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La Revue de médecine interne 31 (2010) 838–845

Mise au point

Les fièvres prolongées : problématique chez l’adulte jeune


Prolonged fever: Specific issues in the young adult population
T. Carmoi a,∗ , G. Grateau b , M. Billhot a , G. Dumas a , L. Biale a , G. Perrot a , J.-P. Algayres a
a
Clinique médicale, hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, 75005 Paris, France
b
Médecine interne, hôpital Tenon, 75020 Paris, France

i n f o a r t i c l e r é s u m é

Mots clés : Les premiers travaux sur les fièvres prolongées ont été publiés dans les années 1960. Cinquante ans plus
Fièvre prolongée tard, les fièvres prolongées restent un défi diagnostique pour les spécialistes de médecine interne. Dans
Adulte jeune la population générale, le spectre étiologique des fièvres prolongées a peu varié mais la répartition des
Stratégie
causes s’est modifiée. On observe, tous âges confondus, une diminution régulière des causes infectieuses
et néoplasiques. Les causes inflammatoires et les fièvres sans diagnostic, qui représentent 30 à 50 % des cas,
semblent stables au fil du temps. Chez l’adulte jeune comme chez les patients plus âgés, les étiologies des
fièvres prolongées se répartissent en quatre groupes : maladies infectieuses, inflammatoires, néoplasies
et autres étiologies (dont les fièvres dues aux médicaments). Chez l’adulte jeune, leur prise en charge
comporte cependant des spécificités qui justifient une revue générale, fruit des données de la littérature
et de notre expérience personnelle. Le pronostic des patients pour lesquels aucune cause n’est retenue est
habituellement bon, car il est exceptionnel qu’une étiologie pouvant mettre en jeu le pronostic vital ou
fonctionnel soit secondairement diagnostiquée si la prise en charge initiale a été complète et rigoureuse.
© 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS.
Tous droits réservés.

a b s t r a c t

Keywords: Early studies on prolonged fever date back to the 1960s. Fifty years later, prolonged unexplained fever
Unexplained prolonged fever remains a diagnostic challenge to the general internists. Although the aetiologies of prolonged fevers
Young adult have not changed much in the general population, the distribution between the various causes is not the
Strategy same anymore. A regular decrease in infectious and neoplastic causes is noticed whatever the age. Pro-
longed fevers related to inflammatory disorders and fevers that remain of unknown origin still represent
approximately 30 to 50% of the cases. In the young adult population, as in the older patients, prolonged
fevers can be attributed to four groups: infection, inflammation, neoplasic and other aetiologies (inclu-
ding drug-related fevers). In the young adult population, the management of prolonged fever presents
some specific issues that are the purpose of this review coupled with our own experience. The progno-
sis of undiagnosed prolonged fever is usually favourable, as a life-threatening aetiology is exceptionally
diagnosed during the follow-up if the initial management was complete and accurate.
© 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS.
All rights reserved.

1. Introduction permet, par exemple, d’évoquer le diagnostic dans 15 % des cas. Il


convient de garder à l’esprit que la plupart des patients présentant
Les fièvres prolongées (FP) restent un défi diagnostique pour les une FP ne sont pas atteints d’une maladie rare, mais d’une maladie
spécialistes de médecine interne. Plus de 200 causes peuvent être courante d’expression inhabituelle [1] et que 30 % des FP restent
incriminées et il convient donc d’aborder la démarche diagnostique inexpliquées.
de manière raisonnée afin d’élaborer au mieux la prescription des À plusieurs reprises, notre expérience personnelle nous a
examens complémentaires : un interrogatoire complet et orienté convaincus que la démarche du diagnostic des FP présente chez
l’adulte jeune certains aspects spécifiques : certaines maladies
infectieuses sont plus fréquentes, les maladies inflammatoires sont
∗ Auteur correspondant. différentes de celles des patients plus âgés, les cancers sont plus
Adresse e-mail : t.carmoi@wanadoo.fr (T. Carmoi). rarement en causes mais il faut savoir évoquer certaines tumeurs

0248-8663/$ – see front matter © 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2009.10.437
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rares et de diagnostic difficile ; les syndromes auto-inflammatoires À ces réserves près, la mesure de la température par voie tym-
sont enfin des affections peu fréquentes dont le diagnostic est sou- panique est fiable et reproductible. Elle sera effectuée le matin
vent évoqué chez l’adulte jeune et dont il est important de bien au repos et, à défaut, à distance des repas ou d’un effort phy-
connaître le tableau clinique et les arguments du diagnostic. sique, même minime, au décours duquel la température augmente
physiologiquement. L’allure de la courbe thermique (hectique,
rémittente, en plateau. . .) n’apporte pas d’orientation réellement
2. Définitions pertinente. Les fièvres récurrentes, épisodiques ou « périodiques »,
définies par la survenue d’au moins deux épisodes de fièvre entre-
2.1. Adulte jeune coupés d’une période d’apyrexie d’une durée supérieure à deux
semaines avec rémission apparente de la maladie sous-jacente [4]
Par définition, il s’agit d’un adulte de plus de 15 ans, limite supé- correspondent cependant à un cadre particulier sur lequel nous
rieure d’âge de l’enfance. Certaines maladies provoquant des FP reviendrons.
de l’adulte jeune (FPAJ), comme la maladie de Still (dans 15 % des Ce travail ne traitera pas des FPI nosocomiales ou liées à une
cas environ), ont parfois débuté dans l’enfance, mais le diagnostic immunodépression (d’origine infectieuse ou thérapeutique) ou
n’a pas toujours été porté, confondu avec des épisodes infectieux encore secondaires à une neutropénie. Les étiologies sont alors dif-
banals dans cette tranche d’âge. L’âge maximal définissant l’adulte férentes avec une plus forte proportion de fièvres infectieuses ou
jeune n’est pas consensuel et, de façon arbitraire, nous l’avons fixé médicamenteuses, mais surtout impose de discuter de la nécessité,
à 40 ans, par analogie avec ce qui est retenu pour de nombreuses dans ce contexte particulier, d’introduire rapidement un traitement
autres questions diagnostiques chez l’adulte jeune (épigastralgies, (antibiothérapie large spectre, antiviraux, antifungiques).
pertes de connaissance . . .).

