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le point sur…

Syndromes auto-inflammatoires
en dermatologie

Les syndromes de fièvre périodique héréditaires, aussi appe-


lés syndromes auto-inflammatoires, sont caractérisés par des
poussées fébriles récidivantes et des atteintes cutanées des
muqueuses ou des articulations. Certaines de ces maladies
surviennent sans fièvre mais présentent les manifestations sys-
témiques associées. Les gènes mutés ont été identifiés dans
la plupart de ces syndromes, avec des mutations conduisant à
une production incontrôlée et excessive d’interleukine-1b (IL-
1b). L’inhibition de l’IL-1b, au moyen d’antagoniste du récep-
teur IL-1 ou d’anticorps monoclonal contre l’IL-1b, permet un
traitement efficace de la plupart de ces syndromes. Les anta-
gonistes du TNF (facteur de nécrose tumorale) sont aussi uti-
Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 756-61 lisés dans le syndrome périodique, associé au récepteur du
TNF et l’arthrite pédiatrique granulomateuse, tandis que la
L. Feldmeyer colchicine reste le traitement de choix de la fièvre méditerra-
néenne familiale.
Dr Laurence Feldmeyer
Service de dermatologie
et vénéréologie
CHUV, 1011 Lausanne
laurence.feldmeyer@chuv.ch introduction
Les syndromes auto-inflammatoires, aussi appelés syndromes
de fièvre périodique héréditaires, sont caractérisés par une
inflammation stérile sans cause infectieuse, des poussées fé-
Autoinflammatory syndromes briles récidivantes associées à des manifestations cutanées, des muqueuses, des
in dermatology
séreuses et des articulations (tableau 1).1-4 On ne trouve ni autoanticorps, ni cel-
Hereditary periodic fever syndromes, also
called autoinflammatory syndromes, are cha-
lules T autoréactives. Certains syndromes ne comportent pas de fièvre, mais pré-
racterized by relapsing fever and additional sentent les manifestations associées. La réponse inflammatoire est généralement
manifestations such as skin rashes, mucosal très marquée, avec une élévation des marqueurs inflammatoires sériques et de
manifestations, or arthralgias. Some of these l’amyloïde A. Certaines maladies sont héritées de façon monogénique (fièvre mé-
disorders present without fever but with the diterranéenne familiale, syndrome de fièvre avec hyper-IgD (hyper-immunoglo-
associated systemic manifestations. The res- buline D), syndromes périodiques associés à la cryopyrine, syndrome PAPA (Pyo­
ponsible mutated genes have been identi-
genic arthritis, pyoderma gangrenosum, acne), et arthrite pédiatrique granulomateuse)
fied for most of these disorders, which lead
to the induction of the uncontrolled and ex- tandis que d’autres ont une origine polygénique. Les mutations identifiées dans
cessive production of interleukin-1b (IL-1b). les maladies monogéniques conduisent à une production exagérée d’interleu-
The inhibition of IL-1b through IL-1 receptor kine (IL)-1b, une cytokine pro-inflammatoire. C’est pourquoi, l’antagoniste du ré-
antagonist or monoclonal antibody against cepteur de l’IL-1 (anakinra, Kineret) ou des anticorps monoclonaux recombinants
IL-1b is used with success in most of these contre l’IL-1b (canakinumab, Ilaris) 5 permettent de traiter certaines de ces maladies
diseases. In case of TNF-receptor associated
(tableau 2). D’autres répondent mieux aux antagonistes du TNF-a (facteur de né-
periodic syndrome (TRAPS) and paediatric
granulomatous arthritis (PGA), TNF-antago-
crose tumorale). A côté des maladies monogéniques rares mentionnées ci-dessus,
nists may also be used ; in familial Mediterra- un rôle de l’inflammasome dans d’autres maladies plus courantes a aussi été dé-
nean fever (FMF) colchicine remains the first montré, comme par exemple dans le vitiligo ou les dermatoses neutrophiliques.
choice.

