Vous êtes sur la page 1sur 218

1

UNIVERSITE DE KINSHASA

FACULTE DE MEDECINE

DEPARTEMENT MEDECINE INTERNE

ELEMENTS DE PHYSIOPATHOLOGIE

A l’usage des étudiants en Médecine

J-R M’BUYAMBA KABANGU

M.D., PhD

Professeur Ordinaire

KINSHASA 2016
2

INTRODUCTION

La physiologie étudie le fonctionnement normal des systèmes qui


composent l’organisme et stipule qu’un fonctionnement harmonieux de
l’ensemble implique celui de chaque système, de chaque organe, de chaque
cellule selon sa différenciation et sa spécialisation.

La pathologie enseigne différents profils qu’adopte un organisme


affecté par des processus morbides, profils qui varient selon le processus en
présence, sa cause, l’étape de son évolution et la forme qu’il revêt du fait de la
réaction éventuelle de l’organisme affecté. Le terme profil sous entend non
seulement le tableau clinique, sous la forme des symptômes détectés et
dénoncés par l’organisme lui-même et des signes physiques que le médecin
va observer lors de l’examen médical, mais aussi toute autre manifestation
pathologique que mettront en lumière les analyses biologiques, les
investigations morphologiques (macroscopiques et/ou microscopiques) et les
épreuves fonctionnelles.

La physiopathologie se veut un enseignement charnière entre


physiologie et pathologie. Elle lie les connaissances de physiologie acquises,
qu’elle rappelle, à celles de la pathologie - encore inconnues - sur lesquelles
elle ne peut qu’anticiper. Une anticipation par bonheur non hasardeuse car
des enseignements comme celui de l’anatomie pathologique et de sémiologie
médicale et chirurgicale comportent aussi des aspects éminemment
pathologiques. Ainsi, pour le récipiendaire du premier cycle des études de
médecine, si le concept pathologie évoque des branches d’enseignement pour
les promotions ultérieures, sa matière est déjà, pour certaines de ses facettes,
de manipulation courante.

Ces notes de cours esquissent le lien privilégié entre physiologie


et pathologie concernant l’appréhension des mécanismes par lesquels un
trouble de fonctionnement normal se traduit par un processus morbide. Après
une évocation plus générale de la maladie et de ses possibles facteurs
étiologiques (Chapitres premier), une attention particulière est dévolue aux
3

affections comportant des altérations cellulaires et macromoléculaires


(Chapitre II) et appesantie sur celles à transmission héréditaire (Chapitre III).
Les mécanismes qui sou tendent l’expression nosologique des déficiences et
dysfonctions enzymatiques sont ébauchés (Chapitre IV) et les troubles de la
thermorégulation discutés (Chapitre V). Une part importante de la discussion
porte sur la réponse inflammatoire (Chapitre VII) et les réactions
immunobiologiques (Chapitre VIII) de l’organisme face à l’agression de ses
composants. La description assez détaillée du rôle des vaisseaux, des
plaquettes et des protéines plasmatiques dans les phénomènes de
l’hémostase (Chapitre IX) se conçoit comme une tentative d’offrir un commun
dénominateur à ces troubles en apparence aussi éloignés que les
thromboses, les hémorragies et les embolies. Les notes se terminent par une
discussion des divers troubles observés au cours du choc (Chapitre X).

Ces notes ne sont pas exhaustives. Elles reflètent néanmoins


notre intelligence des mécanismes pathogéniques incriminés dans divers
groupes nosologiques. Les mécanismes avérés sont présentés comme
établis, les suppositions comme des hypothèses.
4

CHAPITRE I : LA MALADIE

1.1. Définition
La maladie se définit comme un ensemble d’activités anormales
accompagnées d’un trouble fonctionnel. Certes, la limite entre le normal et
l’anormal n’est pas toujours clairement tranchée. Elle est même le plus
souvent arbitrairement tracée de sorte que l’on rencontre parfois une grande
variabilité entre divers groupes et diverses sociétés.

Ainsi une côte surnuméraire est une anomalie et non une maladie.
Il en est de même d’une dextrocardie ou un situs inversus. Mais lorsqu’une
anomalie s’accompagne d’un trouble fonctionnel, elle peut alors déterminer
une maladie. Par exemple un rein unique n’est qu’une anomalie. Mais un rein
unique avec un taux élevé de créatinine sérique constitue une maladie car à
l’anomalie s’est ajouté un trouble fonctionnel : l’élévation du taux de la
créatinine; la maladie étant ici une insuffisance rénale.

1.2. Caractéristiques de la maladie

Les maladies se distinguent par leur mode d’installation, par leur


évolution et, bien entendu, par les facteurs qui les causent. Elles peuvent être
d’installation brutale ou progressive, d’évolution aigue, subaigüe ou
chronique ; elles peuvent déterminer une atteinte bénigne, maligne ou
dégénérative ; elles peuvent être liées à une cause certaine ou reconnaitre un
ou plusieurs facteurs étiologiques intrinsèques ou extrinsèques ou une
combinaison des deux catégories.

En général, pour les formes aigües de maladie, le délai entre le


contact avec l’agent causal et l’apparition des premiers signes est court. Nous
citerons pour exemple quelques affections infectieuses comme le cholera, la
fièvre hémorragique à Ebola, etc. Pour le mode subaigüe et chronique,
l’installation des signes est plutôt insidieuse. L’infection par le virus HIV en est
un bel exemple de ce type d’évolution.
5

Toujours en rapport avec l’évolution, la maladie peut être ou non


dégénérative. Dans le premier groupe, le traitement n’a pour finalité que
d’apporter un certain soulagement, d’induire une meilleure qualité de la vie et
un non une guérison. Sur le long terme, on assiste à la survenue des
complications dont le traitement n’aura réussi qu’à retarder l’occurrence.
C’est le cas du diabète sucré qui, même bien équilibré, ne met pas totalement
le malade à l’abri des complications après une dizaine d’années d’évolution.

Une maladie est dite bénigne si l’évolution vers la guérison n’est


pas exceptionnelle même en l’absence de traitement. Elle est dite plutôt
maligne si l’évolution vers la guérison n’est pas garantie nonobstant un
traitement adéquatement conduit.

1.3. Les étiologies

La maladie a toujours une ou plusieurs causes, mieux un ou


plusieurs facteurs étiologiques. Pour certaines maladies ces facteurs sont
connus, pour d’autres ils sont soit simplement suspectés, soit tout à fait
inconnus. Une notion importante mérite cependant d’être soulignée ici, celle
de la causalité. La seule présence d’un facteur étiologique ne suffit pas
toujours pour déclencher la maladie. Le terrain et l’environnement jouent
également un rôle non négligeable dans l’apparition et le développement d’un
processus morbide. Si l’agent causal joue un rôle déterminant,
l’environnement et le terrain joueraient un rôle favorisant, permissif. Dans le
cas de la tuberculose par exemple, la présence du bacille de Koch(BK) ne
suffit pas à elle seule pour induire la maladie. Il faut le concours d’autres
conditions comme par exemple, une malnutrition, une dépression immunitaire.

D’autre part, une autre notion importante est celle de la réactivité


de l’hôte. Celle-ci peut enrayer un processus morbide en gestation, atténuer la
sévérité des manifestations ou les aggraver. Les maladies peuvent provenir
des causes endogènes ou exogènes.
6

1.3.1. Les causes endogènes

Les maladies congénitales sont celles constatées à la naissance.


Elles peuvent ou non être héréditaires. Les affections héréditaires sont liées à
la dotation génétique de l’individu. Notées à la naissance elles sont alors
congénitales. Mais des affections héréditaires peuvent n’apparaitre que
tardivement au cours de l’existence. Ainsi en est-il de la Chorée de
Huntington, une affection héréditaire à transmission autosomique dominante
dont les manifestations n’apparaissent qu’autour de la quarantaine.

On retrouve parmi les affections congénitales des maladies


infectieuses comme la toxoplasmose, la syphilis, l’infection à VIH et bien
d’autres. Les maladies congénitales peuvent être liées à une intoxication ou à
une prise par la mère d’un médicament tératogène pendant la grossesse
surtout au premier trimestre. D’autres affections congénitales procèdent
d’accidents génétiques sous formes de mutation, de délétion ou d’aberration
numérique des chromosomes. On enregistre également parmi les maladies
congénitales des affections dues

- au phénomène d’iso-immunisation (développement des anticorps


dirigés contre les propres constituants de l’organisme du malade
comme dans l’incompatibilité rhésus).
- aux troubles métaboliques liés à un déficit enzymatique ou hormonal
débouchant sur une enzymopathie, une maladie de stockage ou une
endocrinopathie. Un exemple parmi de nombreux autres est le nanisme
découlant d’un déficit congénital en hormone de croissance.

1.3.2. Les causes exogènes

Elles peuvent être physiques (chaleur, froid, radiations ionisantes)


chimiques (métaux lourds, alcool, tabac), biologiques (virus) ou
bactériologiques. De l’interaction entre ces différents agents et l’hôte, pourra
naître un déséquilibre conduisant à un mauvais fonctionnement de l’organisme
et donc à la maladie.
7

1.3.2.1. Agents physiques

La chaleur peut entrainer l’hyperthermie, le froid l’hypothermie et


les irradiations sont à la base des mutations et des aberrations
chromosomiques à l’origine de certains cancers. Les modifications de
l’environnement gazeux (variation de la pression barométrique, de la
composition et/ou de la quantité des éléments gazeux), de l’environnement
électromagnétique (magnétisme, électricité, ondes électromagnétiques de
fréquences variées, rayonnement visible et invisible) et de l’environnement
cinétique (mobilité humaine, accélération et décélération, gravitation, activité
physique, vibrations, bruit, ultrasons) ainsi que des stress combinés peuvent
tous, dans bien des conditions, entrainer des processus morbides.

1.3.2.2. Agents chimiques

L’intoxication aux métaux lourds (plomb, mercure, or, etc…) est


incriminée dans l’apparition des neuropathies et des néphropathies.
L’alcoolisme l’est dans la cirrhose du foie ; le tabagisme dans les bronchites
chroniques et les cancers des voies respiratoires.

1.3.2.3. Agents biologiques

Dans ce groupe nous retrouvons les virus, les bactéries, les


champignons et les différents parasites comme cause de la plupart des
maladies infectieuses et parasitaires connues.

1.4. Rôle du terrain

Le terrain est déterminé par des facteurs innés, hérités des


parents, et des facteurs acquis liés à l’évolution, à la culture et à
l’environnement.

1.4.1. Facteurs innés

Ce sont des facteurs hérités génétiquement qui jouent un rôle


certain dans la réponse de l’hôte à toute agression. Le groupe
d’histocompatibilité tissulaire HLA par exemple semble jouer un rôle dans
8

l’éclosion de certaines maladies comme le diabète sucré, l’arthrite rhumatoïde,


etc. Les groupes HLA DR3 et DR4 semblent prédisposer au diabète sucré, le
groupe DR28 à l’arthrite rhumatoïde ou tout au moins est associé à la
présence du facteur rhumatoïde.

La connotation familiale de certaines maladies comme l’HTA, le


diabète sucré n’est plus à démontrer. La suralimentation ne semble induire
l’obésité que chez les sujets prédisposés chez qui l’on note par ailleurs un
métabolisme de base relativement bas.

Certaines pathologies sont liées au sexe. Une métrorragie ne se


conçoit que chez la femme ; un cancer de la prostate uniquement chez
l’homme. Pour des maladies portées par le chromosome X, la femme peut
être porteuse sans exprimer la maladie. C’est le cas de l’hémophilie A et B, du
daltonisme et de la déficience en glucose- 6-phosphate déshydrogénase (G-6-
P-D).

1.4.2. Facteurs acquis

Il s’agit des facteurs liés soit à l’environnement, soit à


l’intervention de l’homme, à sa culture ou encore à son alimentation. Les
anticorps materno-transmis au nouveau-né en constituent un exemple. Leur
présence confèrent à ce dernier une protection (immunité passive) contre
certaines affections jusqu’à l’âge de 6 à 9 mois. La vaccination confère un état
immunitaire différent (actif). Elle rend l’individu plus résistant à l’agression par
l’agent contre lequel il est vacciné et a produit activement des anticorps
spécifiques.

