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Pédiatrie

B 253

Détresse respiratoire
du nouveau-né
Diagnostic, traitement d’urgence
Dr Antoine BURGUET, Dr Jean-Yves PAUCHARD
Réanimation infantile polyvalente et prématurés, CHU, hôpital Saint-Jacques, 25030 Besançon cedex

Points Forts à comprendre munication et de soins entre les différents intervenants :


obstétriciens, pédiatres de maternité, équipe du transport
pédiatrique, équipe de chirurgie pédiatrique le cas échéant.
• On appelle détresse respiratoire néonatale toutes
les difficultés respiratoires rencontrées avant l’âge
de 28 jours. Il s’agit du motif d’hospitalisation Diagnostic positif
le plus fréquent en Unité de soins intensifs
néonatals (USIN). Le diagnostic positif de la détresse respiratoire du nouveau-
• Ces urgences sont à la fois maladie et symptôme : né est clinique. Il repose sur l’observation d’une triade plus
maladie car elles engagent le pronostic vital ou moins complète associant tachypnée, signes de lutte res-
et neurologique de l’enfant par les situations piratoire et cyanose.
d’hypoxie et d’acidose qui leur sont associées,
symptôme car elles sont liées à un terrain 1. Tachypnée
(prématurité, souffrance fœtale…) ou une La fréquence respiratoire est augmentée : supérieure à
pathologie sous-jacente d’origine médicale 50/min chez l’enfant à terme, 60/min chez le prématuré.
ou chirurgicale (infection bactérienne,
malformation…). 2. Signes de lutte respiratoire
• L’arsenal thérapeutique à la disposition Ils sont appréciés par le score de Silverman. Ce score com-
des réanimateurs néonatologistes s’est complété prend 5 paramètres cotés de zéro (absence du signe) à deux
ces dernières années avec la mise sur le marché (signe maximal) (tableau I).
des surfactants exogènes, le développement
de techniques de ventilation (ventilation nasale, 3. Cyanose
ventilation à haute fréquence), le développement La coloration bleutée des téguments est parfois évidente et
de vasodilatateur artériel pulmonaire sélectif généralisée, parfois plus discrète à rechercher au niveau
(monoxyde d’azote). des lèvres, des ongles de l’enfant. Elle traduit une concen-
• Ces progrès thérapeutiques ont amélioré tration en hémoglobine réduite > 5 % et elle peut être
de façon certaine le taux de survie et probable absente en cas d’anémie. La cyanose est à différencier des
la morbidité neurologique de ces enfants. Mais hématomes liés à la présentation et la l’érythro-cyanose de
le pronostic reste lié à la prévention : prévention la polyglobulie. Cette cyanose nécessite une oxygénation
de la prématurité, prévention de la détresse de l’enfant rapide et adaptée : il faut noter la valeur de la
respiratoire du prématuré ou maladie FiO2 nécessaire pour la corriger.
des membranes hyalines par la corticothérapie
anténatale, prévention du traitement du syndrome
d’hypertension artérielle pulmonaire Diagnostic de gravité
par un diagnostic et une prise en charge précoce
de toute détresse respiratoire. La constatation d’un ou plusieurs éléments de cette triade
fait rechercher (sans les atteindre) les signes cliniques de
gravité suivants.

Le diagnostic positif, le diagnostic de gravité, le diagnos- 1. Existence de troubles hémodynamiques


tic étiologique d’une détresse respiratoire néonatale s’ef- Elle est appréciée sur :
fectuent de façon simultanée à la mise en route du traite- • la qualité de la perfusion périphérique mesurée par la
ment. Cette prise en charge s’effectue et (ou) se poursuit durée du temps de recoloration périphérique qui est anor-
au mieux en USIN, ce qui nécessite une chaîne de com- male au-delà de 3 secondes ;

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DÉTRESSE RESPIRATOIRE DU NOUVEAU-NÉ

TABLEAU I
Score de Silverman
Cotation 0 1 2

Balancement thoraco-abdominal Absent Thorax immobile Respiratoire paradoxale


Tirage Absent Intercostal discret Intercostal, sus- et sous-sternal
Entonnoir xiphoïdien Absent Modéré Intense
Battement des ailes du nez Absent Modéré Intense
Geignement expiratoire Absent Audible au stéthoscope Audible et continu

