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PARTIE III
ORIENTATION DIAGNOSTIQUE
Q 336

Toux chez l’enfant et chez l’adulte


(avec le traitement)
D r Céline Menetrey 1, P r B. Melloni 2
1. Service de pédiatrie, 2. Service de pathologie respiratoire, CHU Limoges.
melloni@unilim.fr

iOBJECTIFSi
POINTS FORTS à comprendre
Devant une toux aiguë ou chronique chez l’enfant ou chez
l’adulte, argumenter les principales hypothèses diagnostiques > La toux est un motif fréquent de consultation en
médecine générale et un symptôme très fréquent en
et justifier les examens complémentaires pertinents.
pratique pédiatrique.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
> Les causes, nombreuses et variées, sont dominées par
des maladies fréquentes aiguës ou chroniques.
PHYSIOPATHOLOGIE
> Les toux aiguës sont de diagnostic généralement aisé
La toux est un moyen essentiel de défense mécanique de devant un contexte clinique bruyant et évocateur.
l’appareil respiratoire. Il existe une maturation avec l’âge du À l’opposé, les toux chroniques définies par une durée
réflexe de la toux : absent à la naissance, il n’apparaît qu’au bout supérieure à trois semaines sont de diagnostic parfois
de plusieurs semaines ou mois. difficile, en particulier si la toux est le seul symptôme.
La toux est un acte volontaire ou réflexe, déclenché par l’acti-
vation de récepteurs sensitifs qui vont générer des impulsions
au niveau central. Elle se traduit par une expulsion violente de
l’air et des mucosités contenus dans les voies respiratoires. Il précise le caractère de la toux: toux sèche, toux productive, toux
L’impulsion initiale est une excitation des récepteurs tussigè- spasmodique, toux laryngée; son horaire de survenue (matinale,
nes ou des voies nerveuses afférentes par des stimuli inflamma- nocturne) ; et ses circonstances déclenchantes (effort, exposition
toires, mécaniques ou chimiques. Les récepteurs tussigènes à des allergènes, décubitus, changement de position). L’interroga-
comprennent : toire recherche d’autres symptômes d’accompagnement: dysp-
– les récepteurs d’irritation localisés au niveau du larynx, du née, douleur, fièvre, hémoptysie. Il fait préciser les facteurs
conduit auditif externe, de la trachée et des grosses bronches ; environnementaux : tabagisme, exposition à des polluants domes-
– les récepteurs des terminaisons muqueuses à fibres C des tiques ou professionnels, prise de médicaments tussigènes.
parois alvéolaires et des bronches ;
– les récepteurs d’irritation situés au niveau du péricarde, de
EXAMENS
la plèvre et du diaphragme. L’examen clinique complète l’interrogatoire. Il est centré sur
l’examen ORL, pulmonaire, et cardiaque. L’interrogatoire et
l’examen clinique suffisent au diagnostic (ou l’orientent signifi-
ASPECTS CLINIQUES cativement) dans deux cas sur trois.
Les examens complémentaires, pas toujours nécessaires,
INTERROGATOIRE doivent être envisagés en fonction du caractère aigu ou chro-
Il est essentiel. nique de la toux, des données de l’interrogatoire et de l’examen
Il permet d’emblée de séparer une toux aiguë d’une toux clinique. La radiographie du thorax vient en premier rang des
chronique, c’est à dire évoluant depuis au moins trois semaines. explorations complémentaires.

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COMPLICATIONS ✓ La laryngite, de survenue nocturne et brutale la plupart du


