Vous êtes sur la page 1sur 8

Pratique Neurologique – FMC 2017;8:148–155

Pour la pratique

Comment je raisonne devant une


leucoencéphalopathie chronique de
l'adulte ?
The management of adult-onset leukoencephalopathies

C. Carra-Dallière Département de neurologie, centre de référence et


X. Ayrignac recours sclérose en plaques, CHU de Montpellier, 80,
P. Labauge avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5,
France

RÉSUMÉ MOTS CLÉS


La découverte d'une leucoencéphalopathie est une situation clinique fréquente. Chez l'adulte, Leucoencephalopathie
les causes acquises sont les plus fréquentes. Néanmoins, le caractère d'emblée symétrique de Génétique
la leucoencéphalopathie, dès la première IRM cérébrale, évoque une cause héréditaire. Dans Algorithme
cet article, nous proposons un algorithme diagnostique des leucoencéphalopathies de l'adulte Symétrie
de mécanisme supposé héréditaire.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS
Leucoencephalopathy
Genetics
Algorithm
Symmetry
SUMMARY
Leukoencephalopathy is frequently encountered in clinical practice. In adulthood, acquired
disorders are the most frequent causes. Symmetrical white matter abnormalities on the first
available MRI suggest a genetic disorder. In this article, we provided an MRI-pattern approach of
adult-onset inherited leukoencephalopathies.
© 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

HERNS Hereditary Endotheliopathy with


ABRÉVIATIONS Retinopathy, Nephropathy and Stroke ;
AMN/ALD adrenomyeloneuropathy/ LBSL Leukoencephalopathy with Brainstem
adrenoleukodystrophy and Spinal Cord Involvement and High
syndrome CACH Childhood Ataxia with Lactate
Central nervous system Hypomyelination LCC Leukoencephalopathy with
CAA Cerebral Amyloid Angiopathy Calcifications and Cysts
CADASIL Cerebral Autosomal Dominant LEMP Leucoencephalopathie multifocale
Arteriopathy with Subcortical Infarcts and progressive
Leukoencephalopathy MLC Megalencephalic
CARASAL Cathepsin A-related Arteriopathy Leukoencephalopathy with subcortical Cysts
with Strokes and Leukoencephalopathy MNGIE Mitochondrial Neurogastrointestinal
CARASIL Cerebral Autosomal Recessive Encephalomyopathy Syndrome
Arteriopathy with Subcortical Infarcts and RVCL Retinal Vasculopathy with Cerebral
Leukoencephalopathy Leukoencephalopathy Auteur correspondant.
CTX Cerebro-Tendinous Xanthomatosis VWM Vanishing White Matter Disease C. Carra-Dallière,
CRMCC Cerebroretinal Microangiopathy Département de neurologie, centre
de référence et recours sclérose
with Calcifications and Cysts en plaques, CHU de Montpellier,
FXTAS Fragile X associated Tremor Ataxia INTRODUCTION 80, avenue Augustin-Fliche, 34295
Syndrome Montpellier cedex 5, France.
syndrome HANAC Hereditary Angiopathy La découverte d'une atteinte de la substance Adresse e-mail :
with Nephropathy, Aneurysms and Cramps blanche cérébrale (leucoencéphalopathie ou clarisse.carra@gmail.com

http://dx.doi.org/10.1016/j.praneu.2017.06.002
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
148
Comment je raisonne devant une leucoencéphalopathie chronique de l'adulte ?
Pour la pratique

