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Pratique Neurologique – FMC 2021;12:109–115

Neuro-réanimation

Syndrome de Guillain-Barré
Guillain Barré syndrome

D. Orlikowski Service de médecine intensive réanimation, centre


d'investigation clinique 1429, UMR 1179, université
Versailles Saint-Quentin, groupe hospitalier, université
Paris Saclay, hôpital Raymond-Poincaré, 104,
boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches,
France

RÉSUMÉ MOTS CLÉS


Le syndrome de Guillain Barré (SGB) est la première cause de paralysie aiguë extensive dans Paralysie aiguë extensive
les pays industrialisés depuis la disparition de la poliomyélite. Son diagnostic reste essentiel- Polyradiculonévrite
lement clinique. C'est une maladie évolutive pouvant amener le patient en réanimation. Un Mimétisme moléculaire
examen neurologique précis et répété permettra le plus souvent de confirmer le diagnostic, de Échanges plasmatiques
juger de l'évolutivité de la maladie et donc de sa gravité potentielle d'envisager les premières Immunoglobulines
mesures thérapeutiques. Les examens complémentaires sont essentiellement utiles pour éli- intraveineuses
miner une autre pathologie, notamment une méningoradiculite par la ponction lombaire et une
atteinte médullaire par une IRM. Un élément essentiel de la prise en charge est l'identification KEYWORDS
des patients à risque de développer une insuffisance respiratoire aiguë. L'autre volet thérapeu- Progressive acute paralysis
tique est le choix entre échanges plasmatiques et les immunoglobulines intraveineuses. Polyradiculoneuritis
© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Molecular mimicry
Plasma exchanges
Intravenous
immunoglobulins

SUMMARY
Guillain Barré syndrome (GBS) is the leading cause of acute extensive paralysis in industrialized
countries since the disappearance of polio. Its diagnosis remains essentially clinical. It is a
progressive disease that can lead the patient to respiratory failure and intensive care. An
accurate and repeated neurological examination will most often confirm the diagnosis, judge
the progression of the disease and therefore its potential severity, to consider the first therapeutic
measures. Complementary examinations are essentially useful for ruling out another cause, in
particular meningoradiculitis by lumbar puncture and spinal cord damage by MRI. An essential
point is the identification of patients at risk of developing acute respiratory failure. The other
therapeutic aspect is the choice between plasma exchanges and intravenous immunoglobulins.
© 2021 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

à prévenir les complications respiratoires et


INTRODUCTION celles liées au déficit moteur. Les traitements
La survenue d'une paralysie aiguë rapidement étiologiques immunomodulateurs visent
extensive évoque en premier lieu un syn- à diminuer l'inflammation nerveuse et entrai-
drome de Guillain Barré (SGB) devant des ner une réduction de la sévérité de la maladie,
signes d'atteintes du système nerveux péri- moins de complication respiratoire, une meil-
phérique sont présents. Depuis l'éradication leure récupération motrice et moins de séquel-
de la poliomyélite antérieure aiguë, le SGB en les à long terme.
est devenu la principale cause dans les pays
développés. Il s'agit d'une urgence neurolo-
gique. Le diagnostic est généralement cli- ÉPIDÉMIOLOGIE
nique, les examens complémentaires dans
un premier temps n'étant là que pour éliminer Dans les pays occidentaux, l'incidence est
un diagnostic différentiel. Le traitement symp- estimée entre 0,81 et 1,89 cas/100 000 hab/ Adresse e-mail :
tomatique est au premier plan, visant an. La maladie peut être observée à tout âge, david.orlikowski@aphp.fr

