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i n f o a r t i c l e r é s u m é
Mots clés : Les premiers travaux sur les fièvres prolongées ont été publiés dans les années 1960. Cinquante ans plus
Fièvre prolongée tard, les fièvres prolongées restent un défi diagnostique pour les spécialistes de médecine interne. Dans
Adulte jeune la population générale, le spectre étiologique des fièvres prolongées a peu varié mais la répartition des
Stratégie
causes s’est modifiée. On observe, tous âges confondus, une diminution régulière des causes infectieuses
et néoplasiques. Les causes inflammatoires et les fièvres sans diagnostic, qui représentent 30 à 50 % des cas,
semblent stables au fil du temps. Chez l’adulte jeune comme chez les patients plus âgés, les étiologies des
fièvres prolongées se répartissent en quatre groupes : maladies infectieuses, inflammatoires, néoplasies
et autres étiologies (dont les fièvres dues aux médicaments). Chez l’adulte jeune, leur prise en charge
comporte cependant des spécificités qui justifient une revue générale, fruit des données de la littérature
et de notre expérience personnelle. Le pronostic des patients pour lesquels aucune cause n’est retenue est
habituellement bon, car il est exceptionnel qu’une étiologie pouvant mettre en jeu le pronostic vital ou
fonctionnel soit secondairement diagnostiquée si la prise en charge initiale a été complète et rigoureuse.
© 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS.
Tous droits réservés.
a b s t r a c t
Keywords: Early studies on prolonged fever date back to the 1960s. Fifty years later, prolonged unexplained fever
Unexplained prolonged fever remains a diagnostic challenge to the general internists. Although the aetiologies of prolonged fevers
Young adult have not changed much in the general population, the distribution between the various causes is not the
Strategy same anymore. A regular decrease in infectious and neoplastic causes is noticed whatever the age. Pro-
longed fevers related to inflammatory disorders and fevers that remain of unknown origin still represent
approximately 30 to 50% of the cases. In the young adult population, as in the older patients, prolonged
fevers can be attributed to four groups: infection, inflammation, neoplasic and other aetiologies (inclu-
ding drug-related fevers). In the young adult population, the management of prolonged fever presents
some specific issues that are the purpose of this review coupled with our own experience. The progno-
sis of undiagnosed prolonged fever is usually favourable, as a life-threatening aetiology is exceptionally
diagnosed during the follow-up if the initial management was complete and accurate.
© 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS.
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0248-8663/$ – see front matter © 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2009.10.437
T. Carmoi et al. / La Revue de médecine interne 31 (2010) 838–845 839
rares et de diagnostic difficile ; les syndromes auto-inflammatoires À ces réserves près, la mesure de la température par voie tym-
sont enfin des affections peu fréquentes dont le diagnostic est sou- panique est fiable et reproductible. Elle sera effectuée le matin
vent évoqué chez l’adulte jeune et dont il est important de bien au repos et, à défaut, à distance des repas ou d’un effort phy-
connaître le tableau clinique et les arguments du diagnostic. sique, même minime, au décours duquel la température augmente
physiologiquement. L’allure de la courbe thermique (hectique,
rémittente, en plateau. . .) n’apporte pas d’orientation réellement
2. Définitions pertinente. Les fièvres récurrentes, épisodiques ou « périodiques »,
définies par la survenue d’au moins deux épisodes de fièvre entre-
2.1. Adulte jeune coupés d’une période d’apyrexie d’une durée supérieure à deux
semaines avec rémission apparente de la maladie sous-jacente [4]
Par définition, il s’agit d’un adulte de plus de 15 ans, limite supé- correspondent cependant à un cadre particulier sur lequel nous
rieure d’âge de l’enfance. Certaines maladies provoquant des FP reviendrons.