Le fait de vivre dans une zone d’endémicité pour des infections


comme la malaria entraine un certain degré de protection contre les formes
sévères ; on parle de prémunition. La grossesse en revanche fragilise la
femme qui devient plus vulnérable à l’action de plusieurs agents pathogènes.

Certaines maladies liées à la dégénérescence des tissus


surviennent volontiers à un âge avancé. Ainsi les manifestations cliniques des
9

lésions d’athérosclérose n’apparaitront que chez les sujets d‘un certain âge.
Bien que l’on admette aujourd’hui que le processus débute beaucoup plus
précocement. De même, les hypertrophies bénignes ou malignes de la
prostate sont surtout l’apanage du sujet du troisième âge.

1.5. Mécanismes étio-pathogéniques

La maladie nait d’un déséquilibre entre l’agent causal, l’hôte et


l’environnement. Dans ce paragraphe, nous essayerons de regrouper les
différentes entités nosologiques en vue de dégager quelques lignes étio-
pathogéniques.

1.5.1. Les maladies dues aux agents physiques

Dans ce groupe, le trouble fonctionnel découle de l’action directe


de l’agent pathogène, action en général proportionnelle à la dose reçue même
s’il existe des différences spécifiques à des agents particuliers. A une
température donnée, la chaleur entraine une altération structurelle et
fonctionnelle des protéines. Il en est de même pour le froid et pour les
irradiations. Il existe un seuil au-delà duquel apparaissent les lésions.

1.5.2. Les agents chimiques

Les agents chimiques opèrent généralement par blocage ou


hyperstimulation d’une voie métabolique donnée. Parfois, le seul contact avec
l’agent suffit à endommager les tissus comme cela s’observe dans les brûlures
chimiques.

1.5.3. La pathologie infectieuse

La pathogénie des maladies infecto-parasitaires est axée sur les


réactions inflammatoires locales ou systémiques en réponse à l’action de
l’agent agresseur. L’intensité de cette réponse dépend du terrain avec sa
dotation génétique et son acquis environnemental. Eventuellement, un nombre
important de parasites peut constituer un obstacle mécanique responsable de
certaines manifestations (par exemple occlusion intestinale par des ascaris)
10

ou causer un déficit en tel ou tel nutriment (anémie ferriprive dans


l’ankylostomiase).

1.5.4. Les maladies héréditaires et endocriniennes

L’expression phénotypique des maladies héréditaires découle de


la fonction jouée par le gène atteint, sa pénétrance et sa dominance. Quant
aux enzymes, c’est plutôt leur rôle dans une chaine métabolique ou l’action
éventuelle de leurs métabolites qui constituent un facteur déterminant. Les
métabolites peuvent soit s’accumuler et induire des réactions systémiques,
soit faire défaut et causer des affections par carence. En ce qui concerne les
hormones, il faut envisager les conditions où elles sont déficitaires et celles où
leur production est excessive.

1.5.5. La pathologie néoplasique

Le pouvoir d’envahissement local et de dissémination à distance


ainsi que la production de certaines substances dans le cadre de ce qu’on
appelle syndrome paranéoplasique expliquent l’expression clinique des
néoplasmes.

1.6. La maladie et le malade

Les considérations ci-dessus indiquant que la pathogénie des


phénomènes morbides requiert l’interaction de l’agent causal, l’hôte et
l’environnement posent le problème de l’existence de la maladie en dehors du
malade et celui du privilège à accorder dans la prise en charge au malade ou
à la maladie.

La conception de Sydenham voudrait que les maladies soient des


espèces naturelles dont on pouvait établir une systématique, une taxonomie
comme celle de Linné pour les plantes. Par contre, Broussais considérait
qu’en fait il n’existe pas de maladies, mais uniquement des malades. Et les
observations dans la pratique de tous les jours semblent lui donner raison. En
effet, aucun malade n’est identique à l’autre même s’ils sont affectés d’une
11

même maladie. La dotation génétique et l’acquis de l’environnement de


chacun déterminent le profil que pourra revêtir l’interaction d’un hôte donné
avec l’agent agresseur en présence.
12

CHAPITRE II. PHYSIOPATHOLOGIE CELLULAIRE ET MOLECULAIRE

2.1. Altérations macromoléculaires des protéines

Comprendre comment une altération au niveau moléculaire ou


macromoléculaire d’une protéine induit une maladie exige une connaissance
préalable du rôle que joue la protéine concernée dans l’organisme. Ce rôle est
variable. Une protéine peut jouer un rôle de structure, de défense, de
transport ou dans le métabolisme cellulaire.

Une altération structurale d’une protéine peut ne pas entrainer de


trouble fonctionnel. Dans certains cas, un trouble fonctionnel ne survient qu’à
la suite d’une modification des conditions de l’environnement comme le pH ou
la pression partielle en O2. Ainsi, chez le drépanocytaire, les hématies ne sont
pas tout le temps falciformes. Mais la présence d’une hypoxie provoque la
cristallisation de l’hémoglobine S, la formation des tactoïdes et la déformation
des globules rouges. C’est le phénomène de falciformation.

Les macromolécules protéiques sont impliquées dans la structure


des tissus et organes (le collagène, l’élastine, la kératine et les complexes
glyco- et lipoprotéiques). Mais en dehors du rôle joué par les protéines dans la
structure, il est important de rappeler le rôle des protéines dans l’homéostasie
de la volémie, l’équilibre acido-basique par le biais de la pression oncotique et
en tant que bases faibles dans le tamponnement du milieu. Leur rôle dans le
transport des oligo-éléments (transferrine, transcobalamine, céruloplasmine,
etc.) ou des hormones (thyroxine binding protein) et leur fonction dans les
processus métaboliques (enzymes et hormones) et immunitaire
(immunoglobulines) doivent être également soulignées.

2.1.1. Macromolécules de structure

2.1.1.1. Le collagène

Le collagène constitue la protéine de structure la plus abondante


de l’organisme. Elle est faite de 5 chaînes sur lesquelles on retrouve
l’alternance des séquences X-Y (acides aminés). Gly, dans 45% des cas X et
13

Y sont faits de proline et d’hydroxyproline, dans 22% on retrouve l’alanine. Un


défaut de production de collagène conduit à l’apparition des maladies comme :

- L’ostéogenesis imperfecta dans laquelle le défaut observé est l’absence


de la matrice osseuse avec comme conséquence une déformabilité des
os et des fractures pathologiques. Dans cette pathologie, il y a un défaut
de transformation de la réticuline en collagène.
- Le syndrome d’Ehler Danlos se caractérise par une hyperlaxité
articulaire et une fragilité vasculaire et cutanée ; cette dernière
entrainant des hémorragies. La pathogénie n’est pas totalement
élucidée. Mais le collagène semble être remplacé par l’élastine.
- Le syndrome de Marfan associe un défaut squelettique (une hyperlaxité
articulaire, des extrémités très longues) avec des anomalies cardiaques
(anévrysme et même dissection de l’aorte).
- L’homocystinurie en apparence plus ou moins semblable au syndrome
de Marfan avec des extrémités longues, une cyphoscoliose et une
déformation thoracique. Elle présente une réduction de la mobilité
articulaire.
L‘hyperproduction du collagène est responsable de l’apparition des maladies
systémiques dites les collagénoses comme la sclérodermie.

2.1.1.2. L’élastine

L’élastine est une macromolécule protéique impliquée dans


l’élasticité tissulaire et vasculaire. Elle est faite des séquences des quatre
acides aminés (alanine, proline, valine et glycine) reliés par des ponts de
lysine.

Un défaut de production est trouvé dans le Pseudoxanthoma


elasticum, affection dominée par un syndrome hémorragique généralisé. Les
sujets atteints présentent une tendance accrue à faire des thromboses
artérielles (cérébrales et/ou cardiaques). On note en plus une hyperkératose
et une perte de l’élasticité au niveau de la face du cou, de la région axillaire et
14

inguinale. L’artériosclérose survenant au cours du processus de vieillissement


est aussi liée à une diminution de cette protéine.

2.1.1.3. La kératine

Elle joue le rôle de barrière et entre dans la composition des


téguments et des phanères (la couche cornée de la peau, les ongles, les
poils). Son hyperproduction entraine des hyperkératoses : des cors, des
verrues, le psoriasis, etc.

2.1.1.4. Les complexes glycoprotéiques

Il s‘agit en général des mucopolysaccharides contenant quelques


fois de l’acide glucuronique alternant avec des aminoglycoses acétylés. Dans
les conditions physiologiques ils sont stables leur métabolisation nécessite un
arsenal enzymatique très important. Le déficit en l’une d’entre elles conduit à
une maladie de stockage. Les glycoprotéines jouent un rôle très important
dans la composition des récepteurs membranaires réglant ainsi l’action des
hormones et le mouvement des électrolytes.

2.1.1.5. Les complexes lipidiques

Tout comme les glycoprotéines, ils entrent dans la composition


des récepteurs membranaires et jouent un rôle dans le transport des vitamines
liposolubles A, D, E et K. Ils interviennent de manière fonctionnelle par le biais
des prostaglandines et des stéroïdes. L’accumulation des lipides conduit à
deux types de pathologie essentiellement l’obésité et les dyslipidémies : les
deux pouvant être familiales ou liées à une suralimentation.

2.2. Altérations macromoléculaires des acides nucléiques

Les macromolécules d’acides nucléiques comprennent les acides


nucléiques (ADN et ARN) et les histones. Ces dernières jouent non seulement
le rôle d’enveloppe mais aussi celui de régulation de l’expression des gènes.
Une modification des macromolécules d’acides nucléiques entraîne une
15

altération génétiquement portée pouvant être transmise de façon récessive ou


dominante à la descendance.

Tableau 2.1. Quelques anomalies génétiquement transmises

Maladie Système Anomalie Mode de Expression


transmission clinique

Cystinurie Rénal, Cystine, lysine, Autosomique Lithiase rénale


digestif arginine, ornithine récessif (cystine)
Maladie de Digestif, Acide aminé neutre Autosomique Déficience en
Hartnup rénal récessif Niacine (pellagre)
Malabsorption Digestif Glucose et Autosomique Diarrhée réfractaire
du glucose et galactose récessif
du galactose
Sphérocytose Globule Sodium Autosomique Anémie
rouge récessif hémolytique
Drépanocytose Globule Valine /glutamine Autosomique Anémie
rouge récessif hémolytique
Daltonisme Oculaire Vision des couleurs Autosomique
récessif

L’exemple de la drépanocytose est très édifiant. Le simple


remplacement de la glutamine par la valine en position 6 conduit à la formation
d’une protéine dont la structure tertiaire est particulièrement labile,
l’hémoglobine anormale S. Même si sa capacité de fixer l’oxygène n’est pas
perdue, dans un milieu hypoxique, la structure tertiaire de cette hémoglobine
est distordue et provoque une déformation du globule rouge ; la viscosité du
sang augmente et perturbe la circulation dans les petits vaisseaux, la bloquant
même par des thrombi occasionnant des infarctus tissulaires. Un autre
exemple est offert par l’hémoglobinose C dans laquelle la glutamine est
remplacée par la lysine sur la même position dans la chaîne β de
l’hémoglobine. Les patients présentent seulement une faible tendance à
16

l’hémolyse. Bien des variétés d’hémoglobines anormales existent qui ont


perdu même la capacité de fixer l’oxygène.

En ce qui concerne la déficience en glucose 6-Phosphate


déshydrogénase, l’expression ultime est une fragilité du globule rouge,
apparemment parce que la restriction de la réduction de NADP par la G6PD
diminue la disponibilité de glutathion réduit nécessaire pour réduire la
méthémoglobine. L’anémie hémolytique due à la déficience en pyruvate
kinase proviendrait de l’instabilité enzymatique apparaissant avec le
vieillissement de la cellule.

Si une altération génétiquement portée a une expression


dominante, le fait d’avoir un parent porteur du trait prédispose à la maladie,
tandis que pour un trait récessif, les deux parents doivent en être porteurs
pour transmettre la maladie

L’anomalie peut être portée par le chromosome sexuel X ou Y.


Dans ce cas, l’homme sera toujours malade que l’anomalie soit récessive ou
dominante. Pour que la femme soit malade, il faut que ses deux chromosomes
X soient touchés et que l’anomalie soit compatible avec la vie. Le tableau 2.1
reprend quelques exemples des anomalies génétiquement transmises.