physiopathologie
L’inflammation, nécessaire à la réponse contre les pathogènes ou à la cicatrisa-
tion, peut aussi se révéler néfaste pour l’organisme si elle est incontrôlée, telle
que dans le diabète de type 2, l’athérosclérose, l’asthme, la maladie d’Alzheimer
et le cancer.6 L’IL-1 joue un rôle central dans l’inflammation.7 L’immunité innée
protège les mammifères contre les signaux de danger (danger signals). Ces signaux,

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Tableau 1. Maladies auto-inflammatoires
Syndromes fébriles périodiques classiques

• Fièvre méditerranéenne familiale (FMF)


Inflammasome
• Syndrome périodique associé au récepteur du TNF (TRAPS) assembly
• Syndrome de fièvre avec hyper-IgD

Syndromes périodiques associés à la cryopyrine Secretion

• Urticaire familiale au froid


• Syndrome de Muckle-Wells
• NOMID/CINCA

Autres maladies auto-inflammatoires


(liste non exhaustive)

• Pyogenic arthritis, pyoderma gangrenosum, acne (syndrome PAPA)


• Syndrome de Schnitzler
• Periodic fever, aphthous stomatitis, pharyngitis, cervical adenitis Figure 1. Inflammasome NLRP3
(syndrome PFAPA)
• Syndrome de Still L’inflammasome est une plateforme protéique responsable de l’activation
• Déficience de l’antagoniste du récepteur de l’IL-1b (syndrome DIRA) de l’IL-1b. Il est composé d’un NLR servant de senseur (NLRP3 dans l’in-
• Arthrite pédiatrique granulomateuse et syndrome de Blau flammasome NLRP3), d’une ou plusieurs molécules adaptatrices comme
par exemple ASC, et d’une ou plusieurs caspases. Une fois assemblé, l’in-
flammasome active la caspase-1, qui elle-même va activer l’IL-1b et con-
NOMID/CINCA : Neonatal onset multisystem inflammatory disease/
duire à sa sécrétion et à une inflammation. De nombreux activateurs de
Chronic infantile neurological and articular syndrome ; IgD : immunoglo-
l’inflammasome NLRP3 ont été décrits, qui sont reconnus comme signaux
buline D ; TNF : facteur de nécrose tumorale.
de stress ou de danger par la cellule.
ASC : apoptosis-associated speck-like protein containing a CARD (cas-
pase recruitment domain) ; IL-1b : interleukine-1b ; NLR : NOD-like ré-
par exemple des protéines d’organismes pathogènes, sont
cepteur ; PYD, NACHT, NAD, LRR : domaines du NLRP3.
reconnus par des récepteurs membranaires ou intracellu-
laires et sont aussi nommés Pathogen associated molecular pat­
terns (PAMP). Les récepteurs de l’immunité innée recon- conduire à une inflammation. De nombreux activateurs de
naissent également des signaux de danger endogènes, tels l’inflammasome NLRP3 ont été décrits, tels l’acide urique,
que des protéines intracellulaires comme l’acide urique ou l’ATP, l’amiante, les sels d’aluminium employés comme ad-
l’ATP (adénosine triphosphate), ou des acides nucléiques, juvants ou les ultraviolets pour les kératinocytes.8,9
signaux définis de manière plus générale comme Danger
associated molecular patterns (DAMP). Parmi ces récepteurs, syndromes fébriles périodiques
on trouve les Toll-like récepteurs (TLR), pour la plupart ex- classiques
primés à la surface des cellules, et les NOD-like récepteurs
(NLR), principalement dévolus à la reconnaissance intra- Fièvre méditerranéenne familiale
cellulaire. Différents NLR ont été récemment identifiés La fièvre méditerranéenne familiale (FMF) est le syn-
comme cause de maladies auto-inflammatoires. Plusieurs drome fébrile d’origine génétique le plus fréquent et touche
de ces syndromes sont caractérisés par une production en majorité les populations du pourtour méditerranéen
excessive d’IL-1b. Le lien entre NLR et IL-1b, l’inflamma- (Juifs du nord de l’Afrique, Arméniens, Turcs, Arabes), avec
some, a été décrit par le groupe de Jürg Tschopp à Lau- une prévalence de 1/200 à 1/1000. Les manifestations de
sanne.6 L’inflammasome est une plateforme moléculaire, cette maladie autosomale récessive surviennent pendant
responsable de l’activation de l’IL-1b. Il est composé d’un l’enfance ou l’adolescence et comprennent des accès de
NLR servant de senseur, d’une ou plusieurs molécules adap- fièvre d’environ trois jours, des arthralgies, myalgies, péri-
tatrices, comme par exemple ASC (apoptosis­associated speck­ cardite, pleurite, douleurs abdominales aspécifiques et
like protein containing a CARD (caspase recruitment domain)), et lésions cutanées. Les lésions cutanées ne sont pas obliga-
d’une ou plusieurs caspases. L’inflammasome le mieux dé- toires et décrites dans 12 à 43% des cas. A côté des exan-
crit jusqu’à présent est l’inflammasome NLRP3 (figure 1), thèmes purpuriques non spécifiques, la plaque érysipéloïde
qui active la caspase-1, qui elle-même va activer l’IL-1b et est relativement typique, plaque érythémateuse bien dé-