leucopathie) est une situation clinique fréquente ; cette décou-


verte peut être fortuite (i.e. IRM cérébrale réalisée pour des 1RE ÉTAPE : INTERROGATOIRE ET EXAMEN
céphalées, des acouphènes) ou survenir au cours du bilan CLINIQUE
diagnostique d'un tableau neurologique.
Nous n'envisagerons pas ici les tableaux de leucoencéphalo- Devant une leucoencéphalopathie, il est donc important de
pathie aiguë. Chez l'adulte, les anomalies de la substance rechercher des antécédents familiaux, même s'ils sont sou-
blanche chroniques sont majoritairement secondaires à des vent absents y compris dans les leucoencéphalopathies héré-
maladies acquises notamment la microangiopathie cérébrale ditaires. Rarement, certains signes neurologiques (présence
hypertensive, les maladies inflammatoires (sclérose en pla- d'une neuropathie périphérique) ou extra-neurologiques
ques) ou des pathologies infectieuses (LEMP, encéphalite du (notamment ophtalmologiques et cutanés) peuvent orienter
VIH). Si cette leucoencéphalopathie chronique est bilatérale et la démarche diagnostique (Tableau I) [2]. Parfois, la présence
symétrique, dès la première IRM, il faut également rechercher d'un signe clinique spécifique en association avec une leu-
à l'interrogatoire une origine toxique (leucoencéphalopathie coencéphalopathie, permet ainsi d'évoquer d'emblée un diag-
liée à l'injection de methotrexate intrathécal, atteinte post- nostic précis (par exemple, l'association de xanthomes
radique, intoxication au monoxyde de carbone, inhalation de tendineux avec une leucoencéphalopathie suggère une xan-
vapeur d'héroïne. . .). thomatose cérébro-tendineuse).
Quand l'origine toxique est écartée, on suspecte alors une Néanmoins, le tableau clinique d'une leucoencéphalopathie
leucoencéphalopathie héréditaire. L'interrogatoire, l'examen héréditaire est en général progressif et aspécifique : parapa-
clinique et l'analyse précise de l'IRM cérébrale sont des étapes résie spastique, ataxie cérébelleuse, déclin cognitif, troubles
clés de la démarche diagnostique d'une leucoencéphalopathie psychiatriques. Il est donc majeur d'analyser précisément
suspectée héréditaire de l'adulte. Grâce à cette approche cen- l'IRM cérébrale, pour rechercher des arguments en faveur
trée sur l'analyse de l'IRM cérébrale, nous avons rapporté un d'une origine héréditaire plutôt qu'acquise et dans un 2ème
taux de diagnostic de 64 % dans une cohorte de 154 patients temps, pour préciser le mécanisme de la leucoencéphalopa-
adultes ayant une leucoencéphalopathie héréditaire [1]. thie héréditaire.

Tableau I. Orientation diagnostique en fonction des signes cliniques neurologiques ou extra-neurologiques associés.
Neuropathie périphérique Axonale : maladie de Charcot-Marie-Tooth (mutation Connexine 32 et Mitofusine),
CTX, maladies Mitochondriales, AMN/ALD
Petites fibres : maladie de Fabry
Démyélinisante : AMN/ALD, maladie de Krabbe, CTX, MNGIE
Atteinte du motoneurone périphérique : maladie à dépôts de polyglucosans
Signes cutanés Xanthomes tendineux : CTX
Angiokératomes : maladie de Fabry
Mélanodermie : AMN/ALD
Signes endocriniens Insuffisance surrénalienne : AMN/ALD
Insuffisance ovarienne : CACH/VWM
Diabète : maladies mitochondriales
Hypogonadisme : syndrome 4H
Signes ophtalmologiques Cataracte : XCT, mutation COL4A1
Tortuosités artérielles rétiniennes, anomalies de type Axenfeld-Rieger,
hémorragies rétiniennes : mutation COL4A1
Télangiectasies rétiniennes : CRMCC, RVCL
Rétinopathie vasculaire : RVCL
Atrophie optique : maladies mitochondriales
Rétinite pigmentaire : maladies mitochondriales
Cornée verticillée : maladie de Fabry
Hypoacousie Maladie de Fabry, maladies mitochondriales
Signes viscéraux Diarrhée : CTX
Troubles de la motilité gastro-intestinale : MNGIE
Cardiopathie : maladie de Fabry, maladies mitochondriales
Néphropathie : maladie de Fabry, HERNS, mutation COL4A1 (syndrome HANAC)
Anomalies ostéo-articulaires Hernie discale, spondylolisthésis : CARASIL
Syndactilie : syndrome oculodentodigital
Kystes osseux : maladie de Nasu-Hakola
AMN/ALD : adrénomyéloneuropathie/adrénoleucodystrophie ; CACH : Cerebral Ataxia with Central Nervous system hypomyelination ; CARASIL : Cerebral Autosomal
Recessive Arteriopathy with Subcortical Infarcts and Leukoencephalopathy ; CTX : xanthomatose cérébro-tendineuse ; MNGIE : Mitochondrial Neurogastrointestinal
Encephalomyopathy ; VWM : Vanishing White Matter Disease.