2.3. La cellule cancéreuse

2.3.1. Définition

Les pathologistes définissent la cellule cancéreuse par une


anomalie du noyau et/ou du cytoplasme et une augmentation des mitoses
associée à l’évidence d’une croissance métastatique. Cette définition se fait
toujours en comparaison de la cellule ou du tissu normal environnant.

2.3.2. Etiologie

Un certain nombre des facteurs peuvent être incriminés dans


l’apparition de la cellule cancéreuse.
17

Une prédisposition génétique : certaines tumeurs ont une connotation


héréditaire. C’est le cas du rétinoblastome, de l’adénome endocrine multiple et
de certaines tumeurs bénignes comme la neurofibromatose, la sclérose
tubéreuse ou encore certaines anomalies cryptogéniques comme l’anémie de
Fanconi. Dans les cancers du sein, du colon et des poumons le rôle de
l’hérédité est aussi suspecté.

Le rôle des irradiations : le bombardement de Hiroshima et de Nagasaki a


provoqué une fréquence anormale des cancers. Plus récemment l’explosion
du réacteur nucléaire de Tchernobyl a été incriminée dans l’éclosion des
leucémies et des cancers de la thyroïde.

Le rôle des agents alkylants, des immunosuppresseurs et de certaines


hormones a été également suspecté dans la prolifération et dans l’altération
cellulaire.

Certains agents infectieux sont également incriminés dans l’éclosion de


certaines tumeurs.

-Agents viraux
Le virus d’Epstein Barr (EBV) dans le lymphome de Burkitt et le carcinome
nasopharyngé ; les virus de l’hépatite (B,C et D) dans le carcinome
héptocellulaure ; le HTLV dans les leucémies aigues à cellules T et dans les
lymphomes ; le HIV dans le sarcome de Kaposi ; le papilloma virus dans le
cancer du col utérin.

-Des agents parasitaires et mycosiques : Le schistosome dans le cancer de la


vessie ; l’aflatoxine dans l’hépatocarcinome.

2.3.3. Mécanismes de croissance tumorale

Trois classes principales de gènes participant grandement au


contrôle de la croissance des cellules joueraient un rôle dans le
développement des cellules cancéreuses. Une personne qui hérite d'une
forme mutée d'un de ces gènes pourrait être plus susceptible de développer
un cancer.
18

2.3.3.1. Les oncogènes

Les oncogènes incitent les cellules à croître de façon


désordonnée et favorisent la croissance des cellules cancéreuses. Ils sont une
version endommagée des gènes normaux et on les appelle proto-oncogènes.
Un proto-oncogène est un gène normal qui participe à la régulation de la
croissance et de la division cellulaires. Il peut subir une mutation et devenir un
oncogène. Les proto-oncogènes gèrent diverses fonctions cellulaires liées à la
croissance et à la reproduction. Les mutations d'oncogènes sont dominantes,
ce qui signifie qu'une anomalie héritée d’un seul parent peut mener au cancer.

2.3.3.2 Les gènes suppresseurs des tumeurs

Les gènes suppresseurs des tumeurs sont des gènes qui aident
à faire cesser la croissance des cellules et à gérer leur mort. Ces
gènes comme, le gène suppresseur des tumeurs p53 (tumor supressor gene
p53) ont le pouvoir de provoquer l’apoptose, suicide ou mort programmée des
cellules. Si les gènes suppresseurs de tumeurs sont endommagés,
absents ou encore s'ils ne fonctionnent pas adéquatement, la
croissance, la division et la mort cellulaires pourraient être
désordonnées. Le gène suppresseur de tumeur P53 est souvent
endommagé ou absent dans de nombreux types de cancer et on
croit qu'un gène suppresseur de tumeur endommagé ou manquant
participe au développement de près de 50 % de tous les cancers.
Les mutations des gènes suppresseurs de tumeurs sont récessives,
ce qui signifie que les deux versions du gène doivent porter
l'anomalie pour que la personne soit à risque de développer un
cancer.

2.3.3.3 Les gènes de réparation de l'ADN

Les gènes de réparation de l'ADN se chargent de réparer les


gènes endommagés. Ils réparent les erreurs (mutations) qui se produisent
19

couramment lorsque l'ADN est copié. Si ces gènes sont eux-mêmes


endommagés, les mutations peuvent ne plus être réparées et s'accumulent.
On peut aussi considérer les gènes de réparation de l'ADN comme un type de
gènes suppresseurs de tumeurs. Les mutations des gènes de réparation de
l'ADN sont également récessives; ses deux parents doivent porter l'anomalie
pour qu’une personne soit à risque de cancer.

Les oncogènes, les gènes suppresseurs de tumeurs et les gènes


de réparation de l'ADN sont les principaux acteurs derrière les mutations liées
au cancer. Mais, les mutations présentes dans d'autres types de gènes
participant à la croissance cellulaire peuvent aussi jouer un rôle. Notamment
les gènes actifs dans le vieillissement ou la mort des cellules. D'autres
mutations génétiques permettent aux cellules cancéreuses de se propager
dans les tissus voisins, d'échapper à la surveillance du système immunitaire,
de fabriquer de nouveaux vaisseaux sanguins (angiogenèse) et de circuler
vers de nouveaux emplacements. Cependant, de nombreux cancers ne
peuvent être liés à un gène spécifique.

Ainsi, normalement le système immunitaire veille sur la


multiplication cellulaire. Il détruit toute cellule qui prolifère de manière
anormale et maintient l’intégrité structurelle et fonctionnelle des organes. Dans
les conditions précitées (irradiations, infections virales, terrain génétiquement
prédisposé) on assiste à une prolifération cellulaire anarchique. Les cellules
cancéreuses sont faiblement immunogéniques et cela demande une grande
quantité d’Ag pour que l’hôte soit sensibilisé. D’aucuns pensent que les
cellules tumorales secréteraient des substances immunodépressives qui
interfèrent avec la réaction d’hypersensibilité aux différents Ag. Dès qu’une
tumeur atteint une certaine taille, elle libère une grande quantité d’Ag solubles
qui stimuleraient la prolifération des lymphocytes T suppresseurs. Cela a été
observé dans certaines tumeurs comme le lymphome de Hodgkin, le myélome
multiple et dans les thymomes. On incrimine également un blocage de
l’activité des cellules tueuses par les complexes Ag-Ac circulants.
20

2.3.4. Manifestations de la maladie cancéreuse

Trois mécanismes expliquent les manifestations cliniques


observées dans une maladie cancéreuse : envahissement local (compression,
refoulement, infiltration, destruction des tissus voisins), dissémination à
distance (métastases par diverses voies), syndrome para néoplasique (des
effets systémiques de certains troubles métaboliques comme l’hypercalcémie,
l’hyperuricémie, l’hypoglycémie ; des troubles hormonaux l’hypersécrétion de
l’ACTH, l’ADH, la PTH ; troubles hématologiques comme la coagulation
intravasculaire disséminée, l’hyperviscosité, la leucopénie ou immunologiques
comme dans le syndrome néphrotique à immuns complexes, etc.).
21

CHAPITRE III : HEREDOPATHOLOGIE

Les acides nucléiques, essentiellement l’ADN et l’ARN constituent


le support de l’information génétique qui peut être léguée à la progéniture
selon un mode dominant ou récessif. Au cours de l’existence, certaines
altérations structurelles peuvent survenir au niveau des cellules somatiques
sans que ces altérations soient transmises à la progéniture. D’autres en
revanche peuvent être transmises et constituent des anomalies ou des
maladies héréditaires. Celles-ci peuvent être considérées comme appartenant
à l’une de ces trois catégories :

1. Affections causées par l’interaction de plusieurs gènes avec


l’environnement ;
2. Affections associées à des anomalies chromosomiques et
3. Affections liées à l’altération d’un gène unique.

3.1. Affections à transmission polygénique


La fréquence de survenue dans la communauté et dans certaines
familles des affections comme le diabète, la schizophrénie, la fente palatine, la
spina bifida, la sténose du pylore et l’hypertension artérielle suggère une
influence génétique possible. En fait l’expression finale du phénotype est une
résultante de l’interaction des influences génétiques et environnementales. La
composante héréditaire est polygénique et constitue un continuum
d’expressions génétiques au sein de la population de sorte que la maladie ne
s’exprime que chez une faible fraction des sujets atteignant le seuil requis
pour que ces risques génétiques et environnementaux puissent se traduire en
maladie.

La transmission de ce genre d’affection ne semble pas respecter


les règles de l’hérédité mendélienne monogénique récessive ou dominante. La
fréquence de l’affection est néanmoins un peu plus grande dans la progéniture
directe des patients que dans la population générale. Elle est aussi plus
grande mais pas égale parmi les jumeaux univitellins, du fait de l’impact pas
22

toujours identique des influences non génétiques. La maladie sera d’autant


plus sévère que le nombre de gènes à risque sera plus grand. Si une telle
maladie est plus fréquente au sein d’un sexe donné, il y a lieu de penser que
ce sexe possède un plus grand nombre de gènes à risque ou que l’autre sexe
a plutôt un seuil de vulnérabilité plus élevé.

3.2. Anomalies des chromosomes

Un autre mécanisme physiopathologique de maladies héréditaires


réside dans des anomalies chromosomiques pouvant être de deux sortes :
une aberration numérique ou une anomalie structurale des chromosomes.

3.2.1. Aberrations numériques des chromosomes

Le nombre diploïde normal des chromosomes est de 46 dans les


cellules somatiques chez l’homme, soit 23 paires dont 22 paires d’autosomes
similaires dans les deux sexes et une paire de chromosomes sexuels
similaires chez la femme (XX), non similaires chez l’homme (XY). Dans les
cellules germinales, les gamètes, il y a plutôt un nombre haploïde de
chromosomes (n=23), un chromosome de chaque paire. Les autosomes sont
divisés en sept groupes (A à G : A comprend les chromosomes 1-3 : B : 4-5 ;
C :6-12, D :13-15 ; E :16-18 ; F : 19-20 et G: 21-22). D’après leur longueur et
la position de leur centromère : les chromosomes sont numérotés de 1 à 22
suivant l’ordre décroissant de leur taille. Sa taille place le chromosome X entre
les paires 7 et 8 ; le chromosome Y est plus petit et assimilable au groupe G.

On peut craindre qu’une variation du nombre de chromosomes


puisse avoir comme conséquence une addition ou une soustraction d’un
certain nombre de gènes pouvant conduire à des anomalies. Il y a toutefois
lieu de signaler que certains changements structuraux des chromosomes
surviennent chez l’homme comme des variantes normales sans signification
pathologique aucune. Les anomalies numériques des chromosomes
consistent en polyploïdies et en aneuploïdies.
23

3.2.1.1. La polyploïdie

La polyploïdie se réfère à un nombre de chromosomes multiple de


23, le nombre haploïde. Il peut s’agir d’une :

- Diploïdie (46 chromosomes) situation normale pour les cellules


somatiques ;
- Triploïdie (69 chromosomes chacun en trois exemplaires) ; la triploïde a
été retrouvée chez des fœtus avortés spontanément rarement chez des
nouveau-nés vivants. Dans tous les cas, il existe des malformations
congénitales sévères ;
- Tétraploïdie (92 chromosomes, chacun en quatre exemplaires). Une
tétraploïdie est parfois observée de façon normale dans certains tissus
comme le foie. Une tétraploïdie dans tout l’organisme s’accompagne
d’anomalies congénitales sévères.
3.2.1.2. L’aneuploïdie

L’aneuploïdie consiste en une augmentation ou une réduction du


nombre normal (euploïdie) des chromosomes. Elle peut concerner les
autosomes ou les chromosomes sexuels. Des exemples d’aneuploïdie sont
donnés par la trisomie (une forme d’aneuploïdie avec 47 chromosomes au lieu
de 46 ; un chromosome se retrouvant en trois exemplaires) et la monosomie
où d’une paire donnée, un seul chromosome est présent. La monosomie du
chromosome X est à la base du syndrome de Turner et, en général, n’est pas
compatible avec la vie.

