inclassées à ce
est trop forte, soit parce qu’elle n’est pas jour) que nous n’aborderons pas dans
justifiée ou qu’elle est inadaptée. ce travail comme la maladie de Still de
l’adulte.
M. DELPLANQUE, S. GEORGIN-LAVIALLE Les MAI débutent principalement dans
Service de Médecine interne, la petite enfance avec des épisodes récur-
Hôpital Tenon, PARIS ;
Centre de référence des maladies rents de fièvre et un syndrome inflam- Les principales voies
auto-inflammatoires et des amyloses matoire biologique secondaires à des physiopathologiques
inflammatoires (CEREMAIA), PARIS.
mutations dans les gènes codant pour des impliquées dans les MAI
protéines impliquées dans la régulation
de la cascade inflammatoire de la réponse Les maladies auto-inflammatoires sont,
immunitaire innée [3] à l’origine de symp- dans la majorité des cas, liées à l’appari-
tômes pouvant toucher tous les organes. tion d’une inflammation non provoquée,
causée par une production excessive de
Le concept des MAI n’a cessé d’évoluer cytokines pro-inflammatoires ou par un
depuis leur description par McDermott. arrêt défectueux des réponses inflam-
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réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie – n° 313_Septembre 2022 – Cahier 1
matoires, en l’absence de lymphocytes T les syndromes impliquant le complexe Parmi les MAI monogéniques, la ou
autoréactifs ou spécifiques de l’antigène. LUBAC (Linear ubiquitin chain assem- les mutations pathogènes peuvent être
Schématiquement, par opposition aux bly complex), les déficits en OTULIN (fig. 1) :
maladies auto-immunes, c’est l’immunité (OTU Deubiquitinase with linear linkage – germinale ou de novo, liée(s) à la
innée et non acquise qui dysfonctionne specificity), les ubiquitinopathies ou transmission d’un allèle muté d’origine
dans les MAI, impliquant préférentiel- l’haploinsuffisance HA20 (HA20). maternelle et/ou paternelle ou une muta-
lement les monocytes, les macrophages tion germinale de novo ;
et les polynucléaires neutrophiles. Les 3. Les interféronopathies de type 1 – somatique, post-zygotique, reflet de la
cytokines dérégulées l’IL1, l’IL6, le TNF, coexistence de deux populations cellu-
l’IFNαb mais aussi les IL2, IL12, IL23 et Il s’agit d’un groupe hétérogène de laires chez un individu, différant sur un
IL18 peuvent être considérées comme maladies caractérisées par une expres- variant de séquence apparu de novo au
des cibles thérapeutiques [5]. sion accrue des interférons (IFN) de cours de l’embryogénèse ou plus tard
type 1 pouvant aboutir à la sécrétion dans la vie. Ces mutations ne sont en
Selon la voie physiopathologique tou- de cytokines pro-inflammatoires par général pas détectées par l’approche
chée, on peut distinguer plusieurs les cellules de l’immunité innée, parmi classique de type Sanger qui manque de
grandes familles de MAI (liste non lesquelles on retrouve le SAVI (Sting- profondeur de séquençage. En fonction
exhaustive de MAI pour chaque voie) [6]. associated vasculopathy with onset in du stade d’apparition des mutations
infancy), le syndrome d’Aicardi-Gou- somatiques, elles peuvent être pré-
1. Les inflammasomopathies tières, les anomalies du protéasome sentes dans des proportions variables
(PRAAS, Proteasome associated autoin- selon les tissus.
Les inflammasomes sont des complexes flammatory syndromes).
protéiques qui en réponse à des signaux
de danger recruteront la caspase 1 qui par 4. Le déficit en ADA2 Les principales MAI
clivage entraînera la sécrétion de IL1 et avec mutations germinales
IL18, des cytokines pro-inflammatoires. Un déséquilibre entre macrophages ou de novo
Différents inflammasomes peuvent être pro- et anti-inflammatoires au profit
impliqués : l’inflammasome pyrine dans des pro-inflammatoires provoque une 1. Fièvre méditerranéenne familiale
la FMF, la PAAND (Pyrin-associated inflammation des parois vasculaires et
autoinflammation with neutrophilic der- la libération de cytokines pro-inflamma- La fièvre méditerranéenne familiale
matosis), le MKD (Mevalonate kinase defi- toires dont le TNF [8]. (FMF) est la maladie auto-inflammatoire
ciency) ou les PAID (PSTPiP1-associated
auto-inflammatory diseases), l’inflamma-
some NLRP3 dans le CAPS (Cryopyrin-
associated periodic fever), NLRC4 ou
encore NLRP12. Dans ces maladies, le
rôle de l’IL1 est majeur. L’activation de
l’inflammasome peut également prove-
nir d’un déséquilibre des antagonistes
endogènes, comme c’est le cas dans les
mutations rares de l’IL1RN (syndrome
DIRA) ou IL36RN (syndrome DITRA) [7].