https://doi.org/10.1016/j.praneu.2021.03.004
© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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mais le risque augmente avec le temps (de 20 % tous les proposés (Tableau 1) [8]. Récemment, des critères dits de
10 ans). Le sexe ratio est en défaveur des hommes avec un « BRIGHTON » ont été proposés. Ces critères à visée rétro-
risque relatif de 1,78 [1]. On retrouve à l'anamnèse un anté- spective ont été mis au point dans le contexte de la vaccination
cédent récent d'infection digestive (gastro-entérite aiguë), res- anti H1N1 DE 2009-2010. Ils comprennent 4 niveaux de cer-
piratoire ou un syndrome grippal dans plus de 60 % des cas. titude diagnostic allant de 1 (le plus haut) à 4 (le plus faible) [9].
Les principaux agents prodromiques incriminés sont Campy-
lobacter jejuni, Mycoplasme pneumoniae, Haemophilus Évolution
influenzae, Cytomegalovirus, Eptein-Barr virus, ou virus de
l'immunodéficience humaine [2]. Phase d'extension
Un lien avec une vaccination a également été évoqué suite
à « l'épidémie » de SGB en 1976 suite à la campagne de Elle dure par définition moins de 4 semaines. Le tableau
vaccination contre la grippe porcine. La campagne de vacci- clinique débute habituellement par des troubles sensitifs à type
nation contre la grippe H1N1 de 2009 a également été asso- de paresthésies ou dysesthésies des extrémités. Des dou-
ciée à une augmentation de nombre de cas de SGB, mais très leurs lombaires sont classiques. S'y associe un déficit moteur,
minime (< 1 cas excédentaire par million de dose) [3]. Le lien bilatéral et symétrique, flasque avec aréfléxie. Le déficit est
entre SGB et les autres vaccins n'a jamais été mis en évidence d'évolution ascendante, prédomine en proximal et peut être de
[4]. Dans notre expérience, les GBS post vaccinaux sont rare gravité variable : risque d'évolution vers une tétraplégie, une
et en général associés à une cause infectieuse. diplégie faciale, une atteinte des nerfs phréniques avec insuf-
fisance respiratoire restrictive aiguë [4,10].
Des formes atypiques sont possibles : forme descendante,
évolution suraiguë en moins de 24 heures, conservation des
PHYSIOPHATHOLOGIE réflexes ostéo-tendineux voire hyperréflexie [10].

On distingue les formes démyélinisantes et les formes axo- Phase de plateau


nales. Il s'agit d'une pathologie inflammatoire, médiée par des
anticorps pathogènes et multifocale. Cette phase est de durée variable. À ce stade, des pares-
Le mécanisme est celui d'un mimétisme moléculaire entre les thésies ou des douleurs sont présentes dans 80 % des cas ;
antigènes des agents pathogènes et les gangliosides consti- l'aréflexie est généralisée chez 80 % des patients, 2/3 perdent
tuant la myéline. Ce mimétisme est clair entre les lipopolysac- la marche et 25–30 % évoluent vers une insuffisance respi-
charides de la paroi bactérienne de C. jejuni et les gangliosides ratoire [4,10].
GM1. Les principaux anticorps retrouvés sont les anti-GM1,
GD1a, GT1a, GQ1b. Les anticorps anti-GM1 sont retrouvés Phase de récupération
dans les formes axonales, les anti-GD1b dans les formes La récupération motrice peut être longue, puisque 20 % des
sensitives et les anti-GQ1b sont associés aux atteintes ocu- patients ne recouvrent pas la marche à 6 mois. Près de 10 %
lomotrices [5]. des patients présentent encore des symptômes résiduels
Dans les formes démyélinisantes, on constate une fixation à 3 ans de l'épisode [11]. Des fluctuations cliniques peuvent
d'anticorps sur la gaine de myéline entraînant l'activation du être observées après le début du traitement, avec une possi-
complément et la formation des complexes d'attaque mem- bilité de réaggravation secondaire [12].
branaire. Il y a dégradation des cellules de Schwann consti- Des récidives peuvent être observées dans 2 à 5 % des cas.
tuant la gaine de myéline. On observe ensuite une invasion
macrophagique. Secondairement, une dégénérescence axo- Complications
nale peut survenir.
Récemment a été introduit le concept de nodopathies se
manifestant par des blocs de conduction liés à une fixation
Insuffisance respiratoire aiguë
d'anticorps sur les nœuds de Ranvier et activation du complé- Cette complication est la principale cause de mortalité au
ment. L'apparition de blocs de conductions est liée à la dis- cours du SGB ; chez 30 % des patients. L'installation de
parition des canaux Sodium Voltage dépendants et au l'insuffisance respiratoire se fait souvent à bas bruit, et les
détachement secondaire de la myéline paranodale [6]. perturbations gazométriques, tardives, ne doivent pas être
Ainsi, l'atteinte axonale, peut être directe par destruction de attendues pour indiquer la mise en route de la ventilation
l'axone secondaire à l'activation du complément et la formation mécanique. Les premiers signes sont : l'orthopnée, la tachy-
du complexe d'attaque membranaire ou secondaire par dégé- pnée, la polypnée, une sensation d'oppression thoracique ou
nérescence axonale due à l' invasion des macrophages au une difficulté à la parole. La surveillance de la fonction pulmo-
niveau des espaces panadodaux [7]. naire (fréquence respiratoire, capacité vitale (CV), pressions
inspiratoire et expiratoire) doit être régulière. À noter que la
décompensation peut être brutale, suite à une atélectasie ou
une fausse route [13].
PRÉSENTATION CLINIQUE
Le SGB est une polyradiculonévrite aiguë, se traduisant clas- Atteinte bulbaire
siquement par un déficit sensitivo-moteur d'évolution ascen- Elle survient dans 30 % des cas. Les principales complications
dante, bilatéral et symétrique rapidement progressive. Le étant les fausses routes avec un risque de pneumopathie de
diagnostic est principalement clinique, les examens complé- déglutition, d'encombrement respiratoire et d'atélectasie. L'éva-
mentaires étant réalisés principalement pour éliminer un diag- luation est difficile en pratique, une bonne déglutition des liqui-
nostic différentiel. Des critères, dits « d'Asbury » ont été des ne garantissant pas l'absence de micro-inhalations [10,14].

