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La pathologie lacrymale du nourrisson et de l’enfant est bien plus complexe que celle de l’adulte. Les
atteintes du système sécrétoire sont rares, elles peuvent correspondre à de graves déficits congénitaux
pouvant concerner la phase aqueuse, mucineuse ou lipidique du film lacrymal menant à des syndromes
secs particulièrement sévères, spécifiques à l’enfant. Les pathologies du système excrétoire, dominées par
l’épiphora congénital, sont en revanche un des plus fréquents motifs de consultation en
ophtalmopédiatrie. L’épiphora peut avoir des causes oculaires, palpébrales, lacrymales ou nasales dont le
diagnostic revient à l’ophtalmologiste. L’imperméabilité lacrymonasale simple par imperforation de la
valve de Hasner représente la principale cause d’épiphora du nourrisson ; elle est traitée par sondage à
partir du troisième mois avec 90 % de guérison et par sondage avec intubation siliconée en cas d’échec,
d’impossibilité de contention ou chez les enfants de plus de 1 an avec 99 % de réussite. À côté de ces
imperforations simples, l’obstruction lacrymonasale peut avoir des origines malformatives lacrymales,
faciales ou nasales, complexes, congénitales ou acquises dont la prise en charge diagnostique et
thérapeutique relève d’un centre spécialisé.
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21-170-B-30 ¶ Pathologie lacrymale chez le nourrisson et l’enfant
Tableau 1.
Syndromes (sd) et pathologies comportant des atteintes de l’appareil
lacrymal sécréteur.
Pathologie Mode de transmission
Absence ou hypoplasie des
glandes lacrymales principales
Cryptophtalmies Dominant autosomique (DA)
Sd cryptophtalmique de Fraser Récessif autosomique (RA) gène
Figure 1. Cryptophtalmie bilatérale complète. FRAS1 en 4q21
Sd LADD lacrymo-auriculo-dento- DA
digital (Levy-Hollister)
Glandes lacrymales principales Sd de Mondyno et Brown DA
Ces deux glandes exocrines bilobées comprennent un lobe Sd de Keith Non connu
principal orbitaire situé dans la fossette orbitaire de l’os frontal Atteintes des canaux des glandes
et un lobe accessoire palpébral supéroexterne rétroseptal. lacrymales principales
Chaque glande est innervée par le nerf lacrymal qui comprend Colobome palpébral supéroexterne Non génétique
un contingent sensitif du V1 ou nerf ophtalmique de Willis et isolé
une branche du VII bis ou nerf intermédiaire de Wrisberg qui Fentes orbito-cranio-faciales n° 9 et Non génétique
appartient au système nerveux autonome et qui a pour fonction n° 8 isolées
l’optimisation des organes des sens. Cette branche qui provient Sd Ablépharie–macrostomie (SAM) DA
du noyau lacrymo-muco-nasal du VII dans le mésencéphale Sd de Barbey-Say DA
emprunte le nerf grand pétreux superficiel, le ganglion sphéno-
Hypofonctionnement des
palatin puis le V2 ou nerf maxillaire supérieur, et rejoint le nerf
glandes lacrymales
lacrymal par un rameau nerveux formant une anse : l’anse
lacrymale. Les glandes lacrymales principales assurent la totalité Sd de Ryley-Day RA, gène IKBKAP en 9q31
de la sécrétion lacrymale aqueuse réflexe, que nous dénommons Sd Algroove ou Triple A : alacrymie- RA, gène AAAS codant la protéine
« réflexe cornéolacrymal » ; il a comme stimulus toute irritation achalasie-Addison ALADIN en 12q13
cornéenne et comme réponse une sécrétion aqueuse de la Absence ou hypoplasie des
glande lacrymale principale accompagnée d’une hypersécrétion glandes de Meibomius
de la muqueuse nasale ; cette sécrétion représente 95 % de la Dysplasie ectodermique Lié à l’X gène EDA1, en Xq12-
sécrétion aqueuse lacrymale. Il existe également un arc réflexe anhidrotique (DEA) q13.1, ou RA 2q11-q13
avec le nerf facial moteur menant à un blépharospasme expli- Syndrome de Rapp-Hodgkin DA
quant la symptomatologie clinique entraînée par la présence Absence ou diminution des
d’un corps étranger intracornéen. cellules à mucus
Dysplasie mucoépithéliale de DA gène MSX1 en 4p16.1
Alacrymie et hypolacrymie congénitales Witkop
Agénésie et malformations des glandes lacrymales Dysplasie épithéliale associée aux Non connu
principales diarrhées graves rebelles
Syndrome IFAP (Ichtyose Hétérogénéité génétique, souvent
L’agénésie totale de la glande lacrymale se rencontre au cours
folliculaire, alopécie, photophobie) récessif lié à l’X
de la cryptophtalmie qui est une malformation oculopalpébrale
congénitale où les paupières ne sont pas individualisées mais Sd KID (keratitis ichtyosis deafness) DA gène GJB2 en 13q11-
remplacées par un voile cutané continu du front à la joue sans ou sd de Senter q12 codant la connexine 26
cils, ni tarse, ni sac conjonctival. Le globe est recouvert d’un Sd : syndrome.
épithélium malpighien kératinisé ; il y a une agénésie complète
de la glande lacrymale [1-3] (Fig. 1). Cette malformation peut
être uni- ou bilatérale ; trois formes ont été décrites : la cryp-
tophtalmie complète ; la cryptophtalmie partielle où la couver-
ture des paupières est médiale ; le symblépharon congénital où
un voile cutané adhère à la partie supérieure du globe ; le fornix
et le point lacrymal supérieur sont absents, la cornée est
kératinisée, le globe microphtalme ; la paupière inférieure est en
revanche normale. Les malformations cornéolimbiques associées
à l’alacrymie ne permettent pas de possibilité thérapeutique. La
transmission peut être dominante autosomique [2, 3]. Le syn-
drome cryptophtalmique de Frazer associe une cryptophtalmie Figure 2. Fente orbitaire supéroexterne n° 9 gauche et fente oculona-
à des syndactylies, des fentes faciales et des malformations sale n° 3 bilatérale partielle.