• la pression artérielle de l’enfant évaluée par un appareil 4. Mise en place des éléments de surveillance
automatisé avec un brassard de taille adaptée au périmètre Tous les paramètres cliniques et biologiques qui surveille-
brachial de l’enfant. Les valeurs normales de la tension ront l’évolution de l’enfant doivent être consignés par écrit
artérielle dépendent du poids et du terme gestationnel de et répétés :
l’enfant, et sont anormales si < - 2DS ;
• la fréquence du rythme cardiaque, fonction du terme • éléments cliniques de surveillance : fréquence de la
gestationnel. tachypnée et importance du score de Silverman, valeur de
la FiO2 nécessaire pour faire disparaître la cyanose, fré-
2. Existence de troubles quence cardiaque, tension artérielle, glycémie capillaire
de la fréquence respiratoire sur bandelette, température, volume de la diurèse ;
Une irrégularité du rythme respiratoire peut annoncer l’ap- • éléments biologiques de surveillance : ces paramètres
parition de pauses respiratoires (arrêt respiratoire de moins s’apprécient au moyen :
de 20 s) ou d’apnées (plus de 20 s). Ces troubles traduisent – de capteurs cutanés si l’hémodynamique périphérique de
un état d’épuisement de l’enfant, une souffrance cérébrale, l’enfant le permet : mesure de la pO2, de la pCO2, de la
ou le passage transplacentaire de produit anesthésique saturation en oxygène (SaO2) ;
maternel. Une assistance ventilatoire rapide et adaptée est – par des méthodes invasives : l’examen des gaz du sang
nécessaire pour prévenir les accès de bradycardie délétères s’effectue soit à partir d’un prélèvement de sang capillaire
sur la perfusion cérébrale. On peut être ainsi amené à inter- si l’état hémodynamique périphérique de l’enfant est cor-
venir sur des enfants peu malades avant la survenue de toute rect, soit à partir d’un cathétérisme artériel ombilical ou
détérioration. radial. Sont considérés comme critères de gravité : un pH
sanguin < 7,25, une pCO2 > 60 mmHg, une pO2 (prélève-
Traitement d’urgence ment artériel) < 50 mmHg avec FiO2 = 1, une SaO2 < 80 %
Le traitement d’urgence adapté à chaque enfant débute en avec FiO2 = 1 (voir : pour approfondir / 1).
même temps que l’examen clinique et comprend 10 étapes.
5. Arrêt de l’alimentation entérale
1. Conditions de l’examen clinique et mise en place d’une sonde gastrique
L’examen clinique se fait au mieux sur un enfant nu placé Cela a pour objectif de limiter le risque de fausse route, les
en incubateur, ce qui optimalise la surveillance et évite ou phénomènes de tension abdominale chez un enfant qui
prévient le refroidissement de l’enfant (température cen- bénéficiera peut-être d’une ventilation artificielle.
trale 36,5-37,5 °C).
2. Installation de l’enfant 6. Conduite de l’oxygénothérapie
L’enfant doit être installé en décubitus dorsal, tête droite
et de la ventilation assistée
dans l’alignement du tronc, au besoin à l’aide d’un petit L’oxygène peut être administré au moyen d’un masque,
support placé sous les épaules. Cela favorise le passage de d’une enceinte de Hood, d’une ventilation spontanée avec
la ventilation au niveau des voies aériennes supérieures. pression positive continue, d’une intubation trachéale en
vue d’une ventilation mécanique. L’oxygénothérapie est
3. Vérification de la perméabilité indiquée en cas de SaO2 < 88 % (PaO2 < 50 mmHg). La
de l’oro-rhino-pharynx et de l’œsophage ventilation assistée est indiquée devant un score de Silver-
Une aspiration douce et complète des sécrétions oropha- man > 6, une PaO2 < 45 mmHg sous FiO2 > 0,6. L’objec-
ryngées et stomachales est pratiquée avec une sonde d’as- tif est d’obtenir une SaO2 entre 92-95 % (PaO2 55-
piration de calibre adapté à la taille de l’enfant et à la qua- 80 mmHg). Dans tous les cas, la concentration d’oxygène
lité des sécrétions. Ce geste permet la libération des voies délivré et la SaO2 ou la PaO2 de l’enfant doivent être enre-
aériennes supérieures, prévient les fausses routes par régur- gistrées et consignées par écrit de façon répétée. L’examen
gitation, et vérifie l’absence d’atrésie des choanes et de l’œ- du fond d’œil sera nécessaire avant la sortie d’hospitalisa-
sophage. tion pour éliminer une fibroplastie rétrolentale.