temps, est caractérisée par la tonalité rauque et aboyante de
Les complications de la toux sont rares, peu sévères en règle la toux associée à une dyspnée inspiratoire. Le traitement
générale et parfois révélatrices. Ces complications sont la repose sur l’humidification de l’atmosphère associée à des corti-
conséquence de l’élévation brutale des pressions intra-thora- coïdes per os si la laryngite est œdémateuse.
ciques. La plus caractéristique est la syncope (toux syncopale, ✓ L’angine, virale dans 80 à 90 % des cas, surtout avant l’âge
ictus laryngé) qui survient surtout chez un patient bronchiteux de 2 ans, peut entraîner une toux réflexe secondaire à l’inflam-
chronique au cours de paroxysmes de toux. mation locale.
Les autres complications possibles sont : ✓ L’otite moyenne aiguë peut entraîner la toux, associée à l’otalgie
les fractures de côtes, les déchirures musculaires abdominales ; et l’hyperthermie.
 l’incontinence urinaire ; ✓ La sinusite aiguë occasionne rarement de la toux.
 la dysphonie ;
 le pneumomédiastin, le pneumothorax ; 2. Infections des voies aériennes basses
 les douleurs thoraciques ; ✓ La bronchiolite du nourrisson correspond à une inflammation
 l’insomnie, l’asthénie ; virale de la bronchiole. Le VRS est responsable le plus souvent
 le handicap social, la gêne de l’entourage ; de cette épidémie automno-hivernale. Le jeune enfant présente
 les vomissements. une rhinopharyngite peu ou pas fébrile, compliquée 48 heures
plus tard de signes respiratoires : toux quinteuse, dyspnée et
frein expiratoire, sifflement associé à de fins crépitants et sibi-
DIAGNOSTIC D’UNE TOUX AIGUË lants expiratoires à l’auscultation pulmonaire.
(< 3 SEMAINES) Le diagnostic est là aussi clinique et les examens complémen-
taires (numération formule sanguine [NFS], radiographie du tho-
Son diagnostic étiologique peut se limiter à l’anamnèse, à rax) ne sont justifiés qu’en cas de suspicion de complications
l’examen clinique, et éventuellement à un test thérapeutique. (surinfection, atélectasie, complication d’hyperpression).
Les investigations ne sont indiquées que si les symptômes Le traitement repose sur la désobstruction rhino-pharyngée
d’accompagnement évoquent une cause plus grave. Le tableau 1 et la kinésithérapie respiratoire pour assurer un bon drainage
donne les principales causes fréquentes et plus rares de toux bronchique chez ces petits nourrissons qui ne savent naturelle-
chez l’enfant et l’adulte. ment pas tousser efficacement.
Les complications à court terme sont les apnées, les difficul-
TOUX AIGUË CHEZ L’ENFANT tés alimentaires avec fausses routes, la survenue d’atélectasie,
La toux aiguë est la plus fréquente chez l’enfant, surtout chez la surinfection bactérienne à H. influenzæ essentiellement (otite
l’enfant d’âge préscolaire. Elle est généralement d’origine infec- ou parenchyme pulmonaire ). À long terme, il existe un risque de
tieuse avec atteinte des voies aériennes supérieures : rhinopha- séquelles broncho-pulmonaires ou d’asthme.
ryngite, rhinosinusite, rhinobronchite, laryngite, bronchiolite. Si ✓ La bronchite, forme la plus commune de l’infection respiratoire
les causes sont surtout virales (virus respiratoire syncytial basse, associe inflammation bronchique et hypersécrétion.
(VRS), rhinovirus ; myxovirus Para-influenzæ ; adénovirus), les Le signe clinique principal est donc la toux, sèche puis grasse,
surinfections bactériennes sont possibles ( Hæmophilus accompagnée d’une expectoration et parfois d’une dyspnée.
influenzæ ; Streptococcus pneumoniæ ; Moraxella catarrhalis ; L’auscultation pulmonaire retrouve des ronchus. Le traitement
Staphylococcus aureus) ; la toux devient alors productive avec
sécrétions purulentes.
Le diagnostic est le plus souvent évident, dispensant de tout Tableau 1 Principales causes de toux aiguës
examen complémentaire, mais une radiographie du thorax peut se
justifier en cas de difficulté diagnostique (persistance de la fièvre
chez l’enfant et l’adulte
élevée, signes extrapulmonaires associés, signes de gravité). ENFANT ADULTE

1. Infections des voies aériennes hautes Infections ORL Virose saisonnière


Fréquentes Bronchiolites Sinusite aiguë
Le diagnostic de ces infections de la sphère ORL est essen-
Bronchite aiguë Rhinite allergique ou non
tiellement clinique.
Exacerbation de BPCO
✓ La rhinopharyngite, d’origine virale dans la grande majorité des
cas, associe une obstruction nasale, des éternuements avec Crise d’asthme Asthme
rhinorrhée claire, puis purulente en cas de surinfection bacté- Rares Pneumopathies Coqueluche
rienne. Le traitement est symptomatique : sérum salé isoto- Corps étrangers Insuffisance cardiaque
nique, voire antibiotique local, et surtout mouchage, sans Coqueluche Pneumonie
oublier des anti-inflammatoires non stéroïdiens et antipyré- Fausses routes
Embolie pulmonaire
tiques pour soulager l’enfant.