urogénitales avec ambiguïté sexuelle ; la transmission est
récessive autosomique [2-5] (Tableau 1). Une agénésie ou une
malformation sévère de la glande ou de ses canaux excréteurs mode récessif autosomique par mutation du gène Inhibitor of
peuvent également être retrouvées dans l’ablépharie supérieure Kappa light polypeptide enhancer in B-cells, Kinase complex-
totale isolée ou syndromique, les colobomes du tiers externe des Associated Protein (IKBKAP) situé en 9q31. Elle se manifeste
paupières supérieures, les fentes orbitopalpébrales supéroexter- cliniquement par une dysrégulation du système nerveux
.
nes ou fentes n° 9 (Fig. 2), également dans les fentes externes autonome, avec des troubles du rythme cardiaque, des poussées
n° 8 (communes aux syndromes de Franceschetti et de d’hypertension artérielle paroxystique, des troubles de la
Goldenhar). déglutition avec fausses routes, une hypersudation et une
Des agénésies familiales parfois transmises sur un mode froideur des extrémités. Au niveau oculaire, l’atteinte dysauto-
dominant autosomique ont été décrites [6-8], parfois associées à nomique entraîne une hyposécrétion des glandes lacrymales
un syndrome polymalformatif [3, 9, 10]. principales entraînant un syndrome sec extrême par manque
initial de la phase aqueuse puis par surinfection et inflamma-
Hypolacrymie par défaut d’innervation tion du film lacrymal. L’atteinte oculaire de surface est particu-
Dysautonomie familiale de Riley-Day. C’est une neuropa- lièrement sévère car se surajoute une neuropathie sensitive du
thie héréditaire dysautonomique et sensitive transmise selon un trijumeau avec une anesthésie cornéenne empêchant toute
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Ophtalmologie 3
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Figure 6.
A. Maladie de Destombes-Rosaï-Dorfman, dacryomégalie droite.
B. Dacryomégalie refoulant le globe.
C. Abord de la glande lacrymale droite tumorale par voie bicoronale.
D. Glande lacrymale infiltrée par l’histiocytose sinusale.
E. Résultat après exérèse de la glande lacrymale droite.
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Pathologie lacrymale chez le nourrisson et l’enfant ¶ 21-170-B-30
Tableau 2.
Syndromes (sd) et pathologies comportant des atteintes isolées de
l’appareil lacrymal excréteur.
Pathologies Mode de transmission
Malformations orbito-palpébro-
faciales
Colobome palpébral interne isolé Non génétique
Sd d’hypoplasie des rebords DA
orbitaires
BPES (blepharophimosis-ptosis- DA gène FOXL2 en 3q23
epicanthus sd)
Sd de Waardenburg (types I,III,IV) Type I : DA et type III:DA ou RA, en
2q35 gène PAX3
Type IV : RA gène EDN3 ou EDNRB
Fentes orbitofaciales n° 3 et n° 4 Non génétique
Sd de Carnevale RA
Sd de Cornelia de Lange DA hétérogénéité génétique gène
Figure 7.
NIPBL (Nipped B Like) en 5p13.1 ;
A. Blépharite ciliaire squameuse au cours d’une dysplasie ectodermique
99 % de mutation de novo
anhidrotique (DEA).
Sd de Michaelides Non connu B. Absence de glande de Meibomius visible.
Sd diabète - retard mental Non connu
–lipodystrophie-dysmorphie
Absence de glande salivaire et cette pathologie, les complications oculaires se développent
anomalies lacrymales relativement tardivement, la sécheresse n’apparaissant qu’à
Sd de Higashino Cas unique partir de la deuxième décennie ; le déficit initial en meibum ne
semble pas suffisant à lui seul pour être pathogène, les patients
Sd de Smith Non connu ont un temps de rupture du film lacrymal normal, ne présen-
Sd de Ferreira DA tent pas de syndrome sec et n’en ont d’ailleurs pas les symptô-
Syndromes des arcs branchiaux
mes pendant plusieurs années [24]. La stagnation de larmes
inflammatoires aboutit à la destruction progressive des cellules
Sd BOF : branchio-oculo-facial DA
à mucus conjonctivales, une déstabilisation du film lacrymal et
Sd BOR : branchio-oto-rénal DA gène EYA1 en 8q13.3 une agression cornéenne. Les complications cornéennes sont
Sd BOS : branchio-otique DA : BOS1 : gène EYA1 en 8q13.3, d’ailleurs moins sévères au cours des DEA que dans les meibo-
BOS2: en 1q31 mites chroniques, comme au cours des rosacées oculaires, où les
BOS3 : en 14q21.3-24.3 glandes de Meibomius sont inflammatoires et finissent par
sécréter un meibum toxique pour les cellules caliciformes
Sd OFC : oto-facio-cervical DA gène contigu à EYA1 conjonctivales et la cornée, qui s’avère plus dommageable que
Dyskératoses congénitales avec l’absence de meibum. Cette pathologie prouve que le syndrome
insuffisance médullaire sec symptomatique est bien une maladie inflammatoire et la
constitutionnelle sévérité du syndrome sec semble surtout corrélée au degré
Sd Zinsser-Engman-Cole Récessif lié à l’X gène DKC1 en d’inflammation du film lacrymal. Cette véritable ameibomie
Xq28 et DA gène DKC2 ou hTERC congénitale est un modèle pour la compréhension de la physio-
3q21-28 pathologie des glandes de Meibomius, des syndromes secs, des
Anémie de Blackfan-Diamond RA gène en 19q13.3 pathologies de la surface oculaire.
Sd : syndrome.