Tableau 2. Inhibiteurs de l’interleukine-1 (IL-1)


(D’après réf.1).
Agent Nom commercial Composition Structure-cible Demi-vie Administration

Anakinra Kineret Antagoniste recombinant du récepteur Récepteur à IL-1 4-6 heures 1 x/jour
à interleukine 1 (IL-1)

Rilonacept Arcalyst Protéine de fusion : récepteur à IL-1 IL-1b, IL-1a, IL-1RA 8-9 heures 1 x/semaine
+ protéine accessoire de l’IL-1 (IL-1 receptor antagonist)

Canakinumab Ilaris Anticorps monoclonal contre IL-1b IL-1b 28 jours 1 x tous les 1-2 mois

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limitée siégeant sur la face antérieure du pied ou de la fants, qui ont souvent un taux normal. Les IgA (immunoglo-
jambe, qui disparaît spontanément en quelques jours. La bulines A) sont augmentées dans 80% des cas. La durée des
maladie peut se compliquer par une amyloïdose secon- accès fébriles peut être réduite par les statines.12
daire pouvant conduire à une insuffisance rénale. Un pur-
pura de Henoch-Schönlen, des angiœdèmes, un érythème Syndromes périodiques associés
palmoplantaire diffus et un syndrome de Raynaud peuvent à la cryopyrine
aussi être observés. Le gène affecté (MEFV) code pour La mutation du gène NLRP3 (aussi nommé CIASI, cold­
une protéine nommée pyrine, qui est impliquée dans la induced autoinflammatory syndrome, ou cryopyrine) conduit à
régulation de l’inflammasome. Les mutations décrites con- trois syndromes distincts qui ont en commun un rash urti-
duisent à une activation non contrôlée de l’inflammasome carien, des arthropathies et une atteinte neurologique et/ou
et une production augmentée d’IL-1b. La colchicine permet sensorielle. Les mutations de NLRP3 induisent une stimu-
de contrôler la maladie et de prévenir l’amyloïdose secon- lation excessive et incontrôlée de l’inflammasome résultant
daire. Dans les cas résistants, une réponse à l’anakinra, à en une production augmentée d’IL-1b. Ces trois syndromes
l’interféron a ou aux anti-TNF-a a été décrite.1,10 répondent très bien à l’inhibition de l’IL-1b.13
• L’urticaire familiale au froid se manifeste dans les premiers
Syndrome périodique associé au récepteur mois de vie par des épisodes fébriles d’une durée de 12 à
du TNF 24 heures, accompagnés par un exanthème urticarien dou-
Le syndrome périodique associé au récepteur du TNF loureux non prurigineux, des arthralgies, des myalgies, une
(TRAPS) est une maladie autosomale dominante causée conjonctivite et une leucocytose, souvent déclenchés par
par un défaut de clivage du récepteur membranaire au fac- une exposition au froid.
teur de nécrose tumorale (TNFR1), conduisant à une acti- • Les patients, atteints du syndrome de Muckle­Wells, présen-
vation excessive de la voie de signalisation du TNF-a. Le tent une clinique similaire à l’urticaire au froid, mais indé-
mécanisme liant les mutations de TNFR1 à l’IL-1 est incon- pendante d’une exposition au froid. Une surdité neuro-
nu, mais la participation de l’IL-1 est plausible, un traite- sensorielle et une amyloïdose secondaire peuvent être
ment par antagoniste de l’IL-1 améliorant les symptômes observées également.14
de la maladie dans certains cas réfractaires à la thérapie • Le NOMID/CINCA (Neonatal onset multisystem inflammatory
causale par les inhibiteurs du TNF-a. Le TRAPS débute disease/ chronic infantile neurological and articular syndrome) se