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7. Mise en place d’une voie d’abord fiable épaisse, méconiale, difficile. La ventilation au masque en
Elle est soit périphérique soit ombilicale veineuse ou arté- salle de travail est proscrite et remplacée après intubation,
rielle suivant l’état de l’enfant. Cette voie d’abord permet par une aspiration trachéale complète, rapide et soigneuse
d’effectuer : suivie d’une ventilation à l’ambu. Le pronostic est lié au
• la correction de l’hypotension par perfusion de sérum degré de souffrance cérébrale (électroencéphalogramme)
physiologique de préférence aux autres solutés de rem- et à la qualité de l’aspiration bronchique initiale.
plissage d’indication discutée chez le nouveau-né, et par-
2. Moyens du diagnostic étiologique
fois d’amines vasoactives ;
• la prescription d’apports glucidiques et hydriques doit Une fois ces situations d’urgence éliminées, l’enquête étio-
être adaptée au poids, au terme de l’enfant ; logique débute simultanément aux premières mesures thé-
• la correction urgente d’une anémie : les recommanda- rapeutiques et sans les retarder ; elle repose sur l’étude du
tions de transfusion de globules rouges chez le nouveau-né dossier obstétrical et sur les examens complémentaires où
sont l’existence : d’un collapsus de nature hémorragique ; la radiographie pulmonaire tient une place prépondérante.
d’un taux d’hématocrite < 35 % si PPC O 6 cm ou FiO2 > • Dossier obstétrical ; sont à rechercher dans ce dossier :
35 % ; d’un taux d’hématocrite < 30 % si FiO2 > 30 %. – toute notion de pathologie maternelle ;
– la notion d’infection maternofœtale (rupture prolongée
Diagnostic étiologique des membranes, fièvre maternelle, couleur du liquide
amniotique, traitements antibiotiques administrés à la mère,
1. Certaines situations sont éliminées de les prélèvements bactériologiques réalisés chez la mère) ;
principe, au mieux en salle de travail – la notion de césarienne et son pourquoi ;
par un geste immédiat et simple – l’existence d’un traitement préventif de la maladie des
• Le diagnostic d’atrésie bilatérale des choanes est sus- membranes hyalines (corticoïdes maternels, nombre, type
pecté devant l’association d’une détresse respiratoire et de corticoïdes et heure d’injection par rapport à la naissance) ;
l’impossibilité au passage pharyngé bilatéral d’une sonde – la notion de médicaments anesthésiques ou morphiniques
d’aspiration. L’absence de formation de buée sur un miroir administrés à la mère.
placé devant les narines est un signe classique. Dans l’at- • Examens complémentaires :
tente du diagnostic de certitude (tableau II) une canule de – la radiographie pulmonaire : sa qualité, son plan d’inter-
Mayo de taille adaptée à l’enfant doit être mise en place. prétation doivent être rigoureux (cf. encadré) ;
• Le diagnostic d’atrésie de l’œsophage est suspecté sur – la recherche d’une infection materno-fœtale se fait par
l’impossibilité de descendre une sonde d’aspiration et l’ab- des examens biologiques (NFS, protéines inflammatoires