3. Une démarche basée sur la clinique


2.2. Fièvre
Chez l’adulte jeune comme dans la population générale, la
La définition habituelle de la fièvre est une température supé- démarche doit être personnalisée et adaptée au tableau clinique
rieure à 38,3 ◦ C. Le caractère prolongé de la fièvre est classiquement dégageant ainsi deux situations.
déterminé dans la littérature par une durée de plus de trois
semaines. L’absence de cause identifiée après une hospitalisation 3.1. Il existe une orientation clinique
de plus de sept jours comportant des explorations paracliniques
adaptées définit la FP inexpliquée (FPI), fever of unknow origin Il peut s’agir de voyages à l’étranger, d’un comportement sexuel
(FUO) des auteurs anglo-saxons. La liste des explorations réalisée à risque, de consommation de drogues par voie intraveineuse, ou
est différente selon les époques et les auteurs [1,2]. La durée de de prise de médicaments (en particulier, en automédication). Il faut
l’hospitalisation (une semaine ou trois jours) est discutée par cer- insister sur la présence de signes fonctionnels associés ou d’un signe
tains auteurs car elle est influencée par la disponibilité de certains significatif à l’examen clinique minutieux. Les examens complé-
examens et par l’expérience des médecins, source de disparités mentaires seront alors orientés et non systématiques.
dans la variable « temps consacré au diagnostic ». La notion de la Ces éléments d’orientation clinique seront interprétés avec cir-
nécessité de cette hospitalisation n’apparaît plus dans la défini- conspection car ils peuvent orienter vers de fausses pistes. Dans la
tion révisée de Petersdorf [3]. Certains patients sont en effet pris en série de 73 patients de Bleeker-Rovers et al. [5], la pertinence des
charge en hospitalisation de jour, voire en consultation, et il semble signes cliniques a été étudiée. Aucun signe clinique pris isolément
plus judicieux de remplacer le critère quantitatif « temps » par un n’a conduit directement au diagnostic et, chez tous les patients pré-
critère qualitatif consistant en une liste minimum d’explorations à sentant des signes cliniques conduisant au diagnostic, il existait
réaliser. La nature et la chronologie de ces examens reste cependant aussi des signes confondants. Dans 81 % des cas, les indices cli-
soumise à discussion et il n’existe pas de démarche consensuelle niques sont source d’erreur et ne sont donc pertinents que dans
admise par les différentes équipes. 19 % des cas. Les anomalies identifiées comme les plus pertinentes
Les méthodes de mesure de la température ont changé au cours sont très peu spécifiques : perte de poids, faiblesse musculaire,
du temps. Les premières séries de référence traitant des FP datent anomalies dermatologiques, douleurs thoraciques ou abdominales,
des années 1960, époque à laquelle la température corporelle était arthralgies. . .
mesurée grâce à des thermomètres à mercure en utilisant la voie
orale ou rectale. Depuis le premier mars 1999, l’emploi des thermo-
3.2. Il n’existe aucun contexte clinique
mètres à mercure est interdit et la mesure de température se fait
par thermomètre électronique dont il existe différents types. Les
Le Tableau 1 résume les explorations qui paraissent incon-
thermomètres tympaniques sont d’utilisation simple et permettent
tournables. Les examens prescrits doivent, en particulier, évaluer
une mesure à la fois rapide et qui reflète le mieux la température
les rapports coût/efficacité et bénéfice/risque [6]. Si, à l’issue de
centrale. Les risques infectieux sont faibles (embouts couvre-sonde
ces premières explorations, aucun diagnostic n’est posé, certains
à usage unique) mais certaines précautions d’emploi sont néan-
auteurs [7] proposent, en l’absence de signes cliniques de gravité,
moins nécessaires pour éviter les erreurs de mesure par excès ou
une stratégie d’attente et de surveillance (wait and see), acceptable
défaut :
si les étapes diagnostiques préalables ont été rigoureusement res-
pectées (interrogatoire, examen clinique et explorations initiales,
• le positionnement de la sonde doit être parallèle au tympan et relecture critique de toutes les explorations préalables). Cette atti-
assez proche de celui-ci pour ne pas mesurer un signal issu du tude est justifiée par le bon pronostic global des FPI entrant dans ce
canal auditif ; cadre (cf. infra) et la forte proportion de fièvres restant sans diag-
• les erreurs peuvent être dues à un obstacle sur le trajet de la sonde nostic après des examens nombreux et coûteux : 5331 examens
(bouchon de cérumen) ; pour 73 patients dans la série de Bleeker-Rovers et al. [5] avec,
• un calibrage régulier des appareils est nécessaire ; néanmoins, 51 % d’échec diagnostique.
• pour les malades en décubitus latéral, il ne faut pas mesurer la Une approche diagnostique basée sur la réalisation hiérarchisée
température du côté du décubitus sous peine de surestimation. d’examens de seconde intention (Tableau 2) nous paraît cependant
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Tableau 1 Tableau 2
Explorations de première intention. Explorations de seconde intention.