de l’adulte jeune (FPAJ), comme la maladie de Still (dans 15 % des Ce travail ne traitera pas des FPI nosocomiales ou liées à une
cas environ), ont parfois débuté dans l’enfance, mais le diagnostic immunodépression (d’origine infectieuse ou thérapeutique) ou
n’a pas toujours été porté, confondu avec des épisodes infectieux encore secondaires à une neutropénie. Les étiologies sont alors dif-
banals dans cette tranche d’âge. L’âge maximal définissant l’adulte férentes avec une plus forte proportion de fièvres infectieuses ou
jeune n’est pas consensuel et, de façon arbitraire, nous l’avons fixé médicamenteuses, mais surtout impose de discuter de la nécessité,
à 40 ans, par analogie avec ce qui est retenu pour de nombreuses dans ce contexte particulier, d’introduire rapidement un traitement
autres questions diagnostiques chez l’adulte jeune (épigastralgies, (antibiothérapie large spectre, antiviraux, antifungiques).
pertes de connaissance . . .).
Tableau 1 Tableau 2
Explorations de première intention. Explorations de seconde intention.
Tableau 3
Aide au diagnostic de différentes explorations [5].
Examen Patients bénéficiaires (%) Aide au diagnostic (%) Faux positif (%) Sensibilité (%) Spécificité (%)
Tableau 4
Facteurs prédictifs de succès diagnostic.
D’après [5].
TEP 18-FDG : tomographie par émission de positons au 18-fluorodésoxyglucose.
Tableau 6
Répartition des étiologies des fièvres prolongées dans les principales séries [5].
Premier auteur (référence) Période n Infection (%) Cancer (%) Inflammation (%) Divers (%) Inconnue (%)
5.3. Affections néoplasiques et hématologiques de l’organe concerné [28]. Histologiquement, les PTI se présentent
comme une infiltration dense et diffuse de cellules inflammatoires
Chez le sujet de moins de 40 ans, il est rare, en dehors du cancer à prédominance plasmocytaire au sein d’un tissu fibreux. Les PTI
du rein, qu’une tumeur solide se révèle par une FP. Un cancer du ganglionnaires partagent avec les autres PTI la présentation cli-
côlon peut également se manifester par une FP [21] et doit être évo- nique : la fièvre est présente dans 50 % des cas, et parfois isolée.
qué chez l’adulte jeune en cas d’hérédité familiale : cancer du côlon Au plan histologique, il s’agit d’une prolifération cellulaire de cel-
chez un des parents avant l’âge de 50 ans, cancer colique familial lules fusiformes de nature myofibroblastique associée à un infiltrat
lié au gène HNPCC. Des tumeurs plus rares, telles que des sarcomes inflammatoire polymorphe [29]. Le diagnostic histologique peut
des parties molles, parfois de très petite taille, touchant en parti- parfois être difficile avec certains avec un lymphomes ou les deux
culier la femme jeune, peuvent être responsables d’une fièvre ou maladies précédemment décrites.
d’un syndrome inflammatoire isolés ; la TEP au 18-FDG y trouve
une indication de choix [22]. 5.4. Maladies inflammatoires
Les lymphomes non hodgkiniens et, plus rarement, la maladie de
Hodgkin, souvent responsables d’une FP [23], doivent être redoutés Le groupe des maladies inflammatoires est hétérogène et repré-
chez le patient jeune et sont de diagnostic parfois difficile, notam- sente un quart à un tiers des étiologies.