149
Pour la pratique C. Carra-Dallière et al.

La recherche de ces arguments radiologiques permet ensuite


2E ÉTAPE : ANALYSE PRÉCISE DE L'IRM de distinguer 3 groupes de leucoencéphalopathie :
CÉRÉBRALE  leucoencéphalopathie vasculaire ;
 leucoencéphalopathie cavitaire ;
 leucoencéphalopathie non vasculaire non cavitaire.
Arguments pour distinguer origine acquise versus Nous allons détailler les pathologies à évoquer au sein de
héréditaire chacun de ces trois groupes.
Le caractère symétrique de la leucoencéphalopathie dès la 1re
IRM (Fig. 1) est un argument majeur pour une origine héré-
ditaire. Au contraire, des lésions asymétriques, un rehausse- RAISONNEMENT DEVANT UNE
ment après injection de gadolinium et une évolutivité rapide LEUCOENCÉPHALOPATHIE VASCULAIRE
des lésions sur des IRM successives sont plutôt des argu-
ments en faveur d'une origine acquise. Si l'IRM cérébrale suggère un mécanisme vasculaire,
l'enquête diagnostique doit comporter au minimum :
Préciser le mécanisme  un interrogatoire à la recherche d'antécédents familiaux de
microangiopathie cérébrale héréditaire : infarctus lacunaire
Afin de préciser le mécanisme de la leucoencéphalopathie, du sujet jeune, hémorragie cérébrale sans cause. . . ;
certains arguments radiologiques sont à rechercher [2] :  un holter tensionnel pour rechercher une HTA méconnue ;
 des arguments pour une origine microvasculaire : leucoen-  une consultation ophtalmologique avec fond d'œil pour
céphalopathie atteignant le pont, les capsules externes (en rechercher notamment une rétinopathie hypertensive, des
« parenthèses »), hypersignaux en T2 de la substance grise tortuosités artérielles rétiniennes.
profonde, lacunes, présence de microbleeds ou de calcifi-
cations sur la séquence T2* ;
 des cavitations, définies comme la présence de lésions en Important
hyposignal au sein de la leucoencéphalopathie sur la Si la leucoencéphalopathie vasculaire survient avant 50 ans
séquence FLAIR. ou en l'absence de facteurs de risque cardio-vasculaires et/ou

Figure 1. Algorithme diagnostique devant une leucoencéphalopathie bilatérale et symétrique de l'adulte.

150
Comment je raisonne devant une leucoencéphalopathie chronique de l'adulte ?
Pour la pratique

en présence d'une histoire familiale de microangiopathie céré- Maladie de CARASIL


brale, il faut alors évoquer une microangiopathie cérébrale
La maladie de Cerebral Autosomal Recessive Arteriopathy
héréditaire.
with Subcortical Infarcts and Leukoencephalopathy (CARA-
SIL), beaucoup plus rare, de transmission autosomique réces-
sive, liée à une mutation biallélique du gène HTRA1, donne
Maladie de CADASIL des aspects radiologiques identiques à CADASIL (Fig. 2C–D).
La maladie de Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with Cependant, des symptômes extraneurologiques sont habituel-
Subcortical Infarcts and Leukoencephalopathy (CADASIL), lement rapportés, notamment une alopécie et des déforma-
liée à une mutation hétérozygote du gène NOTCH3 (19p13) tions vertébrales vers l'âge de 20 ans [4].
est de loin la plus fréquente des microangiopathies cérébrales Des mutations hétérozygotes du gène HTRA1 ont été rappor-
héréditaires. Elle doit être recherchée en 1re intention devant tées en 2015 dans des microangiopathies cérébrales hérédi-
toute leucoencéphalopathie vasculaire suspectée d'origine taires de transmission autosomique dominante [5]. Les
génétique. caractéristiques cliniques de cette entité diffèrent de celles
Classiquement, les symptômes cliniques sont liés à l'âge des de CADASIL et CARASIL par un âge de début plus tardif,
patients : migraine avec aura avant 40 ans, infarctus cérébraux l'absence d'atteinte extra-neurologique. Elles sont proches de
lacunaires et troubles de l'humeur à partir de 40 ans, déclin celles des microangiopathies cérébrales sporadiques en
cognitif après 50 ans. Néanmoins, des débuts plus tardifs et dehors de l'histoire familiale.
des phénotypes frustres sont de plus en plus rapportés [3].
L'histoire familiale suggérant une transmission autosomique
dominante peut manquer du fait d'une pénétrance incomplète, Mutations du gène COL4A1
d'une expressivité variable ou de mutations de novo. Au Les mutations du gène COL4A1 ont été initialement reliées
niveau de l'IRM cérébrale, en association avec les signes à des formes familiales d'hémiplégie infantile avec porencé-
de leucoencéphalopathie vasculaire décrits ci-dessus, la pré- phalie, de transmission autosomique dominante. Les sujets
sence d'hypersignaux du pôle antérieur des lobes temporaux mutés présentent une fragilité accrue des vaisseaux céré-
est très évocatrice de CADASIL et rapportée chez 90 % des braux donc un risque augmenté d'hémorragies intracérébrales
patients (Fig. 2A et B). Ces hypersignaux sont associés à̀ des notamment néonatales. Ils sont sensibles à certains facteurs
lacunes qui apparaissent plus tardivement et, parfois à des environnementaux tels que les traumatismes obstétricaux
dilatations des espaces périvasculaires de Virchow-Robin ou les traitements anticoagulants. Parmi les divers phéno-
donnant au maximum un « état criblé ». types décrits, on peut citer les porencéphalies familiales, les

