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B 253
Détresse respiratoire
du nouveau-né
Diagnostic, traitement d’urgence
Dr Antoine BURGUET, Dr Jean-Yves PAUCHARD
Réanimation infantile polyvalente et prématurés, CHU, hôpital Saint-Jacques, 25030 Besançon cedex
TABLEAU I
Score de Silverman
Cotation 0 1 2
• la pression artérielle de l’enfant évaluée par un appareil 4. Mise en place des éléments de surveillance
automatisé avec un brassard de taille adaptée au périmètre Tous les paramètres cliniques et biologiques qui surveille-
brachial de l’enfant. Les valeurs normales de la tension ront l’évolution de l’enfant doivent être consignés par écrit
artérielle dépendent du poids et du terme gestationnel de et répétés :
l’enfant, et sont anormales si < - 2DS ;
• la fréquence du rythme cardiaque, fonction du terme • éléments cliniques de surveillance : fréquence de la
gestationnel. tachypnée et importance du score de Silverman, valeur de
la FiO2 nécessaire pour faire disparaître la cyanose, fré-
2. Existence de troubles quence cardiaque, tension artérielle, glycémie capillaire
de la fréquence respiratoire sur bandelette, température, volume de la diurèse ;
Une irrégularité du rythme respiratoire peut annoncer l’ap- • éléments biologiques de surveillance : ces paramètres
parition de pauses respiratoires (arrêt respiratoire de moins s’apprécient au moyen :
de 20 s) ou d’apnées (plus de 20 s). Ces troubles traduisent – de capteurs cutanés si l’hémodynamique périphérique de
un état d’épuisement de l’enfant, une souffrance cérébrale, l’enfant le permet : mesure de la pO2, de la pCO2, de la
ou le passage transplacentaire de produit anesthésique saturation en oxygène (SaO2) ;
maternel. Une assistance ventilatoire rapide et adaptée est – par des méthodes invasives : l’examen des gaz du sang
nécessaire pour prévenir les accès de bradycardie délétères s’effectue soit à partir d’un prélèvement de sang capillaire
sur la perfusion cérébrale. On peut être ainsi amené à inter- si l’état hémodynamique périphérique de l’enfant est cor-
venir sur des enfants peu malades avant la survenue de toute rect, soit à partir d’un cathétérisme artériel ombilical ou
détérioration. radial. Sont considérés comme critères de gravité : un pH
sanguin < 7,25, une pCO2 > 60 mmHg, une pO2 (prélève-
Traitement d’urgence ment artériel) < 50 mmHg avec FiO2 = 1, une SaO2 < 80 %
Le traitement d’urgence adapté à chaque enfant débute en avec FiO2 = 1 (voir : pour approfondir / 1).
même temps que l’examen clinique et comprend 10 étapes.
5. Arrêt de l’alimentation entérale
1. Conditions de l’examen clinique et mise en place d’une sonde gastrique
L’examen clinique se fait au mieux sur un enfant nu placé Cela a pour objectif de limiter le risque de fausse route, les
en incubateur, ce qui optimalise la surveillance et évite ou phénomènes de tension abdominale chez un enfant qui
prévient le refroidissement de l’enfant (température cen- bénéficiera peut-être d’une ventilation artificielle.
trale 36,5-37,5 °C).
2. Installation de l’enfant 6. Conduite de l’oxygénothérapie
L’enfant doit être installé en décubitus dorsal, tête droite
et de la ventilation assistée
dans l’alignement du tronc, au besoin à l’aide d’un petit L’oxygène peut être administré au moyen d’un masque,
support placé sous les épaules. Cela favorise le passage de d’une enceinte de Hood, d’une ventilation spontanée avec
la ventilation au niveau des voies aériennes supérieures. pression positive continue, d’une intubation trachéale en
vue d’une ventilation mécanique. L’oxygénothérapie est
3. Vérification de la perméabilité indiquée en cas de SaO2 < 88 % (PaO2 < 50 mmHg). La
de l’oro-rhino-pharynx et de l’œsophage ventilation assistée est indiquée devant un score de Silver-
Une aspiration douce et complète des sécrétions oropha- man > 6, une PaO2 < 45 mmHg sous FiO2 > 0,6. L’objec-
ryngées et stomachales est pratiquée avec une sonde d’as- tif est d’obtenir une SaO2 entre 92-95 % (PaO2 55-
piration de calibre adapté à la taille de l’enfant et à la qua- 80 mmHg). Dans tous les cas, la concentration d’oxygène
lité des sécrétions. Ce geste permet la libération des voies délivré et la SaO2 ou la PaO2 de l’enfant doivent être enre-
aériennes supérieures, prévient les fausses routes par régur- gistrées et consignées par écrit de façon répétée. L’examen
gitation, et vérifie l’absence d’atrésie des choanes et de l’œ- du fond d’œil sera nécessaire avant la sortie d’hospitalisa-
sophage. tion pour éliminer une fibroplastie rétrolentale.