Pathologies acquises des glandes de Meibomius
Les meibomites bactériennes staphylococciques et les chala-
peuvent aussi s’intégrer dans différents syndromes polymalfor- zions sont très fréquents chez l’enfant. L’utilisation de lubri-
matifs [24] , comme le syndrome de Marshall [25] , où sont fiants pour diminuer le retentissement sur le film lacrymal est
associées des malformations oculaires et orbitaires, ou les bien mieux tolérée que les corticothérapies topiques répétées. En
syndromes ectrodactyly-ectodermal dysplasia-clefting (EEC). De cas de lésions récidivantes, il faut rechercher une anomalie
nombreuses autres dysplasies ectodermiques comprennent des réfractive après cycloplégie sous atropine, ou une dermatose
atteintes cependant moins sévères des glandes de Meibomius sous-jacente. La rosacée oculaire ou kératoconjonctivite phlyc-
(Tableau 2). ténulaire constitue une atteinte sévère de la surface oculaire. La
Les enfants atteints de DEA sont des garçons le plus souvent physiopathologie est une réaction d’hypersensibilité retardée
de petite taille présentant des bosses frontales proéminentes, vis-à-vis de micro-organismes palpébraux (toxines staphylococ-
une ensellure nasale aplatie, des grosses lèvres éversées, associées ciques, Wolbachia et parfois de pullulation d’acariens : Demodex
à une hypotrichose, une hypodontie et une onychodystrophie. folliculorum). Chez l’enfant, les signes oculaires et palpébraux
Au niveau palpébral, ils présentent une pigmentation palpébrale sont volontiers isolés ; le traitement local associe, en dehors des
inférieure, une irrégularité d’implantation des cils, une diminu- soins palpébraux, des collyres mouillants et une corticothérapie
tion du nombre des glandes tarsales de Meibomius pouvant locale ; le recours au collyre de ciclosporine est une grande
aller jusqu’à leur absence complète, un dysfonctionnement des avancée thérapeutique dans les formes corticodépendantes
glandes ciliaires sudoripares de Moll et sébacées de Zeis avec une (Fig. 8A à D). Les tumeurs bénignes (les adénomes sébacés), ou
blépharite squameuse, ainsi qu’un rétrécissement, voire une malignes (les carcinomes sébacés ou meibomiens) se dévelop-
sténose des méats lacrymaux inférieurs (Fig. 7 A, B). La blépha- pent sur des terrains génétiques particuliers favorisant l’appari-
rite squameuse et la diminution du drainage des larmes asso- tion de néoplasies : xeroderma pigmentosum, albinismes. Le
ciées à leur hyperévaporation aboutissent à une stagnation de granulome pyogénique, qui est un botryomycome télangiecta-
médiateurs de l’inflammation et de bactéries, menant à un sique, est un mode de guérison du chalazion par hypertrophie
syndrome sec oculaire (par défaut lacrymal qualitatif). Dans cicatricielle.
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Figure 8.
A. Rosacée oculaire corticodépendante chez une fillette.
B. Néovascularisation cornéenne compliquant la rosacée.
C. Normalisation de la surface oculaire après 7 jours de collyre de ciclosporine.
D. Fillette après traitement.
Figure 9.
A. Dysplasie mucoépithéliale
de Witkop.
B. Néovascularisation cor-
néenne massive chez cette
jeune patiente.
C. Disparition de la photo-
phobie et de l’inflammation
de surface après collyre de
ciclosporine.
Glandes de Zeis et de Moll deafness (KID) et le syndrome des diarrhées graves rebelles
associant un déficit en cellules à mucus conjonctivales et des
Les atteintes congénitales sont les blépharites ciliaires diarrhées par atteinte de l’épithélium intestinal. C’est un groupe
squameuses par dysfonctionnement de ces glandes au cours des de pathologies dont la connaissance et la découverte restent
DEA (Fig. 7A, B) ; les atteintes acquises sont les blépharites récentes. Le collyre de ciclosporine, par ses activités immuno-
squameuses lors d’eczémas palpébraux et les hydrocystomes qui modulatrices, antiangiogéniques, et sa formulation huileuse
sont des kystes clairs des glandes de Moll pouvant se rencontrer permet d’améliorer considérablement le confort des patients.
chez l’enfant.
Anomalies acquises
.
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Pathologie lacrymale chez le nourrisson et l’enfant ¶ 21-170-B-30
Anomalies congénitales
Anomalies des méats
Anomalies de nombre
Un méat double avec deux points lacrymaux côte à côte peut
se rencontrer ; le système canaliculaire est, soit bifide, soit
Figure 10. Enfant présentant une réaction du greffon contre l’hôte unique ; la présence d’un larmoiement traduit un obstacle
cutanéomuqueuse. associé. La présence de trois méats avec deux méats inférieurs
fait partie du tableau clinique classique d’une fente orbitofaciale
n° 3 qui est la fente « oculonasale » ou « orbitomaxillaire
rétinol par jour. Le déficit en vitamine B2 (riboflavine) mène interne » ; le méat médian est souvent borgne, le sac et le canal
aussi à une atteinte, cependant moins sévère, des cellules à lacrymonasal sont atrophiques et souvent non perméables [29,
30] (Fig. 11A à C) (Tableaux 2 et 4).
mucus conjonctivales, avec une néovascularisation limbique
pénétrant dans le stroma cornéen caractérisé histologiquement
Malposition
par des microanévrismes. L’atteinte oculaire est associée à une
atteinte des glandes et des bords libres palpébraux avec des L’ectopie avec méat conjonctival est exceptionnelle et le plus
fissures cutanées (raghades) caractéristiques, ainsi qu’une souvent sans traduction clinique.
stomatite et une chéilite. La GVH est liée à l’effet des cellules
immunitaires contenues dans le greffon contre les organes Agénésies méatiques
normaux du patient, notamment la peau, le foie, le tube Touchant un à quatre méats, l’agénésie impose, si elle
digestif, les muqueuses dont la conjonctive avec destruction des entraîne un épiphora, un examen sous anesthésie générale qui
cellules à mucus (Fig. 10). Bien qu’un traitement adapté puisse recherche l’existence d’un canalicule sous-jacent. Une agénésie
prévenir ou traiter ces complications, l’évolution est souvent des méats a été décrite au cours de différents syndromes
défavorable. polymalformatifs, parfois associée à une atteinte des glandes
salivaires [31-33] (Tableaux 2, 3). Une atrésie des méats inférieurs
est également fréquente au cours des dysplasies ectodermiques.
■ Système excrétoire Le méat peut être plus fréquemment recouvert par une fine
membrane fibroélastique : c’est l’atrésie méatique.