dans l’enfance avec des longs pics fébriles d’une durée manifeste dès la période néonatale sous la forme de pous-
d’une à quatre semaines accompagnés d’œdème périorbi- sées fébriles, avec un exanthème urticarien comparable à
tal, d’un érythème œdémateux du tronc et des membres, celui du Muckle-Wells, arthralgies, lymphadénopathies, hé-
d’arthralgies, de coliques abdominales, de conjonctivite patosplénomégalie, méningite, accompagnés d’une perte
et de lymphadénopathies. Les manifestations cutanées, progressive de la vision et de l’audition et d’un retard men-
observées chez 80% des patients, comprennent le plus tal et de croissance.15
souvent des érythèmes et des plaques urticariennes des
membres proximaux migrant distalement en quelques heu- autres maladies auto-inflammatoires
res. Les lésions cutanées corrèlent temporellement avec
les myalgies.11 Pyogenic arthritis, pyoderma gangrenosum,
acne (syndrome PAPA)
Syndrome de fièvre avec hyper-IgD Syndrome autosomal dominant causé par la mutation
Ce syndrome autosomal récessif doit son nom au taux du gène PSTPIP1 (Proline­serine­threonine phosphatase­interac­
élevé d’IgD mesuré chez une partie des patients. La muta- ting protein 1), qui code pour une protéine interagissant avec
tion du gène de la mévalonate kinase (MVK) conduit à un la pyrine (voir précédemment : Fièvre méditerranéenne fa-
déficit partiel de cette enzyme et à une accumulation de miliale). Comme dans la FMF, la mutation résulte en une
l’acide mévalonique. Le déficit enzymatique entraîne une production augmentée d’IL-1b. L’acronyme PAPA résume
diminution des produits intermédiaires et une activité aug- les manifestations majeures du syndrome caractérisé par
mentée de la caspase-1, résultant en une surproduction une acné cystique sévère survenant à la puberté et persis-
d’IL-1b. La maladie commence souvent dans les premières tant souvent à l’âge adulte, une oligoarthrite destructrice
semaines de vie et est caractérisée par des accès de fièvre (coudes, genoux et chevilles) et un pyoderma gangrenosum en
récurrents de trois à sept jours accompagnés d’arthralgies, général sur les membres distaux, parfois aussi multifocal
lymphadénopathies, douleurs abdominales et rash cutané. généralisé. Les patients montrent une bonne réponse à
Les manifestations cutanées sont observées chez deux tiers l’inhibition de l’IL-1b.16
des patients, généralement sous la forme d’un exanthème
maculo-papuleux ou morbilliforme, mais aussi une urticaire Syndrome de Schnitzler
ou un érythème noueux. La moitié des patients développe L’étiologie du syndrome de Schnitzler est inconnue. Une
des aphtes buccaux, avec ou sans aphtes génitaux, condui- mutation autosomale dominante de NLRP3 a été décrite
sant au diagnostic erroné de Behçet. Les accès surviennent chez un patient, mais n’a pas été retrouvée chez d’autres.
toutes les quatre à huit semaines. Une splénomégalie peut La maladie comporte une urticaire chronique non prurigi-
aussi être observée. Le diagnostic est posé après deux neuse et une gammapathie monoclonale à IgM (immuno-
mesures d’un taux élevé d’IgD. Un taux normal n’exclut ce- globulines M) associées éventuellement à des accès fé-
pendant pas la maladie, en particulier chez les petits en- briles, une hépatosplénomégalie, une lymphadénopathie,