Biologie Imagerie Sérologies virales et bactériennes En dehors d’un éventuel contexte


épidémiologique (retour d’outre mer),
Hémogramme avec frottis sanguin Radiographie du thorax
les sérologies de première intention
PCR Échographie abdominale,
sont : IgM anti CMV, sérologies VIH et
Électrophorèse des protéines sériques rénale et pelvienne
Ag P24, sérologies Epstein Barr virus et
Créatininémie Radiographie des sinus et
fièvre Q (Coxiella burnetti). En fonction
Biologie hépatique complète (ASAT, ALAT, PAL, panoramique dentaire
du contexte peuvent être prescrites
GGT, bilirubine libre et conjuguée) Échographie cardiaque
des sérologies de brucellose,
3 hémocultures (terrain à risque
bartonellose, rickettsioses. . .
Bandelette urinaire d’endocardite)
Immunologie (ANA, ANCA C3, C4, Il est exceptionnel qu’une vascularite
Examen cytobactériologique des urines Scanner
facteur rhumatoïde) ne se révèle que par une fièvre isolée
thoraco-abdominopelvien
CPK En cas d’arthromyalgies ou de déficit
(actuellement souvent
musculaire (myopathie inflammatoire)
réalisé en l’absence de
LDH Lymphome de diagnostic difficile
diagnostic après les autres
Scanner thoraco-abdominopelvien Examen incontournable à la recherche
examens de première
de foyer infectieux, d’adénopathies
intention)
profondes, de masse tumorale, s’il n’a
D’après [6] modifié. pas été réalisé en première intention
Recherche de bacilles de Koch La recherche de BAAR dans les crachats
est rarement positive si la radiographie
de thorax est normale chez
préférable chez tous les patients, qu’ils présentent ou non des signes l’immunocompétent
de gravité cliniques (mauvais état général, mauvaise tolérance de IDR à la tuberculine, IFN-gamma Peut être faite en première intention
la fièvre, signes respiratoires, hémodynamiques ou neurologiques) compte tenu de la prévalence de la
tuberculose. Les difficultés
ou biologiques (anémie inflammatoire, thrombopénie, protéinurie,
d’interprétation de l’IDR peuvent être
leucocyturie ou hématurie microscopique, cytolyse ou cholestase). atténuées par l’interprétation des
Comme les signes cliniques, les examens paracliniques peuvent résultats du couple IDR/IFN-gamma
aussi être source d’errance diagnostique. Dans le travail de Échographie cardiaque Recherche d’une endocardite si elle n’a
Bleeker-Rovers et al. [5], la pertinence des anomalies paracliniques pas été réalisée initialement
Biopsie ostéomédullaire En présence d’anomalies de
découvertes sur les explorations de première intention a été ana-
l’hémogramme, de suspicion de
lysée. Aucun examen pris isolément n’a conduit directement au lymphome, de tuberculose, de
diagnostic. L’élévation des transaminases, présentes chez 27 % des leishmaniose viscérale ou de syndrome
patients, n’a été contributive au diagnostic définitif que chez 4 % d’activation macrophagique
d’entre eux. L’examen bactériologique des urines et les hémocul- Endoscopies Digestives : si une MICI (maladie de
Crohn en particulier) est suspectée ;
tures n’ont jamais contribué au diagnostic final. La radiographie peu d’intérêt pour le diagnostic de
des sinus et le panoramique dentaire n’ont pas été rentables : cancer du côlon, rare chez le sujet
lorsqu’ils montraient des anomalies (30 % des patients dans la série jeune en dehors d’antécédents
de Knockaert et al. [4]), elles n’étaient pas liées au diagnostic. Une familiaux
Bronchique : sans intérêt si la TDM
échographie abdominale était anormale chez 18 des 73 patients de
thoracique est normale
la série de Bleeker-Rovers et al. [5] mais elle n’a jamais conduit Biopsies Guidées par la clinique et la biologie :
au diagnostic et a été la source d’investigations complémentaires musculaire (après repérage par IRM),
inutiles. La sensibilité et la spécificité de certains examens ont pu neuromusculaire, hépatique si
être calculées pour 73 patients (Tableau 3). Il faut insister égale- cholestase anictérique inexpliquée
Écho-Doppler veineux La maladie veineuse
ment sur le fait que la normalité d’un examen paraclinique, comme
thromboembolique peut être à
la radiographie pulmonaire ou l’hémogramme, est déjà un indice l’origine d’états fébriles prolongés
de réflexion diagnostique puisqu’elle rend certaines hypothèses Marqueurs tumoraux Sans intérêt diagnostique
improbables pour le clinicien. TEP 18-FDG cf. texte
La place des examens scintigraphiques dans la prise en charge D’après [6] modifié.
des FPI était classiquement réservée aux patients pour lesquels ANA : anticorps antinucléaires ; ANCA : anticorps anti-cytoplasme des polynu-
aucun diagnostic n’était porté après la prise en charge décrite cléaires neutrophiles ; INF-gamma : test basé sur la mesure de l’interféron-gamma ;
IDR : intradermoréaction ; MICI : maladie inflammatoire chronique de l’intestin ; TEP
ci-dessus. La place et les indications de la scintigraphie au gal-
18-FDG : tomographie par émission de positons au 18-fluorodésoxyglucose
lium étaient en réalité fonction de la disponibilité du traceur et
de l’expérience des équipes ; les problèmes de radioprotection liés
à cet isotope avaient, par ailleurs, grandement limité l’utilisation
disponibilité de la technique, de son coût et de l’absence de spécifi-
de cet examen en pratique clinique en dehors de centres spéciali-
cité, en particulier au niveau des adénopathies et des gros vaisseaux
sés. L’utilisation dans la prise en charge des FPI de la tomographie
[9].
par émission de positons (TEP) au 18-fluorodésoxyglucose (18-
FDG) a fait l’objet depuis plusieurs années de travaux rétrospectifs
puis prospectifs [7]. L’existence d’une hyperactivité métabolique 4. Existe-t-il des facteurs prédictifs de succès, d’échec ou de
en TEP au 18-FDG n’est jamais spécifique d’un diagnostic, mais gravité ?
le manque de spécificité pour un diagnostic précis n’apparaît pas
comme un problème car on demande à la TEP au 18-FDG de mon- Les anomalies les plus pertinentes prédictives d’aboutir à un
trer une hyperactivité métabolique correspondant à une « cible diagnostic sont un syndrome inflammatoire, une élévation des LDH,
pathologique » susceptible de conduire à la réalisation d’examens une anémie, une hyperleucocytose, des anomalies du sédiment uri-
complémentaires, le plus souvent microbiologiques ou anatomo- naire ou un cliché pulmonaire anormal [5]. Le Tableau 4 résume
pathologiques [8]. Dans les différentes séries, la TEP au 18-FDG a les facteurs prédictifs de succès diagnostique. Dans ce travail, un
permis le diagnostic dans 35 % des cas [7]. La place de cet examen syndrome inflammatoire biologique est présent chez 100 % des
reste actuellement non consensuelle, compte tenu de l’absence de patients pour lesquels un diagnostic est porté [5].
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Tableau 3
Aide au diagnostic de différentes explorations [5].