Un défaut de disjonction chromosomique pendant la méiose chez


l’un des parents (lors de la spermatogenèse ou de l’ovogenèse) ou encore
pendant les premières mitoses de l’œuf fécondé a été évoqué pour expliquer
ces anomalies numériques des chromosomes. Les deux chromosomes d’une
même paire passent dans une même cellule. Deux types cellulaires seront
alors produits : certaines cellules avec un chromosome en plus, d’autres avec
un chromosome en moins. Ces anomalies de disjonction semblent survenir
24

plus fréquemment chez la femme à un âge avancé. L’aneuploïdie peut


concerner les autosomes ou les chromosomes sexuels.

3.2.1.2.1. Aneuploïdies autosomiques

L’aneuploïdie autosomique est observée surtout dans les


trisomies. Dans la trisomie 21 ou syndrome de Down, on rencontre un
chromosome en plus, le chromosome 21 qui appartient au groupe G. L’âge
avancé de la mère incriminé auparavant comme facteur du non disjonction
n’est pas toujours démontré. Un caractère familial est rapporté. De plus, une
association avec l’âge du père a été observée surtout lorsqu’il excède de 10
ans celui de la mère.

D’autres trisomies concernent les chromosomes 8, 13,16 et 22.


Elles ont été décrites comme souvent associées à des malformations
congénitales multiples, importantes et même incompatibles avec la vie.

3.2.1.2.2. Aneuploïdes liées au chromosome sexuel

La gonade primitive possède le potentiel de devenir soit un ovaire


soit un testicule dépendant du chromosome sexuel présent (X ou Y). La
médullaire de la gonade primitive se développe en testicule en présence du
chromosome Y dont le bras court porterait l’antigène responsable de
l’expression mâle. En présence de deux chromosomes X le cortex se
développe en ovaire.

Le gène SRY retrouvé sur le chromosome Y donne les


instructions de produire une protéine dénommée ‘protéine de la région de Y
déterminant le sexe’. Cette protéine est bien impliquée dans le développement
du sexe masculin qui est déterminé par les chromosomes de l’individu. Cette
protéine agit comme un facteur de transcription qui s’attache à des régions
spécifiques de l’ADN et aide à contrôler l’activité des gènes particuliers. Cette
protéine initie donc le processus de développement des testicules par le fœtus
et prévient le développement des structures reproductives femelles (utérus,
25

trompes de Fallope). Un échange anormal de matériel génétique entre


chromosomes (Translocation) lors de formations des cellules germinales
(spermatozoïdes) peut engendrer un transfert du gène SRY sur un
chromosome X. Un fœtus (caryotype 46 XX) avec un tel chromosome X
porteur de gène SRY va plutôt développer des caractéristiques mâles
nonobstant l’absence du chromosome Y. Au contraire une mutation du gène
SRY peut résulter soit en absence de production de la protéine ou en une
production de SRY protéine non fonctionnelle et être à la base du Syndrome
de Swyer. Le fœtus affecté de ce syndrome, quoique porteur du caryotype 46
XY, ne va pas développer des testicules mais bien un utérus et des trompes
de Fallope.

Plusieurs aneuploïdies peuvent être signalées : le syndrome de


Turner, le syndrome de Klinefelter, les individus à X ou Y multiples. Ces
syndromes, comme celui de Swyer déjà mentionné, constituent aussi des
exemples d’erreurs de recombinaison des chromosomes.

3.2.1.2.2.1. Le syndrome de Turner

Il s’agit d’une forme d’hypogonadisme primaire. L’expression


phénotypique est une femme de petite taille avec absence des caractères
sexuels secondaires (dysplasie des gonades et aménorrhée) et plusieurs
anomalies congénitales. Le syndrome est fréquemment associé à la thyroïdite
d’Hashimoto et à des anticorps anti thyroglobuline. Il existe une mosaïque de
caryotypes du syndrome de Turner (45X/46XX ; etc.). Dans la majorité des
cas, la recherche de la X-chromatine est négative.

3.2.1.2.2.2. Le syndrome de Klinefelter

Il s’agit d’une forme d’hypogonadisme et d’infertilité masculine


caractérisée par des petits testicules fermes, une azoospermie quasi
complète, une gynécomastie, un retard de développement mental, une
élévation de gonadotrophines dans les urines et la présence de X chromatine.
Si ‘expression clinique est variable, l’infertilité est un signe constant. Enfin, la
26

taille du sujet affecté est souvent plus grande que celle de la fratrie. Ce
syndrome est présent dès la naissance mais souvent ses manifestations ne
sont visibles qu’à la puberté. L’affection est due à la présence d’un
chromosome X supplémentaire, la conséquence d’un « accident génétique » :
l’enfant est porteur de ce syndrome alors que ses parents ne le sont pas. Le
nombre total de chromosomes (caryotype) est alors de 47 avec une formule
47XXY, au lieu de 46 avec une formule 46XY. Le chromosome
supplémentaire provient soit du père, soit de la mère. La forme classique, dite
homogène, du syndrome de Klinefelter représente 80% à 90% des cas. Dans
10% à 20% des cas, ce chromosome X supplémentaire n’est pas présent
dans toutes les cellules. Certaines cellules possèdent 46 chromosomes
(formule 46XY) et d’autres cellules en ont 47 (formule 47XXY) : on parle alors
de mosaïque. Dans cette dernière forme, la mauvaise séparation des
chromosomes s’est produite plus tard, lors de la division des cellules de l’œuf
déjà fécondé (processus de mitose). Dans ce cas, les conséquences du
syndrome sont généralement moins importantes.

Parfois, on entend parler de variants du syndrome de Klinefelter.


Ce sont des caryotypes à 48 ou 49 chromosomes et de formule 48XXXY,
48XXYY et 49XXXXY. En raison de leurs conséquences différentes, ces
variants ne doivent pas être assimilés au syndrome de Klinefelter. Ces
variants sont très rares (estimés de 1 sur 10 000 à 1 sur 25 000 pour les
formules à 48 chromosomes et de 1 sur 85 000 à 1 sur 100 000 pour les
formules à 49 chromosomes) et peuvent entrer dans la catégorie des individus
X ou Y multiples.

La sécrétion de l’hormone masculine, la testostérone, qui


normalement augmente au moment de la puberté, diminue voire s’épuise chez
les garçons porteurs du syndrome de Klinefelter. La cause exacte de ce
dysfonctionnement n’est pas connue. Cette hormone fabriquée par les
testicules dans les cellules de Leydig, initie, avec une autre hormone, la FSH,
la production des spermatozoïdes (spermatogénèse) au niveau des tubes
27

séminifères dans les testicules. La diminution de la production de


testostérone entraîne une atrophie des tubes séminifères qui est à l’origine
des problèmes de fertilité. La testostérone est également impliquée dans
l’acquisition des caractères sexuels secondaires (pilosité, musculature, voix...).
Les taux d’hormones gonadotropes LH et FSH, hormones produites par
l’hypophyse et qui contrôlent normalement la production de testostérone par
les testicules, peuvent être plus élevés chez les porteurs du syndrome de
Klinefelter.

3.2.1.2.2.3. Les individus XXX et XYY

Les individus XXX ont le plus souvent une expression


phénotypique femelle d’apparence normale. Certaines sont stériles avec
dysgénésie des gonades et aménorrhée. D’autres sont fécondes et donnent
naissance à des enfants au demeurant normaux.

Le syndrome triple X est une anomalie chromosomique


aneuploïdique caractérisée par la présence d'un chromosome X
supplémentaire dans chaque cellule d'une femme (donc homogène). Le
syndrome est également appelé syndrome XXX, trisomie X, triplo-
X, 47XXX ou aneuploïdie 47XXX. Cette anomalie chromosomique se
déclenche lors de la méiose. La trisomie-X apparaît lors de la division
des gamètes des parents. Des femmes ayant une trisomie-X ont typiquement
des seuils de sensibilité légèrement plus élevés. Le plus souvent, le syndrome
triple X n'occasionne pas de problèmes médicaux ni de traits particuliers. Les
femmes avec ce syndrome sont généralement plus grandes que la moyenne,
peuvent avoir des cycles menstruels irréguliers, et ont un plus grand risque de
rencontrer des difficultés d'apprentissage, notamment du langage, allant
rarement jusqu'au retard mental. Les chercheurs ne comprennent pas encore
bien le lien apparent entre une copie supplémentaire du chromosome X et des
difficultés d'apprentissage chez certaines filles et femmes. Ils savent
cependant, que leur grande taille est dû à la présence du gène SHOX (gène
responsable de la taille, présent sur le bras court de X, et donc ici en 3
28

exemplaires) qui est alors surexprimé. Toutefois, ces caractéristiques varient


beaucoup entre les individus affectés. Par ailleurs, comme déjà mentionné, la
plupart des femmes avec un syndrome triple X ont un développement sexuel
normal et sont capables de concevoir des enfants sains.

Causée comme la grande majorité des trisomies à la suite d'une


mauvaise répartition des chromosomes lors de la gamétogenèse, cette
mauvaise répartition peut se produire tant lors de l'ovogenèse (anaphase I ou
anaphase II) que lors de la spermatogenèse (anaphase II uniquement, lorsque
le chromosome X double paternel se sépare en deux chromosomes X simples
et que les deux copies partent du même côté de la cellule). Comme toute
trisomie ou plus généralement toutes les aneuploïdies, leur occurrence
augmente avec l'âge de la mère.
Les individus XYY sont d’apparence male normale, de grande
taille jadis considérés comme des hyper mâles agressifs et antisociaux. Faits
non formellement établis par des études longitudinales récentes. Le syndrome
47XYY n'est pas hérité, mais se produit généralement comme un événement
aléatoire au cours de la formation des spermatozoïdes. Un incident, la non-
disjonction des chromosomes pendant l'anaphase II (de la méiose II), peut
entraîner des spermatozoïdes avec une copie supplémentaire du chromosome
Y. Si l'un de ces spermatozoïdes atypiques contribue à la constitution
génétique d'un enfant, l'enfant aura un chromosome Y supplémentaire dans
chacune des cellules du corps. Dans certains cas, l'addition d'un chromosome
Y supplémentaire résulte de la non-disjonction pendant la division cellulaire
lors d'une mitose post-zygotique au début du développement embryonnaire.
Cela peut produire des mosaïques 46XY / 47XYY.

3.2.3. Les anomalies structurales des chromosomes

L’anomalie chromosomique peut porter non sur le nombre (qui


reste alors normal), mais sur la structure. Le syndrome de Down déjà
mentionné en constitue une illustration. L’anomalie peut consister en une
29

translocation, une délétion ou une inversion chromosomique. Les anomalies


structurales des autosomes peuvent donner naissance à des trisomies ou des
monosomies.

3.2.3.1. Translocations

Il y a translocation lorsqu’un fragment d’un chromosome se


détache et se colle à un chromosome différent. Des fois des fragments des
deux chromosomes échangent leur place entrainant une translocation
réciproque. Ces translocations peuvent ou non produire des anomalies
comme des trisomies ou des monosomies.

3.2.3.2. Délétions

Dans certaines anomalies un chromosome a perdu soit un bras


long soit un bras court, on parle alors de délétion. On en observe dans le
syndrome de Wolf où le chromosome 4 a perdu son bras court dans le
syndrome du cri du chat où le chromosome 5 a perdu son bras court
entrainant un développement anormal du larynx. Dans ces deux syndromes
on peut avoir soit un homme normal, soit une femme d’aspect normal. Dans la
leucémie myéloïde chronique on a une délétion du bras long du chromosome
de Philadelphia (22) qui est un chromosome du groupe G. Cette anomalie
n’est pas congénitale; elle semble être plutôt causée par des virus ou par des
irradiations.

3.2.3.3. Inversion

Une inversion se produit quand un chromosome se casse en


deux endroits et la région entre la rupture tourne à 180 ° avant de rejoindre les
extrémités des deux fragments. Si le segment inversé contient le centromère
(c'est-à-dire le point où les deux chromatides sont joints), l'inversion est dite
péricentrique; sinon, il est appelé paracentrique. Les inversions n'entraînent
pas de gain ou de perte de matériel génétique et n'ont d'effets délétères que si
l'une des ruptures chromosomiques se produit dans un gène essentiel ou si la
30

fonction d'un gène est altérée par sa réinstallation dans un nouveau voisinage
chromosomique (effet de position).

