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Table ronde

Actualités en rhumatologie pédiatrique

Démarche pratique devant une fièvre


Disponible en ligne sur
récurrente chez l’enfant : du symptôme
à l’étiologie
www.sciencedirect.com
Practical step in recurrent fever in children:
Mots clés : Fièvre, Maladies from symptoms to etiology
auto-inflammatoires
P. Pillet*, J. Clet, C. Runel, B. Camas, O. Richer
Service de pédiatrie médicale, Hôpital des enfants, Bordeaux, France

L
a fièvre est un symptôme commun en pédiatrie. Lorsqu’elle doit amener à rechercher un déficit immunitaire notamment une
se répète, le champ étiologique est vaste, allant des infec- neutropénie cyclique. D’autres pathologies inflammatoires ou
tions récidivantes communautaires aux pathologies auto- auto-immunes, une fièvre simulée ou une fièvre médicamenteuse
inflammatoires. dont la prise est intermittente seront aussi envisagées.

1. Définition 3. Affirmer le caractère auto-inflammatoire


de la fièvre récurrente
Une fièvre récurrente correspond à une succession d’accès fébriles
spontanément résolutifs dont le caractère est stéréotypé lors de Les maladies auto-inflammatoires forment un ensemble de
chaque épisode, de durée limitée, séparés d’intervalles libres se repro- syndromes comportant des épisodes fébriles récurrents, sans
duisant pendant des mois ou années. Le rythme des épisodes dans cause évidente, survenant souvent tôt dans la vie (début pédia-
le temps permettra de définir son caractère récurrent ou périodique. trique dans 90 %), accompagnés de symptômes systémiques
plus ou moins constants ou spécifiques. Elles sont liées à une
2. Reconnaître une fièvre récurrente dérégulation de l’immunité innée (première réponse immunitaire
et l’analyser non spécifique contre les agressions endogènes ou exogènes)
située principalement au niveau des monocytes et polynucléaires
La difficulté devant un enfant qui souffre d’une fièvre qui revient neutrophiles et se traduisant par une stimulation excessive de ces
« trop souvent » est de distinguer les infections banales de la derniers. Par définition, un malade atteint ne produit ni d’auto-
petite enfance d’une pathologie sous jacente plus lourde. L’anam- anticorps, ni de lymphocytes activés par un antigène spécifique. En
604 nèse, l’interrogatoire de l’entourage et l’examen du carnet de pratique, il n’existe pas de test pour retenir le diagnostic de mala-
santé sont essentiels pour rattacher les épisodes entre eux à une die auto-inflammatoire. Néanmoins, un syndrome inflammatoire
seule et même entité. Une fois repérée, il conviendra de préciser biologique souvent majeur est quasi constant. La discordance
la date d’apparition, le nombre depuis la naissance, les signes entre l’importance de celui-ci et l’absence d’autres orientations est
qui l’accompagnent et le retentissement sur l’état général afin évocatrice, a fortiori si l’inflammation tend à régresser spontané-
d’individualiser les premiers éléments d’orientation. La courbe ment et que le tableau est ancien.
thermique peut s’avérer un élément d’orientation précieux. Par-
fois, elle sera réalisée lors d’une hospitalisation discutée selon la 4. Orienter le diagnostic vers une fièvre
gravité du tableau et les examens complémentaires nécessaires. récurrente héréditaire (FRH) (tableau I)
Son objectif sera clairement défini, s’opèrera lors d’un accès fébrile
et permettra d’observer la réalité des symptômes décrits et de Le terme d’auto-inflammation a initialement été créé pour définir
dépister ceux qui seraient passés inaperçus. le groupe des FRH monogéniques. Ce groupe tend à s’agrandir et
Écarter les pathologies n’entrant pas dans le cadre des maladies s’élargir à d’autres maladies multifactorielles dont la composante
auto-inflammatoires. Lorsque le tableau est récent, il convient génétique porte sur le domaine de l’immunité innée. Les principales
d’écarter certaines infections d’organes ou une infection à germe entités définies à ce jour regroupent les formes monogéniques
plus spécifique dont la traduction clinique peut s’exprimer de pour lesquelles une analyse génétique moléculaire est possible :
manière intermittente. Certaines étiologies néoplasiques, en par- FMF (Familial Mediterranean Fever), TRAPS (TNF Receptor Associated
ticulier le lymphome anaplasique, peuvent constituer des pièges Periodic Syndrome), MKD (Mevalonate Kinase Deficiency), CAPS
diagnostiques. La répétition d’infections clairement documentées (Cryopyrin Associated Periodic Syndrome), PAPA (Pyogenic sterile
Arthritis, Pyoderma), syndrome de Blau, le syndrome de Majeed qui
est une forme de CRMO (Chronic Recurrent Multifocal Osteomyelitis),
* Auteur correspondant.
e-mail : pascal.pillet@chu-bordeaux.fr DIRA syndrome (Deficiency of Interleukin-1–Receptor Antagonist) et