sence de bruit aérique au niveau de l’estomac lors de l’in- (protéine C-réactive), bactériologiques à l’enfant (prélè-
jection (test de la seringue). L’enfant est placé en position vement gastrique, hémoculture, ponction lombaire si néces-
assise avec une aspiration pharyngée permanente. Ces saire et réalisée sur un enfant stabilisé), et bactériologiques
gestes sont ici un véritable traitement préventif de la maternels (prélèvement placentaire, vaginal, hémoculture,
détresse respiratoire par fausse route. examen cytobactériologique urinaire demandés suivant la
• Le syndrome de Pierre-Robin est un syndrome malfor- clinique).
matif découvert à l’inspection sur l’association d’un micro-
et rétrognathisme, d’une insertion postérieure de la langue 3. Les causes et les moyens de leur diagnostic
et d’une fente palatine. L’enfant est placé sur le ventre, avec sont résumés dans le tableau III
une canule de Mayo. L’intubation trachéale, parfois néces- • Le syndrome de détresse respiratoire du prématuré ou
saire, est difficile. Le pronostic est lié à l’existence d’un maladie des membranes hyalines (MMH) : cette détresse
éventuel dysfonctionnement du tronc cérébral. respiratoire est liée à un déséquilibre du rapport produc-
• Le diagnostic de hernie diaphragmatique gauche dans tion/consommation de surfactant pulmonaire (voir : pour
sa forme majeure est porté devant une détresse respiratoire approfondir / 2). Le surfactant pulmonaire est une molé-
ou un état de mort apparente après les premiers mouve- cule lipidoprotéique complexe dont il existe plusieurs types,
ments respiratoires. La constatation d’un abdomen plat, la de performances tensio-actives inégales. La biosynthèse
déviation vers la droite des bruits du cœur interdisent la s’effectue dans le pneumocyte de type II, le système enzy-
ventilation au masque. L’intubation trachéale doit être matique de production est mature aux alentours de 34-35
immédiate pour permettre une ventilation à fréquence éle- semaines. Ce déséquilibre peut être dû à un déficit de pro-
vée et pression faible. La correction chirurgicale en milieu duction de surfactant lié à la prématurité, à l’hypoxie, à
spécialisé s’effectue sur un enfant dont l’équilibre hémo- l’acidose et à l’hypothermie. Ce déséquilibre peut être
dynamique et ventilatoire est stabilisé. Le pronostic est lié secondaire à une destruction/consommation accrue dans
au degré d’hypoplasie pulmonaire. les situations d’hypoxie, d’acidose ou d’hypothermie. Les
• Inhalation de liquide amniotique méconial : un état de alvéoles pulmonaires sont atélectasiés. Le sang veineux
souffrance fœtale est à l’origine d’émission du méconium pulmonaire n’est pas oxygéné dans ces alvéoles non fonc-
fœtal dans la cavité amniotique et de mouvements inspira- tionnels (shunt intrapulmonaire). La compliance pulmo-
toires in utero (gasps). Le diagnostic est facile sur la notion naire est diminuée, la capacité respiratoire fonctionnelle et
de souffrance fœtale avec score d’APGAR bas, liquide le volume courant sont diminués. Le travail musculaire res-
amniotique méconial, aspiration oropharyngée abondante, piratoire est augmenté.