ment en l’absence d’adénopathies périphériques ou profondes. Les La MSA est la principale maladie inflammatoire responsable de
difficultés sont maximum dans les lymphomes spléniques isolés et fièvre inexpliquée chez l’adulte jeune. Le tableau clinique asso-
les exceptionnels lymphomes endovasculaires. cie une fièvre élevée (> 39 ◦ C), vespérale et intermittente, une
À la frontière avec les hémopathies malignes de présenta- atteinte articulaire et une éruption cutanée maculopapuleuse, non
tion fébrile prépondérante, quelques maladies regroupées dans la prurigineuse, fugace et apparaissant souvent en fin de journée
famille des proliférations cellulaires « atypiques » ou « orphelines » présente dans 80 % des cas. Certaines anomalies biologiques sont
peuvent parfois s’observer [24]. Il s’agit de situations rares qui évocatrices : l’hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, la
doivent être évoquées chez un patient, souvent jeune, présentant cytolyse hépatique, l’élévation de la ferritinémie. La diminution
une FP et chez lequel l’examen clinique ou les examens d’imagerie de la fraction glycosylée de la ferritine inférieure à 20 % est évo-
(scanner thoracoabdominal, en particulier) montrent la présence catrice mais inconstante [30]. Plusieurs critères de classification,
d’adénopathies ou de pseudotumeurs, en particulier pulmonaires dont ceux de Yamagushi et al. [31] et de Fautrel et al. ont été pro-
ou hépatiques. La FP n’est donc pas ici « isolée » et la maladie de posés [32]. Les atteintes viscérales (cardiaques, pleuropulmonaires,
Castleman (MC), la maladie de Kikuchi-Fujimoto et les pseudotu- hépatiques) ou hématologiques (CIVD ou syndrome d’activation
meurs inflammatoires (PTI) font partie des causes émergentes de macrophagique) qui sont parfois observées font toute la gravité de
FPI pour Knockaert et al. [10]. cette maladie tandis que les localisations articulaires menacent le
La MC est définie par une hypertrophie ganglionnaire avec pronostic fonctionnel.
hyperplasie lymphoïde angiofolliculaire [25]. La forme localisée qui Le syndrome de Schnitzler [33] est beaucoup plus rare, puisque
n’intéresse qu’un site ganglionnaire est asymptomatique dans 51 % environ 100 observations ont été rapportées depuis sa description
des cas et souvent de découverte fortuite. La fièvre n’est présente initiale en 1972. Il associe une urticaire peu prurigineuse respec-
que dans 20 % des cas. La forme multicentrique, due à l’HHV8 et le tant le visage, des douleurs ostéoarticulaires prédominant plutôt au
plus souvent de sous-type plasmocytaire, s’observe le plus souvent rachis lombaire et aux membres inférieurs et à une gammapathie
chez le sujet immunodéprimé en particulier en cas d’infection par monoclonale IgM. Une FP, parfois supérieure à 40 ◦ C, intermittente
le VIH. On note un amaigrissement dans 69 % et de la fièvre dans et apparaissant souvent simultanément à l’urticaire est présente
68 % des cas. Il existe une polyadénopathie périphérique dans 81 % dans 90 % des cas [34]. L’atteinte osseuse est très utile au diagnostic
des cas, une hépatomégalie ou une splénomégalie dans 74 % des et mise en évidence par les radiographies standard (ostéosclérose)
cas, un syndrome POEMS chez 23 % des patients. ou la scintigraphie osseuse [35].
La maladie de Kikuchi-Fujimoto ou lymphadénite histiocytaire Les connectivites et les vascularites sont responsables de FPI
nécrosante est d’étiologie inconnue et survient le plus souvent dans 10 à 15 % des cas environ selon les séries, tous âges confon-
chez un sujet jeune : elle se manifeste par une lymphadénopathie dus [36]. Parmi les connectivites, il s’agit le plus souvent d’un
bien limitée survenant avec prédilection en région cervicale pos- lupus érythémateux systémique et la recherche d’anticorps antinu-
térieure ; la fièvre est fréquente et une leucopénie retrouvée dans cléaires fait partie des examens de première intention des FPI. Les
50 % des cas [26]. Des localisations extranodales existent (éruption vascularites des petits et moyens vaisseaux se révèlent exception-
cutanée et méningite aseptique). La maladie peut être primitive ou nellement par une FP isolée chez l’adulte jeune, mais la recherche
compliquer l’évolution d’un lupus systémique ou d’une maladie de des anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles est
Still de l’adulte (MSA). Le diagnostic en est histologique avec trois cependant habituelle. La maladie de Takayasu intéresse surtout la
aspects différents : la forme nécrosante, la plus fréquente (> 50 %), femme jeune et peut se manifester à la phase préocclusive par
la forme proliférative (30 %) et la forme xanthogranulomateuse un tableau fébrile ou un syndrome inflammatoire chronique ; la
(< 20 %), ces différentes formes représentant peut-être un spectre présence d’une aortite sur le TDM thoracique peut orienter le diag-
évolutif de la maladie. L’évolution est généralement favorable en nostic [37].