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© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Archives de Pédiatrie 2010;17:604-606
Démarche pratique devant une fièvre récurrente chez l’enfant : du symptôme à l’étiologie

les formes multifactorielles : Maladie de Behçet, maladie de Crohn. mutation dans le gène MEFV (FMF). En l’absence d’ascendance
D’autres ont une composante génétique probable non identifiée : méditerranéenne, la FMF est exceptionnelle. La démarche (fig. 1)
maladie de Still, PFAPA (Periodic Fever Aphtous Stomatis Pharyngitis doit s’efforcer de recueillir des informations précises sur la
Adenitis). D’autres enfants atteints d’une réelle fièvre auto-inflam- nature des crises. Très peu de tests fonctionnels sont disponibles.
matoire pour laquelle la génétique est non contributive n’entrent L’augmentation des immunoglobulines D (IgD) sériques faisait
dans aucun cadre syndromique connu. La plus anciennement partie du diagnostic du syndrome hyper IgD devenu depuis MKD.
connue est la FMF, la plus fréquente et la plus bénigne est de loin Plus spécifique est le dosage de l’acidurie mévalonique réalisé en
le PFAPA, syndrome décrit en 1987 par Marshall. La prévalence est période fébrile qui, si elle est élevée, sera complété de l’activité
encore difficile à estimer. Les éléments d’orientation étiologiques mévalonate kinase dans les lymphocytes. En dehors du MKD, le
s’articulent principalement autour des antécédents familiaux diagnostic spécifique repose sur la recherche de mutations dans
et ethniques, des caractéristiques de la fièvre (début précoce ou le gène responsable de la maladie. Dans d’autres circonstances
non, durée, tolérance) et des signes cliniques associés qui varient notamment dans le PFAPA, le diagnostic repose sur des critères
d’une entité à l’autre et peuvent revêtir une spécificité étiologique cliniques discutés.
(manifestations cutanées, abdominales, ostéo-articulaires et mus-
culaires, séreuses, ganglionnaires, neurologiques etc.). Les crises les 5. Conclusion
plus courtes sont vues dans l’urticaire au froid familial (quelques
heures), les plus longues dans le TRAPS (> 1 semaine). L’âge de début La démarche diagnostique devant une fièvre récurrente est
des symptômes est un élément important. Dès la naissance, c’est complexe. Devant ce symptôme recouvrant de nombreuses
un critère majeur du CINCA (syndrome chronique, infantile, neuro- étiologies, notre démarche doit rester avant tout clinique. Notre
logique, cutané et articulaire). Dans les 2 autres CAPS et le MKD, les rôle est de dépister les fièvres récurrentes héréditaires, sans pour
accès fébriles se manifestent en général dès la première année de autant tomber dans l’excès d’explorations anarchiques, chères
vie. C’est dans le TRAPS que le début est le plus tardif. La périodicité et invasives. La meilleure compréhension des maladies auto-
est une des caractéristiques du PFAPA. Parfois la fièvre est modeste inflammatoires permettra probablement d’améliorer nos outils
ou occultée par une symptomatologie plus invalidante. Le diagnos- diagnostiques.
tic de certitude repose sur des critères cliniques parfois, mais les
arguments les plus spécifiques sont les tests génétiques lorsqu’ils Références
existent. Leur demande doit être réfléchie et ordonnée par la
démarche clinique préalable. En cas d’origine méditerranéenne Les références complètes peuvent être obtenues sur demande
et en présence d’une « vraie » fièvre récurrente et d’au moins 4 à auprès de l’auteur.
6 épisodes de fièvres inexpliquées, il est licite de rechercher une

Tableau I
Caractéristiques générales des principales maladies auto-inflammatoires

FMF TRAPS MAPS CAPS PAPA Majeed BLAU PFAPA

Transmission AR AD AR AD AD AR AD ?

Début Enfance 3-20 ans < 1 an Variable enfance 1re enfance < 4 ans < 5 ans
Adolescence selon le
phénotype

Orientation Ethnie Œdème Adénopathies Urticaire Pyoderma Pustulose Panniculite Périodicité ++


Sérites périorbitaire Diarrhée précoce Acné Ostéomyélite Uvéite Pharyngites
Érysipèle Érythème Douleurs Arthrite à Dysérythropoïèse Synovite Angines
centrifuge abdo PNN Adénites cervicales
Conjonctivite

Durée crises 2-3 j 1-40 j 3-7 j 1-2j - 21 j 3-5 jours

Gène 16p13.3 12p13 12q24 1q44 15q24-25.1 18q11-31 16q12.1-13 ?


MEFV TNFRSFIA MVK CIAS PSTPIP1 LPIN2 Nod2Card15
Protéine Pyrine/ 55 KD TNF R MV Kinase Cryopyrine PSTPIP1 Lipin
marenostrine

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P. Pillet et al. Archives de Pédiatrie 2010;17:604-606

Épisodes infectieux répétés


Épisodes répétés de fièvre > 3/an Écarter Déficit immunitaire - pathologies auto-immunes
Syndrome inflammatoire biologique Infections à présentation récurrente
Périodes de rémission asymptomatiques Hémopathies, médicaments, fièvres factices…

Fièvres récurrentes auto-inflammatoires systémiques


Anamnèse, examen clinique

Antécédents familiaux (+)


Transmission Antécédents familiaux (+) Forme sporadique
autosomique dominante Transmission récessive

Oui Oui Origine méditerranéenne


Éruption cutanée pseudo-urticarienne et/ou critère clinique majeur
et/ou troubles neurosensoriels de FMF Non

Oui Anormale Acide mévalonique urinaire


Non
en poussée

Normale

FCU/MWS/CINCA ? TRAPS ? FMF ? MKD ? Forme sporadique de CAPS ?


Séquençage Séquençage Séquençage Séquençage Forme sporadique de TRAPS ?
du gène CIAS1 du gène TNFR1 gène MEFV gène MVK PFAPA syndrome ?

Figure 1. Démarche devant une fièvre récurrente de l’enfant.

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