7. Mise en place d’une voie d’abord fiable épaisse, méconiale, difficile. La ventilation au masque en
Elle est soit périphérique soit ombilicale veineuse ou arté- salle de travail est proscrite et remplacée après intubation,
rielle suivant l’état de l’enfant. Cette voie d’abord permet par une aspiration trachéale complète, rapide et soigneuse
d’effectuer : suivie d’une ventilation à l’ambu. Le pronostic est lié au
• la correction de l’hypotension par perfusion de sérum degré de souffrance cérébrale (électroencéphalogramme)
physiologique de préférence aux autres solutés de rem- et à la qualité de l’aspiration bronchique initiale.
plissage d’indication discutée chez le nouveau-né, et par-
2. Moyens du diagnostic étiologique
fois d’amines vasoactives ;
• la prescription d’apports glucidiques et hydriques doit Une fois ces situations d’urgence éliminées, l’enquête étio-
être adaptée au poids, au terme de l’enfant ; logique débute simultanément aux premières mesures thé-
• la correction urgente d’une anémie : les recommanda- rapeutiques et sans les retarder ; elle repose sur l’étude du
tions de transfusion de globules rouges chez le nouveau-né dossier obstétrical et sur les examens complémentaires où
sont l’existence : d’un collapsus de nature hémorragique ; la radiographie pulmonaire tient une place prépondérante.
d’un taux d’hématocrite < 35 % si PPC O 6 cm ou FiO2 > • Dossier obstétrical ; sont à rechercher dans ce dossier :
35 % ; d’un taux d’hématocrite < 30 % si FiO2 > 30 %. – toute notion de pathologie maternelle ;
– la notion d’infection maternofœtale (rupture prolongée
Diagnostic étiologique des membranes, fièvre maternelle, couleur du liquide
amniotique, traitements antibiotiques administrés à la mère,
1. Certaines situations sont éliminées de les prélèvements bactériologiques réalisés chez la mère) ;
principe, au mieux en salle de travail – la notion de césarienne et son pourquoi ;
par un geste immédiat et simple – l’existence d’un traitement préventif de la maladie des
• Le diagnostic d’atrésie bilatérale des choanes est sus- membranes hyalines (corticoïdes maternels, nombre, type
pecté devant l’association d’une détresse respiratoire et de corticoïdes et heure d’injection par rapport à la naissance) ;
l’impossibilité au passage pharyngé bilatéral d’une sonde – la notion de médicaments anesthésiques ou morphiniques
d’aspiration. L’absence de formation de buée sur un miroir administrés à la mère.
placé devant les narines est un signe classique. Dans l’at- • Examens complémentaires :
tente du diagnostic de certitude (tableau II) une canule de – la radiographie pulmonaire : sa qualité, son plan d’inter-
Mayo de taille adaptée à l’enfant doit être mise en place. prétation doivent être rigoureux (cf. encadré) ;
• Le diagnostic d’atrésie de l’œsophage est suspecté sur – la recherche d’une infection materno-fœtale se fait par
l’impossibilité de descendre une sonde d’aspiration et l’ab- des examens biologiques (NFS, protéines inflammatoires
sence de bruit aérique au niveau de l’estomac lors de l’in- (protéine C-réactive), bactériologiques à l’enfant (prélè-
jection (test de la seringue). L’enfant est placé en position vement gastrique, hémoculture, ponction lombaire si néces-
assise avec une aspiration pharyngée permanente. Ces saire et réalisée sur un enfant stabilisé), et bactériologiques
gestes sont ici un véritable traitement préventif de la maternels (prélèvement placentaire, vaginal, hémoculture,
détresse respiratoire par fausse route. examen cytobactériologique urinaire demandés suivant la
• Le syndrome de Pierre-Robin est un syndrome malfor- clinique).
matif découvert à l’inspection sur l’association d’un micro-
et rétrognathisme, d’une insertion postérieure de la langue 3. Les causes et les moyens de leur diagnostic
et d’une fente palatine. L’enfant est placé sur le ventre, avec sont résumés dans le tableau III
une canule de Mayo. L’intubation trachéale, parfois néces- • Le syndrome de détresse respiratoire du prématuré ou
saire, est difficile. Le pronostic est lié à l’existence d’un maladie des membranes hyalines (MMH) : cette détresse
éventuel dysfonctionnement du tronc cérébral. respiratoire est liée à un déséquilibre du rapport produc-
• Le diagnostic de hernie diaphragmatique gauche dans tion/consommation de surfactant pulmonaire (voir : pour
sa forme majeure est porté devant une détresse respiratoire approfondir / 2). Le surfactant pulmonaire est une molé-
ou un état de mort apparente après les premiers mouve- cule lipidoprotéique complexe dont il existe plusieurs types,
ments respiratoires. La constatation d’un abdomen plat, la de performances tensio-actives inégales. La biosynthèse
déviation vers la droite des bruits du cœur interdisent la s’effectue dans le pneumocyte de type II, le système enzy-
ventilation au masque. L’intubation trachéale doit être matique de production est mature aux alentours de 34-35
immédiate pour permettre une ventilation à fréquence éle- semaines. Ce déséquilibre peut être dû à un déficit de pro-
vée et pression faible. La correction chirurgicale en milieu duction de surfactant lié à la prématurité, à l’hypoxie, à
spécialisé s’effectue sur un enfant dont l’équilibre hémo- l’acidose et à l’hypothermie. Ce déséquilibre peut être
dynamique et ventilatoire est stabilisé. Le pronostic est lié secondaire à une destruction/consommation accrue dans
au degré d’hypoplasie pulmonaire. les situations d’hypoxie, d’acidose ou d’hypothermie. Les
• Inhalation de liquide amniotique méconial : un état de alvéoles pulmonaires sont atélectasiés. Le sang veineux
souffrance fœtale est à l’origine d’émission du méconium pulmonaire n’est pas oxygéné dans ces alvéoles non fonc-
fœtal dans la cavité amniotique et de mouvements inspira- tionnels (shunt intrapulmonaire). La compliance pulmo-
toires in utero (gasps). Le diagnostic est facile sur la notion naire est diminuée, la capacité respiratoire fonctionnelle et
de souffrance fœtale avec score d’APGAR bas, liquide le volume courant sont diminués. Le travail musculaire res-
amniotique méconial, aspiration oropharyngée abondante, piratoire est augmenté.