Cependant, les individus hétérozygotes pour les inversions


donnent des produits méiotiques aberrants avec des produits normaux. La
seule façon de coupler des segments non inversés et inversés consiste à
former une boucle d'inversion. Si aucun croisement ne se produit dans la
boucle, la moitié des gamètes sera normale et l'autre moitié contiendra un
chromosome inversé. Si un croisement se produit dans la boucle d'une
inversion paracentrique, un pont chromosomique et un chromosome
acentrique (c'est-à-dire un chromosome sans centromère) seront formés, ce
qui donnera lieu à des produits méiotiques anormaux portant des délétions qui
sont inviables. Dans une inversion péricentrique, un croisement dans la boucle
ne se traduit pas par un pont ou un chromosome acentrique, mais des
produits inviables avec une duplication et une délétion.

3.3. Anomalies monogéniques

3.3.1. Les mutations

3.3.1.1 Définition

Une mutation est une modification rare, accidentelle ou


provoquée, de l'information génétique (séquence d’ADN ou d’ARN) dans
le génome. La mutation était traditionnellement définie comme une
modification de l’information génétique, décelable par un changement brusque
et d’emblée héréditaire intervenant au niveau d’un ou plusieurs caractères.
Cependant, la mise en évidence de l’ADN comme support chimique de
l’information génétique et la possibilité d’accéder à la connaissance précise de
la séquence des nucléotides qui caractérise chaque chromosome a conduit à
proposer une nouvelle définition : tout changement affectant la séquence des
nucléotides est une mutation.

De plus, au niveau de la génétique des populations la mutation se


définit comme une erreur dans la reproduction conforme du message
31

héréditaire. Elle va transformer un allèle en un autre, nouveau ou déjà présent


dans la population. Le rôle de la mutation dans l’évolution est primordial, car
c’est la seule source de gènes nouveaux dont le devenir ultérieur sera
déterminé principalement par la sélection (si la mutation est bénéfique ou
délétère).

Selon la partie du génome touchée, les conséquences d'une


mutation peuvent varier. Une mutation est dite héréditaire si la séquence
génétique mutée est transmise à la génération suivante (voir mutations
germinales). Elle est l’un des éléments de la biodiversité et l’un des nombreux
facteurs pouvant éventuellement participer dans l'évolution de l'espèce.

La mutation d’un gène conduit à la production d’une protéine


différente. Cela ne se traduit pas toujours par une anomalie fonctionnelle.
L’apparition d’une maladie découlera du degré d’altération provoquée, de la
capacité fonctionnelle de la protéine produite, de sa stabilité structurale ou des
deux. Le cas d’altération des protéines de structure a déjà été évoqué ci-
dessus. Celui du mauvais fonctionnement sera abordé ci-après dans l’étude
des enzymopathies.

Une mutation est dite sexuelle lorsqu'elle concerne un


chromosome sexuel, par exemple X/Y chez les mammifères ou W/Z chez les
oiseaux. Une mutation est dite autosomique lorsqu'elle touche un autre
chromosome que les chromosomes sexuels. On parlera de mutation
héréditaire chaque fois qu’une anomalie ou un accident génétique peut être
transmis à la descendance. Cette définition s’applique bien aux conditions que
nous avions décrites plus haut telle que les hémoglobinopathies dans
lesquelles l’anomalie est transmise de manière récessive à la descendance
lorsque les deux parents sont porteurs du trait. Dans d’autres conditions
comme dans le syndrome de Marfan, l’ostéogenesis imperfecta le trait est
transmis de manière dominante: dans ce cas, le seul fait d’avoir un parent
porteur suffit pour que la maladie s’exprime chez les enfants. Quand le
chromosome sexuel est touché, le trait est soit dominant et souvent
32

incompatible avec la vie ; ou alors récessif et incompatible avec la


reproduction.

Si le chromosome X est concerné, la femme ne sera pas malade :


elle ne pourra qu’être porteuse. L’homme quant à lui sera malade et stérile. La
transmission mendélienne suggère que lorsque le trait est lié au chromosome
X de la mère, il sera transmis à 50% des filles (qui seront porteuses) et à 50%
des garçons (qui seront malades). En exemple nous citerons la Dystrophie
musculaire de Duchenne. Dans l’hémophilie (A et B), la femme est porteuse
hétérozygote ; le port homozygote étant incompatible avec la vie. Il en est de
même pour la déficience en G6PD. Nous citerons pour clore ce point d’autres
maladies comme le Pseudoxanthoma elasticum dont nous avons déjà parlé
plus haut qui est une anomalie autosomique récessive, l’albinisme et la
galactosémie.

Si le trait est plutôt porté par le chromosome Y, seuls les


descendants mâles l’expriment et développent la maladie ; les descendantes
femelles ne pouvant ni être atteintes, ni transmettre la maladie. La maladie est
due au mauvais fonctionnement de la protéine produite par la mutation. C’est
le cas de l’hémoglobinose S, des enzymopathies discutées plus loin avec
accumulation des substances par blocage de leur chaîne métabolique normale
(galactosémie, glycogénose, etc.), ou diminution du produit d’une chaîne
métabolique comme dans l’albinisme.

3.3.1.2 Types de mutations

On peut distinguer plusieurs types de mutations.

3.3.1.2.1 Mutations ponctuelles

Une mutation est dite ponctuelle quand elle touche un ou


plusieurs nucléotides d'un même gène. Il s’agit de mutation par substitution ou
par insertion et /ou délétion (mutations décalantes).

Par substitution on distingue :


33

 Mutations faux sens : se traduisant par le remplacement d'un nucléotide


par un autre résultant en modification de l'acide aminé codé ayant ou non
une répercussion sur la fonction de la protéine produite par le gène, dans
le cas d'un gène codant, ou sur l'affinité pour un facteur de transcription,
dans le cas d'une zone promotrice de l'ADN. (Exemple dans la
Sicklanémie : CTGGAG devient CTGGGG). La substitution d’une base
purique à une autre base purique (ou d’une base pyrimidique à une autre
base pyrimidique) donne une mutation de transition. Le remplacement
d’une base purique par une base pyrimidique (ou d’une base pyrimidique
par une base purique) entrainant au contraire une mutation de
transversion .
 Mutations non-sens : Le changement d'un nucléotide provoque le
remplacement d'un codon spécifiant un acide aminé par un codon-stop.
Cela entraîne la production d'une protéine tronquée.
 Mutations silencieuses : Elles ne modifient pas la séquence d'une protéine,
à cause de la redondance du code génétique (le nouveau triplet code le
même acide aminé que le triplet original), ou parce qu'elle touche une
région non codante de l'ADN, ou un intron. Mais cette mutation peut
néanmoins avoir de graves conséquences sur le phénotype. En effet, le
changement d'un seul nucléotide peut changer le site donneur d'épissage
de sorte que l'exon n'est pas reconnu, mais la séquence en acides aminés
ne change pas. Une mutation synonyme désigne une mutation silencieuse
qui touche un exon, sans changer la séquence de la protéine.

Par insertions / délétions

Les insertions et les délétions sont des mutations décalantes, et


sont les deux types de mutations dites indel (vient de insertion et deletion)
ou frame-shift. Une addition ou une suppression de nucléotides non multiple
de 3 provoquera un changement de cadre de lecture du code génétique
(Exemple : « THE FAT CAT SAT » si on supprime le T initial, on va lire : « HEF
34

ATC ATS AT ». Au moment de la traduction, cela générera le plus souvent


une protéine tronquée par l'apparition d'un codon-stop prématuré.

3.3.1.2.2 Mutations chromosomiques

Cela concerne un grand nombre de nucléotides dans l'ADN de


telle sorte que la mutation est observable lorsqu'on fait un caryotype :
duplication, translocation, inversion, délétion, insertion. Il peut s'agir aussi
d'une perte ou d'un gain de chromosomes: trisomie, monosomie, aneuploïdie.

3.3.1.2.3 Mutations dynamiques

Ces mutations évoluent d'une génération à l'autre, elles


correspondent à des répétitions importantes de certains triplets au niveau de
l'ADN (CAG et GGG). Elles sont rencontrées dans certaines maladies
génétiques (Syndrome de l'X fragile, dystrophie myotonique de
Steinert, chorée de Huntington).

3.3.1.2.4 Mutations somatiques ou germinales

On parle de mutation germinale ou mutation de novo, quand la


mutation porte sur l'ADN des cellules souches d'un gamète. Dans ce cas,
l'embryon sera porteur de la mutation alors qu'aucun de ses parents ne la
possédait dans son patrimoine génétique. Ce type de mutation survient lors de
la formation ou de la vie des gamètes d'un des deux parents (ovule ou
spermatozoïde). Ce type de mutation sera transmis à la descendance et
devient une mutation héréditaire. Dans ce cas, il semblerait que les mutations
apportées par le spermatozoïde prédominent. Toutefois, les anomalies
apportées par la mère restent fréquentes et tendent également à augmenter
avec l'âge.

Les mutations somatiques ne touchent pas les cellules destinées


à la reproduction, elles ne sont donc jamais héréditaires :
35

 Les mutations post-zygotiques sont les mutations qui apparaissent dans


l'œuf après sa fécondation. Elles sont plus rares et s'expriment sous
forme de mosaïque chez l'individu concerné.
 Des mutations peuvent apparaître tout au long de la vie sur l'ADN de
n'importe quelle cellule ; elles sont alors transmises à la lignée des
cellules filles. Ces dernières peuvent, dans certains cas, devenir
des cellules tumorales puis former un cancer.

3.3.2 Origines ou causes de mutations

Les mutations naturelles sont aléatoires, mais leur fréquence


d'apparition peut être augmentée par des mutagènes, parfois qualifiés
d’agents ou de facteurs mutagènes. Ces agents peuvent être physiques
(rayonnements ionisants) ou chimiques (agents alkylants, dérivés réactifs de
l'oxygène...). Des procédés permettent aujourd'hui de provoquer des
mutations non-aléatoires et contrôlées. Ces procédés sont notamment
fortement utilisés dans l'étude du vivant, par exemple pour comprendre les
fonctions d'un gène.

3.3.3 Mutations et génétique des populations

De plus, au niveau de la génétique des populations la mutation se


définit comme une erreur dans la reproduction conforme du message
héréditaire. Elle va transformer un allèle en un autre, nouveau ou déjà présent
dans la population. Le rôle de la mutation dans l’évolution est primordial, car
c’est la seule source de gènes nouveaux dont le devenir ultérieur sera
déterminé principalement par la sélection (si la mutation est bénéfique ou
délétère). Le nombre de mutations générées dans une population est
déterminé par la taille de celle-ci ainsi que le taux de mutation des organismes
qui la composent. Par conséquent, pour toute taille de population viable
donnée, un organisme devrait développer un taux de mutation qui optimise
l'équilibre entre les mutations délétères communes et des mutations plus rares
qui augmentent la fitness (chances de survie) à long-terme. Une partie des
36

maladies (maladies génétiques) ou certains avortements sont liés à des


mutations délétères ou mortelles du patrimoine génétique. Le taux de mutation
de l'espèce humaine est mal connu. Des mutations naturelles et/ou dues à
l'exposition à des produits mutagènes d'origine anthropique concernent aussi
l'espèce humaine. L'exposition à certains produits radioactifs (contexte
d'essais nucléaires, d'accidents) et à divers produits
chimiques mutagènes pourrait avoir augmenté le taux de mutation au sein de
l'espèce.

3.3.4 Transmission des mutations

Si une mutation affecte une cellule germinale participant à une


fécondation, elle est transmise à l'individu issu de cette fécondation, et sera
présente dans chacune de ses cellules. Cette mutation peut procurer un
avantage sélectif ou au contraire être délétère, voire létale. C'est la base du
processus de l'évolution. Il est cependant admis que la plupart des mutations
interviennent entre les gènes, dans les introns, ou à des endroits où leur effet
est minime (mutations synonymes); la plupart des mutations sont donc
probablement neutres, et ne sont conservées (ou éliminées) que par hasard
(dérive génétique). En revanche, comme c'est le cas pour la plupart des
mutations accidentelles (provoquées par irradiation ou substances chimiques),
si elle affecte les cellules somatiques, la mutation ne se transmet pas et
n'affectera donc que le sujet l'ayant subie directement. Si les cellules se
divisent activement, il y a possibilité de création d'une tumeur pouvant évoluer
en cancer. À l'opposé, s'il n'y a pas de division l'effet est négligeable.