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Neuro-réanimation

Tableau 1. Critères diagnostics du SGB.


Nécessaire En faveur Douteux Élimination
Variantes
Clinique Faiblesse progressive Progression < 4 semaines Progression > 4 semaines Exposition aux
de plus d'un membre solvants
Aréfléxie
Symétrie Asymétrie Exposition au
plomb
Atteinte sensitive modérée Atteinte sensitive sévère Niveau sensitif Atteinte sensitive
pure
Atteinte des paires Atteinte du SNC Troubles sphinctériens Anomalie du
crâniennes (PF dans initiaux métabolisme des
50 % des cas) porphyrines
Récupération Absence de récupération Autre diagnostic :
Diphtérie
Poliomyélite
antérieure aiguë
Botulisme
Dysautonomie Troubles sphinctériens Troubles sphinctériens
persistants
Absence de fièvre Fièvre initiale
ENMG Ralentissement des VC VC normales (20 % des
Blocs de conduction cas)
PL Hyperprotéinorachie (après Absence
1 semaine d'évolution) d'hyperportéinorachie
< 10 éléments 10–50 éléments > 50 éléments
mononuclées/mm3 mononuclées/mm3 mononuclés/mm3
Présence de PNN

À noter que l'intubation retardée est un facteur de risque de Maladie veineuse thrombo-embolique
pneumopathie précoce acquise sous ventilation mécanique,
L'immobilisation prolongée et les traitements par immunoglo-
secondaire à des troubles de la déglutition [14].
bulines polyvalentes majorent le risque de thromboses vei-
neuses profondes et/ou d'embolie pulmonaire. L'incidence
chez les patients en réanimation est respectivement de 9 et
Dysautonomie 7 % [16].
L'atteinte du système nerveux autonome se retrouve dans
plus de 70 % des cas. Elle est responsable de troubles du Atteintes neuro-musculaire acquise en
rythme cardiaque, d'une labilité tensionnelle (hypo- et hyper- réanimation (ANMAR)
tension), de rétention urinaire, d'ileus fonctionnel, de troubles Comme chez tous patients de réanimation, les patients pré-
vasomoteurs et d'un SIADH. La dysautonomie peut être sentant un SGB sont susceptibles de développer une ANMAR.
sévère, avec de possibles épisodes de bradycardie La sévérité des lésions est corrélée au nombre de dysfonc-
extrême, notamment lors des aspirations. Les troubles du tions d'organe. Les ANMAR représentant un facteur de risque
rythme cardiaque expliqueraient 5 % des décès au cours de mortalité et de sevrage ventilatoire prolongé, elles doivent
du SGB [4]. être dépistées quotidiennement. Dans le contexte du SGB, le
diagnostic est difficile, le tableau clinique étant relativement
proche, associant un déficit moteur périphérique, flasque et
Douleurs une aréflexie. La réalisation d'un ENMG retrouvant une poly-
neuropathie axonale ou une biopsie musculaire révélant une
Les douleurs ont été retrouvées chez près de 2/3 des patients, dénervation et une atrophie des fibres musculaires peut être
elles sont souvent un signe prodromique de la maladie. Il s'agit utile [17].
classiquement de douleurs neurogènes, à type de paresthé-
sies, dysesthésies, prédominant au niveau des extrémités et
des lombes, et sévères (ENS > 8/10). Ces douleurs sont cor- Autres manifestations
rélées à la sévérité du déficit moteur et peuvent persister Le SGB peut être associé à une fatigue importante qui peut
pendant plusieurs semaines ou années [15]. persister plusieurs mois après la récupération motrice [5]. Par