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DÉTRESSE RESPIRATOIRE DU NOUVEAU-NÉ

TABLEAU II
Causes des détresses respiratoires
du nouveau-né
Diagnostic Clinique Radiographie pulmonaire Autres examens

Imperforation des choanes Impossibilité du passage Non contributive – Tomodensitométrie


d’une sonde nasopharyngée – Radiographie des choanes
avec instillation narinaire
de produit de contraste
Syndrome de Pierre-Robin Micrognathie, insertion postérieure Non contributive Examen ORL
de la langue, fente palatine,
amélioration de la détresse en
position ventrale
Obstacles laryngés Stridor Non contributive Examen ORL, fibroscopie
ou trachéaux
Maladie des membranes Prématurité, situations à risque – Hypoaération pulmonaire
hyalines (diabète maternel, gémellarité, – Bord pulmonaire raide
sexe masculin, anoxie périnatale) – Bronchogramme aérien plus ou
Le geignement est fréquent moins marqué (minime, modéré
ou sévère)
Inhalation de liquide Situations à risque = accouchement – Hyperaération pulmonaire
amniotique clair par césarienne – Bord pulmonaire souple
Aspiration oropharyngée productive, – Surcharge bronchique,
râles humides à l’ausculation interstitielle hilifuge, scissurite,
discrète ligne bordante pleurale
Défaut de résorption du Idem Idem
liquide pulmonaire fœtal
Inhalation de liquide Souffrance fœtale – Hyperaération pulmonaire
méconial Liquide amniotique méconial – Bord pulmonaire souple
– Surcharge bronchique, zones
pulmonaires emphysémateuses
et atélectasiées
– Épanchement gazeux fréquent
Infection pulmonaire Contexte d’infection maternelle – Comparable à inhalation de Bilan biologique mère
de transmission liquide clair et enfant
materno-fœtale – Alvéolite, aspect de membranes Bilan bactériologique mère
hyalines mais hyperaération et enfant
pulmonaire, bord pulmonaire
souple
Hernie diaphragmatique Abdomen plat, déviation des – Gauche : clartés sériques dans Diagnostic échographique
bruits du cœur l’hémothorax gauche, refoulement anténatal
médiastin vers la droite, coupole
non visible, modification de la
topographie des clartés digestives
– Droite : clarté digestive barrant
l’ombre hépatique
Atrésie de l’œsophage Vérification systématique de la – Sonde œsophagienne enroulée Diagnostic échographique
perméabilité œsophagienne en dans le cul-de-sac anténatal possible
salle de travail – Aération digestive présente en cas Échographie cardiaque
Sinon salivation anormale de fistule trachéobronchique conseillée avant chirurgie
(impossibilité de déglutition), inférieure
fausses routes – Possibles signes d’inhalation
bronchique de salive ou liquide
digestif si fistule
Malformation – Clartés kystiques au sein de Diagnostic échographique
adénomateuse kystique condensations pulmonaires anténatal possible
congénitale – Normalité des coupoles Scanner thoracique
et des clartés digestives

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TABLEAU II (suite)
Causes des détresses respiratoires
du nouveau-né
Diagnostic Clinique Radiographie pulmonaire Autres examens

Lymphangiectasies – Lymphangiome cutané possible – Aspect réticulo-nodulaire diffus – Scanner thoracique


pulmonaires – Cardiopathie associée des champs pulmonaires – Ponction cytologie
– Syndrome de Noonan – Épanchement liquidien associé – Échographie cardiaque
(chylothorax)
Agénésie ou hypoplasie – Oligoamnios – Thorax hypoplasique Échographie rénale
pulmonaire – Syndrome oligo-amniotique systématique
– Syndrome de Potter – Épanchement gazeux associé
Pneumomédiastin Emphysème sous-cutané dans les – Aspect décollé du thymus (voile Idem
antérieur épanchements majeurs de bateau)
– Hyperclarté médiastinale
Pneumothorax Asymétrie et bombement Hyperclarté du champ pulmonaire Idem
hémothorax Rétraction plus ou moins
Transillumination positive importante du poumon
Pathologie pulmonaire sous-jacente
Paralysie phrénique Accouchement difficile, Coupole diaphragmatique Classiquement scopie
fracture obstétricale, paralysie anormalement haute
plexus brachial
Cardiopathie congénitale Cyanose résistante à Hypervascularisation pulmonaire Diagnostic échographique
cyanogène : l’oxygénothérapie de type artériel anténatal possible
transposition des gros Souffle cardiaque Échographie cardiaque
vaisseaux
Cardiopathie congénitale Idem Poumons hyperclairs Idem
cyanogène : obstacle sur
la voie droite
Cardiopathie congénitale Hépatomégalie Hypervascularisation pulmonaire Idem
asystolique : hypoplasie Souffle cardiaque de type artériel
du cœur gauche
Cardiopathie congénitale Souffle cardiaque Hypervascularisation pulmonaire Idem
asystolique : coarctation Asymétrie PA membres supérieurs de type veineux
de l’aorte et inférieurs
Pouls fémoraux diminués
Médicamenteuse Efficacité de la naloxone sur les Non contributive
produits morphiniques
Génétique (Werdnig- Thorax en cloche
Hoffman, Steinert…) Arc costal postérieur fin
Souffrance fœtale Circonstances de la naissance Peu contributive (inhalation
méconiale associée ?)