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ORIENTATION DIAGNOSTIQUE

Toux chez l’enfant et chez l’adulte


associe de la kinésithérapie respiratoire, voire un antibiotique si recherche des antécédents d’atopie et les circonstances déclen-
la bronchite est suppurée. chantes. Le traitement repose sur l’éviction des allergènes dans
✓ La pneumopathie associe de la fièvre à la symptomatologie la mesure du possible et les antihistaminiques anti-H1. Un traite-
respiratoire (toux, polypnée voire douleur thoracique selon ment local par cromones ou corticoïdes est également proposé.
le germe responsable). L’auscultation pulmonaire met en évi-
dence un foyer de râles crépitants, la biologie retrouve le syn- 3. Rhinites non allergiques
drome inflammatoire et la radiographie du thorax confirme le Elles sont la conséquence d’une exposition à des irritants non
diagnostic en montrant une opacité alvéolaire. Le traitement spécifiques de l’environnement. Le traitement associe un anti-
n’est que symptomatique si la pneumopathie est virale (âge infé- histaminique H1 et un vasoconstricteur.
rieur à 2 ans). Les antibiotiques sont justifiés devant une pré-
somption de pneumopathie bactérienne: amoxicilline pour 4. Sinusites aiguës
S. pneumoniæ et H. influenzæ ; macrolides pour Mycoplasma Les sinusites aiguës, fréquentes, peuvent être d’origine virale
pneumoniæ et Chlamydia pneumoniæ. ou bactérienne. Le diagnostic est clinique devant des douleurs
maxillaires, sous-orbitaires, unilatérales et se majorant en se pen-
3. Autres causes de toux aiguë de l’enfant chant en avant. Le traitement d’une sinusite virale repose sur un
✓ La coqueluche, due à Bordetella pertussis, préoccupante chez traitement symptomatique par un décongestionnant et un anti-
le petit nourrisson non encore vacciné, doit être systématiquement histaminique anti-H1. Les antibiotiques ne sont prescrits que si les
évoquée devant une toux aiguë compliquée (apnée, cyanose). sécrétions nasales sont purulentes, si les sinus sont sensibles
✓ L’inhalation d’un corps étranger doit systématiquement être à la percussion, et si les symptômes ne répondent pas au traite-
suspectée chez l’enfant entre 9 mois et 5 ans. Un syndrome de ment symptomatique. Les antibiotiques doivent couvrir
pénétration doit être recherché par l’interrogatoire. La sympto- H. influenzæ et S. pneumoniæ. L’association amoxicilline-acide
matologie dépend de la localisation du corps étranger (laryngé, clavulanique ; les céphalosporines de 2e génération (C2G) et cer-
trachéal ou bronchique). La radiographie du thorax en inspira- taines céphalosporines orales de 3e génération (C3G) cefpodo-
tion et expiration est utile mais ne doit pas retarder la prise en xime-proxétil ; céfotiam-hexétil, ainsi que la pristinamycine, en cas
charge. La bronchoscopie sous anesthésie générale permet l’ex- d’allergie aux β-lactamines, sont recommandées. Les fluoroquino-