3.3.5 Conséquences des mutations

3.3.5.1. Conséquences phénotypiques

Les mutations peuvent être classées selon leurs conséquences

phénotypiques. Les mutations peuvent avoir des conséquences

phénotypiques plus ou moins importantes (certaines d'entre elles peuvent


37

avoir des conséquences graves comme le cancer ou des maladies


génétiques, car la modification d'un seul acide aminé dans la chaîne
constituant une protéine peut modifier complètement sa structure spatiale, qui
conditionne son fonctionnement); elles peuvent modifier le plan
d'organisation et l'anatomie de l'organisme comme pour les mutations
homéotiques.

 Les mutations conditionnelles, ne s'expriment que dans certaines


conditions particulières (élévation de la température, niveau d'hydratation,
etc.)
 Les mutations silencieuses n'ont aucun effet sur l'organisme, car elles
n'entraînent aucun changement dans la séquence d'acides aminés de la
protéine codée, ce qui est dû aux nombreuses redondances dans le code
génétique. En effet, la troisième base d'un codon n'est en général pas
codante (de fait, plusieurs codons différents codent le même acide aminé).
par contre, un problème pour la croissance humaine pourrait donc se créer.
Cette propriété est appelée redondance (ou dégénérescence) du codage.
 Les mutations neutres ne modifient pas la capacité à se reproduire, et n'ont
donc aucun effet sur la sélection naturelle. C'est le cas des mutations qui
ont abouti à l'apparition des caractères neutres, comme les groupes
sanguins, qui n'ont a priori aucune incidence sur la capacité à se
reproduire.

3.3.5.2 Conséquences dans l'évolution biologique

Les mutations expliquent l'existence d'une variabilité entre les


gènes. Les mutations qui sont le moins favorables (délétères) à la survie de
l'individu qui les porte, sont éliminées par le jeu de la sélection naturelle, alors
que les mutations avantageuses, beaucoup plus rares, tendent à s'accumuler.

La plupart des mutations sont dites neutres, elles n'influencent


pas la valeur sélective et peuvent se fixer ou disparaître par le jeu de la dérive
génétique. Les mutations spontanées (sporadiques), généralement rares et
38

aléatoires, constituent donc la principale source de diversité génétique,


moteurs de l'évolution. Les causes des mutations spontanées sont inconnues.
Les mutations brutales engendrées par le césium 137 (137Cs), lors de
l’accident de Tchernobyl par exemple, n’ont aucun effet bénéfique et durable
sur le génome d’une espèce, ici l’homme. Mais les effets du 137Cs ne sont
remarquables que sur la descendance du sujet contaminé (malformations
cardiaques, troubles de la minéralisation osseuse, troubles cérébraux) pour
une exposition à forte dose.

Du fait d’une mutation, une modification au niveau de l’ADN peut


retentir sur l’organisme tout entier avec des effets délétères, parfois aussi des
effets avantageux. L’exemple de la sicklanémie peut à cet égard s’avérer
édifiant. Modification d’un nucléotide au niveau de l’ADN, production d’une
hémoglobine S, falciformation des globules rouges privés d’oxygène avec
possibilité d’interruption de flux sanguin. Le port d’un allèle peut provoquer des
douleurs en cas d’exercice intense, mais ce port confère en revanche une
résistance au paludisme dont le parasite est détruit dans les hématies
falciformées.
39

CHAPITRE IV : LES ENZYMOPATHIES

Les enzymopathies concernent les maladies ayant trait aux


substances qui sont normalement métabolisées comme les hydrates de
carbone ou qui ne sont pas normalement synthétisées comme les acides
aminés essentiels.

Tableau 4.1.Déficits enzymatiques dans le métabolisme des acides aminés

Acide aminé Maladie Déficit Clinique Transmission


affecté enzymatique
Phénylalanine Phénylcétonurie Phénylalanine Retard mental, Autosomique
Hyperphényl- hydroxylase trouble récessive
alaninémie neuropsychiatrique,
hypopigmentation
des cheveux
Tyrosine Hypertyrosinémie Tyrosine Retard mental, Autosomique
Tyrosinose, amino trouble récessive
Albinisme cutané transferase, neuropsychiatrique,
et oculaire tyrosinase Malformation de la
cornée, atteinte
hépatique, cirrhose
Tryptophane Tryptophanurie Tryptophane Hypopigmentation Autosomique
pyrolase des cheveux et au récessive
fond d’œil
Histidine Histidinurie Histidine Retard mental, Autosomique
aminolase trouble récessive
neuropsychiatrique
Glycine Hyperglycinémie, α- Insuffisance rénale, Autosomique
hyperoxalurie cétoglutarate lithiase rénale récessive
glyoxylate
carboligase
Acides Hyperprolinémie Proline Autosomique
imminés oxydase récessive
Homocystine Homocystinurie Cystathionine Retard mental, Autosomique
β-synthase trouble récessive
neuropsychiatrique,
ostéoporose,
thrombophlébite
40

Parmi les acides aminés on distingue ceux qui ont d’emblée une
fonction de ceux qui sont des précurseurs enzymatiques. Font partie du
premier groupe la glycine et l’acide γ-aminobutyrique qui ont une action de
neurotransmetteur et du second groupe le phénylamine, la tyrosine, le
tryptophane. Le tableau 4.1 ci-dessus reprend quelques maladies ainsi que les
enzymes déficitaires

Dans les globules rouges un déficit enzymatique dans la voie de


l’oxydation du globule conduit à une hémolyse massive soit de manière
spontanée, soit dans certaines circonstances. Quelques déficits les plus
courants apparaissent dans le tableau 4.2 ci-après.

Tableau 4.2. Quelques déficits enzymatiques du globule rouge

Enzyme déficitaire Concentration Concentration Transmission


globulaire tissulaire
Pyruvate kinase Normale Normale Autosomique
récessive
Hexokinase Normale Normale Autosomique
récessive
G-6PD Variable Basse Liée au
chromosome X
Triose phosphate Basse Basse Autosomique
isomérase récessive
Glucose phosphate Basse Basse Autosomique
isomérase récessive
Phosphoglycérate Basse Basse Liée au
kinase chromosome X
G6PD = glucose-6-phosphate déshydrogénase

Le mécanisme responsable de la survenue de la maladie peut


consister en :
41

4.1. Accumulation d’un précurseur

Dans les maladies de stockage, le déficit en une enzyme donnée


de la chaîne métabolique principale conduit à l’accumulation d’un précurseur
qui peut s’avérer toxique et induire une pathologie de surcharge.

Ainsi, dans le métabolisme de la tyrosine, le déficit en acide


homogentésique oxydase, enzyme qui catalyse normalement la transformation
de l’acide homogentésique en acide maleyl acétoacétique conduit à
l’élimination urinaire de l’acide homogentésique et à son accumulation au
niveau du cartilage péri-articulaire, ce qui prédispose aux arthrites.

Un deuxième exemple est fourni par la galactosémie. Ce désordre


entraine l’incapacité de métaboliser le galactose, un sucre dérivé du lactose. Il
en résulte plusieurs conséquences dont un retard de croissance et de
développement mental, la cataracte et même la mort du fait des dommages au
niveau du foie. Normalement, la conversion de galactose en glucose a
rapidement lieu dans le foie. Le processus comprend d’abord une
phosphorylation du galactose par l’enzyme galactokinase et la transformation
de Galactose -1-P en Glucose -1-P par l’enzyme Galactose-1-P uridyl
transférase (voir Figure 4.1).

Figure 4.1: Conversion du galactose au glucose dans le foie


42

L’anomalie à la base de la galactosémie est un déficit


enzymatique en galactokinase ou plus communément en galactose 1-
phosphate uridyl-transférase. Ce déficit aboutit à l’accumulation du galactose-
1-phosphate et de ses précurseurs (galactose) perturbant ainsi la production
des composés phosphates riches en énergie. Outre l’accumulation dans le
sang, on peut également observer un dépôt de galactose dans le rein, le foie
et le cerveau responsable des dommages à ces organes et du décès.

4.2. Produit d’une voie alterne

En cas de galactosémie, le métabolisme est dévié vers la voie de


l’aldolase réductase. Le galactose en concentration excessive dans le sang
passe aussi dans le cristallin et y est transformé en galactitol (ou dulcitol) non
diffusible. Cette accumulation provoque un œdème osmotique au niveau des
cellules épithéliales du cristallin avec, cliniquement, la survenue de cataracte
oculaire. Cette cataracte est une conséquence de la stimulation d’une voie
métabolique alterne.

Un second exemple est donné par l’hyperoxalurie qui se


caractérise par l’excrétion urinaire excessive de l’acide oxalique, la
néphrolithiase, la néphrocalcinose et l’insuffisance rénale précoce. Les
concrétions calculeuses sont formées d’oxalate de calcium qui n’est pourtant
pas un produit essentiel de la dégradation de la glycine. La biosynthèse
exagérée de l’insoluble acide oxalique à partir de la glycine provient d’une
oxydation irréversible de l’acide glyoxylique. L’accumulation de ce dernier
découle d’un défaut en acide glycolique acétoglutarate carboligase, défaut qui
bloque la conversion de l’acide glyoxylique en α-OH-β-cétoadipate (une des
six voies alternes de l’acide glyoxylique). Cet acide s’accumule donc et se
convertit en acide oxalique.
43

4.3. Défaut des produits métaboliques terminaux

Dans l’albinisme, il y a trouble de la production de la


mélanoprotéine à partir de la tyrosine. Les mélanocytes sont la source de ce
pigment colorant la chevelure, la peau et les yeux. Ils sont présents dans
l’albinisme, mais ils sont déficients en tyrosinase et ne contiennent pas de la
mélanine. Le type I, l’albinisme classique, est une affection héréditaire de
transmission autosomique récessive. Elle est due à la déficience en mélanine,
le produit terminal, qui constitue un écran contre le soleil et protège les
cellules contre l’énergie lumineuse.

Le crétinisme par hypoproduction des hormones thyroïdiennes est


un second exemple d’erreur métabolique innée. Plusieurs déficiences
enzymatiques ont été évoquées : les enzymes d’iodination, celles
responsables du couplage d’iodotyrosil pour former la thyroxine, celles de la
synthèse de thyroglobuline, celles de deshalogénation de l’iode organique.
C’est le déficit en thyroxine qui est responsable du crétinisme et du retard de
développement mental.

L’hyperplasie surrénalienne congénitale peut provenir d’un déficit


absolu ou relatif de l’une des enzymes responsables de la production des
hormones stéroïdiennes à partir du cholestérol. Il s’agit de l’un des groupes ci-
après : 21-hydroxylase, 11-hydroxylase, 17-hydroxylase, 18-hydroxylase et 3-
β-hydroxysteroid deshydrogenase. Peu de minéralocorticoïdes et de
glucocorticoïdes sont alors produits lors de déficience dans la plupart de ces
enzymes avec comme conséquence natriurèse, déshydratation, vomissement,
hypotension, choc et même mort subite. Dans la déficience en 11-
hydroxylase, il y a formation d’hormones stimulant la rétention hydrosodée.

4.4. Absence de rétrocontrôle

La maladie peut être causée par l’absence d’un mécanisme de


rétrocontrôle. Le non synthèse de thyroxine conduit à un retard de
développement mental. Mais le phénotype comprenant un goitre est dû en
44

plus à l’absence de rétrocontrôle de la sécrétion hypothalamique de TRF et


hypophysaire de TSH conduisant à l’hyperplasie thyroïdienne
parenchymateuse.

De même dans le syndrome adrénogénital dû à la déficience en


11-hydroxylase, un précurseur, la 11-déoxycorticostérone, s’accumule et
retient le sodium au point même de produire une hypertension artérielle.
Cependant, une autre expression pathologique de ce syndrome est la
masculinisation due à l’absence de cortisol et de corticostérone qui auraient
pu inhiber l’axe hypothalamo-hypophysaire de production de corticotropin
releasing factor et de l’ACTH.

D’autres exemples existent comme la porphyrie intermittente


aigue, l’oroticoacidurie, etc.