Figure 2. IRM cérébrales illustrant une leucoencéphalopathie vasculaire héréditaire. IRM cérébrale en coupes axiales, en séquence FLAIR
(A, B, C, E, G), T2* (D, F) et T1 après injection de gadolinium (H). CADASIL (A, B) ; CARASIL (C, D) ; mutation COL4A1 (E, F) ;
LCC (G, H).

151
Pour la pratique C. Carra-Dallière et al.

hémorragies cérébrales récidivantes, les atteintes ophtalmo- aux formes sporadiques, les formes familiales surviennent
logiques (tortuosités artérielles rétiniennes, anomalies de type à un âge plus précoce et sont extrêmement rares. En l'absence
Axenfeld-Rieger, hémorragies rétiniennes) et le syndrome d'antécédent familial direct de démence ou d'hémorragie céré-
Hereditary Angiopathy Nephropathy Aneurysms and muscle brale, les gènes impliqués dans les formes familiales (notam-
Cramps (HANAC) [6]. ment le gène APP), ne doivent pas être systématiquement
L'IRM cérébrale montre une leucoencéphalopathie vasculaire étudiés.
classique qui épargne cependant le pôle antérieur des lobes
temporaux. Certains signes sont des arguments supplémen- Maladie de Fabry et xanthomatose cérébro-
taires pour rechercher une mutation COL4A1 : anévrysmes tendineuse
intracrâniens, hémorragies profondes (microbleeds ou héma-
tomes cérébraux profonds), cavités porencéphaliques et cal- La maladie de Fabry et la xanthomatose cérébro-tendineuse
cifications (Fig. 2E–F). Du fait de la description de phénotypes sont des maladies métaboliques qui peuvent donner une
frustres, l'analyse du gène COL4A1 est également recomman- microangiopathie cérébrale. Il est donc important de recherche
dée devant un hématome cérébral profond inexpliqué chez un spécifiquement des signes systémiques évocateurs de ces
patient âgé de moins de 50 ans. pathologies (neuropathie des petites fibres, xanthomes tendi-
Plus récemment, des mutations du gène COL4A2 ont été neux, angiokératomes, cornée verticillée, néphropathie. . .).
identifiées chez des patients adultes avec l'association hémor- Etant donné qu'il existe un traitement spécifique pour ces deux
ragie cérébrale et cavité porencéphalique. pathologies, le cholestanol et l'alpha-galactosidase doivent
Une nouvelle microangiopathie cérébrale héréditaire de trans- être dosés dans le cadre d'une leucoencéphalopathie vascu-
mission autosomique dominante a récemment été identifiée laire héréditaire de cause inexpliquée.
(CARASAL pour Cathepsin A-Related Arteriopathy with Stro-
kes and Leukoencephalopathy) [7]. Autres
L'association d'une leucoencephalopathie avec des kystes
intracrâniens et des calcifications suggère une Cerebroretinal
CAA familiale Microangiopathy with Calcifications and Cysts (CRMCC) ou
L'angiopathie amyloïde cérébrale (CAA) familiale est caracté- une Leukoencephalopathy with Calcifications and Cysts
risée par une leucoencéphalopathie vasculaire, des hémorra- (LCC). Les kystes peuvent être de taille importante (Fig. 2G–
gies intracérébrales, des microbleeds lobaires. Contrairement H), augmentant de taille sur des imageries successives et