traction du corps étranger au mieux sous antibiothérapie et lones doivent être réservées aux situations cliniques les plus graves.
anti-inflammatoire stéroïdien. Ce traitement doit être prolongé
après extraction afin d’éviter les séquelles. 5. Exacerbations d’une bronchopneumopathie
✓ La toux spasmodique ou asthme survient dans un contexte aller- chronique obstructive (BPCO)
gique ou dans les suites d’un épisode viral. La toux est sèche, La BPCO est une maladie fréquente, caractérisée par des exa-
nocturne, survenant par accès. L’amélioration par inhalation cerbations d’origine infectieuse (virale ou bactérienne) ou non
d’un agent sympathomimétique (salbutamol, terbutaline) est infectieuse. Des antibiotiques couvrant les germes les plus fré-
une donnée essentielle du diagnostic. quents : H. influenzæ, S. pneumoniæ, et Branhamella catarrhalis
doivent être prescrits en cas d’une franche purulence de l’expec-
TOUX AIGUË CHEZ L’ADULTE toration et (ou) chez un patient avec facteurs de risque ou pré-
Les causes les plus fréquentes sont les infections virales des sentant des signes de gravité. En l’absence de facteurs de risque,
voies respiratoires proximales, une sinusite, une rhinite aller- la télithromycine ; l’amoxicilline ; les macrolides sont recomman-
gique ou non allergique, ou une exacerbation d’une bronchite dés. En présence de facteurs de risque, l’amoxicilline-acide clavu-
chronique (tableau 1). lanique, les fluoroquinolones respiratoires, le céfuroxime-axétil
(C2G), le cefpodoxime-proxétil (C3G) et le céfotiam-hexétil (C3G)
1. Infections virales saisonnières sont préconisés.
ou refroidissement
Il s’agit d’une infection des voies aériennes proximales (ORL 6. Coqueluche
et bronches) par un virus (rhino-, myxo-, paramyxo-adénovi- La clinique n’est pas spécifique chez l’adulte. Le traitement immé-
rus). Le diagnostic est évoqué devant un rhume, une obstruc- diat du tousseur et des sujets contacts protège les nourrissons d’une
tion nasale, un écoulement postérieur, avec ou sans fièvre. coqueluche grave. Les macrolides, ou en cas d’allergie le sulfamé-
L’auscultation pulmonaire est normale. Le traitement sympto- thoxazole-triméthoprime (Bactrim), sont indiqués pendant 14 jours.
matique associe un décongestionnant par voie orale : dex-
bromphéniramine avec pseudo-éphédrine, en association ou
non avec un anti-inflammatoire non stéroïdien : naproxène. Le DIAGNOSTIC D’UNE TOUX CHRONIQUE
bromure d’ipratropium intranasal, permet de soulager les
symptômes locaux. La durée du traitement est de 4 à 6 jours. Une toux est dite chronique lorsqu’elle dure plus de 3 semai-
nes, voire pour certains auteurs depuis plus de 8 semaines.
2. Rhinites allergiques On parle alors de toux subaiguë entre 3 et 8 semaines.
Elles sont la conséquence d’une exposition à des allergènes. On Néanmoins, les causes sont très proches entre les toux subaiguës