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ailleurs, des hallucinations, illusions, ou un onirisme existe Pandysautonomie aiguë


chez 30 % des patients [18].
Le tableau est celui d'une dysfonction sympathique et para-
sympathique diffuse. On retrouve classiquement des anticorps
anti-GQ1b et anti-GT1a [4].
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Electroneuromyogramme (ENMG)
DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
L'ENMG est l'examen permettant de faire le diagnostic du type
de SGB. Il permet également d'apporter des éléments pro- Le diagnostic clinique de SGB ne pose en général pas de
nostics sur l'évolution de la maladie (cf. infra). En Europe, 90 % problème. Les principaux diagnostics différentiels à éliminer
des cas sont des formes sensitivo-motrices démyélinisantes sont les atteintes médullaires ou de la queue de cheval.
(Acute Inflammatory Demyelinating Polyradiculoneuropathy– Une IRM médullaire est alors indiquée en urgence.
AIDP). Les autres formes sont les atteintes axonales motrices Les autres diagnostics différentiels et les signes d'orientation
(Acute Motor Axonal Neuropathy–AMAN) et sensitivo-motri- sont présentés dans le Tableau 2 [4,7,10].
ces (Acute Motor and Sensitive Axonal Neuropathy–AMSAN).
On décrit également des formes inexcitables et équivoques
lorsque les critères ne sont pas remplis [19].
PRISE EN CHARGE
Ponction lombaire (PL) Le traitement spécifique du SGB repose sur les échanges
La PL retrouve la classique dissociation albumino-cytologique, plasmatiques ou les immunoglobulines polyvalentes. Cepen-
se traduisant par une hyperprotéinorachie, sans réaction cel- dant, la prise en charge passe avant tout par la prévention et le
lulaire. L'apparition de la dissociation peut être retardée de 3 à traitement symptomatique des complications.
15 jours. Au-delà 50 éléments mononuclés/mm3, un diagnos-
tic différentiel est à évoquer [10]. Traitement étiologique
Les examens recommandés lors d'une suspicion de SGB sont
Le principe est de remplacer le plasma du patient après sépa-
rappelés dans le Tableau 1.
ration des éléments nucléés par centrifugation ou filtration.
Cette technique s'est montrée efficace sur plusieurs points :
diminution de la durée de ventilation mécanique, diminution du
FORMES FRONTIÈRES temps de récupération de la marche avec et sans aide, dimi-
nution du temps de récupération du déficit. L'efficacité est
Des tableaux proches du SGB ont été décrits. Ils s'en rappro- prouvée sur le long terme avec une diminution de la mortalité,
chent par la physiopathologie et la présence d'anticorps anti- des séquelles à 1 an [20].
gangliosides permettant d'en évoquer le diagnostic. Il existe Le volume à échanger est de 1,5 masses plasmatiques. Il est
parfois des chevauchements entre ces différentes entités recommandé de réaliser 4 échanges dans les formes modé-
rées et sévères (perte de la marche, nécessité d'une assis-
Syndrome de Miller-Fisher tance respiratoire) et 2 échanges dans les formes légères
Représentant environ 5 % des SGB, il associe une triade (déficit moteur sans perte de la marche). Ils doivent être
caractéristique : ataxie, aréflexie et ophtalmoplégie. Le tableau débutés précocement, dans les 7 jours suivants le début du
débute par une atteinte des nerfs oculo-moteurs, responsable déficit.
d'une paralysie oculo-motrice avec diplopie ; l'atteinte de la Les principales contre-indications aux échanges plasmatiques