Le système excrétoire est composé, de chaque côté, des méats
supérieur et inférieur, des canalicules lacrymaux qui, après un Atrésie méatique
très court trajet vertical, prennent un cheminement horizontal
et finissent par se rejoindre pour former le canal d’union qui Une fine membrane recouvre le méat, parfois se greffe
aboutit dans la partie verticale du système excrétoire : la valvule l’absence d’anneau fibreux méatique. Le traitement consiste,
de Rosenmüller à l’entrée du sac lacrymal ; celui-ci est situé sous une courte anesthésie générale, à percer la membrane au
dans l’angle interne, légèrement plus bas chez le nourrisson que dilatateur, à examiner par sondage la perméabilité des voies
chez l’adulte ; le sac s’abouche dans le canal lacrymonasal lacrymales des deux côtés et à mettre en place un clou-trou,
oblique en bas, en arrière et en dedans, creusé dans la branche véritable conformateur méatique, retiré 3 mois plus tard en
montante du maxillaire. Il s’abouche dans la fosse nasale après consultation [34].
un court trajet sous-muqueux en arrière de la tête du cornet Ectropions palpébraux et des points lacrymaux
inférieur au niveau d’un ostium (encore appelé méat inférieur) :
la valve de Hasner. Le canalicule supérieur draine, par son méat, . Les ectropions primitifs ou secondaires à une dermatose
30 % des larmes, et le canalicule inférieur 70 %. Le canal peuvent causer une malposition du méat inférieur définissant
d’union est situé sous le tendon fibreux canthal interne et l’ectropion lacrymal associé à un épiphora d’origine palpébrale.
au-dessus du tendon musculaire : le muscle de Horner. Le Le traitement consiste en une chirurgie de l’ectropion si
système excrétoire est un système de drainage dynamique. Lors besoin avec une canthopéxie interne. Un ectropion chronique
du clignement, les fibres de l’orbiculaire ramènent les larmes peut mener à une kératinisation secondaire des méats et à leur
vers les méats et le muscle de Horner, en impliquant une sténose.
Figure 11.
A. Fente oculonasale gauche n° 3 partielle avec microphtalmie colobomateuse et sténose lacrymonasale.
B. Colobome palpébral inféro-interne sur fente n° 3 avec trois méats lacrymaux gauches.
C. Intubation double monocanaliculaire, le méat médian est borgne.
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Tableau 3.
Syndromes (sd) et pathologies comportant une atteinte conjointe des parties sécrétrice et excrétrice de l’appareil lacrymal.
Atteintes des glandes lacrymales principales, des glandes salivaires et des
voies excrétrices
Sd de Milunsky DA
Sd de Kim DA
Syndrome de Caccamise et Townes DA
Sd LADD (une atteinte sécrétrice et excrétrice est possible) DA
Atteintes des glandes de Meibomius et des méats inférieurs
DEA de Christ-Siemens-Touraine Récessif lié à l’X, gène EDA1 Xq12-q13.1
DEA récessive autosomique RA gène EDAR en 2q11-13
Sd EEC ectrodactyly-ectodermal dysplasia-clefting DA, gènes nombreux dont TP63 en 3q27
Sd de Marshall DA, gène alpha-1 polypeptide du collagène XI COL11A1, en 1p21
Sd AEC ankyloblepharon filiforme ad natum-ectodermal dysplasia-clefting de DA, gène P63en 3q27
Hay-Wells
Sd ADULT acro-dermato-ungual-lacrimal-tooth DA, gène P63 en 3q27
Sd Limb-Mammary DA , gène P63 en 3q27
Sd des arcs branchiaux avec fentes n° 7 et n° 8, atteinte des glandes
lacrymales principales et des méats inférieurs
Sd de Franceschetti ou de Treacher-Collins DA, nombreux cas sporadiques, gène TCOF1 (aussi appelé Treacle) en 5q32-
33.1. Forte pénétrance, expressivité variable
Sd de Goldenhar ou microsomie hémifaciale DA parfois et RA en 14q32
Sd : syndrome.
Tableau 4.
Atteinte de l’appareil lacrymal au cours des fentes orbitofaciales.
Fente n° 2 Fente n° 3 Fente n° 4 Fente n° 5 Fente n° 6 Fente n° 8 Fente n° 9
Colobome Canthus interne Palpébral inférieur PI sur le segment PI tiers moyen PI jonction tiers Canthus externe Palpébral
palpébral ou (PI) sur le segment lacrymal moyen -tiers supérieur tiers
canthal lacrymal externe externe
Fente du rebord Paroi interne, Gouttière Entre angle inféro- Inférieure Inféroexterne dans Canthale externe Angle
orbitaire branche montante lacrymale, angle interne et trou médiane fente supéroexterne
du maxillaire inféro-interne, infraorbitaire sphénomaxillaire
branche montante
du maxillaire
Glande ø ø ø ø ø + +
lacrymale = atteinte de ses
principale canaux
pas d’atteinte
Canalicules ++ +++ +++ Méats et Méats et ø ø
lacrymaux canalicules canalicules
inférieurs ++ inférieurs ++
Sac lacrymal Atrophié Atrophié Atrophié ø ø ø ø
++++ +++ +++
Canal Obturé Obturé Obturé ø ø ø ø
lacrymonasal ++++ +++ +++
Anomalies canaliculaires hypoplasie des méats et des canalicules est fréquente au cours
des fentes faciales n° 5 et n° 6 ; cette dernière fait partie du
Agénésies canaliculaires syndrome de Franceschetti (Fig. 12 A, B), non pas par trajet
direct de la fente mais secondaire à l’étirement des paupières en
La symptomatologie est un larmoiement clair. Lors de temporal inférieur (Tableaux 3, 4) ; elle est dans ce cas asymp-
l’examen, si nécessaire sous anesthésie générale, l’ombre du tomatique car la fente n° 8 du syndrome de Franceschetti
canalicule est totalement invisible. Une indication chirurgicale atteint la glande lacrymale principale ; il n’y a donc pas
est rarement portée chez l’enfant. En cas de symptomatologie d’épiphora. Cette hypoplasie secondaire à un étirement se
très gênante, on peut créer une dérivation dans le sac, s’il existe, retrouve également dans les télécanthus marqués comme au
par une greffe vasculaire, un forage laser, ou une conjonctivo- cours du syndrome de Waardenburg (Fig. 13) (Tableaux 3, 4).
rhinostomie ou lacorhinostomie (entre le lac lacrymal et le nez)
avec un tube de Lester-Jones. Ces interventions grevées d’un Bifidités canaliculaires
taux d’échecs important, car elles ne reproduisent pas la
dynamique de l’excrétion lacrymale, ne sont pas pratiquées chez Elles ne s’accompagnent d’aucune symptomatologie ; l’exis-
l’enfant. Une atrésie ou une agénésie des canalicules a été tence d’un larmoiement doit être recherchée, ce qui indiquerait
décrite au cours de différents syndromes polymalformatifs un obstacle associé. En son absence, aucun traitement n’est bien
(Tableaux 2, 3) comme le syndrome branchio-oto-rénal [35]. Une sûr nécessaire.