Figure 3. IRM cérébrales illustrant une leucoencéphalopathie cavitaire. IRM cérébrale en coupes axiales, en séquence FLAIR (A, B, C, D,
E), T2 (F). Syndrome CACH (A–C) : leucoencéphalopathie cavitaire extensive épargnant les fibres en U (A) ; cavitations symétriques
à prédominance antérieure au sein de la leucoencéphalopathie (B) ; hypersignaux symétriques de la substance blanche cérébelleuse (C) ;
SEP à forme cavitaire (D–F) : lésions isolées juxta-corticales (D) ; cavitations symétriques à prédominance postérieure (E) ; lésions
infratentorielles asymétriques (F).

152
Comment je raisonne devant une leucoencéphalopathie chronique de l'adulte ?
Pour la pratique

exerçant un effet de masse. La CRMCC ou maladie de « Coats De manière caractéristique chez l'enfant, l'évolution progres-
plus » associe des signes systémiques à l'atteinte neurologique sive est émaillée d'épisodes paroxystiques de dégradation
(télangiectasies rétiniennes, hémorragies digestives, anomalies rapide avec déficit moteur, hypotonie et troubles de consci-
squelettiques. . .) et est généralement liée à une mutation du ence parfois jusqu'au coma. Classiquement, ces aggravations
gène CTC1 [8]. A contrario, la LCC ou syndrome de Labrune est sont provoquées par un épisode infectieux fébrile ou un trau-
restreinte au système nerveux central et a été récemment reliée matisme crânien même minime. Chez l'adulte, le tableau neu-
à des mutations bialléliques du gène SNORD118 [9]. rologique est peu spécifique, associant généralement un
La leucodystrophie avec vasculopathie cérébrorétinienne tableau cérébello-spastique et une démence sous-corticale.
(RVCL), liée à une mutation du gène TREX1 est une micro- Cependant, chez la femme, l'association à une insuffisance
angiopathie systémique de début tardif, de transmission auto- ovarienne précoce (ou « ovarioleucodystrophie ») est carac-
somique dominante [10]. L'IRM cérébrale révèle une téristique. Dans notre série de 16 patients adultes [11], il y avait
leucoencéphalopathie vasculaire et/ou des lésions inflamma- 13 femmes pour 3 hommes, la plupart d'entre elles ayant une
toires pseudo-tumorales. insuffisance ovarienne. Même si le pronostic des formes adul-
tes est considéré comme moins sévère que les formes pédia-
triques, il est également péjoratif avec un handicap moteur et
un déclin cognitif invalidant en quelques années.
RAISONNEMENT DEVANT UNE Sur l'IRM cérébrale, la démyélinisation est extensive, abou-
LEUCOENCÉPHALOPATHIE CAVITAIRE tissant à un aspect de raréfaction de la substance blanche,
progressivement remplacée par du LCR. Cet aspect expli-
Devant une leucoencéphalopathie de l'adulte associée à des que l'autre appellation de ce syndrome « Vanishing White
cavitations, 2 principaux diagnostics sont à évoquer : le syn- Matter Disease » (VWM) qui fait référence à l'évanescence
drome Childhood Ataxia with Central nervous system Hypo- de la substance blanche. La leucoencéphalopathie est en
myelination (CACH) et les formes cavitaires de sclérose en hypersignal sur la séquence T2 par définition, en hyposignal
plaques (SEP). T1, touchant fréquemment le corps calleux et le cervelet
(Fig. 3A–C) ; elle s'associe à une atrophie cérébrale
constante.
Syndrome CACH Cinq gènes, EIF2B1-5, sont impliqués dans la survenue du
Le syndrome CACH est une leucodystrophie de transmission syndrome CACH. Dans les formes adultes de la maladie, les
autosomique récessive, décrite initialement chez l'enfant où mutations concernent essentiellement le gène EIF2B5 avec la
elle conduit au décès en quelques années. mutation récurrente R113H dans 71 % des cas [11].

Figure 4. IRM cérébrale de patients ayant une leucoencéphalopathie non vasculaire non cavitaire. IRM cérébrale en coupes axiales, en
séquence FLAIR. Adrénoleucodystrophie liée à l'X (A, B) ; maladie de Krabbe (C) ; xanthomatose cérébro-tendineuse (D) ; prémutation de
l'X fragile (E, F) ; syndrome LBSL (G) ; leucodystrophie dominante par duplication de la lamine B1 (H).