motricité intrinsèque (mydriase) est présente chez 40 % des sont les troubles de la coagulation et les états septiques. Les
patients. Les déficits moteurs sont modérés et plus rares (25 % complications sont rares (< 5 % des séances) et souvent
des cas). On retrouve fréquemment des troubles sensitifs bénignes à type d'hypotension, de fièvre/frissons ou nau-
subjectifs (50 % des cas), n'expliquant pas à eux seul l'ataxie sées/vomissements.
(possible origine cérébelleuse). La dissociation albumino-cyto- Les immunoglobulines polyvalentes (IgIV) ont une action
logique est quasi constante, tout comme la présence des immunomodulatrice multimodale (blocage des récepteurs Fc
anticorps anti-GQ1b (95 % des cas). Sans traitement, la récu- des IgG, suppression de l'activation lymphocytaire, modulation
pération est de mise, dans un délai médian de 3 mois [7]. du système du complément et neutralisation d'auto-anticorps
pathologiques).
Lorsqu'elles sont débutées dans les 15 jours suivant le début
Encéphalopathie de Bickerstaff du déficit, les IgIV sont aussi efficaces que les échanges
Ce syndrome, beaucoup plus rare et plus sévère, associe une plasmatiques en terme de mortalité et de récupération clinique
ophtalmoplégie, une ataxie et des signes d'atteinte du système à court (4 semaines) et long (1 an) terme. La tolérance serait
nerveux central (atteintes des voies longues, signe de meilleure, avec moins d'arrêt thérapeutique. Les posologies
Babinski). Il peut exister des troubles de la vigilance (coma recommandées sont de 0,4 gr/kg/j pendant 5 jours.
dans 30 % des cas). L'IRM cérébrale met en évidence des Les principales contre-indications sont un déficit en IgA et
lésions du tronc cérébral, du cervelet et des thalami (rhom- l'insuffisance rénale.
bencéphalite). La dissociation albumino-cytologique se retro- Des effets secondaires mineurs sont rapportés chez 1 à 5 %
uve dans 35 % des cas ; une pléiocytose est possible. Les des patients (céphalées, fièvre/frissons, nausées/vomisse-
anticorps anti-GQ1b sont présents dans 65 % des cas. L'évo- ments, hypo-/hypertension, tachycardie, myalgie, arthralgie)
lution peut être fatale (5 % de mortalité) [7]. et généralement liés à une vitesse de perfusion trop

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Syndrome de Guillain-Barré
Neuro-réanimation

Tableau 2. Diganostics différentiels du SGB.


Diagnostic différentiel Éléments cliniques Éléments paracliniques
Atteinte du SNC
AIC du tronc cérébral Syndrome pyramidal Anomalies à l'IRM cérébrale
Myélopathie aiguë Syndrome pyramidal ; Niveau sensitif EMG normal/Anomalies à l'IRM médullaire
Atteinte nerveuse
Polyomyélite antérieure aiguë Déficit moteur pur, asymétrique PL : Pléiocytose initiale
Diphtérie Atteinte ORL Atteinte axonale
Neuroboréliose Notion de piqûre de tique PL : Pléiocytose
Intoxication aux métaux lourds Notion d'exposition aux métaux Atteinte axonale/PL : normale
Porphyrie aiguë intermittente Douleurs abdominales ; urines porto Dosage des porphyrines urinaires
Vascularite Déficit asymétrique ; atteinte multisystémique Atteinte axonale/PL : normale
Lymphome
Atteinte de la JNM
Myasthénie Déficit moteur pur Décrément à l'ENMG/PL normale
Botulisme Mydriase ; Troubles digestifs PL : normale
Atteinte musculaire
Hypokaliémie
Hypophosphatémie Elévation des CPK
Myopathie inflammatoire Elévation des CPK
Rhabdomyolyse aiguë Dyskaliémie
Paralysie périodique
SNC : Système nerveux central ; JNM : Jonction neuromusculaire