Le diagnostic qui repose sur l’aspect radiologique est le tif, posologie et nombre de doses) font encore l’objet de
plus souvent facile (tableau II). Le diagnostic est parfois discussions ou de protocoles thérapeutiques. Leur bénéfice
plus difficile : premières radiographiques pulmonaires sub- sur la mortalité et la durée de la ventilation est prouvé, leur
normales et dégradation secondaire de l’état clinique et bénéfice sur la morbidité notamment neurologique est en
radiologique. cours d’évaluation (voir : pour approfondir / 3, 4, 5, 6).
La distension alvéolaire continue (DAC) par pression posi- • La détresse respiratoire transitoire est due à un défaut
tive, l’instillation de surfactant exogène naturel ou artifi- de résorption du liquide pulmonaire fœtal. Sa sémiologie,
ciel sont actuellement les traitements nécessaires à cette ses signes radiologiques et son évolution favorable en
affection. Les surfactants exogènes et les techniques d’os- quelques heures ou jours sont très comparables à ce que
cillation à haute fréquence restituent un volume d’échange l’on observe dans les inhalations de liquide amniotique
gazeux ou niveau de l’alvéole (recrutement alvéolaire). Les clair. La distinction des deux mécanismes est souvent dif-
modalités optimales d’administration de la DAC (nasale ficile et en pratique de peu d’intérêt. Le terme de wet lung
ou sur tube trachéal) ou du surfactant (préventif ou cura- (poumon mouillé) qui est souvent réservé au seul défaut

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DÉTRESSE RESPIRATOIRE DU NOUVEAU-NÉ

Plan d’interprétation d’une radiographie pulmonaire


chez le nouveau-né
1. Quelle est l’indication de la radiographie
pulmonaire (détresse respiratoire, cardiopathie,
contrôle de sondes, cathéters…) ?
2. Vérification avant interprétation : des nom et
prénom du bébé et du cliché (attention aux
jumeaux), de la date et de l’heure du cliché (atten-
tion aux clichés répétés), de la qualité du cliché :
pénétration, centrage (frontal et céphalo-caudal),
absence d’artéfacts.
3. Analyse du squelette : clavicule, côtes, ver-
tèbres.
4. Analyse du médiastin :
– le thymus : normal, lobe gauche et signe de la 2
vague (fig. 1), lobe droit très arrondi et saillant ; Hypoaération pulmonaire (coupole
– le cœur : difficile à différencier du thymus, l’in- au 6e arc costal), détresse neurologique.
dex cardiothoracique (ICT) dépend de l’âge du
bébé : < 24 h, ICT < 0,6 et si > 24 h, ICT < 0,5.
5. Analyse du poumon
Le poumon est-il hypo- ou hyperaéré ? La ventila- 1
Lobe thymique gauche
tion pulmonaire s’apprécie par la position de la (signe de la vague).
coupole diaphragmatique droite par rapport aux
arcs costaux postérieurs.
Normalement :
– si enfant non intubé, non ventilé, sans PPC, en
regard du 8e arc costal postérieur ;
– si enfant ventilé : au moins 8e arc costal posté-
rieur.
Hypoaération : coupole diaphragmatique droite
au-dessus du 8e arc costal (7e si enfant non ventilé)
(fig. 2).
Hyperaération : coupole diaphragmatique droite
en dessous du 9-10e arc costal postérieur (fig. 3a).
• Le poumon est-il souple (compliant) ? le bord
pulmonaire est-il raide et droit (fig. 4) ? ou souple
et convexe (fig. 5).
• Le parenchyme pulmonaire : existe-t-il un col-
lapsus alvéolaire (bronchogramme aérien fig. 6),
ou des images de résorption du liquide pulmonaire
(fig. 3a et 3b) ?
3a 3b
Hyperaération pulmonaire (coupole au 10 arc costal), signes de réception du
e

liquide pulmonaire fœtal (scissurite et épanchement pleural) : détresse respira-


toire transitoire.