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Pathologie lacrymale chez le nourrisson et l’enfant ¶ 21-170-B-30
Figure 12.
A. Syndrome de Franceschetti (fente 6, 7 et 8 de Tessier).
B. Sténose méatique inférieure sur syndrome de Franceschetti.
Figure 13. Syndrome de Waardenburg. Figure 14. Fistule congénitale proximale du sac lacrymal.
Diverticules canaliculaires
Ils sont très rares et longtemps ignorés ; ils se révèlent
tardivement par une surinfection suite à une colonisation
bactérienne (Actinomyces).
Sténoses canaliculaires, ou du canal d’union, primitives
congénitales
Elles sont révélées par un épiphora clair congénital chroni-
que, avec peu de surinfections, et par une absence de contact
osseux lors du sondage, ce qui impose un examen sous anes-
thésie générale. L’obstacle peut pratiquement toujours être levé
par dilatations successives et sondage avec une sonde de
Bowman de gros calibre n° 1 lubrifiée par un gel de carbomère
ou hyétellose ; la réouverture de la lumière impose une intuba-
tion siliconée de longue durée, en moyenne 6 mois par sonde Figure 15. Mucocèle congénitale du sac lacrymal droit.
bicanaliculaire car les Mono-Ka® seront expulsées. On y associe
une injection de corticoïdes dans la lumière du canalicule. Mucocèle congénitale du sac ou dacryocystocèle
Fistule canaliculaire C’est une cause fréquente de consultation, la deuxième après
Éventualité rarissime, elle impose une chirurgie réséquant la l’épiphora chronique en pathologie lacrymale pédiatrique. Les
fistule et une intubation du canalicule pour éviter une sténose parents amènent leur nourrisson dans les premières semaines de
secondaire. Elles sont beaucoup moins fréquentes que les vie, voire dès la naissance ; celui-ci présente une masse bleutée
fistules du sac lacrymal. uni- ou bilatérale, sous-cutanée profonde, sous le canthus
interne (et non pas sur le dos du nez), le plus souvent asymp-
Anomalies du sac lacrymal tomatique : à la première consultation, les parents ne rapportent
ni épiphora ni sécrétions. À la palpation, la masse est rénitente,
Fistule congénitale proximale du sac lacrymal kystique, ne se gonflant pas lors des cris de l’enfant, bien
Elle peut être héréditaire, transmise sur un mode dominant limitée, non battante et non chaude, n’ayant pas l’aspect d’un
autosomique et se présente comme un méat sous le canthus angiome (Fig. 15). La physiopathologie est une continence
interne laissant perler des larmes (Fig. 14). La gêne fonctionnelle excessive de la valvule de Rosenmüller associée à une imperfo-
mène à son excision après dissection du trajet fistuleux sous ration des voies lacrymales excrétrices inférieures (membrane de
microscope opératoire, associée à une intubation bicanaliculo- Hasner ou obstacle nasal). La majorité de ces mucocèles congé-
nasale pour prévenir une sténose du sac lacrymal postopératoire nitales guérissent spontanément au cours des 3 premiers mois ;
et à une corticothérapie topique de 1 semaine [34]. Il existe des initialement, une surveillance simple est effectuée avec des
formes associées à des syndromes polymalformatifs [36]. massages du sac, des lavages oculaires et l’utilisation d’antisep-
tique topique en cas de sécrétions. Le nourrisson sera revu au
Imperforation de la valvule de Rosenmüller cours du premier mois ; si la mucocèle persiste, un sondage sera
Cette éventualité est rare. Elle se manifeste par un larmoie- proposé précocement pour lever les deux obstacles afin d’éviter
ment clair qui peut se surinfecter mais n’est jamais compliquée une surinfection et une abcédation du sac. La complication de
de dacryocystite. Son traitement est le même que pour une la mucocèle congénitale est la dacryocystite aiguë précoce du
sténose du canal d’union. C’est lors du sondage qu’on perçoit nouveau-né (Fig. 16). Il est recommandé de pratiquer une
la résistance au bout du canal d’union. Une imperméabilité du rhinoscopie antérieure avant le sondage pour rechercher un
canal lacrymonasal est fréquemment associée [34]. kyste nasal correspondant à une dilatation de la partie terminale
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Pathologie lacrymale chez le nourrisson et l’enfant ¶ 21-170-B-30
Surveillance et
réévaluation avant 1 an Proposer DCR
Pas de contact Passage
osseux : sténose
des canalicules ou
du canal d'union
À quel moment sonder ? Sujet de controverse opposant clinique du larmoiement, de rechercher une sténose canalicu-
l’école anglo-saxonne plutôt attentiste, qui préconise de ne pas laire ou du canal d’union, d’affirmer la présence d’une mem-
sonder tôt un enfant qui pourrait guérir spontanément, à l’école brane de Hasner ou au contraire d’impliquer le cornet inférieur
française plus interventionniste qui privilégie de traiter la cause dans la cause de l’obstruction des voies lacrymales. Finalement,
de l’épiphora et ne pas risquer de laisser s’installer un larmoie- tous les auteurs s’accordent pour ne pas sonder avant l’âge de
ment qui se surinfecte, qui peut évoluer vers la chronicité et 3 mois dans les imperforations simples et après 12 mois, tous
conduire à une intubation sous anesthésie générale, voire à un s’accordent pour agir, mais pour éviter une anesthésie générale ;
traitement chirurgical beaucoup plus agressif. L’argument il apparaît logique de sonder dès 8 mois afin d’avoir le temps
principal des conservateurs est qu’il n’a pas été statistiquement de réitérer le sondage si besoin 3 fois à 6 semaines d’intervalle.