4.5. Autres effets

Dans certains cas, les anomalies héréditaires restent silencieuses


jusqu’à l’exposition de l’individu à certains médicaments. C’est le cas d’une
déficience en cholinestérase sérique qui hydrolyse les esters de choline et
surtout le myorelaxant succinylcholine.

Particulièrement connue parmi les noirs est la déficience en


Glucose-6-phosphate déshydrogénase (G-6-PD) également connue sous le
nom de favisme et caractérisée par l’apparition d’une hémolyse lors de
l’ingestion de fèves ou de l’exposition aux oxydants parmi lesquels certains
anti-paludéens comme le primaquine. La G-6-PD catalyse normalement
l’oxydation de G-6-P en 6-phosphogluconate avec réduction de coenzyme
NADP en NADPH. En cas de déficience en G-6-PD, l’interaction avec la
primaquine ne permet pas de maintenir un taux suffisant de NADPH et de
glutathion réduit, ce qui détermine une fragilité de la membrane du globule
rouge et l’hémolyse. Le déficit en glucose-6-phosphate
déshydrogénase bloque la première réaction d'oxydation de la voie des
pentoses phosphates. Ainsi, la sous-production de NADPH qui en résulte,
45

réduit fortement les capacités cellulaires à lutter contre le stress oxydant.


Les hématies utilisent la voie des pentoses phosphates pour créer du NADPH
nécessaire à la réduction du glutathion, l'autre voie classique, utilisant
les mitochondries n'existant pas dans les globules rouges. En effet, le NADPH
réduit le disulfure de glutathion (GSSG) en glutathion (GSH). Le glutathion
réduit est le principal antioxydant et il est capable de réduire le peroxyde
d’hydrogène (H2O2) généré par les oxydants en eau (H₂O), le rendant ainsi
inoffensif. Le glutathion est impliqué dans la diminution du stress oxydatif du
globule rouge. L'hématie, sa membrane cellulaire ainsi fragilisée, sera détruite
ce qui provoquera une anémie par hémolyse et un ictère. Il serait établi que le
déficit (hétérozygote) en G-6-PD protège du paludisme en favorisant la
phagocytose précoce des hématies parasitées.

Il existe d’autres désordres entrant dans cette catégorie et qui


indiquent à suffisance combien l’environnement influe sur l’hérédité pour
déterminer la maladie. Ces désordres génétiques, parce que révélés par
l’exposition aux médicaments, ont été désignés sous le terme de désordres
pharmacogénétiques.
46

CHAPITRE V : LA THERMOREGULATION

5.1. Notions fondamentales de la thermorégulation

Il existe dans la nature des animaux à sang chaud dits


homéothermes et ceux dont la température corporelle s’adapte à celle de
l’environnement appelés animaux à sang froid, poïkilothermes. Dans le
premier groupe la température est maintenue relativement constante grâce à
l’équilibre entre la production et la déperdition de chaleur.

5.1.1. Source de production de chaleur

La principale source de chaleur dans l’organisme est la combustion des


nutriments (glucose, lipides et protéines). Dans cette production, le foie
intervient pour 40%., les muscles striés pour 30%, les autres organes pour
30%. La production de chaleur peut être accrue dans certaines conditions
physiologiques comme pendant l’effort physique et au cours de la deuxième
moitié du cycle menstruelle chez la femme.

5.1.2. Déperdition de chaleur

Une partie de la chaleur produite par l’organisme sert à réchauffer


l’air, inspiré et les aliments ingérés. Le reste étant dissipé par convection,
radiation, évaporation d’eau et d’autres voies. La convection consiste en un
échange de chaleur entre le corps et un fluide, généralement l’air ambiant ;
échange conditionné par l’existence d’un gradient de température (T°) entre le
corps et cet air. La radiation est un échange de l’énergie par émission de
rayons électromagnétiques entre le corps et l’environnement. L’évaporation
est un mécanisme de déperdition de chaleur qui passe par la transpiration et
par la perspiration insensible. Tous ces mécanismes opèrent sous le contrôle
du système nerveux central (cholinergique et adrénergique).

Au sein d’un même organisme les échanges entre différents organes se font
par le biais de la conduction et convection circulatoire.
47

5.1.3. Contrôle de la température

Le contrôle de la température est assuré par le centre de la


thermorégulation situé dans l’hypothalamus antérieur, centre dont une région
commande la thermoproduction et une autre s’occupe de la
thermoconservation et de la thermolyse. Ce centre serait stimulé par les
prostaglandines essentiellement la PGE2 et peut être aussi la PGF2α. Le
contrôle n’est pas assuré par le cortex. C’est ainsi que, même après
décélération, l’animal dont l’hypothalamus est resté intact peut encore
contrôler sa température tandis que celui ayant subi une section basse devient
poïkilotherme. Il semble que la moelle épinière joue aussi un rôle dans le
contrôle de la T° par le biais du contrôle vasomoteur et sudomoteur.

La thermorégulation requiert trois éléments : des récepteurs


sensibles à la variation de la T° centrale et périphérique, des mécanismes
effecteurs vasomoteurs, sudomoteurs et métaboliques et une structure
d’intégration qui indique si la T° ambiante est basse ou élevée et qui active les
mécanismes appropriés de compensation.

5.1.4. Température normale

La température corporelle est un paramètre très variable non


seulement d’un individu à l’autre, mais aussi, chez la même personne, d’un
moment à un autre et selon le site où elle a été prélevée. Une différence de
0.5° C peut être observée entre la température rectale et la température
axillaire au repos. La température normale est d’environ 37.2° C le matin et de
37.7° C le soir. Toute température supérieure à ces valeurs respectives doit
être considérée comme de la fièvre.

5.2. Réactions fébriles

La fièvre se définit comme une élévation de la température au-


dessus des variations circadiennes; l’hyperthermie quant à elle définit une
élévation de la température au-delà du point d’équilibre hypothalamique.
48

Dans les réactions fébriles, il y a un réajustement du thermostat et


la température du corps est perçue comme si elle était basse. Le corps réagit
par des frissons et une vasoconstriction. Ce qui entraîne une augmentation de
la production et une diminution des pertes de chaleur. Au moment de la lyse,
c’est une réaction inverse qui est observée : une vasodilatation et une
transpiration abondante.

On distingue pour toutes les réactions fébriles : une phase de


prodrome, une phase d’installation, une phase d’état et une phase de déclin.

5.2.1. Phase de prodrome

La phase de prodrome est faite de malaises non spécifiques : la


circulation sanguine cutanée est normale.

5.2.2. Phase d’installation

Pendant cette phase on note comme élément dominant une


vasoconstriction cutanée associée à une sensation de froid, la chair de poule
et aux frissons (qui sont en réalité un état de tétanos asynchrone et incomplet
des muscles visant à augmenter le tonus). La thermogenèse domine la
thermolyse. La sensation de froid s’accompagne d’une élévation de la
température rectale et peut ainsi en partie traduire une disproportion entre
température interne et la température cutanée. On peut observer une
accélération de la fréquence respiratoire.

5.2.3. Phase d’état

La température est accrue ; les frissons cessent et il peut


s’ensuivre une sudation abondante qui annonce la phase de déclin. Le débit
cardiaque est accru, la fréquence cardiaque parallèle la température : une
augmentation de 10 battements pour chaque degré de température en plus.
49

5.2.4. Phase de déclin

La déperdition de chaleur est plus forte que la production. On note


une vasodilatation périphérique cutanée avec une transpiration abondante.

5.2.5. Les pyrogènes

Les substances qui provoquent de la fièvre sont dites pyrogènes.


Certaines sont exogènes, d’autres endogènes.

Fièvre
Agents infectieux,
toxine, médiateurs de
l’inflammation

Production chaleur

Conservation chaleur

Monocytes/Macrophage
s, Cellules endothéliales,
autres cellules SRE ou
Point d’équilibre
SPM
thermorégulateur

Action des
Cytokines pyrogènes : antipyrétiques
II1, II8, TNFα, IFN TPGE2

Hypothalamus

Figure 5.1 : Pathophysiologie de la fièvre

Les pyrogènes exogènes proviennent de l’environnement ; les


endogènes sont des polypeptides produits par l’organisme en réponse à une
agression infectieuse ou inflammatoire.

Les pyrogènes exogènes sont en majorité des micro-organismes


ou leurs toxines. Le pyrogène exogène le plus connu est l’endotoxine qui est
en fait un groupe hétérogène de molécules lipopolysaccharidiques commun à
50

toutes les bactéries Gram négatif. Les bactéries Gram positif produisent aussi
des pyrogènes : des exotoxines variées, des entérotoxines et d’autres encore.
L’endotoxine peut agir directement sur les cellules endothéliales du cerveau et
causer de la fièvre.

En présence d’un agent infectieux, d’une toxine ou d’un médiateur


de l’inflammation, on note une activation des cellules du système réticulo-
endothélial (Figure 5.1). Ces cellules sécrètent des cytokines pyrogènes,
comme l’interleukine 6, la TNF∝, l’interféron, polypeptides qui stimulent la
production de PGE2 au niveau de l’hypothalamus antérieur. Cette dernière
déplace vers les températures élevées le point d’équilibre du thermostat avec
en définitive une conservation accrue de la chaleur et l’apparition de la fièvre.

Il existe des substances antipyrétiques endogènes comme


l’arginine-vasopressine, l’ACTH, l’hormone mélanotrope ou l’hormone
corticotrope qui interfèrent avec la production de PGE2 par les pyrogènes.

5.2.6. La fièvre est elle bénéfique ?

L’augmentation de la température permet à l’organisme de se


défendre contre certaines agressions bactériennes et virales. Les agents de
ces agressions voient leur virulence diminuée à des températures élevées. La
fièvre stimule l’activité phagocytaire et bactéricide des polynucléaires
neutrophiles et les effets cytotoxiques des lymphocytes. Avant l’ère des
antibiotiques, la fièvre a été utilisée comme moyen de traitement de la
neurosyphilis. Avec l’augmentation de la température corporelle, la croissance
du pneumocoque de type III ralentit et une lyse survient à la température
corporelle de 41°C. Le rôle de la fièvre comme mécanisme potentiel de
défense reste, toutefois obscur. Et si la réaction fébrile n’était que bénéfique, il
y aurait lieu de reconsidérer l’usage des antipyrétiques dans les fièvres
associées aux infections, surtout légères. Mais, outre que la fièvre est
génératrice de certains malaises et peut entraîner des troubles électrolytiques,
51

une température trop élevée s’accompagne d’une dénaturation des protéines


et peut altérer les activités métaboliques.

5.3. Les hyperthermies

L’hyperthermie est une élévation de la température corporelle


sans élévation du point d’équilibre hypothalamique due à une dissipation
inadéquate de la chaleur. Elle peut être due à une modification de
l’environnement ou à la prise de certains médicaments qui inhibent la
transpiration. Un exemple c’est l’utilisation de succinylcholine ou d’halothane
chez un sujet porteur d’une anomalie héréditaire au niveau du réticulum
endoplasmique des muscles squelettique. On observe une augmentation de
Ca++ cytosolique avec élévation de la T° et augmentation du métabolisme
musculaire pouvant même conduire à une rhabdomyolyse et une acidose avec
instabilité cardio-vasculaire.

Un deuxième exemple concerne le syndrome malin survenant


après usage de neuroleptiques tricycliques comme les phénothiazines et
l’halopéridol qui entraînent une contracture musculaire, une dysrégulation
végétative et une hyperthermie. Ce syndrome est dû à l’inhibition des
récepteurs dopaminergiques hypothalamiques, inhibition responsable d’une
augmentation de la production et d’une diminution de la déperdition de
chaleur.

Le diagnostic d’hyperthermie est évoqué devant une température


élevée chez un sujet ayant reçu l’un des médicaments susmentionnés ou
ayant été exposé à des températures extérieures très élevées. L’individu
présente une peau sèche, des hallucinations, de la confusion, une mydriase,
des contractures musculaires ainsi qu’une élévation de la créatine
phosphokinase. Dans ces cas, il faut recourir aux moyens physiques
d’abaissassent de température qui s’avèrent plus efficaces. Le Dantrolène
peut être utilisée dans les hyperthermies malignes et la physostigmine dans
les surdosages aux antidépresseurs tricycliques.
52

En pathologie on distingue : les hyperthermies bénignes


survenant dans l’hyperthyroïdie, le phéochromocytome, la deuxième moitié du
cycle chez la femme et lors de la prise de certains médicaments comme
l’adrénaline et la caféine. Les hyperthermies malignes sont observées chez le
polytraumatisé crânien, dans les cas d’accident vasculaire cérébral, les
méningo-encéphalites et les brûlures étendues.