6
Bronchogramme aérien, collapsus
4 alvéolaire de maladie des membranes
Bord pulmonaire raide : 5
maladie des membranes hya- Bord pulmonaire souple : alvéolite à hyalines (cathéter ombilical mal position-
lines. streptocoque B. né).

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de résorption du liquide pulmonaire fœtal, tend parfois à


regrouper ces deux mécanismes. POUR APPROFONDIR
Le diagnostic de détresse respiratoire transitoire repose sur
l’aspect radiologique et l’évolution rapidement favorable.
C’est donc un diagnostic retenu après exclusion des autres 1 / Interprétation de la mesure
causes. Il est des formes particulièrement sévères de ces des gaz du sang chez un nouveau-né
poumons mouillés qui, traitées avec retard, peuvent se com- • Les valeurs normales de la gazométrie d’un nouveau-né ne sont pas
pliquer d’une hypertension artérielle pulmonaire : cette celles d’un adulte.
affection n’est pas synonyme de bénignité. • Elles doivent être interprétées en fonction du lieu de prélèvement (capil-
laire ou artériel), du terme et du poids de l’enfant, de sa pathologie et de
• L’infection pulmonaire de transition materno-fœtale : l’objectif de ventilation assistée que l’on s’est fixé. Plus qu’une détermi-
cette éventualité est systématiquement évoquée en raison nation unique, c’est l’évolution des mesures répétées qui est intéressante.
de sa fréquence (environ 1 % des naissances). Le diagnos- • D’une façon générale, l’objectif thérapeutique est d’obtenir des valeurs
tic est parfois facile sur la notion d’infection maternelle, de :
l’existence de signes cliniques d’infection chez l’enfant, la – PaO2 artérielle entre 55-80 mmHg ;
– PaCO2 artérielle entre 40-50 mmHg ;
positivité des protéines inflammatoires, la positivité de pré- – pH artériel entre 7,3-7,4.
lèvements bactériologiques de l’enfant et de la mère.
Aucune image radiologique pulmonaire n’est spécifique
d’une infection. Le diagnostic ne peut parfois qu’être sus-
pecté : détresse respiratoire sans preuve bactériologique.
L’antibiothérapie couvrant les trois germes les plus fré- 2 / Prévention de la maladie
quemment en cause (streptocoque B, E. coli, Listeria mono- des membranes hyalines
cytogenes) est facilement discutée chez tout nouveau-né par corticothérapie anténatale
atteint de détresse respiratoire.
Les corticoïdes utilisés : bêtaméthasone 12 mg, 2 injections à 24 h d’in-
• Évolution prolongée de certaines détresses respira- tervalle ou dexaméthasone 6 mg, 4 injections à 12 h d’intervalle. L’effi-
toires : il arrive qu’une ventilation assistée se prolonge ou cacité de la corticothérapie anténatale est prouvée : diminution de la fré-
qu’un enfant non oxygéno-dépendant le devienne au bout quence de la maladie des membranes hyalines, de la mortalité néonatale,
de quelques jours. Il faut évoquer dans ce cas : du taux d’hémorragie intracrânienne pour les fœtus de 30 à 34 semaines.
• la persistance ou la réouverture du canal artériel : il se
produit un shunt gauche-droite par un canal artériel qui
demeure anormalement perméable dans des situations de
grande prématurité, maladie des membranes hyalines,
excès d’apport hydrique. Le diagnostic est clinique (souffle 3 / Surfactants exogènes (SE)
sous-claviculaire gauche irradiant dans le dos, pouls bon- • Les essais thérapeutiques publiés dans la littérature internationale ont
dissant, pression artérielle élevée) et échographique. Le prouvé sans ambiguïté l’intérêt de ce traitement dans l’amélioration du
taux de mortalité lié à la maladie des membranes hyalines.
traitement des formes sévères est médicamenteux (indo- • Les deux types de surfactants exogènes : naturel (d’origine porcine ou
métacine) ou chirurgical ; bovine) ou synthétique. L’avantage est au surfactant d’origine naturelle
• une surinfection bronchopulmonaire liée aux techniques en terme de rapidité d’efficacité sur les constantes de ventilation et de
de ventilation ou à une fausse route par reflux-gastro-œso- taux de pneumothorax. Par contre la supériorité de l’un par rapport à
phagien ; l’autre n’est pas démontrée en terme de mortalité ou d’incidence de dys-
plasie bronchopulmonaire.
• une dysplasie bronchopulmonaire : cet état peut se défi- • Le moment d’utilisation : préventif en salle de travail, curatif et précoce.
nir comme une oxygéno-dépendance au 28e jour de vie, L’avantage serait au traitement prophylactique en terme de mortalité et
associée à des signes radiologiques d’emphysème et d’até- d’incidence de la bronchodysplasie. Le bénéfice de l’une ou l’autre
lectasies. Une corticothérapie préventive de cet état peut méthode en terme de morbidité neurologique est en cours d’évaluation.
• Le nombre de doses optimal est de deux.
être proposée dans certaines situations. ■
• Les modalités de l’instillation trachéale des surfactants exogènes natu-
rels et synthétiques sont différentes.
• Le devenir neurologique à long terme : l’utilisation des surfactants exo-
gènes est à l’origine d’une diminution de la mortalité des prématurés sans
Points Forts à retenir augmentation apparente du taux d’infirmité motrice d’origine cérébrale
chez les survivants.