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réalités Thérapeutiques en Dermato-Vénérologie – n° 313_Septembre 2022 – Cahier 1
Signes cliniques
et biologiques ?
AVC
CRP Vasculopathie cutanée
Livedo
Crises stéréotypées Pneumopathie
2 PAN
Douleur abdominale interstitielle
Aphtose récurrente
Immunodéficience
Urticaire neutrophilique Atteinte neurologique
Cytopénie
Voie
physiopathologique
impliquée suspectée ?
Déficit en ADA2 Inflammasomopathies Interféronopathies Voie NF-κB
3
AVIS auprès d’un centre expert
Classe
pharmacologique Traitement de la crise
Anti-TNFα AINS, corticoïdes
proposée ?
Immunoglobuline IV Anti-IL1 à la demande Anti-TNFα
Greffe de cellules JAK inhibiteurs
4 Traitement de fond JAK inhibiteurs
souches
hématopoiétique Colchicine si FMF
Anti-IL1
vation macrophagique récurrent mais le Enfin, le terrain est également une clé maladies à évolution plus chronique,
spectre clinique est large [20]. de l’interrogatoire dans les MAI : la avec une disparition du syndrome
plupart de ces maladies ont un début inflammatoire biologique afin de préve-
précoce, de la naissance à la première nir l’apparition de l’amylose AA.
Quand et chez qui suspecter décennie de vie. Seul un nombre limité
une MAI monogénique ? de patients développe les symptômes Il n’existe pas de traitement codifié pour
à l’âge adulte. L’histoire du patient, de toutes les MAI monogéniques. Dans la
Une MAI monogénique est généralement sa famille, ses origines géographiques, FMF, la colchicine constitue le pilier de
suspectée chez un patient présentant une éventuelle consanguinité nous la prise en charge et les anti-IL1b sont
une maladie inflammatoire systémique guideront et permettront d’établir un très efficaces dans les formes résistantes
dont les symptômes ne sont pas liés à une arbre généalogique remontant aux ou en cas de contre-indication. Dans le
infection, ne remplissant pas les critères 4 grands-parents du cas index, et nous TRAPS, on privilégiera un traitement
pour une maladie auto-immune et ne informeront sur le caractère sporadique symptomatique. Dans les inflammaso-
répondant pas aux immunosuppres- de la maladie mais aussi récessif (ADA2 mopathies comme les CAPS, les TRAPS
seurs conventionnels. ou MKD) ou dominant (TRAPS, CAPS, et le MKD, les anti IL-1b sont efficaces
HA20) de la transmission [7]. et constituent d’ailleurs le traitement de
La première étape sera de confirmer le référence dans le CAPS. Dans le DADA2,
caractère inflammatoire de la maladie. on proposera des anti-TNFα, seul trai-
En pratique courante, on recherchera la Les principales stratégies tement ayant fait la preuve de son effi-
présence de 3 CRP élevées à différentes thérapeutiques des MAI cacité dans la prévention des accidents
occasions sur une période d’au moins vasculaires cérébraux. Dans le VEXAS,
6 mois. L’hémogramme sanguin est Dans le cas des MAI monogéniques, le traitement n’est pas encore codifié
souvent utile, montrant typiquement le traitement doit être mené selon une mais les anti-JAK comme le ruxolitinib
une hyperleucocytose à polynuclé- approche “treat to target”, c’est-à-dire et l’azacitidine ont montré une certaine
raires neutrophiles, surtout pendant les traiter pour atteindre l’objectif. L’objectif efficacité [7, 19].
crises. Selon les MAI, les présentations clinique est une rémission durable avec
sont très polymorphes mais les organes peu ou pas de crises pour les maladies En l’absence de diagnostic génétique ou
le plus souvent atteints sont la peau, le évoluant par crise ou une amélioration de thérapeutique codifiée, on s’aidera de
tube digestif et les articulations. significative des symptômes pour les la présentation pour identifier la voie la
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plus probablement atteinte et proposer 2. 10th Congress of International Society 13. GEORGIN-LAVIALLE S, KONE-PAUT I, DELALEU J
une prise en charge (fig. 3). De manière of Systemic Auto-Inflammatory et al. [Tumor necrosis receptor asso-
Diseases (ISSAID). Pediatr Rheumatol ciated periodic syndrome (TRAPS):
générale, le traitement de ces maladies Online J, 2019;17(Suppl 1):18. State of the art]. Rev Med Interne, 2018;
très rares doit être discuté dans le cadre 3. GRATEAU G, HENTGEN V, STOJANOVIC KS 39:256-264.