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et chroniques. Devant une toux chronique, la démarche étiolo- TOUX CHRONIQUE CHEZ L’ENFANT
gique repose sur 3 éléments indispensables.
L’interrogatoire recherche un tabagisme et (ou) des exposi- La toux chronique chez l’enfant est aussi habituellement défi-
tions à des polluants, un contexte d’atopie familiale ou person- nie par sa persistance au-delà de 3 semaines, voire 6 semaines
nelle, la prise de médicaments tussigènes (inhibiteurs de l’en- pour certains. Le caractère récidivant de la toux est également
zyme de conversion, β-bloquants), des signes cliniques de reflux pathologique et rentre dans le cadre de la toux chronique: plus
gastro-œsophagien, un épisode récent d’infection des voies de 10 jours par mois pendant 3 mois. Les causes chez l’enfant
respiratoires et un jetage postérieur. varient en fonction de l’âge. Le tableau 2 rapporte les principales
L’examen clinique doit porter sur la sphère ORL et thoracique. causes de toux chroniques chez l’enfant.
L’examen radiologique du thorax est primordial, permettant
de séparer les toux chroniques sans anomalies radiologiques et 1. Enfant de moins de 5 ans
avec anomalies radiologiques. C’est dans cette tranche d’âge que la toux est la plus fré-
quente et les causes les plus nombreuses.
✓ Les infections des voies aériennes supérieures récidivantes (rhino-
pharyngites, laryngites, angines, otites moyennes aiguës et séro-
Démarche diagnostique et thérapeutique devant muqueuses, sinusites), virales dans la majorité des cas, justifient
une toux chronique chez l’enfant un contrôle de la sphère ORL avec radiographie du cavum à
la recherche d’une hypertrophie adénoïdienne ou amygdalienne
 Éléments d’inquiétude clinique ou radiographie
thoracique anormale : pérennisant ces infections, et pouvant nécessiter un geste chirur-
l investigations spécialisées pneumo-pédiatriques (scanner, gical. Le traitement reste le plus souvent symptomatique.
endoscopie…) ✓ Les infections bronchopulmonaires récidivantes ou traînantes
sont également une cause de toux. La pneumopathie à M. pneu-
 Pas de gravité et éléments d’orientation diagnostique moniæ peut évoluer sans fièvre avec une toux incessante
l Asthme : traitement d’épreuve, spirométrie, et bilan allergologique
comme seul symptôme et justifier un macrolide. La bronchiolite
l Infections ORL récidivantes : traitement d’épreuve, avis ORL
l RGO : traitement d’épreuve, pH-métrie
guérit spontanément en 6 à 10 jours, mais une hyperréactivité
bronchique responsable d’une toux résiduelle peut persister 10 à
 Pas de gravité et pas d’orientation diagnostique 15 jours. Par ailleurs, en l’absence d’immunisation, plusieurs épi-
l Spirométrie avec recherche d’hyperréactivité bronchique sodes successifs de bronchiolite sont possibles. La tuberculose
l Avis ORL, radiographie cavum doit être évoquée en cas de contage, d’intradermo-réaction
l Bilan allergologique positive.
l Test de la sueur, intradermo-réaction à la tuberculine ✓ La coqueluche comporte une phase d’incubation silencieuse
l Si résultats négatifs pH-métrie d’une dizaine de jours, puis une phase catarrhale banale.
La symptomatologie est ensuite plus bruyante avec une phase
Démarche diagnostique et thérapeutique devant d’état prolongée de 3 à 4 semaines, associant une toux spasmo-
une toux chronique de l’adulte dique évoluant par quintes avec reprise inspiratoire difficile et
bruyante (réalisant le classique « chant du coq »). Le caractère
 Radiographie anormale : émétisant, typique de la toux coqueluchoïde n’est pas toujours
l investigations spécialisées et traitement de la cause. retrouvé chez le tout-petit. Les complications sont plus fréquentes
chez le nourrisson avec risque d’apnées, d’asphyxie avec
 Radiographie normale :
cyanose, bradycardies justifiant du matériel de réanimation
l rechercher une cause iatrogènique ou un tabagisme. L’arrêt d’un
inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou du tabac est alors à proximité. Le diagnostic est clinique et anamnestique (notion
indiqué. Prendre en charge une bronchite chronique ; de toux dans l’entourage). La radiographie du thorax se justifie
l évoquer un écoulement nasal postérieur devant une gêne pharyngée, en cas de suspicion de complication (surinfection ou complica-
une congestion et un écoulement nasal. Faire un test thérapeutique tion mécanique type pneumothorax ou pneumomédiastin).
pour confirmer ce diagnostic avec un décongestionnant et La mise en évidence du bacille B. pertussis dans les sécrétions
un anti-H1. Faire une évaluation à 1 mois ;
nasales est difficile. La sérologie doit être interprétée avec pru-
l traitement précédent en échec : mesure de l’hyperréactivité
bronchique non spécifique et spirométrie: asthme ou hyperréactivité dence en fonction de l’éventuelle vaccination antérieure. Le trai-
post-virale : traitement par β2-mimétiques et (ou) corticoïdes inhalées ; tement repose sur une surveillance en milieu hospitalier chez
l traitement d’épreuve d’un RGO par agent prokinétique 6 semaines. le nourrisson (monitoring cardiorespiratoire, oxygénothérapie
Si échec, discuter pH-métrie des 24 heures, voire et aide alimentaire au besoin). Un traitement par macrolide
œsogastroscopie ; ne modifie pas la symptomatologie ni l’évolution, mais limite
l explorations ORL plus approfondies (radiographies, scanner des sinus) ;
la contagion.
l si échec, même devant un cliché thoracique normal, demander une
✓ L’asthme du nourrisson se définit par la succession de 3 épi-
fibroscopie bronchique.
sodes sifflants avant l’âge de 2 ans, souvent accompagnés chez
le petit d’épisodes de toux sèche, plutôt nocturnes ou déclenchés