TABLEAU II
Causes des détresses respiratoires
du nouveau-né
Diagnostic Clinique Radiographie pulmonaire Autres examens
TABLEAU II (suite)
Causes des détresses respiratoires
du nouveau-né
Diagnostic Clinique Radiographie pulmonaire Autres examens
Le diagnostic qui repose sur l’aspect radiologique est le tif, posologie et nombre de doses) font encore l’objet de
plus souvent facile (tableau II). Le diagnostic est parfois discussions ou de protocoles thérapeutiques. Leur bénéfice
plus difficile : premières radiographiques pulmonaires sub- sur la mortalité et la durée de la ventilation est prouvé, leur
normales et dégradation secondaire de l’état clinique et bénéfice sur la morbidité notamment neurologique est en
radiologique. cours d’évaluation (voir : pour approfondir / 3, 4, 5, 6).
La distension alvéolaire continue (DAC) par pression posi- • La détresse respiratoire transitoire est due à un défaut
tive, l’instillation de surfactant exogène naturel ou artifi- de résorption du liquide pulmonaire fœtal. Sa sémiologie,
ciel sont actuellement les traitements nécessaires à cette ses signes radiologiques et son évolution favorable en
affection. Les surfactants exogènes et les techniques d’os- quelques heures ou jours sont très comparables à ce que
cillation à haute fréquence restituent un volume d’échange l’on observe dans les inhalations de liquide amniotique
gazeux ou niveau de l’alvéole (recrutement alvéolaire). Les clair. La distinction des deux mécanismes est souvent dif-
modalités optimales d’administration de la DAC (nasale ficile et en pratique de peu d’intérêt. Le terme de wet lung
ou sur tube trachéal) ou du surfactant (préventif ou cura- (poumon mouillé) qui est souvent réservé au seul défaut
6
Bronchogramme aérien, collapsus
4 alvéolaire de maladie des membranes
Bord pulmonaire raide : 5
maladie des membranes hya- Bord pulmonaire souple : alvéolite à hyalines (cathéter ombilical mal position-
lines. streptocoque B. né).
5 / Techniques de ventilation de la circulation droite vers la circulation gauche par le canal artériel
ou le foramen ovale (shunt extrapulmonaire). Cette HTAPP pérennise
à haute fréquence (10-15 Hz/min) les difficultés d’échanges gazeux au niveau alvéolaire ; dans sa forme
Elles ont pour objectif de diminuer le barotraumatisme de la ventilation majeure, elle est appelée hypoxémie réfractaire : tout effort d’oxygé-
conventionnelle. L’intérêt expérimental est prouvé. L’intérêt clinique de nation de l’enfant est vain si l’on ne propose pas un traitement vasodi-
ces techniques en terme de réduction de la dysplasie bronchopulmonaire latateur pulmonaire. Le monoxyde d’azote inhalé (NO) prescrit à des
et du taux de morbidité neurologique est en cours d’évaluation. concentrations monitorées est actuellement le vasodilatateur utilisé dans
cette situation et dans le cadre de protocoles thérapeutiques. Le NO tend
à supplanter les vasodilatateurs systémiques et pulmonaires (tolazoline)
et limite considérablement les indications des techniques d’oxygéna-
tion extracorporelle.
6 / Syndrome d’hypertension artérielle
pulmonaire persistante (HTAPP) La prévention de ce syndrome est en partie possible par : 1) la stimula-
tion de la synthèse du surfactant fœtal avant 34 semaines de gestation par
Toute détresse respiratoire pulmonaire néonatale peut se compliquer de la corticothérapie maternelle et 2) la prévention de la destruction du sur-
ce syndrome. L’hypoxie et l’acidose provoquent une vasoconstriction factant par une prise en charge précoce et adaptée de toute détresse res-
des artérioles pulmonaires du nouveau-né, le sang non oxygéné passe piratoire débutante.