importante. Des effets secondaires plus graves peuvent être d'une atteinte faciale et/ou bulbaire étaient des facteurs pré-
observés : choc anaphylactique chez les patients présentant dictifs de ventilation [24].
un déficit en IgA, méningites aseptiques, insuffisance rénale Les facteurs prédictifs de ventilation mécanique et les critères
aiguë organique, événements thrombo-emboliques, hypona- d'intubation sont rappelés dans le Tableau 3.
trémie/pseudohyponatrémie, éruption cutanée ou anémie Le sevrage peut être débuté quand la CV est > 7 ml/kg et
hémolytique [21]. l'extubation envisageable si elle est > 15 ml/kg. Il doit se faire
L'association des 2 traitements n'est pas plus efficace que progressivement, en réalisant des épreuves sur pièce en T de
l'une des 2 méthodes seule [21]. Une deuxième cure d'IgIV a durée de plus en plus longue. La réussite d'une épreuve
été proposée chez les patients les plus sévères n'ayant pas de 12 heures, avec une normalité des gaz du sang au décours
répondu à la première cure mais sans que les essais théra- sont préconisées avant une extubation [13].
peutiques n'aient actuellement pu le confirmer [22]. Les corti- En cas de déficit prolongé, une trachéotomie peut être pro-
coïdes n'ont pas montré de preuve d'efficacité. posée en attendant la récupération. Un délai de 3 semaines de
ventilation mécanique est proposé avant de recourir à cette
option.
La présence de symptômes bulbaires avec notamment des
Traitements symptomatiques troubles de déglutition impose la pose d'une sonde naso-
Vingt cinq à 30 % des patients nécessitent une ventilation gastrique permettant l'alimentation entérale et l'administration
mécanique suite à une insuffisance respiratoire aiguë ou des des traitements. Cependant, elle ne prévient pas les micro-
troubles de la déglutition. La problématique principale va être inhalations et les risques de pneumopathies associées [14].
de reconnaître les patients à risque de défaillance respiratoire Les douleurs neurogènes doivent être prises en charge par
et ensuite de reconnaître quand appliquer la ventilation méca- des antalgiques spécifiques comme les antiépileptiques [7].
nique La VNI n'est pas indiquée chez ce type de patients Il ne faut cependant pas négliger les douleurs liées l'immobi-
présentant des troubles de la déglutition, une diminution rapide lisation qui sont prises en charge par les antalgiques classi-
de la capacité vitale, un épuisement respiratoire et une dysau- ques (pallier I à III) et les AINS [10].
tonomie [13]. Les facteurs de risque de ventilation mécanique Une anticoagulation préventive par HNF et HBPM ou des bas
sont : la sévérité clinique, l'atteinte bulbaire, les infections de compression pneumatique intermittente doivent rapide-
à CMV et les atteintes hépatiques [23]. D'autres études ont ment être instaurés et maintenus jusqu'à la reprise de la
montré que la sévérité du déficit moteur, (MRC sumscore) ; les marche ou au minimum 3 mois en cas de persistance d'une
délais entre l'admission et le début des signes, et l'existence immobilité [10].

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symptômes bulbaires ; troubles sphinctériens). À 5 ans, 5 %