153
Pour la pratique C. Carra-Dallière et al.

Rarement, un aspect de leucoencéphalopathie cavitaire a été  l'atteinte des pédoncules cérébelleux moyens peut évoquer
rapporté dans les formes infantiles de maladie d'Alexander, un syndrome de prémutation de l'X fragile (FXTAS) [15]
dans les maladies mitochondriales et dans la leucoencépha- (Fig. 4D-E). Le tableau est celui d'un tremblement,
lopathie mégalencephalique (MLC). d'une ataxie cérébelleuse, de troubles cognitifs ou d'un
syndrome parkinsonien avec un âge moyen de début de
58 ans ;
SEP à forme cavitaire  la présence de calcifications (notamment cérébelleuses et
En fait, le principal diagnostic différentiel du syndrome CACH des noyaux gris centraux) en association avec une atrophie
est la SEP à forme cavitaire. Dans notre série de 9 patients cérébelleuse et/ou des hypersignaux en T2 du cervelet,
avec une forme cavitaire de SEP [12], le diagnostic était retenu suggèrent une maladie mitochondriale, d'autant plus qu'il
devant l'absence de mutation dans les 5 gènes EIF2B et la existe des symptômes sensoriels ou un diabète ;
présence d'arguments positifs en faveur d'une SEP (antécé-  la prédominance antérieure de la leucoencéphalopathie, la
dents de poussées évocatrices de SEP, présence de bandes présence d'anomalies persistantes en diffusion ou la pré-
oligoclonales dans le LCR, présence d'une myélite partielle sur sence de microcalcifications punctiformes évoquent une
l'IRM médullaire). Il s'agit principalement de formes primaires mutation du gène CSF1R, d'autant plus que le mode de
progressives de SEP, avec un pronostic sévère tant sur le plan transmission est autosomique dominant [16] ;
moteur que cognitif. Récemment, nous avons comparé les  l'atteinte du trajet intramésencéphalique du trijumeau, en
IRM cérébrales de patients ayant un CACH syndrome association avec une atteinte cérébelleuse et des cordons
confirmé sur le plan génétique et de patients ayant une forme postérieurs de la moelle (Fig. 4G), est suggestive d'une
cavitaire de SEP [13] : la présence de lésions rehaussées Leukoencephalopathy with Brainstem and Spinal cord invol-
après injection de gadolinium et de lésions isolées juxta-corti- vement and high Lactate (LBSL) par mutation du gène
cales sont en faveur d'une SEP ; au contraire, la prédominance DARS2 [17] ;
antérieure des cavitations, la présence de lésions symétriques  l'atteinte associée du tronc cérébral, du cervelet, des pédon-
infratentorielles sont en faveur d'un syndrome CACH (Fig. 3). cules cérébelleux moyens et des faisceaux corticospinaux
En conclusion, devant une leucoencéphalopathie cavitaire, il (Fig. 4H), dans un contexte d'ataxie avec dysautonomie
est souhaitable de réaliser une IRM médullaire et une ponction
lombaire ; en l'absence d'arguments pour une SEP, il faut
envisager une analyse moléculaire des gènes EIF2B1-5.