démontré que le sondage avant 12 mois est supérieur à la Certes, certains des nourrissons sondés auraient guéri spontané-
guérison naturelle pour les épiphoras non compliqués [37]. Les ment mais plus tard et certains autres auraient nécessité une
arguments principaux des interventionnistes sont que le intubation sous anesthésie générale après 12 mois. De 3 mois à
pourcentage de guérison spontanée diminue avec l’âge ; l’effica- 8 mois : là est la véritable discussion et la réponse dépend du
cité du sondage diminue également avec l’âge de l’enfant,
choix des parents. En pratique clinique, la décision n’est pas
principalement par apparition d’une mucocèle secondaire qu’un
difficile à prendre car deux situations s’opposent. La première :
sondage précoce permet souvent d’éviter, et enfin, que le
les parents consultent pour connaître l’origine du larmoiement
sondage précoce diminue le recours à une anesthésie générale
chez un nourrisson qui fait peu de conjonctivites ; on leur
obligatoire à partir de 12 mois. L’attitude conservatrice avec
explique donc la cause et l’évolution naturelle de la pathologie,
sondage tardif aura probablement d’aussi bons résultats à terme
sur la guérison finale mais avec un délai beaucoup plus long et et le plus souvent ils préféreront attendrent une guérison
avec plus souvent un recours à l’anesthésie générale du fait spontanée dans un premier temps car la gêne n’est pas impor-
d’attendre l’âge de 1 an pour sonder. Le sondage entre 3 et tante. La seconde : les parents sont déjà renseignés, ont souvent
12 mois permet une guérison plus rapide et diminue donc la déjà consulté un pédiatre, voire un ophtalmologiste ne prati-
durée des symptômes (épiphora, conjonctivites). Il diminue quant pas les sondages qui les ont dirigés en ophtalmopédiatrie,
également le risque des complications telles qu’une dacryocys- ou sont ceux de la première situation qui reviennent car la gêne
tite aiguë ou chronique directement liées à la durée de l’obs- est majorée. Le nourrisson est souvent plus âgé et les conjonc-
truction des voies lacrymales et enfin diminue le recours à une tivites lacrymales gênent sa vie en collectivité. Le recours à
anesthésie générale, obligatoire à partir de 12 mois pour des divers collyres antiseptiques puis antibiotiques est constant ; les
raisons de douleur et de contention de l’enfant. Cette anesthésie parents choisiront l’option du sondage car ils sont venus pour
générale nécessite une hospitalisation et n’est pas dénuée de cela et veulent repartir avec un enfant guéri.
risque. De plus, le sondage n’est pas seulement thérapeutique Prise en charge des épiphoras chroniques
mais est aussi un outil diagnostique permettant l’exploration congénitaux (Fig. 19).
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Imperméabilités lacrymonasales simples : proposition de restent faciles à traiter. Le canal lacrymonasal peut, en revanche,
prise en charge. présenter des malformations de sa portion osseuse avec un canal
• Avant 3 mois : explications de la physiopathologie aux lacrymonasal sténosé, voire absent, beaucoup plus difficiles à
parents, lavage oculaire au sérum physiologique, traitement traiter. On les rencontre dans les fentes n° 3 et n° 4 complètes
local antiseptique lors des conjonctivites, massages doux du très délabrantes, ou partielles beaucoup plus fréquentes et qu’il
sac. faut savoir diagnostiquer (Fig. 11A à C, Fig. 20A à F, Fig. 21).
• De 3 à 8 mois : proposer un sondage des voies lacrymales en Au cours de ces fentes est associée une atrophie du sac lacrymal,
consultation, en expliquant que le taux de guérison est ainsi que dans le syndrome branchio-oculo-facial (Tableau 2).
similaire avec ou sans sondage mais que la guérison est
obtenue le plus souvent immédiatement avec le sondage, Imperforation lacrymonasale : technique du sondage avec
alors que la guérison spontanée peut prendre plusieurs mois ; intubation
la décision est celle des parents. On commence par mécher la fosse nasale avec une compresse
• De 8 à 12 mois : proposer un sondage des voies lacrymales en non tissée imbibée d’un vasoconstricteur (lidocaïne Xylocaïne
consultation en insistant sur le fait qu’à 12 mois, l’anesthésie Naphazoline® 5 %, ou chlorhydrate de phényléphrine Néosy-
générale sera nécessaire. néphrine® 5 % diluée). Après avoir sondé avec une sonde « 1 »,
• Après 12 mois : le taux de guérison spontanée devient faible ; on réitère le geste avec une intubation monocanaliculaire de
il faut obtenir, par sondage et intubation sous anesthésie Ritleng avec une sonde-guide métallique ou avec une sonde
générale, la guérison avant l’âge de 2 ans. L’anesthésie d’intubation avec mandrin type Fayet-Bernard ; on va chercher
générale devient obligatoire en raison du caractère doulou- la sonde dans la fosse nasale avec un crochet-mousse s’il s’agit
reux du sondage. Cette anesthésie générale peut être néces- d’une sonde Ritleng ou avec une pince pour une sonde avec
saire plus tôt en cas d’impossibilité de contention de l’enfant. mandrin.
On profite de l’anesthésie pour poser une intubation siliconée Situations particulières. En cas de résistance dans la fosse
de préférence double. L’intubation est plus difficile chez le nasale, il faut pratiquer une luxation médiale du cornet infé-
grand enfant du fait du long passé lacrymal et de la fré- rieur (10 % des cas). On rencontre souvent une difficulté à faire
quence des mucocèles secondaires. avancer une intubation Mono-Ka ® Ritleng car l’extrémité
Autres causes d’imperméabilités lacrymonasales osseuse du canal lacrymonasal est incurvée. On fait alors
avancer le fil de polypropylène de la sonde avec une pince de
Troutman pour lui imprimer une forte pression. Il ne faut pas
hésiter à pousser plus sur la sonde-guide métallique puis la
reculer pour faire passer la Mono-Ka® ou à choisir une intuba-
“ À retenir tion armée d’un mandrin métallique de type Fayet-Bernard.