Examen Patients bénéficiaires (%) Aide au diagnostic (%) Faux positif (%) Sensibilité (%) Spécificité (%)

Radiographie de thorax 100 8 11 60 87


Echographie abdominale 79 10 31 86 65
Scanner abdominal 82 20 28 92 63
Scanner thoracique 63 20 17 82 77
TEF 18-FDG 70 33 14 92 78

TEP 18-FDG : tomographie par émission de positons au 18-fluorodésoxyglucose.

Tableau 4
Facteurs prédictifs de succès diagnostic.

Absence de diagnostic (%) Succès diagnostique (%) Risque relatif

Fièvre continue 49 83 2,6 (1,3–5,4)


Fièvre depuis moins de 180 jours 49 86 3,0 (1,4–6,8)
CRP élevée 70 100 –
LDH élevée 5 25 1,9 (1,3–2,8)
Leucopénie 0 6 2,1 (1,6–2,7)
Hyperplaquettose 1 19 1,7 (1,1–2,7)
TDM thoracique anormal 23 60 2,3 (1,2–4,6)
TEP 18-FDG anormale 26 69 2,4 (1,4–4,2)

D’après [5].
TEP 18-FDG : tomographie par émission de positons au 18-fluorodésoxyglucose.

Existe-t-il des facteurs prédictifs d’échec diagnostique lors de la Tableau 5


Anomalies biologiques prédictives d’un pronostic plus sévère [12].
prise en charge d’un patient présentant une FP ? Depuis les séries
initiales, les progrès des techniques d’imagerie et de laboratoire Odds ratio p
permettent de diagnostiquer plus précocement certaines étiologies Bilirubine totale élevée 4,3 0,0032
de FP (infections, néoplasies) avant qu’elles ne présentent les cri- ALAT élevée 5,3 0,0093
tères de FP indéterminées. Si on applique les critères proposés en Hémoglobine < 10 g/dL 2,8 0,0246
1961 par Petersdorf, il ne reste plus paradoxalement que les fièvres Hyperleucocytose > 10 000/mm3 2,7 0,02

difficiles, voire impossibles, à diagnostiquer. Cela rend compte du


nombre stable d’échecs diagnostiques dans les séries de FP indé-
terminées, 25 à 30 % en moyenne [1]. En cas de fièvre récurrente, la responsable de la fièvre, en dehors du retard diagnostique en cas
probabilité d’échec diagnostique augmente sensiblement. Dans la de fièvre intermittente, plus fréquente chez l’adulte jeune. Chez
série de Knockaert et al. [4], les patients présentant une fièvre récur- l’adulte jeune, comme dans la population générale, le pronostic
rente, par ailleurs plus jeunes (âge moyen 40 ans), présentaient une des FPI ne présentant pas de critère de gravité et restant sans
durée d’évolution de la fièvre plus longue que ceux avec une FP diagnostic est bon ; ce qui pourrait, au cas par cas, justifier la
continue. Plus de la moitié des patients avaient de la fièvre depuis proposition d’une attitude attentiste. Cette donnée justifie que la
plus de six mois, voire plus d’un an. Dans leur cohorte prospective, place des « tests thérapeutiques », traitement par les antitubercu-
Vanderschueren et al. [11] concluent que la probabilité d’aboutir leux, les anti-inflammatoire non stéroïdiens ou la corticothérapie
à un diagnostic est plus faible si la fièvre est récurrente, chez les soit limitée en dehors d’un contexte clinique ou épidémiologique
patients de sexe masculin, ainsi que chez ceux adressé par un spé- évocateurs. Le seul traitement d’épreuve à discuter est un traite-
cialiste (par opposition à médecin généraliste). Ce dernier élément ment par les macrolides d’une durée de 15 à 21 jours, s’il existe une
est confirmé dans le travail de Bleeker-Rovers et al. [5] où aucun présomption d’infection par un germe intracellulaire.
diagnostic n’est posé dans 68 % des cas lorsque les patients sont
adressés pour un second avis contre 42 % en première intention. 5. Principales étiologies des FPAJ
Au-delà du retentissement clinique de la fièvre, plusieurs
variables biologiques apparaissent prédictives d’un pronostic péjo- Comme chez les patients plus âgés, les étiologies des FPAJ se
ratif (Tableau 5). répartissent en quatre groupes : maladies infectieuses, inflam-
En ce qui concerne les FPAJ, il n’existe aucune donnée dans matoires, néoplasies et autres étiologies (dont les fièvres dues
la littérature permettant de préciser si le jeune âge est un fac- aux médicaments) ; les fièvres sans étiologie retenue concernent
teur prédictif de succès diagnostique ou de gravité de la maladie 10 à 50 % des patients selon les séries. Les syndromes auto-