Points essentiels:
RAISONNEMENT DEVANT UNE  le caractère d'emblée symétrique et/ou confluent
LEUCOENCÉPHALOPATHIE NON VASCULAIRE d'une leucoencéphalopathie de l'adulte évoque
NON CAVITAIRE une cause héréditaire ;
 le tableau neurologique est en général peu spécifi-
Devant une leucoencéphalopathie symétrique, supposée que mais parfois, la présence d'un signe clinique
héréditaire et en l'absence d'arguments pour un mécanisme permet d'évoquer d'emblée un diagnostic précis ;
vasculaire ou cavitaire, il faut recherche une origine métabo-  l'analyse précise de l'IRM cérébrale permet de clas-
lique. Dans notre cohorte de 154 patients adultes ayant une ser ces leucoencéphalopathies en 3 groupes: « vas-
leucoencéphalopathie, 82 patients (53 %) appartenaient à ce culaire », « cavitaire » et « non vasculaire–non
groupe [1]. Parmi eux, le bilan métabolique systématique a cavitaire » ;
permis de diagnostiquer 23 patients avec maladie neuromé-  dans le groupe « leucoencéphalopathie vasculaire »,
tabolique (28 %) [1]. En fait, avec un screening systématique il faut s'attacher à rechercher des arguments pour
de 15 enzymes, seulement 5 maladies distinctes ont été re- une origine acquise (holter tensionnel, fond d'œil). Si
trouvées : adrénoleucodystrophie (n = 11), xanthomatose ce bilan est négatif et/ou en présence d'antécédents
cérébro-tendineuse (n = 5), maladie de Krabbe (n = 3), familiaux, la maladie de CADASIL doit être
leucodystrophie métachromatique (n = 2) et a-mannosidose recherchée en priorité. La présence de certaines
(n = 1). anomalies ophtalmologiques et d'hémorragie céré-
Ainsi, nous recommandons le bilan métabolique systématique brale profonde est évocatrice d'une mutation
minimal suivant : acides gras à très longue chaîne, galacto- COL4A1 ;
cérébrosidase, arylsulfatase, cholestanol et a-mannosidase.  dans le groupe « leucoencéphalopathie cavitaire »,
Dans le cadre de ces leucodystrophies d'origine métabolique, le principal diagnostic est le syndrome CACH,
les anomalies radiologiques peuvent se limiter à des hyper- d'autant plus qu'il existe une insuffisance ovarienne
signaux des faisceaux corticospinaux en T2 (Fig. 4A–C). Dans chez la femme. La mutation récurrente R113H dans
la xanthomatose cérébro-tendineuse, l'atteinte cérébelleuse EIF2B5 est retrouvée dans la majorité des formes
est très fréquente, débutant typiquement au niveau des adultes ;
noyaux dentelés, s'étendant ensuite à la substance blanche  dans le 3e groupe, un bilan enzymatique minimal est
cérébelleuse (Fig. 4D) [14]. souhaitable. Si celui n'est pas contributif, l'analyse
Le déficit enzymatique lorsqu'il est mis en évidence, doit être précise de l'IRM cérébrale permet parfois une ana-
confirmé par l'analyse moléculaire du gène concerné. lyse moléculaire ciblée.
Dans les cas où ce bilan enzymatique minimal est négatif,
l'analyse détaillée du phénotype clinico-radiologique est
importante pour guider l'enquête génétique :