d’une réunion de consultation multidis- et al. How should we approach classi- 14. G A L E O T T I C, G E O R G I N -L AV I A L L E S,
ciplinaire avec des experts. fication of autoinflammatory diseases? SARRABAY G et al. [Mevalonate kinase
Nat Rev Rheumatol, 2013;9:624-629. deficiency in 2016]. Rev Med Interne,
4. SAVIC S, CASELEY EA, MCDERMOTT MF. 2018;39:265-270.
Moving towards a systems-based clas- 15. AESCHLIMANN FA, BATU ED, CANNA SW
Conclusion sification of innate immune-mediated et al. A20 haploinsufficiency (HA20):
diseases. Nat Rev Rheumatol, 2020;16: clinical phenotypes and disease course
Depuis la découverte du gène MEFV 222-237. of patients with a newly recognised
dans la FMF il y a 20 ans, de grands 5. KRAINER J, SIEBENHANDL S, WEINHÄUSEL A. NF-kB-mediated autoinflammatory dis-
progrès ont été réalisés et ont permis de Systemic autoinflammatory diseases. ease. Ann Rheum Dis, 2018;77:728-735.
J Autoimmun, 2020;109:102421. 16. BOURSIER G, PIRAM M, RITTORE C et al.
mieux démembrer ces maladies ainsi
6. GEORGIN-LAVIALLE S, RODRIGUES F, HENTGEN V Phenotypic Associations of PSTPIP1
que les grandes voies physiopatholo- Sequence Variants in PSTPIP1-
et al. Panorama des maladies auto-in-
giques impliquées. Les lésions cutanéo- flammatoires. Rev Médecine Interne, Associated Autoinflammatory Diseases.
muqueuses sont très fréquentes, ce qui 2018;39:214-232. J Invest Dermatol, 2021;141:1141-1147.
en fait un mode d’entrée possible dans la 7. GEORGIN-LAVIALLE S, FAYAND A, RODRIGUES F 17. CROW YJ, STETSON DB. The type I inter-
maladie, notamment en cas d’urticaire, et al. Autoinflammatory diseases: State feronopathies: 10 years on. Nat Rev
of the art. Presse Medicale Paris Fr, Immunol, 2021;1-13.
de livedo ou de dermatose neutrophi-
2019;48(1 Pt 2):e25-48. 18. POULTER JA, SAVIC S. Genetics of somatic
lique. Le dermatologue a donc un rôle clé auto-inflammatory disorders. Semin
8. FAYAND A, SARRABAY G, BELOT A et al.
dans l’identification précoce des MAI. [Multiple facets of ADA2 deficiency: Hematol, 2021;58:212-217.
Vasculitis, auto-inflammatory disease 19. GEORGIN-LAVIALLE S, TERRIER B, GUEDON AF
Les diagnostics sont encore peu aisés and immunodeficiency: A literature et al. Further characterization of clini-
du fait de la diversité phénotypique de review of 135 cases from literature]. cal and laboratory features occurring in
Rev Med Interne, 2018;39:297-306. VEXAS syndrome in a large-scale anal-
ces maladies, de la possibilité d’une
9. PARK YH, WOOD G, KASTNER DL et al. ysis of multicenter case-series of 116
présentation tardive dans les formes Pyrin inflammasome activation and French patients. Br J Dermatol, 2022;
somatiques mais l’avenir avec l’identi- RhoA signaling in the autoinflam- 186:564-574.
fication de nouvelles MAI et les progrès matory diseases FMF and HIDS. Nat 20. WANG J, YE Q, ZHENG W et al. Low-
permanents de la génétique permettront Immunol, 2016;17:914-921. ratio somatic NLRC4 mutation causes
10. LIVNEH A, LANGEVITZ P, ZEMER D et al. late-onset autoinflammatory disease.
de mieux caractériser encore le spectre
Criteria for the diagnosis of familial Ann Rheum Dis, 2022;annrheum-
de ces MAI qui ne cesse de s’élargir. dis-2021-221708.
Mediterranean fever. Arthritis Rheum,
1997;40:1879-1885.
11. GATTORNO M, HOFER M, FEDERICI S et al.
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