Tableau 6
Répartition des étiologies des fièvres prolongées dans les principales séries [5].

Premier auteur (référence) Période n Infection (%) Cancer (%) Inflammation (%) Divers (%) Inconnue (%)

Knockaert [4,10] 1980–1989 199 23 7 25 20 26


Barbado [47] 1982–1989 85 11 28 34 12 15
Kazanjian [48] 1984–1990 86 33 24 26 5 9
De Kleinj [49] 1988–1992 53 21 19 23 8 30
Tabak [50] 1984–2001 117 34 19 29 4 14
De Kleinj [49] 1992–1994 167 26 13 24 8 30
Ergonul [51] 1993–1999 80 52 18 16 3 11
Vandershueren et al. [11] 1990–1999 185 11 10 18 8 53
Saltoglu [52] 1994–2002 87 59 14 18 2 7
Bleekers-Rovers [5] 2003–2005 73 16 7 22 4 51
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Tableau 7 • les fièvres médicamenteuses doivent être évoquées systé-


Causes émergentes de fièvres prolongées inexpliquées.
matiquement et très précocement pour être éliminées dès
Erlichiose, Bartonellose, maladie de Lyme l’interrogatoire.
Yersiniose persistante
CMV, parvovirus B19, HHV8
Chez les femmes jeunes, il faut en particulier demander le mode
Pneumocystis jirovecii (chez l’immunocompétent)
Syndrome de Kikuchi
de contraception ou rechercher la prise quotidienne de proges-
Pseudotumeur inflammatoire tatifs non considérée comme un « traitement » par les patientes.
Maladie de Castleman Les fièvres médicamenteuses débutent le plus souvent sept à dix
Syndrome de Schnitzler jours après le début du traitement, parfois plus tôt si le médi-
Adapté de Knockaert [10]. cament a déjà été utilisé. La fièvre peut être hectique (41 %) ou
rémittente (28 %) ; elle peut s’accompagner de frissons (53 %) ou
inflammatoires, nouvelle appellation des « fièvres périodiques de myalgies (25 %). L’hyperéosinophilie est absente dans 75 % cas.
génétiques », posent chez l’adulte jeune des problèmes spécifiques Un syndrome inflammatoire peut être présent. La fièvre cède 48 à
et seront individualisés. 72 heures après l’arrêt du traitement mais peut durer jusqu’à
Dans la population générale, le spectre étiologique des FP a 30 jours pour les progestatifs, par exemple. La fièvre qui cède le
peu varié (Tableau 6) mais la répartition des causes s’est modifiée. plus souvent quelques jours après l’arrêt du médicament récidive
Depuis les années 1950, on observe, tous âges confondus, une dimi- généralement à la réintroduction de ce dernier [14]. La liste des
nution régulière des causes infectieuses et néoplasiques. Les fièvres médicaments responsable est très longue : chez l’adulte jeune les
sans diagnostic et les causes inflammatoires semblent stables au progestatifs, les antibiotiques, les différentes classes de psycho-
cours du temps [13]. Knockaert et al. [10] en 2003 résument les tropes, antidépresseurs (neuroleptiques) et les anti-inflammatoires
causes émergentes des FPI (Tableau 7) et Zenone [20] (Tableau 8) sont les plus souvent incriminés. En cas de doute, il faut arrêter la
identifie, dans une série de 106 patients de tous âges, 13 maladies prise de tous les médicaments non strictement nécessaires, faire
qui regroupent 68 % des diagnostics établis. appel à un centre de pharmacovigilance et utiliser les sept cri-
À notre connaissance, aucun travail n’a étudié de manière spé- tères décisionnels permettant d’évaluer l’imputabilité intrinsèque
cifique les étiologies des FPAJ. De même, aucune série ne précise du médicament [15].
la répartition des causes de FP en fonction des classes d’âge. Nous
ne pouvons donc que proposer de détailler les principales étiolo- 5.2. Les maladies infectieuses
gies en fonction des données de la littérature mais également de
notre expérience personnelle. Il est impossible de développer de À partir d’une méta-analyse de 11 séries (1488 cas) de FP [16],
manière exhaustive toutes les causes de FPAJ, et quelques mes- on constate que la prévalence des infections varie selon le contexte
sages pratiques concernant les étiologies les plus fréquentes dans épidémiologique. En Europe, les infections représentent 19,4 % des
chaque catégorie seront donc détaillés ci-après. diagnostics, au Moyen-Orient 47,8 %, en Extrême-Orient 43,2 %, et
en Turquie de 52 à 59 %.
5.1. Les « fausses » fièvres prolongées Chez le sujet jeune, les virus sont le plus souvent incriminés
avec trois causes prédominantes : la primo-infection à cytoméga-
Comme chez les patients plus âgés, il faut tout d’abord éliminer lovirus de l’adulte immunocompétent, la primo-infection VIH et la
les FP qui n’en sont pas vraiment ou qui ne témoignent pas d’un mononucléose infectieuse. La primo-infection à cytomégalovirus
véritable état pathologique : de l’adulte immunocompétent est le diagnostic le plus fréquent.
Dans une série déjà ancienne, l’âge des patients est compris entre
• la phase lutéale est responsable chez la femme d’un décalage 20 et 40 ans chez 21 patients sur 30 [17]. La fièvre est constante,
généralement bien supportée et prolongée, pouvant durer trois à
thermique physiologique périodique ;
• l’hyperpyrexie habituelle qui se traduit chez certains patients par six semaines. Les signes fonctionnels satellites sont aspécifiques :
arthralgies, céphalées, frissons, éruption cutanée. Il existe des adé-
une température habituelle plus élevée de manière permanente,
nopathies et une splénomégalie dans 25 à 30 % des cas [17,18]. Le
entre 38 et 38,3 ◦ C sans que cela témoigne d’une pathologie sous-
syndrome mononucléosique est constant et il existe une cytolyse
jacente, avec toute la difficulté de cette définition ;
• la thermopathomimie est la plus fréquente des pathomimies ; de hépatique dans 88 % des cas, plus rarement une cholestase habi-
tuellement anictérique [18]. La primo-infection VIH comporte une
connotation psychiatrique, elle se définit par une augmentation
fièvre dans plus de 80 % des cas [19] mais celle-ci est rarement à
artificielle de la température, le plus souvent par manipulation
l’origine d’une FP de plus de trois semaines : c’est cependant une
du thermomètre ou des autres dispositifs de mesure de la tem-
hypothèse à évoquer de principe chez l’adulte jeune et dont le diag-
pérature ;
nostic repose sur la recherche de l’antigène p24 car la sérologie
peut être encore négative. La mononucléose infectieuse est éga-
Tableau 8
lement une cause fréquente de FP dans la série de Zenone et al.
Maladies responsables de 68 % des diagnostics de fièvres prolongées.
[20] et l’infection à parvovirus B19 qui apparaît comme une cause
Primo-infection à cytomégalovirus (sujet immunocompétent) émergente de FP de l’adulte [10].
Fièvre Q
Parmi les maladies bactériennes, la tuberculose peut, moins
Infection à Epstein-Barr virus
Lymphome souvent que chez l’adulte plus âgé, se révéler par une FP sur-
Maladie de Still de l’adulte tout dans les atteintes extrapulmonaires, séreuses (pleurale ou
Lupus érythémateux systémique péritonéale), hépatosplénique, médullaire et neuroméningée. Le
Sinusites et infections dentaires occultes diagnostic est souvent difficile car le bacille de Koch n’est pas
Fièvre factice (thermopathomimie)
Hyperthermie habituelle
toujours retrouvé et le diagnostic repose souvent sur la mise en
Maladie de Horton évidence de granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires avec
Polyarthrite rhumatoïde nécrose caséeuse. Parmi les causes émergentes de FPI sur lesquelles
Périartérite noueuse Knockaert et al. ont récemment insisté (Tableau 7), la bartonellose
Adénocarcinome colorectal
et la maladie de Lyme sont susceptibles d’intéresser l’adulte jeune
D’après Zénone [20]. [10].
T. Carmoi et al. / La Revue de médecine interne 31 (2010) 838–845 843