Quand le passage osseux est très serré, il arrive que la Mono-
Ka® se dessertisse ; il faut alors lubrifier une sonde avec un gel
Technique du sondage des voies lacrymales ou prendre une sonde avec mandrin. Si l’extrémité de l’intuba-
excrétrices avant 12 mois, en consultation. tion siliconée sort dans la fosse nasale controlatérale, c’est qu’il
Le sondage des voies lacrymales excrétrices se fait avec existe une déhiscence dans la cloison nasale (Fig. 22A, B). Il faut
une sonde de Bowman « 0 » ou « 1 » : après avoir dilaté le recommencer l’intubation pour ne pas empêcher la fermeture
méat inférieur, la sonde suit le canalicule inférieur, entre spontanée du defect de la cloison puis prévoir une consultation
dans le canal d’union puis le sac lacrymal. Quand on oto-rhino-laryngologique. Cette communication entre les deux
obtient un contact osseux, on verticalise alors la sonde fosses nasales peut être suspectée cliniquement avant l’inter-
pour cathétériser le canal lacrymonasal ; en bout de vention par un sifflement nasal à la respiration. Enfin, en cas
course, on ressent une résistance correspondant à la de mucocèle chronique du sac lacrymal, il est bon d’associer à
une intubation double une injection de corticoïdes dans les
membrane de Hasner qu’on passe aisément. Ce geste
voies lacrymales qui vont agir au niveau du sac.
nécessite une bonne contention de l’enfant, la présence Suites postopératoires. Un traitement antibiocorticoïde
des parents n’est pas souhaitable, l’anesthésie topique collyre deux fois par jour pendant 1 semaine est prescrit. Une
n’est pas nécessaire et plutôt à éviter. On obtient une épistaxis est fréquente ; un épiphora modéré avec de rares
guérison dans 90 % des cas si l’indication est bien posée. surinfections est fréquent avec les sondes d’intubation qui
On ne doit pas faire ce sondage en cas de pathologie disparaît avec l’ablation des sondes à 3 mois postopératoires.
cardiorespiratoire ou épileptique instable, en cas de L’intubation est laissée 6 mois en cas de mucocèle du sac, de
trouble de l’hémostase connu, ou d’antécédent sténose canaliculaire ou de sténose du canal lacrymonasal
d’épistaxis sans étiologie diagnostiquée. malformative.
On peut proposer au maximum trois sondages à Complications des intubations lacrymonasales. Les princi-
6 semaines d’intervalle chacun, de 3 mois à 1 an. En cas de pales complications des Mono-Ka® sont l’extériorisation, la
migration dans les voies lacrymales pour laquelle on pose des
persistance de l’épiphora, on propose alors un examen
Mono-Ka® à grande collerette [38]. Les principales complications
sous anesthésie générale avec sondage et intubation .
des BiKa® sont l’extériorisation précoce qui impose une réinté-
monocanaliculonasale ou de préférence bicanali- gration, la stricturotomie des méats, prédominant au méat
culonasale avec un taux de réussite de 99 %. inférieur, résultant d’une boucle trop tendue qu’il faut détendre,
En cas d’absence de contact osseux témoignant d’une retirer ou transformer en intubation bicanalaire circulaire en cas
sténose en amont du sac (10 % des cas), on propose de pathologie canaliculaire.
également un examen sous anesthésie générale pour faire Échecs des intubations. L’intubation bicanaliculonasale
un diagnostic précis et traiter dans le même temps une (IBCN) a rendu rares les indications de dacryo-cysto-rhinostomie
sténose du canal d’union par exemple. (DCR) chez l’enfant. Le recours à la DCR est exceptionnel si la
technique d’intubation est bien maîtrisée et faite à temps, avant
la survenue d’une mucocèle chronique. Le sondage et l’intuba-
tion résolvent tous les cas d’imperméabilité simple par imperfo-
Les autres causes d’imperméabilité lacrymonasale sont un ration. Ils règlent aussi certaines autres formes d’imperméabilité
ostium présent mais punctiforme, un kyste de la valve de lacrymonasale : les ostiums punctiformes, les kystes de la valve
Hasner, un abouchement du canal lacrymonasal dans le cornet de Hasner, les trajets muqueux borgnes du canal lacrymonasal
inférieur, un canal lacrymonasal borgne, un cornet inférieur et les obturations de l’ostium par le cornet inférieur par
plaqué contre la paroi nasale externe obturant l’ostium lacrymal luxation de ce dernier au cours de l’intubation. Ces cas malfor-
(10 % des cas) ; ces causes « non simples » sont des malforma- matifs simples peuvent être diagnostiqués par endoscopie
tions mineures d’abouchement du canal lacrymonasal, qui nasale. Le recours à la DCR chez l’enfant n’est nécessaire qu’en
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Pathologie lacrymale chez le nourrisson et l’enfant ¶ 21-170-B-30
Figure 20.
A. Séquelles de fentes n° 3 bilatérales partielles et n° 9 gauche.
B. Cal osseux englobant le canal lacrymonasal gauche et fente du cadre orbitaire supéroexterne.
C. Abord bicoronal.
D. Repérage d’un sac lacrymal présent, atrophique.
E. Dacryo-cysto-rhinostomie pour absence de canal lacrymonasal.
F. Aspect à 5 mois postopératoires.
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Figure 22.
A. Intubation lors d’une déhiscence de la cloison
nasale.