quelques mois, spontanément ou parfois sous AINS [26]. Au sein des granulomatoses systémiques, la sarcoïdose dans sa
La maladie de Rosaï Dorfmann est une prolifération histiocytaire forme extrapulmonaire [38] peut aussi être responsable d’une FPI.
ganglionnaire bénigne survenant chez le grand enfant ou l’adulte Si la fièvre est associée à une cholestase anictérique dont la cause
jeune et dont la présentation clinique est habituellement une poly- échappe à l’enquête initiale, l’indication d’une ponction biopsie
adénopathie cervicale. Elle peut être plus rarement révélée par une hépatique doit être discutée. Dans ce contexte, la découverte d’une
FP associée à la présence d’adénopathies profondes. La biopsie gan- granulomatose hépatique doit faire évoquer avant tout une cause
glionnaire montre la présence d’histiocytes exprimant la protéine infectieuse : la tuberculose représente environ 30 % des hépatites
S100 [27]. granulomateuses en France [39] mais survient habituellement dans
Les PTI sont des formations tissulaires ubiquitaires touchant par un contexte épidémiologique évocateur ; la fièvre Q et l’infection
ordre décroissant de fréquence le poumon, le foie et l’orbite. Une systémique par Bartonella henselae peuvent donner une FPI chez
fièvre persistante est fréquente, surtout dans les localisations hépa- l’adulte jeune tandis que la brucellose et la syphilis secondaire sont
tiques, associée à une altération de l’état général et à des douleurs plus rarement en cause.
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Tableau 9
Principales caractéristiques des quatre maladies inflammatoires héréditaires les plus fréquentes [40].
TRAPS : Tumor necrosis factor related associated periodic syndrome ; FCAS : familial cold induced auto-inflammatory syndrome (urticaire familiale au froid) ; MI : membres
inférieurs ; MS : membres supérieurs.
6. Cas particulier des fièvres périodiques fréquemment responsables dans chaque tranche d’âge, sont pri-
mordiaux dans la prise en charge des patients présentant une
Elles sont définies comme des accès de fièvre d’une durée de FPI [46]. Chez l’adulte jeune, la responsabilité d’un médicament
quelques jours à quelques semaines, séparés par un intervalle libre doit être systématiquement recherchée, parmi les causes infec-
de durée variable [40]. En particulier chez le sujet jeune, il est tieuses, la primo-infection à CMV de l’immunocompétent est une
nécessaire d’évoquer, en présence d’une FP périodique les fièvres étiologie fréquente, la maladie de Still est la principale maladie
périodiques héréditaires, désormais regroupées sous le terme de inflammatoire, les fièvres périodiques génétiques, suspectées dans
syndromes auto-inflammatoires intermittents héréditaires. Devant un contexte clinique déterminé en particulier par l’interrogatoire,
une fièvre récurrente chez un sujet jeune, il faut revoir minutieuse- doivent conduire à une utilisation raisonnée des tests génétiques.
ment les antécédents familiaux et rechercher l’appartenance à un Comme chez les patients plus âgés, 30 à 50 % des FPAJ restent
groupe ethnique particulier. Ces syndromes auto-inflammatoires inexpliquées mais le pronostic de ces patients est habituellement
héréditaires seront particulièrement évoqués : bon car il est exceptionnel qu’une étiologie pouvant mettre en jeu
le pronostic vital ou fonctionnel soit secondairement diagnostiquée
• devant un début dans l’enfance ou l’adolescence ; si la prise en charge initiale a été complète et rigoureuse [5].
• devant des accès répétés sans réelle périodicité ;
• devant une fièvre associée à des douleurs abdominales ou thora- Conflit d’intérêt
ciques, des signes cutanés ou des signes musculosquelettiques ;
• en l’absence de tout signe clinique ou biologique entre les accès ; Aucun.
• en présence d’un syndrome inflammatoire synchrone de l’accès
fébrile et d’une polynucléose neutrophile associée.
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