5.3. Affections néoplasiques et hématologiques de l’organe concerné [28]. Histologiquement, les PTI se présentent
comme une infiltration dense et diffuse de cellules inflammatoires
Chez le sujet de moins de 40 ans, il est rare, en dehors du cancer à prédominance plasmocytaire au sein d’un tissu fibreux. Les PTI
du rein, qu’une tumeur solide se révèle par une FP. Un cancer du ganglionnaires partagent avec les autres PTI la présentation cli-
côlon peut également se manifester par une FP [21] et doit être évo- nique : la fièvre est présente dans 50 % des cas, et parfois isolée.
qué chez l’adulte jeune en cas d’hérédité familiale : cancer du côlon Au plan histologique, il s’agit d’une prolifération cellulaire de cel-
chez un des parents avant l’âge de 50 ans, cancer colique familial lules fusiformes de nature myofibroblastique associée à un infiltrat
lié au gène HNPCC. Des tumeurs plus rares, telles que des sarcomes inflammatoire polymorphe [29]. Le diagnostic histologique peut
des parties molles, parfois de très petite taille, touchant en parti- parfois être difficile avec certains avec un lymphomes ou les deux
culier la femme jeune, peuvent être responsables d’une fièvre ou maladies précédemment décrites.
d’un syndrome inflammatoire isolés ; la TEP au 18-FDG y trouve
une indication de choix [22]. 5.4. Maladies inflammatoires
Les lymphomes non hodgkiniens et, plus rarement, la maladie de
Hodgkin, souvent responsables d’une FP [23], doivent être redoutés Le groupe des maladies inflammatoires est hétérogène et repré-
chez le patient jeune et sont de diagnostic parfois difficile, notam- sente un quart à un tiers des étiologies.
ment en l’absence d’adénopathies périphériques ou profondes. Les La MSA est la principale maladie inflammatoire responsable de
difficultés sont maximum dans les lymphomes spléniques isolés et fièvre inexpliquée chez l’adulte jeune. Le tableau clinique asso-
les exceptionnels lymphomes endovasculaires. cie une fièvre élevée (> 39 ◦ C), vespérale et intermittente, une
À la frontière avec les hémopathies malignes de présenta- atteinte articulaire et une éruption cutanée maculopapuleuse, non
tion fébrile prépondérante, quelques maladies regroupées dans la prurigineuse, fugace et apparaissant souvent en fin de journée
famille des proliférations cellulaires « atypiques » ou « orphelines » présente dans 80 % des cas. Certaines anomalies biologiques sont
peuvent parfois s’observer [24]. Il s’agit de situations rares qui évocatrices : l’hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, la
doivent être évoquées chez un patient, souvent jeune, présentant cytolyse hépatique, l’élévation de la ferritinémie. La diminution
une FP et chez lequel l’examen clinique ou les examens d’imagerie de la fraction glycosylée de la ferritine inférieure à 20 % est évo-
(scanner thoracoabdominal, en particulier) montrent la présence catrice mais inconstante [30]. Plusieurs critères de classification,
d’adénopathies ou de pseudotumeurs, en particulier pulmonaires dont ceux de Yamagushi et al. [31] et de Fautrel et al. ont été pro-
ou hépatiques. La FP n’est donc pas ici « isolée » et la maladie de posés [32]. Les atteintes viscérales (cardiaques, pleuropulmonaires,
Castleman (MC), la maladie de Kikuchi-Fujimoto et les pseudotu- hépatiques) ou hématologiques (CIVD ou syndrome d’activation
meurs inflammatoires (PTI) font partie des causes émergentes de macrophagique) qui sont parfois observées font toute la gravité de
FPI pour Knockaert et al. [10]. cette maladie tandis que les localisations articulaires menacent le
La MC est définie par une hypertrophie ganglionnaire avec pronostic fonctionnel.
hyperplasie lymphoïde angiofolliculaire [25]. La forme localisée qui Le syndrome de Schnitzler [33] est beaucoup plus rare, puisque
n’intéresse qu’un site ganglionnaire est asymptomatique dans 51 % environ 100 observations ont été rapportées depuis sa description
des cas et souvent de découverte fortuite. La fièvre n’est présente initiale en 1972. Il associe une urticaire peu prurigineuse respec-