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ORIENTATION DIAGNOSTIQUE

Toux chez l’enfant et chez l’adulte


par l’effort ou rythmés par les infections respiratoires. Le traite- Tableau 2 Principales causes de toux chroniques
ment de chaque crise comporte des bronchodilatateurs, tandis
qu’un traitement de fond d’anti-inflammatoires inhalés (corticoï-
chez l’enfant et l’adulte
des) peut s’avérer utile en prévention. La prise en charge néces- Toux Enfant Adulte
chroniques
site aussi un bilan allergologique à la recherche d’éventuels
allergènes à éviter. Fréquentes Infections virales Rhinorrhée postérieure
✓ Le reflux gastro-œsophagien (RGO) peut être à l’origine d’une Asthme Asthme
toux chez l’enfant. Le caractère nocturne au coucher ou post- Reflux gastro-œsophagien Reflux gastro-œsophagien
prandial au décours des biberons en est fortement évocateur.
On recherche la notion de rejets fréquents. Le traitement du Autres Corps étranger Toux médicamenteuses
RGO peut faire totalement disparaître cette toux nocturne avec causes Coqueluche Toux post-infectieuses
épaississement des repas, mesures posturales (orthostatisme), Mucoviscidose BPCO
traitement prokinétique avec protecteurs gastriques, voire anti- Tabagisme passif Bronchite à éosinophiles
H2. Le diagnostic de RGO peut être confirmé par la pH-métrie
Dilatation des bronches Tumeurs (trachée, bronches)
Malformations Pneumopathies interstitielles
des 24 heures. Tumeurs du médiastin Dilatations des bronches
✓ Un corps étranger inhalé doit être systématiquement recher- Toux psychogène
ché chez l’enfant devant une toux chronique, un foyer ausculta-
toire persistant et (ou) des bronchectasies. Le bilan comporte un
scanner thoracique et un examen endoscopique. bronchique avec kinésithérapie respiratoire et prévention anti-
✓ Le tabagisme passif, surtout maternel, peut être à lui seul biotique régulière.
responsable, entre autres, de la toux. ✓ La toux psychogène, chez le grand enfant (surtout la fille) en
✓ La mucoviscidose se traduit par une toux spécifique, et généra- bonne santé et en l’absence de cause organique retrouvée, cor-
lement accompagnée d’autres signes respiratoires voire diges- respond à une toux exclusivement diurne ne perturbant pas
tifs. Une toux rebelle aux antitussifs peut être le premier signe. le sommeil. Une prise en charge psychologique peut être propo-
Le diagnostic est confirmé par au moins 2 tests de la sueur posi- sée. On en rapproche le syndrome de dysfonctionnement des
tifs (> 60 mEq/L) et la recherche de mutation(s) génétique(s) du cordes vocales caractérisé par un spasme des cordes vocales en
gène CFTR (la plus fréquente étant deltaF 508). Le dépistage adduction.
est maintenant systématique à la naissance par dosage de ✓ Autres causes : elles comportent par exemple les malforma-
la trypsine immunoréactive (TIR), enzyme pancréatique. tions broncho-pulmonaires ou les tumeurs du médiastin.
✓ Les autres causes comprennent : les pathologies malformati-
ves, vasculaires (les anomalies des arcs aortiques), de l’arbre tra-
TOUX CHRONIQUE CHEZ L’ADULTE
chéo-bronchique (trachéomalacie, bronchomalacie, kyste bron- 1. Toux chronique de l’adulte sans
chogénique de la carène) ; et digestives (fistule œso-trachéale). anomalies radiologiques
Les troubles de la déglutition sont des causes rares. La situation clinique est celle d’un patient non-fumeur, sans
prise médicamenteuse avec une radiographie normale. Trois
2. Enfant de plus de 5 ans causes dominent : l’atteinte ORL avec écoulement nasal posté-
✓ Le concept de toux équivalent d’asthme est récent. La toux, en rieur, l’asthme et le RGO (plus de 80 % des cas). D’autres causes
cas d’hyperréactivité bronchique, est le premier signe de l’ob- plus rares sont possibles.
struction bronchique. La toux est un symptôme de la crise Deux ou plusieurs causes peuvent être associées chez
d’asthme, et peut n’apparaître qu’à l’effort (asthme induit par le même patient. Le tableau 2 rapporte les principales causes de
l’exercice). Le diagnostic repose sur l’interrogatoire, un bilan toux chronique.
allergologique et un traitement d’épreuve prolongé par corti- ✓ Écoulement nasal postérieur ou rhinorrhée postérieure :
coïde inhalé et β2-mimétiques de longue durée d’action si le tableau associe une toux de caractère matinal et un écoule-
besoin. ment nasal postérieur. Le diagnostic repose sur la coexistence
✓ La sinusite maxillaire est un foyer infectieux persistant chez d’une rhinite et (ou) d’une sinusite chronique. Les causes sont
l’enfant de plus de 2 ans. Les cavités sinusiennes se pneumati- dominées par la rhinite allergique ou non allergique (rhinite
sent avec l’âge (les sinus maxillaires après 2 ans et les sinus fron- pérenne) et les sinusites. Le traitement spécifique permet de
taux après 5 ou 6 ans). Le diagnostic est conforté par un scanner confirmer le diagnostic. Des tests allergologiques peuvent être
des sinus. utiles et, parfois, une exploration tomodensitométrique des
✓ Les bronchectasies ou dilatations des bronches (DDB) sont à l’ori- sinus devant une pathologie sinusienne traînante.
gine d’une toux chronique productive matinale. On oppose les Le traitement est fonction de la cause :
DDB localisées après pneumopathie aiguë, aux DDB diffuses  rhinite pérenne non allergique et post-virale : lavage
(déficit immunitaire, maladie ciliaire, RGO latent). Le cliché pul- des cavités nasales au sérum physiologique, association antihis-
monaire et surtout le scanner thoracique visualisent les anoma- taminiques anti-H1 ; vasoconstricteurs (pseudo-éphédrine); et
lies bronchiques. Le traitement assure un bon drainage bromure d’ipratropium intranasal ;