Tableau 3. Facteurs prédictifs de ventilation au cours des patients nécessitent une aide à la marche ou sont dépen-
du SGB. dant d'un respirateur [11]. Si la récupération motrice est bonne
Facteurs prédictifs d'intubation à l'admission en la persistance de signes sensitifs ou moteurs résiduels même
réanimation minimes peut impacter leur vie quotidienne est sociale à long
terme. Ainsi, 27 % des patients ont effectué des changements
Sans mesure de la capacité vitale (risque > 85 % si présence de
substantiels dan leur vie et 19 % ont réduit leurs activités [25].
4 critères)
Début des symptômes < 7 jours à l'admission
Toux inefficace
CONCLUSION
Impossibilité de tenir debout
Impossibilité de soulever les coudes Le SGB est une urgence neurologique de par les risques
Impossibilité de lever la tête d'évolution vers une insuffisance respiratoire aiguë. La sur-
veillance clinique doit être rapprochée tant que la phase de
Cytolyse hépatique
plateau n'est pas atteinte. En dehors des options thérapeuti-
Avec mesure de la capacité vitale (risque > 85 % si présence ques spécifiques (échanges plasmatiques ou IgIV), la prise en
des 3 critères) charge est surtout symptomatique, moyennent quoi le pronos-
Début des symptômes < 7 jours à l'admission tic est généralement favorable.
Impossibilité de lever la tête
CV < 60 % de la théorique Déclaration de liens d'intérêts
L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
Facteurs prédictifs de ventilation mécanique pendant le
séjour en réanimation
Troubles de la déglutition
CV < 20 ml/kg Points essentiels
Indications à l'intubation  Reconnaître un SGB :
Détresse respiratoire  Devant une paralysie rapidement progressive
PaCO2 > 6,4 kPa (50 mmHg) ou PaO2 < 7,5 kPa (55 mmHg) avec ou sans signes sensitifs (forme motrice pure);
 Les réflexes peuvent être parfois conservés ;
CV < 15 ml/kg  Attention aux signes urinaires (incontinence
PI < -25 cmH2O/PE < 50 cmH2O =queue de cheval, rétention d'emblée = atteinte
centrale) ;
 Penser à rééxaminer régulièrement le patient
(forme incomplète ou atypique initiale).
 Identifier les patients à risque de réanimation :
L'ileus fonctionnel peut être traité par des agents prokinétiques  Progression rapide < 7 jours ;
comme l'érythromycine, ou la néostigmine [10]. Des sondages  Perte de la marche ou atteinte proximale
rectaux peuvent être réalisés en cas de constipation. importante ;
La pose d'une sonde vésicale à demeure est nécessaire en  Trouble de déglutition et a fortiori signes
cas de rétention aiguë d'urine. Elle est maintenue en place respiratoires.
jusqu'à récupération de la motricité aux membres inférieurs.  Traitements spécifiques :
La présence d'une paralysie faciale avec inocclusion palpé-  Sont utiles les 15 premiers jours de la maladie ;
brale impose une protection oculaire par pommade de vita-  Immunoglobulines et échanges plasmatiques sont
mine A et occlusion nocturne. équivalents ;
Aucune étude contrôlée n'a été réalisée pour mettre en évi-  Diminue la durée et la sévérité de la maladie en
dence l'intérêt d'une rééducation précoce. termes de risque respiratoire de récupération de la
marche et de séquelles motrice.

PRONOSTIC
Malgré une prise en charge intensive, la mortalité du SGB est RÉFÉRENCES
de 10 %. Les principales causes de décès sont respiratoires
(détresse respiratoire aiguë, pneumopathie, EP). Les facteurs [1] Sejvar JJ, Baughman AL, Wise M, Morgan OW. Population
de risque de mortalité sont : l'âge, la sévérité de la maladie au incidence of Guillain-Barré syndrome: a systematic review and
nadir, la nécessité de recourir à la ventilation mécanique et meta-analysis. Neuroepidemiology 2011;36:123–33.
l'hyponatrémie [4]. Le risque de séquelles est augmenté dans [2] Hadden RD, Karch H, Hartung HP, Zielasek J, Weissbrich B,
les formes motrices pures, les formes axonales et celles liées Schubert J, et al. Preceding infections, immune factors, and
à une infection à C. jejuni [2]. outcome in Guillain-Barré syndrome. Neurology 2001;56:758–65.
Le pronostic moteur global est très bon, mais près de 30 % des [3] Wise ME, Viray M, Sejvar JJ, Lewis P, Baughman AL,
patients gardent des séquelles à long terme (douleurs, Connor W, et al. Guillain-Barre syndrome during the

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Syndrome de Guillain-Barré
Neuro-réanimation

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