que dans 20 % des cas. La forme multicentrique, due à l’HHV8 et le tant le visage, des douleurs ostéoarticulaires prédominant plutôt au
plus souvent de sous-type plasmocytaire, s’observe le plus souvent rachis lombaire et aux membres inférieurs et à une gammapathie
chez le sujet immunodéprimé en particulier en cas d’infection par monoclonale IgM. Une FP, parfois supérieure à 40 ◦ C, intermittente
le VIH. On note un amaigrissement dans 69 % et de la fièvre dans et apparaissant souvent simultanément à l’urticaire est présente
68 % des cas. Il existe une polyadénopathie périphérique dans 81 % dans 90 % des cas [34]. L’atteinte osseuse est très utile au diagnostic
des cas, une hépatomégalie ou une splénomégalie dans 74 % des et mise en évidence par les radiographies standard (ostéosclérose)
cas, un syndrome POEMS chez 23 % des patients. ou la scintigraphie osseuse [35].
La maladie de Kikuchi-Fujimoto ou lymphadénite histiocytaire Les connectivites et les vascularites sont responsables de FPI
nécrosante est d’étiologie inconnue et survient le plus souvent dans 10 à 15 % des cas environ selon les séries, tous âges confon-
chez un sujet jeune : elle se manifeste par une lymphadénopathie dus [36]. Parmi les connectivites, il s’agit le plus souvent d’un
bien limitée survenant avec prédilection en région cervicale pos- lupus érythémateux systémique et la recherche d’anticorps antinu-
térieure ; la fièvre est fréquente et une leucopénie retrouvée dans cléaires fait partie des examens de première intention des FPI. Les
50 % des cas [26]. Des localisations extranodales existent (éruption vascularites des petits et moyens vaisseaux se révèlent exception-
cutanée et méningite aseptique). La maladie peut être primitive ou nellement par une FP isolée chez l’adulte jeune, mais la recherche
compliquer l’évolution d’un lupus systémique ou d’une maladie de des anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles est
Still de l’adulte (MSA). Le diagnostic en est histologique avec trois cependant habituelle. La maladie de Takayasu intéresse surtout la
aspects différents : la forme nécrosante, la plus fréquente (> 50 %), femme jeune et peut se manifester à la phase préocclusive par
la forme proliférative (30 %) et la forme xanthogranulomateuse un tableau fébrile ou un syndrome inflammatoire chronique ; la
(< 20 %), ces différentes formes représentant peut-être un spectre présence d’une aortite sur le TDM thoracique peut orienter le diag-
évolutif de la maladie. L’évolution est généralement favorable en nostic [37].
quelques mois, spontanément ou parfois sous AINS [26]. Au sein des granulomatoses systémiques, la sarcoïdose dans sa
La maladie de Rosaï Dorfmann est une prolifération histiocytaire forme extrapulmonaire [38] peut aussi être responsable d’une FPI.
ganglionnaire bénigne survenant chez le grand enfant ou l’adulte Si la fièvre est associée à une cholestase anictérique dont la cause
jeune et dont la présentation clinique est habituellement une poly- échappe à l’enquête initiale, l’indication d’une ponction biopsie
adénopathie cervicale. Elle peut être plus rarement révélée par une hépatique doit être discutée. Dans ce contexte, la découverte d’une
FP associée à la présence d’adénopathies profondes. La biopsie gan- granulomatose hépatique doit faire évoquer avant tout une cause
glionnaire montre la présence d’histiocytes exprimant la protéine infectieuse : la tuberculose représente environ 30 % des hépatites
S100 [27]. granulomateuses en France [39] mais survient habituellement dans
Les PTI sont des formations tissulaires ubiquitaires touchant par un contexte épidémiologique évocateur ; la fièvre Q et l’infection
ordre décroissant de fréquence le poumon, le foie et l’orbite. Une systémique par Bartonella henselae peuvent donner une FPI chez
fièvre persistante est fréquente, surtout dans les localisations hépa- l’adulte jeune tandis que la brucellose et la syphilis secondaire sont
tiques, associée à une altération de l’état général et à des douleurs plus rarement en cause.
844 T. Carmoi et al. / La Revue de médecine interne 31 (2010) 838–845