B. Repassage de la sonde dans la fosse nasale
homolatérale.
tion fissuraire. En cas de télécanthus ou de dystopie canthale Pathologies acquises des voies lacrymales
interne congénitale sur une fente n° 3, elle permet, par un
abord paralatéronasal, de réaliser une canthopexie interne
excrétrices
associée vers l’âge de 6 ans. La suture cutanée est faite au Dacryocystite aiguë du nourrisson
monofil à peau résorbable ; une pommade cortisonée est à
appliquer sur la cicatrice en plus de la corticothérapie en Elle complique l’obstruction lacrymonasale chez un nourris-
collyre. La DCR endonasale est une technique élégante, sans son de quelques mois, ou même chez un nouveau-né de
cicatrice cutanée, qui revient au premier plan. Elle est de plus quelques jours en cas de mucocèle primitive du sac lacrymal.
en plus pratiquée chez l’enfant avec de bons résultats, avec un Elle se présente comme une tuméfaction inflammatoire, sous le
taux de réussite équivalent, voire supérieur à la voie externe canthus interne chez un petit enfant aux antécédents d’épi-
pour les équipes les plus entraînées [39] . L’ostéotomie, qui phora congénital chronique (Fig. 16). Les diagnostics différen-
tiels sont l’ethmoïdite aiguë, où la tuméfaction siège au-dessus
comporte une unciformectomie antérieure, une exérèse de
du canthus interne chez un enfant enrhumé pouvant présenter
l’unguis et un forage de la partie lacrymale de la branche
une ésotropie aiguë transitoire par diffusion de l’inflammation
montante du maxillaire, est centrée par la projection du canal
au muscle droit interne ; une infection d’un diverticule du sac
d’union permise par la transillumination. Chez l’enfant, la
lacrymal, une dacryolithiase du sac, voire une tumeur orbitaire
technique peut être limitée par des fosses nasales étroites. La
pouvant être très inflammatoire comme un rhabdomyosarcome
voie endonasale est logiquement utilisée quand une pathologie mais qui mène à une exophtalmie et un déplacement latéral du
endonasale doit être traitée simultanément. La voie trans- globe. Le traitement de la dacryocystite aiguë associe une
canaliculaire (VTC) au laser évite elle aussi toute cicatrice antibiothérapie par voie générale : amoxicilline et acide clavu-
cutanée ; elle est très peu utilisée chez l’enfant, car elle n’a pas lanique en l’absence d’allergie connue, une association
démontré sa supériorité. L’ostéotomie et l’ouverture du sac très antibiotique-corticoïde en pommade suivie d’un sondage avec
limitée ne semblent pas indiquées dans les situations nécessitant intubation bicanaliculonasale rapide mais à froid.
une DCR chez l’enfant.
Innovations et techniques récentes [40-42]. L’endoscopie Calculs des voies lacrymales
nasale ne peut pas être utilisée en consultation chez l’enfant. En
revanche, sous anesthésie générale, en plus de permettre la Des dacryolithiases peuvent bloquer l’entrée du canal lacry-
réalisation d’une DCR endonasale ou trans-canaliculaire, elle est monasal, causant une dacryocystite subaiguë, associée parfois à
un excellent moyen d’exploration de l’abouchement du canal une douleur vive (colique lacrymale) si le blocage est complet
lacrymonasal, de la valve de Hasner, des cornets et des fosses et la distension du sac brutale. Cette pathologie semble plus
fréquente chez la jeune fille. La lithiase est palpable et visible
nasales et permet de diagnostiquer visuellement une membrane
au scanner. Le traitement repose sur une antibiothérapie avec
de Hasner, un kyste de la valve de Hasner ou un cornet infé-
corticothérapie locale. La lithiase se dissout spontanément
rieur plaqué contre la paroi. Elle permet d’avoir un contrôle
(Fig. 23 A à C).
visuel lors du sondage et simplifie la récupération des intuba-
tions ; pour certains, elle constitue une alternative à l’intubation Tumeur du sac lacrymal
dans le traitement des larmoiements congénitaux : le contrôle
endoscopique de l’incision par voie canaliculaire par une sonde Elle est exceptionnelle chez l’enfant, mais ont été décrits des
de Bowman de la membrane de Hasner, avec contrôle de la lymphomes non hodgkiniens [43].
perméabilité par lavage doux, permettrait d’éviter une intuba-
tion et ses complications [41] ; un tel procédé est en cours Sténoses méatiques et canaliculaires acquises
d’évaluation. L’endoscopie nasale permet un diagnostic plus D’origine post-traumatique, postvirale, ou iatrogène postra-
précis et apporte une sécurité supplémentaire ; l’utilisation de diothérapie orbitaire (cette complication est prévenue par la
cet outil deviendra incontournable dans la prise en charge des pose systématique d’intubation préventive) ou après un sondage
larmoiements congénitaux. L’endoscopie lacrymale transcanali- avec fausse route, la sténose canaliculaire (ou du canal d’union)
culaire (ELT), grâce à la miniaturisation des instruments, semble acquise symptomatique impose une chirurgie à ciel ouvert
intéressante dans la connaissance anatomique des voies réséquant la sténose avec une suture simple ou utilisant un
lacrymales excrétrices et pour le diagnostic des épiphoras greffon vasculaire microanastomosé en cas de résection étendue
congénitaux [40, 42]. suivie d’une intubation de 6 mois. Certains préfèrent tenter un
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Pathologie lacrymale chez le nourrisson et l’enfant ¶ 21-170-B-30
Figure 23.
A. Dacryocystite subaiguë gauche sur lithiase.
B. Dacryolithiase à l’entrée du canal lacrymonasal gauche.
C. Guérison après traitement médical avec disparition de la lithiase.
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Pathologie lacrymale chez le nourrisson et l’enfant ¶ 21-170-B-30
Pour en savoir plus Chen CL, Chen CH, Tai MC, Lu DW, Cheng MF, Li WH. Pleomorphic
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J. Allali (oculoplastie@hotmail.fr).
J.-L. Dufier.
Service d’ophtalmologie, groupe hospitalier Necker – Enfants Malades, Université René Descartes Paris V, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Allali J., Dufier J.-L. Pathologie lacrymale chez le nourrisson et l’enfant. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Ophtalmologie, 21-170-B-30, 2007.
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Syndrome de Goldenhar bilatéral.
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Ectropion et kératinisation des méats lacrymaux inférieurs sur une ichtyose.
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a. Stricturotomie compliquant une intubation bi-canaliculo-nasale. b. Plastie canaliculaire avec dacryo-cysto-rhinostomie dans le
même temps et intubation mono-canaliculo-nasale. c. Aspect en fin d'intervention.
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