• Le diagnostic positif de détresse respiratoire


du nouveau-né est clinique. Le traitement
d’urgence adapté à chaque enfant débute
en même temps que l’examen clinique. Sur le plan 4 / Ventilation spontanée
étiologique certaines situations sont éliminées de en pression positive continue
principe au mieux en salle de travail par un geste Elle a pour objectif de diminuer le barotraumatisme de la ventilation assis-
immédiat et simple. tée. La distension alvéolaire continue est assurée grâce à une pièce nasale
étranche. Elle est indiquée dans le traitement des apnées du prématuré et
• Le pronostic reste lié à la prévention. dans le sevrage d’une ventilation trachéale. Elle tend à être proposée pré-
cocement dans le traitement de la maladie des membranes hyalines après
instillation trachéale de surfactant puis ablation de la sonde d’intubation.

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DÉTRESSE RESPIRATOIRE DU NOUVEAU-NÉ

5 / Techniques de ventilation de la circulation droite vers la circulation gauche par le canal artériel
ou le foramen ovale (shunt extrapulmonaire). Cette HTAPP pérennise
à haute fréquence (10-15 Hz/min) les difficultés d’échanges gazeux au niveau alvéolaire ; dans sa forme
Elles ont pour objectif de diminuer le barotraumatisme de la ventilation majeure, elle est appelée hypoxémie réfractaire : tout effort d’oxygé-
conventionnelle. L’intérêt expérimental est prouvé. L’intérêt clinique de nation de l’enfant est vain si l’on ne propose pas un traitement vasodi-
ces techniques en terme de réduction de la dysplasie bronchopulmonaire latateur pulmonaire. Le monoxyde d’azote inhalé (NO) prescrit à des
et du taux de morbidité neurologique est en cours d’évaluation. concentrations monitorées est actuellement le vasodilatateur utilisé dans
cette situation et dans le cadre de protocoles thérapeutiques. Le NO tend
à supplanter les vasodilatateurs systémiques et pulmonaires (tolazoline)
et limite considérablement les indications des techniques d’oxygéna-
tion extracorporelle.
6 / Syndrome d’hypertension artérielle
pulmonaire persistante (HTAPP) La prévention de ce syndrome est en partie possible par : 1) la stimula-
tion de la synthèse du surfactant fœtal avant 34 semaines de gestation par
Toute détresse respiratoire pulmonaire néonatale peut se compliquer de la corticothérapie maternelle et 2) la prévention de la destruction du sur-
ce syndrome. L’hypoxie et l’acidose provoquent une vasoconstriction factant par une prise en charge précoce et adaptée de toute détresse res-
des artérioles pulmonaires du nouveau-né, le sang non oxygéné passe piratoire débutante.

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