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 rhinite allergique : contrôle de l’environnement, antihista- repose sur un examen tomodensitométrique ;


minique anti-H1 ; l la toux psychogène, moins fréquente chez l’adulte que chez
 sinusites : vasoconstricteur (3 semaines), antibiothérapie l’enfant, est un diagnostic d’élimination. On en rapproche le
discutée, active contre H. influenzæ et S. pneumoniæ : amoxi- syndrome de dysfonction des cordes vocales, plus fréquent
cilline-acide clavulanique (Augmentin) ; fluoroquinolones antip- chez l’adulte ; la normalité de la spirométrie et de l’examen
neumococciques. ORL est en faveur de ce syndrome caractérisé par une adduc-
✓ Asthme : les antécédents d’allergie, une rhinite allergique, des tion anormale des cordes vocales ; une prise en charge psycho-
sifflements occasionnels sont évocateurs. La toux est sèche, logique peut être nécessaire ainsi que par un orthophoniste.
souvent déclenchée par l’effort, l’exposition au froid ou à des
irritants non spécifiques (tabac, polluants) ou à des allergènes. 2. Toux chronique de l’adulte avec
La fréquence des causes allergiques justifie la réalisation de anomalies radiologiques
tests cutanés systématiques. La spirométrie permet de détecter Le bilan et le traitement sont fonction de la cause.
un trouble ventilatoire obstructif réversible ou une hyperréacti- En fonction des anomalies radiologiques, on évoque les cau-
vité bronchique : test à la métacholine. ses suivantes.
Le traitement repose sur le contrôle de l’environnement, ✓ Anomalies radiologiques localisées :
les β2-agonistes en spray et (ou) les corticostéroïdes inhalés. l cancer bronchique : une modification de la toux chez un
Si nécessaire, une cure courte de corticoïdes per os peut être fumeur justifie une endoscopie bronchique (même si la radio-
proposée. graphie est normale) ;
✓ Reflux gastro-œsophagien : il est évoqué devant un pyrosis, des l tuberculose ;
renvois acides et des douleurs de la gorge chez 1/3 des patients. l adénopathies et tumeurs médiastinales.
Le RGO est asymptomatique le plus souvent et se présente ✓ Anomalies radiologiques diffuses :
comme une toux chronique. Un traitement d’épreuve par inhibi- l pneumopathies interstitielles diffuses ;
teur de la pompe à protons permet de confirmer l’hypothèse l insuffisance ventriculaire gauche ;
diagnostique. l infection à Pneumocystis carinii (immunodépression).
Le traitement repose sur les mesures diététiques, la sur-
élévation de la tête du lit, l’utilisation de prokinétiques. Les
inhibiteurs de la pompe à protons sont utilisés à la phase TRAITEMENT DE LA TOUX
initiale de la prise en charge avec un agent prokinétique pour
6 semaines et (ou) les antagonistes des récepteurs H2 de Le traitement d’une toux est avant tout le traitement de
l’histamine (anti-H2). La durée du traitement d’épreuve est sa cause, mais des traitements non spécifiques sont parfois nécessaires.
d’au moins 3 mois. Les antitussifs sont à prescrire dans certaines situations :
En cas d’échec du traitement, la pH-métrie des 24 heures les toux sèches post-infectieuses, les toux d’origine pleurale,
peut être réalisée dans un second temps. les toux d’origine indéterminée après un bilan étiologique
✓ Autres causes :
l la toux post-infectieuse, très fréquente, succède à un épisode
viral avec rhinorrhée postérieure et hyperréactivité bron-
chique. Le traitement fait appel au bromure d’ipratropium en POINTS FORTS à retenir
aérosol, et aux corticoïdes inhalés ; > La toux aiguë, qui dure moins de 3 semaines, résulte
l la toux de la bronchite chronique est un symptôme majeur de la la plupart du temps d’une infection virale.
BPCO. La toux est associée à une expectoration. Le bilan comp-
rend une radiographie et une spirométrie. Le traitement repose > La prise en charge d’une toux chronique implique
sur l’arrêt du tabac et l’utilisation du bromure d’ipratroprium ; un interrogatoire rigoureux et un examen clinique
l la coqueluche est de diagnostic sérologique difficile et permettant un diagnostic orienté 2 fois sur 3.
retardé dans le temps. Il repose sur l’élévation des anticorps
contre les facteurs de virulence de B. pertussis (ELISA) ;
> Des tests thérapeutiques peuvent être proposés devant
une toux chronique : rhinorrhée postérieure, asthme.
l les toux médicamenteuses sont dominées par les inhibiteurs
de l’enzyme de conversion (IEC) et les β-bloquants (y compris > Les examens complémentaires doivent être hiérarchisés ;
en collyre) ; 3 à 4 semaines sont parfois nécessaires pour que la radiographie thoracique étant le premier examen à
la toux cesse après l’arrêt du médicament ; demander.
l la bronchite à éosinophiles se caractérise par une expectora-
tion riche en éosinophiles, mais on ne note pas d’hyperréacti- > La spirométrie, la tomodensitométrie des sinus, et la pH-
vité bronchique comme dans l’asthme. Le traitement repose métrie sont 3 examens complémentaires utiles pour
sur les corticoïdes inhalés pendant 2 à 3 semaines ; le bilan d’une toux chronique sans cause évidente.
l la bronchectasie (ou dilatation des bronches) se caractérise
> Le traitement de la toux est avant tout étiologique.
par une toux associée à une expectoration. Le diagnostic