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ainsi que des douleurs articulaires et osseuses. Le syndro- une uvéite récurrente pouvant conduire au glaucome et à
me peut se compliquer d’une macroglobulinémie de Wal- la cécité. Les lésions cutanées sont le premier signe de la
denström ou d’une amyloïdose secondaire.17 maladie et se manifestent sous la forme de papules brun-
rouge ou d’érythèmes nodulaires histologiquement com-
Periodic fever, aphthous stomatitis, pharyngitis, parables à une dermatite granulomateuse sarcoïdale.23
cervical adenitis (syndrome PFAPA)
Le syndrome PFAPA est la forme la plus fréquente de
maladie auto-inflammatoire chez l’enfant. Son étiologie est discussion
inconnue. Le syndrome est caractérisé par des poussées Le nombre de maladies auto-inflammatoires monogéni-
régulières de fièvre élevée (L 39 °C), associées à au moins ques connues augmente chaque année. Le diagnostic diffé-
un des trois signes cardinaux comportant une stomatite aph- rentiel clinique est essentiel avant la recherche de la muta-
teuse, une pharyngite et une lymphadénite cervicale. Cépha- tion suspectée. Un score diagnostique pédiatrique, en partie
lées, symptômes gastro-intestinaux et arthralgies peuvent transposable aux patients adultes, a été décrit récemment,24
également être présents. Les manifestations cutanées sont et est accessible sur le site web de PRINTO (Pediatric Rheu-
rares et peuvent se présenter sous la forme d’érythèmes matology International Trials Organisation ; www.printo.it/
du tronc, de macules palmoplantaires ou de purpura. Une periodicfever).
aphtose bipolaire peut mener au diagnostic erroné de Beh- A côté des maladies monogéniques rares mentionnées
çet. La maladie se manifeste avant l’âge de cinq ans, avec ci-dessus, un rôle de l’inflammasome dans d’autres mala-
des attaques de trois à six jours récidivant toutes les 3-8 dies plus courantes a aussi été démontré. Des polymorphis-
semaines. Une résolution est généralement observée à mes de NLRP1 ont été décrits chez des patients atteints de
l’adolescence. L’inhibition de l’IL-1b conduit à une amélio- vitiligo associé ou non à d’autres maladies auto-inflamma-
ration des symptômes.18,19 toires.25 La fonction de l’IL-1b dans les cancers, en particu-
lier le mélanome, reste à déterminer, des données contra-
Syndrome de Still dictoires montrant un rôle dans le développement et la
La cause de la maladie de Still de l’enfant et de l’adulte progression du mélanome tandis que d’autres études ont
est inconnue. Dans les deux formes, une élévation de l’IL-18 souligné l’importance du NLRP3 inflammasome dans l’im-
a été mesurée, signe indirect d’une activité augmentée de munité anticancéreuse.9 Parmi les maladies non dermato-
l’IL-1b (les deux molécules sont activées par la caspase-1). logiques liées à l’inflammasome, on peut citer le rôle de l’in-
Le syndrome de Still de l’adulte survient aux environs de flammasome NLRP3 dans le diabète de type 2, la goutte et
35 ans et est caractérisé par des épisodes fébriles fluctuant l’influenza.
au cours de la journée, des arthralgies, un rash de couleur La plupart des manifestations cutanées des syndromes
saumon et une élévation de la ferritine sérique. Le diag- auto-inflammatoires se présentent sous forme de dermato-
nostic différentiel cutané comprend les exanthèmes viraux, ses neutrophiliques (acné, pyoderma, hidradénite suppura-
une syphilis secondaire et les maladies lymphoproliféra- tive). Il est de ce fait tentant de supposer que ces derma-