154
Comment je raisonne devant une leucoencéphalopathie chronique de l'adulte ?
Pour la pratique

évoque une leucodystrophie autosomique dominante par [4] Hara K, Shiga A, Fukutake T, Nozaki H. Association of
duplication du gène de la lamine B1 ; HTRA1 mutations and familial ischemic cerebral small-vessel
 la présence de kystes temporaux suggère une leucoencé- disease. N Engl J Med 2009;360:1729–39.
phalopathie mégalencephalique (MLC) ; [5] Verdura E, Hervé D, Scharrer E, del Mar Amador M, Guyant-
 des hypersignaux en T2 peu intenses de la substance Marechal L, Philippi A, et al. Heterozygous HTRA1 mutations
blanche périventriculaire, avec atteinte des faisceaux corti- ares associated with autosomal dominant cerebral small vessel
cospinaux peuvent être retrouvés dans les paraparésies disease. Brain 2015;138:2347–58.
spastiques héréditaires notamment SPG10 et SPG11. Cette [6] Vahedi K, Alamowitch S. Clinical spectrum of type IV collagen
hypothèse est à considérer si le tableau clinique est celui (COL4A1) mutations: a novel genetic multisystem disease. Curr
d'une paraparésie spastique ; Opin Neurol 2011;1:63–8.
 des hypersignaux en T2 prédominant au niveau des cap- [7] Bugiani M, Kevelam S, Bakels H, Waisfisz Q, Ceuterick-de
sules internes et externes, du pont, du bulbe rachidien en Groote C, Niessen H, et al. Cathepsin A-related arteriopathy with
association avec une atrophie médullaire, peuvent évoquer strokes and leukoencephalopathy (CARASAL). Neurol 2016;
une maladie à dépôts de polyglucosans. Cliniquement, la 87:1–10.
triade paraparésie spastique, vessie neurologique et neu- [8] Polvi A, Linnankivi T, Kivela T, Herva R, Keating J, Makitie O,
ropathie axonale est évocatrice. Le diagnostic est confirmé et al. Mutations in CTC1, encoding the CTS telomere mainte-
par le dosage de l'enzyme branchant et l'analyse molécu- nance complex component 1, causes cerebral microangiopathy
laire du gène GBE1 [18]. with calcifications and cysts. Am J Hum Genet 2012;90:540–9.
[9] Jenkinson E, Rodero M, Kasher P, Uggenti C, Oojageer A,
Goosey L, et al. Mutations in SNORD118 cause the cerebral
microangiopathy leukoencephalopathy with calcifications and
CONCLUSION cysts. Nat Genet 2016;48:1185–92.
[10] Stam A, Kothari P, Shaikh A, Gschwendter A, Jen J, Hodg-
Les neurologues cliniciens doivent savoir évoquer une leu- kinson S, et al. Retinal vasculopathy with cerebral leukoence-
coencéphalopathie génétique de l'adulte, même en l'absence phalopathy and systemic manifestations. Brain 2016 [sous
d'antécédents familiaux, devant une leucoencéphalopathie presse].
symétrique sans cause toxique. L'analyse de l'IRM cérébrale [11] Labauge P, Horzinski L, Ayrignac X, Blanc P, Vukusic S,
permet de classer les patients en 3 groupes : vasculaire, Rodriguez D, et al. Natural history of adult-onset eIF2B-related
cavitaire et non vasculaire non cavitaire. Dans le 1er groupe, disorderds: a multi-centric survey of 16 cases. Brain 2009;
en l'absence de facteurs de risque cardiovasculaires (y 132:2161–9.
compris normalité du holter tensionnel), le CADASIL doit être [12] Renard D, Brochet B, Vukusic S, Edan G, Deburghgraeve V,
évoqué en priorité. Dans le 2e groupe, en l'absence d'argu- Goizet C, et al. Cinical and radiological characteristics in multiple
ments pour une sclérose en plaques, une analyse des gènes sclerosis patients with large cavitary lesions. Eur Neurol
EIF2B1-5 doit être envisagée. Dans le dernier groupe, un 2012;68:156–61.
screening métabolique minimal doit être réalisé en première [13] Ayrignac X, Menjot de Champfleur N, Menjot de Champfleur S,
intention. Une analyse génétique ciblée peut ensuite être Carra-Dalliere C, Deverdun J, Corlobe A, et al. Brain MRI helps
demandée. to differentiate atypical multiple sclerosis with cavitary lesions and
vanishing white matter disease. Eur J Neurol 2016;23(6):995–
Déclaration de liens d'intérêts 1000.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. [14] Ayrignac X, Boutiere C, Carra-Dalliere C, Labauge P. Posterior
fossa involvement in the diagnosis of adult-onset inherited leu-
koencephalopathies. J Neurol 2016;263:2361–8.
[15] Apartis E, Blancher A, Meissner WG, Guyant-Marechal L,
RÉFÉRENCES Maltete D, De Broucker T, et al. FXTAS: new insights and the
need for revised diagnostic criteria. Neurology 2012;79:1898–
[1] Ayrignac X, Carra-Dalliere C, Menjot de Champfleur N, Denier 907.
C, Aubourg P, Bellesme C, et al. Adult-onset leukoencephalo- [16] Nicholson AM, Baker MC, Finch NA, Rutherford NJ, Wider C,
pathies: a MRI pattern-based approach in a comprehensive study Graff-Radford NR, et al. CSF1R mutations link POLD and HDLS
of 154 patients. Brain 2015;138:284–92. as a single disease entity. Neurology 2013;80:1033–40.
[2] Labauge P, Carra-Dalliere C, Menjot de ChampfleurN, Ayrignac [17] Labauge P, Dorboz I, Eymard-Pierre E, Dereeper O, Boespflug-
X, Boespflug-Tanguy O. MRI pattern approach of adult-onset Tanguy O. Clinically asymptomatic adult patient with extensive LBSL,
inherited leukoencephalopathies. Neurol Clin Pract 2014;4 MRI pattern and DARS2 mutations. J Neurol 2011;258:335–7.
(4):287–95. [18] Mochel F, Schiffmann R, Steeweg ME, Akman HO, Wallace M,
[3] Chabriat H, Joutel A, Dichgans M, Tournier-Lasserve E, Bous- Sedel F. Adult polyglucosan body disease: natural history and key
ser MG. CADASIL. Lanc Neurol 2009;7:643–53. magnetic resonance imaging findings. Ann Neurol 2012;72:433–41.

155

Vous aimerez peut-être aussi