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ORIENTATION DIAGNOSTIQUE

Toux chez l’enfant et chez l’adulte


soigneux, en cas d’échec partiel d’un traitement spécifique.  des antitussifs non-opiacés et non antihistaminiques :
Ils sont formellement contre-indiqués en cas de toux produc- prométhazine.
tive chez le patient atteint de BPCO, le patient en insuffisance La kinésithérapie respiratoire est essentielle en cas de toux
respiratoire chronique et chez le nourrisson et le vieillard. productive et d’encombrement bronchique chez le nourrisson,
On dispose : le petit enfant, mais aussi en cas d’insuffisance respiratoire. B
 des antitussifs opiacés, efficaces mais sédatifs ; certains
sont dépresseurs respiratoires (codéine, codéthylline, pholco-
dine), d’autres sont non dépresseurs respiratoires (dextromé- DEJà PARUS DANS LA REVUE
thorfane, noscapine) ;
◗ Pneumonies aiguës communautaires
des antitussifs non-opiacés et antihistaminiques : clobutinol ; Monographie
(Rev Prat 2003 ; 53 [13] : 1413-60)
◗ Toux chronique de l’adulte
Léophonte P
(Rev Prat Med Gen 2001 ; 15 [149] : 1717-8)
MINI TEST DE LECTURE
◗ Toux chronique de l’adulte : la radio-
A / VRAI OU FAUX ? graphie de thorax oriente vers 3 dia-
1 La toux est un symptôme qui est 4 Un traitement d’épreuve ne doit gnostics
Léophonte P
souvent à l’origine d’une consultation pas être proposé devant une toux
(Rev Prat Med Gen 1999 ; 13 [447] : 149-52)
médicale. chronique.
C / QCM
2 Les examens complémentaires POUR EN SAVOIR PLUS
sont toujours nécessaires pour Chez l’adulte présentant une toux chro-
le diagnostic de la toux. nique, les éléments suivants sont-ils en ◗ Du symptôme au diagnostic : toux.
faveur d’un asthme ? Roche N, Huchon G.
3 Les complications de la toux 1 Un écoulement nasal postérieur. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris)
Pneumologie, 6-090-A-15, 1997, 6 p.
sont rares.
2 Des antécédents d’allergies. ◗ Toux chronique de l’adulte:
B / VRAI OU FAUX ? la radiographie du thorax oriente vers
1 La toux aiguë dure moins de 3 Des sifflements occasionnels. 3 diagnostics.
Léophonte P, Lacassagne L.
3 semaines. Rev Prat 1999 ; 447 : 149-52.
4 Un pyrosis.
2 La toux aiguë a le plus souvent une ◗ Toux récidivantes et chroniques.
Dutau G.
origine bactérienne. 5 Une toux déclenchée par l’exercice In : Dutau G, Labbé A (eds).
3 Une toux chronique justifie une physique. Pneumologie de l’enfant. Ville d’édition ?
Arnette Blackwell, 1999 : 47-56.
enquête diagnostique complémentaire. Réponses : A : V, F, V / B : V, F, V, F / C : 2, 3, 5.

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Tome 53

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La Revue du Praticien
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