tives. Une pharyngite, une lymphadénopathie, une hépato- toses neutrophiliques sont liées à l’IL-1b en cas d’apparition
splénomégalie, une leucocytose, une élévation des enzymes isolée également. L’anakinra a été employé avec succès
hépatiques peuvent compléter le tableau clinique.20 dans la dermatose aiguë fébrile neutrophilique (syndrome
de Sweet). Un patient atteint d’hidradénite suppurative et
Déficience de l’antagoniste du récepteur de pyoderma gangrenosum concomitant a montré une bonne
de l’IL-1b (syndrome DIRA) réponse à l’anakinra et des essais cliniques sont en cours
Le syndrome DIRA, décrit en 2009, est transmis de ma- pour le traitement de ces deux maladies par les antago-
nière autosomale récessive et causé par des mutations de nistes de l’IL-1b.
l’antagoniste du récepteur de l’IL-1, résultant en une acti- La recherche de mutations de gènes auto-inflamma-
vation incontrôlée de la production d’IL-1a et IL-1b. Le toires est restée vaine pour le moment dans la maladie de
syndrome est caractérisé par une pustulose cutanée géné- Behçet, malgré les symptômes évoquant les syndromes
ralisée, une ostéomyélite multifocale, une périostite ainsi PAPA, PFAPA et NOMID/CINCA. Cependant, l’efficacité de
que des malformations osseuses se manifestant immédia- traitements par anti-TNF, interféron a ou justement ana-
tement après la naissance.21,22 kinra, a été publiée.1
La compréhension des syndromes inflammatoires a d’une
Arthrite pédiatrique granulomateuse part une importance clinique, étant donné que l’inhibition
et syndrome de Blau de l’IL-1 offre un traitement efficace et spécifique. Ces syn-
Les cas familiaux sont désignés sous le nom de syn- dromes ont d’autre part une valeur éducative, permettant
drome de Blau, les cas sporadiques sont aussi appelés sar- de comprendre les voies inflammatoires dépendant de
coïdose néonatale. Cette maladie autosomale dominante l’IL-1. On peut espérer que les stratégies thérapeutiques
est causée par une mutation du NLR NOD2, ce qui conduit modulant la reconnaissance des signaux de danger condui-
à une activation constitutive de NF-kB (Nuclear factor­kappa ront au développement de nouveaux traitements, ainsi qu’à
B). Des mutations du même gène sont aussi retrouvées la compréhension de ces voies de signalisation, également
dans la maladie de Crohn. La triade clinique caractéristi- dans d’autres maladies inflammatoires plus courantes com-
que se manifeste avant l’âge de trois ans et comporte une me les dermatoses neutrophiliques, l’acné ou le pyoderma
dermatite granulomateuse, une polyarthrite symétrique et gangrenosum.

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Implications pratiques

> Les maladies auto-inflammatoires sont caractérisées par une


inflammation chronique ou récidivante en l’absence de cause
infectieuse ou auto-immune

> Devant une maladie récurrente de la peau et des articula-


tions, il faut penser à une maladie auto-inflammatoire car un
traitement efficace est disponible

> Un score diagnostique est accessible sur le site web de


PRINTO (Pediatric Rheumatology International Trials Orga-
nisation ; www.printo.it/periodicfever)

> La fièvre méditerranéenne familiale (FMF) est le syndrome


fébrile d’origine génétique le plus fréquent et touche en ma-
jorité les populations du pourtour méditerranéen

> L’inflammasome est également impliqué dans des maladies


dermatologiques plus courantes telles que le vitiligo, le pyo-
derma gangrenosum ou l’hidradénite suppurative

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