Tableau 9
Principales caractéristiques des quatre maladies inflammatoires héréditaires les plus fréquentes [40].

Fièvre méditerranéenne Syndrome hyper-IgD TRAPS Muckle-Wells – FCAS


familiale

Mode de transmission Récessif Récessif Dominant Dominant


Âge de début Enfance et adolescence Enfance Variable Enfance
Origine ethnique Juifs sépharades, Néerlandais, Européens Irlandais, divers Variable
Arméniens, Arabes, Turcs
Durée de l’accès 1–4 jours 3–7 jours > 7 jours Variable
Douleurs abdominales Très fréquentes Fréquentes Fréquentes Rares
Douleurs thoraciques Pleurésie unilatérale Inhabituelle Fréquente Rare
Signes cutanés Rares (> 5 %) Très fréquents (> 90 %) Fréquents : Rare : urticaire, érythème
Pseudo-érysipèle des MI polymorphes pseudo-érysipèle
n’épargnant pas les MS
Atteinte articulaire Monoathrite Arthralgies Myalgies Absente
Autres signes Péricardite, scrotite Céphalées, adénopathies Myalgies, œdème orbitaire Surdité, sensibilité au froid, retard
cervicales mental, méningite, dysmorphie
Amylose Oui Non Oui Oui
Traitements Colchicine Aucun Corticoïdes, anti-TNF␣ Anti-IL1
Gène MFEV MVK TNFRS1A CIAS1

TRAPS : Tumor necrosis factor related associated periodic syndrome ; FCAS : familial cold induced auto-inflammatory syndrome (urticaire familiale au froid) ; MI : membres
inférieurs ; MS : membres supérieurs.

6. Cas particulier des fièvres périodiques fréquemment responsables dans chaque tranche d’âge, sont pri-
mordiaux dans la prise en charge des patients présentant une
Elles sont définies comme des accès de fièvre d’une durée de FPI [46]. Chez l’adulte jeune, la responsabilité d’un médicament
quelques jours à quelques semaines, séparés par un intervalle libre doit être systématiquement recherchée, parmi les causes infec-
de durée variable [40]. En particulier chez le sujet jeune, il est tieuses, la primo-infection à CMV de l’immunocompétent est une
nécessaire d’évoquer, en présence d’une FP périodique les fièvres étiologie fréquente, la maladie de Still est la principale maladie
périodiques héréditaires, désormais regroupées sous le terme de inflammatoire, les fièvres périodiques génétiques, suspectées dans
syndromes auto-inflammatoires intermittents héréditaires. Devant un contexte clinique déterminé en particulier par l’interrogatoire,
une fièvre récurrente chez un sujet jeune, il faut revoir minutieuse- doivent conduire à une utilisation raisonnée des tests génétiques.
ment les antécédents familiaux et rechercher l’appartenance à un Comme chez les patients plus âgés, 30 à 50 % des FPAJ restent
groupe ethnique particulier. Ces syndromes auto-inflammatoires inexpliquées mais le pronostic de ces patients est habituellement
héréditaires seront particulièrement évoqués : bon car il est exceptionnel qu’une étiologie pouvant mettre en jeu
le pronostic vital ou fonctionnel soit secondairement diagnostiquée
• devant un début dans l’enfance ou l’adolescence ; si la prise en charge initiale a été complète et rigoureuse [5].
• devant des accès répétés sans réelle périodicité ;
• devant une fièvre associée à des douleurs abdominales ou thora- Conflit d’intérêt
ciques, des signes cutanés ou des signes musculosquelettiques ;
• en l’absence de tout signe clinique ou biologique entre les accès ; Aucun.
• en présence d’un syndrome inflammatoire synchrone de l’accès
fébrile et d’une polynucléose neutrophile associée.
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est pertinente dans le choix du gène à tester (au maximum de deux [5] Bleeker-Rovers C, Vos F, de Kleijn E, Mudde A, Dofferhoff T, Richter C, et al.
gènes) et qu’en l’absence de mutation détectée dans cette première A prospective multicenter study on fever of unknown origin. The yield of a
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phase, il est inutile de rechercher des mutations dans les gènes
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