5.4. Les hypothermies

On parle d’hypothermie lorsque la température corporelle (rectale)


descend en dessous de 35° C. L’hypothermie est peu commune mais
représente une urgence médicale. Elle est généralement due à une exposition
au froid : rarement à une stimulation endogène. Elle peut survenir chez un
sujet tout à fait sain ‘accident occupationnel ou pendant une récréation) ou
être secondaire à une défervescence en crise ou à un état de choc.

5.4.1. Formes cliniques

L’hypothermie peut être accidentelle, survenant à la suite d’une


exposition à des conditions de températures très basses ou alors associées à
certaines affections comme : le myxœdème, insuffisance hypophysaire, la
maladie d’Addison ; l’infarctus du myocarde, la cirrhose hépatique terminale,
l’alcoolisme, etc.,

Chez les patients en hypothermie on note de la pâleur, les


membres et le corps froids et rigides avec une respiration superficielle, lente
ou normale et un myosis. L’hypothermie s’accompagne d’une réduction du
fonctionnement de l’organisme, de la repolarisation cardiaque et de la motilité
gastro-intestinale.

Dès que la température atteint 26,7°C on note une bradycardie,


une hémoconcentration, une acidose métabolique, une hypoglycémie ainsi
qu’une fibrillation auriculaire à l’électro-cardiogramme. Dans la prise en
charge, il faut éviter un réchauffement extrême qui entraînerait une
53

vasodilatation périphérique. On préconise plutôt des perfusions hypotoniques,


l’hémodialyse, la dialyse péritonéale avec des solutions réchauffées.

Au cours de l’hypothermie par immersion dans l’eau froide on


observe une réaction de stimulation des mécanismes de compensation
lorsque la température corporelle descend à 35°C, une dépression de ces
mécanismes entre 35 – 30°C et le seuil critique est franchie entre 30 – 25°C. Il
existe toutefois une grande variabilité inter individuelle, le sujet obèse tendant
à résister plus longtemps que le sujet mince.

L’hypothermie est induite pendant les grandes interventions


chirurgicales sur le cerveau ou le cœur en vue de réduire les besoins
métaboliques de ces organes. Mais il se pose toujours le problème de la
dissolution du CO2 qui est proportionnelle à la température.
54

CHAPITRE VII. L’INFLAMMATION


7.1. Définition

L’inflammation se définit comme une réponse de l’organisme à


une agression de la micro-circulation et de son contenu ; agression pouvant
être physique, chimique, immunologique ou infectieuse. Une inflammation est
une réaction de défense immunitaire stéréotypée du corps à une agression
externe (infection, trauma, brûlure, allergie, etc) ou interne (cellules
cancéreuses). L'inflammation est un processus universel, concernant
l'ensemble des tissus (dit ubiquitaire) ; elle fait intervenir l'immunité innée ainsi
que l'immunité adaptative.

L'inflammation chronique est désormais reconnue comme une


réponse à de nombreuses transformations de l'environnement et du
comportement modernes (elle est favorisée par la sédentarité, la malbouffe,
la pollution, les altérations du microbiote humain) et un facteur important dans
le développement de maladies de civilisation telles que la résistance à
l'insuline, l'obésité, les maladies cardiovasculaires, les maladies immunitaires,
et même les troubles de l'humeur et du comportement.

L’intérêt accordé à l’étio-pathogénie de la réaction inflammatoire


et à son contrôle pharmacologique a été croissant ces dernières décennies. Il
s’explique entre autre par le fait que dans nombre de maladies, une grande
partie des lésions tissulaires provient de la réaction inflammatoire, elle-même
responsable de l’inconfort induit par la maladie. C’est dire qu’il existe des
affections dont le stimulus provoquant la réaction serait inoffensif s’il
n’engendrait pas de réaction inflammatoire. Les affections rhumatismales et
allergiques entrent dans cette catégorie. Quel que soit le type d’agression, la
réponse inflammatoire reste la même ; elle a pour but d’amener le plus
rapidement possible l’organisme à la réparation ou la cicatrisation.
55

7.2. Syndrome inflammatoire

En médecine, un syndrome inflammatoire est la représentation


clinique et biologique d'une inflammation. On le subdivise
en syndrome clinique et syndrome biologique.

7.2.1 Syndrome inflammatoire clinique

Un syndrome inflammatoire local se caractérise par une tétrade


sémiologique classique : douleur, tuméfaction, rougeur et chaleur (dolor,
tumor, rubor, calor) auxquels on ajoute l’impotence fonctionnelle (functio
laesa). Ces signes sont facilement observables lorsque l'inflammation
concerne la peau ou un tissu adjacent. Un syndrome inflammatoire général
associe la fièvre (par l'action d'interleukine) et une altération de l'état général,
plus marquée en cas d'inflammation chronique (consécutive à la sécrétion
de TNF).

7.2.2 Syndrome inflammatoire biologique

Il existe différents marqueurs biologiques de l'inflammation, dont


les taux varient selon des cinétiques différentes.

7.2.2.1 Marqueurs plasmatiques

 La protéine C réactive est la protéine de la phase aiguë de


l'inflammation la plus utilisée. Sa valeur normale est inférieure à 10
mg/L. L'élévation de son taux signe la présence d'une inflammation ;
l'augmentation est faible dans une infection virale, plus importante
dans une infection bactérienne. En cas d'inflammation, son taux
augmente rapidement dès la 6e heure, atteint son maximum à
la 24e h et décroît à partir de la 48e heure.

 Les protéines de la phase tardive de l'inflammation que sont


l'haptoglobine, l'orosomucoïde et le fibrinogène augmentent à partir
du 2e jour et atteignent un maximum au 5e jour. En pratique courante,
56

c'est le fibrinogène qui est le plus utilisé, son taux normal étant
compris entre 2 et 4 g/l.

 Les protéines « négatives » (dont le taux abaissé est marqueur


d'inflammation) sont l'albumine, la préalbumine et la transferrine.

 L'électrophorèse des protéines peut montrer une augmentation des


alpha1-globulines (orosomucoïde), des alpha2-globulines
(haptoglobine) et des gammaglobulines (anticorps), ainsi qu'une
diminution de l'albumine.

 La procalcitonine est plus spécifique d'une affection bactérienne,


parasitaire ou fongique. Son élévation se fait à partir de la 3e heure.

7.2.2.2 Marqueurs cellulaires

 La vitesse de sédimentation érythrocytaire est le marqueur


aspécifique de l'inflammation. Sa cinétique est lente, et son élévation
peut être due à des pathologies non liées à un syndrome
inflammatoire.

 L'hémogramme peut montrer une anémie hypochrome microcytaire,


arégénérative, associée à une hyperleucocytose et à
une thrombocytose. L'anémie est associée à un taux de fer bas et un
taux de ferritine élevée. Au cours de la phase précoce du syndrome
inflammatoire, on observe une anémie normocytaire.

7.3 Syndrome de réponse inflammatoire systémique

Le syndrome de réponse inflammatoire systémique (ou SIRS) est


un syndrome clinico-biologique stigmate d'inflammation, défini par l'association
de fièvre (ou hypothermie), tachycardie, tachypnée et hyperleucocy-
tose (ou leucopénie). Ce syndrome a pour avantage d'être simple et
57

consensuel. Sa définition exacte nécessite la présence d'au moins deux des


signes suivants :

 une température corporelle > 38 °C ou < 36 °C,


 une fréquence cardiaque > 90/min,
 une fréquence respiratoire > 20/min ou une hyperventilation se
traduisant par une PaCO2 < 32 mmHg (< 4,3 kPa) en air ambiant,
 une leucocytose > 12 000/mm3 ou < 4 000/mm3 ou > 10 % de
cellules immatures.

7.4 Étiologie

Les principales causes du syndrome inflammatoire sont


représentées par les infections, les maladies auto-immunes et les cancers.

7.5 Mécanisme de l’inflammation

Il existe trois temps à l'inflammation :

7.5.1 Phase vasculaire ou vasculo-exsudative

Elle est déclenchée par l'action de médiateurs chimiques. On


constate :

1. La libération d'amines vasoactives préformées par les mastocytes


(histamine et sérotonine).
2. L'activation des protéines plasmatiques inactives
(facteur XII (Hageman), bradykinine, kallikréine, complément).
3. La sécrétion de médiateurs lipidiques (prostaglandi-
nes dont prostacycline, leucotriènes, facteur d'activation plaquet-
taire (PAF)).
58

Cette première phase comporte trois phénomènes.

7.5.1.1 Congestion active

Sous l'influence de médiateurs chimiques, les cellules


endothéliales s'activent. Cela entraîne une vasodilatation locale artériolaire
puis capillaire qui provoque :

1. une augmentation de l'apport sanguin


2. une diminution de la vitesse du flux sanguin

Cette dilatation locale des vaisseaux sanguins provoque la


rougeur et la sensation de chaleur. Il a pour but d’augmenter la circulation du
sang afin d’évacuer les cellules mortes et les toxines (détersion), et d’apporter
les éléments nécessaires à la guérison, notamment des globules blancs pour
combattre les corps étrangers.

Parallèlement à la congestion active, les cellules endothéliales


activées expriment des molécules d'adhésion (nécessaires à la diapédèse)
tandis que le vaisseau devient plus perméable (épanchement de l’eau
du plasma sanguin par osmose vers les tissus, ce qui provoque l’œdème).

7.5.1.2 Œdème inflammatoire

L’œdème inflammatoire est la conséquence du passage


du plasma, plus précisément d'un exsudat, dans la zone lésée. Il se traduit
par un gonflement du tissu touché et comprime les nerfs alentours provoquant
la sensation douloureuse et les démangeaisons. Il a plusieurs rôles : il permet
l'apport jusqu'à la lésion de moyens de défense (immunoglobulines, protéines
du complément..), la dilution de l'agent pathogène et la limitation du foyer
inflammatoire.

7.5.1.3 Diapédèse leucocytaire


La diapédèse leucocytaire est le phénomène permettant le
passage des leucocytes de la circulation sanguine jusqu'au foyer de
l'inflammation. On peut distinguer trois étapes différentes :
59

1. Margination leucocytaire.
2. Rolling : interaction des leucocytes et des cellules endothéliales par
l'intermédiaire de sélectines.

Figure 7.1 : Migration des


leucocytes pendant une réaction
inflammatoire

3. Diapédèse : passage de la paroi endothéliale par les leucocytes qui


commence par l'adhésion cellulaire par l'intermédiaire des intégrines et
de molécules d'adhésion (ICAM : en anglais : Intercellular adhesion
molecules).

7.5.2 Phase cellulaire

La phase cellulaire fait suite à la diapédèse, lorsque les


leucocytes sont amassés dans le tissu interstitiel. Elle correspond à la
formation du granulome inflammatoire. Il participe à la détersion (rôle
des granulocytes et des macrophages) et permet le développement de la
réaction immunitaire adaptative. Les cellules composant le granulome ont
également un rôle de sécrétion de médiateurs chimiques.

7.5.3 Phase de Résolution

Il s'agit enfin de l'arrêt du processus inflammatoire. La résolution


de l'inflammation nécessite au niveau local plusieurs conditions :

1. L'arrêt de l'agression est la condition principale pour l'arrêt de


l'inflammation.
2. L'action de molécules anti-inflammatoires, étroitement intriquée avec
des facteurs cellulaires (les cellules sécrètent ces molécules et sont à la
60

fois sous leur dépendance). Parmi ces molécules anti-inflammatoires,


on peut citer les cytokines IL-4, IL-10 et IL-13 et les
lipides résolvine, protectine, lipoxine.

Au niveau de l'organisme (niveau dit systémique), une stimulation


de l'axe hypothalamo-hypophysaire corticotrope entraîne la production
de cortisol puis des glucocorticoïdes (les corticoïdes sont de puissants anti-
inflammatoires). Si l'inflammation s'arrête à ce stade, elle est qualifiée
d'inflammation aiguë. Si cette phase de résolution fait défaut, une
inflammation chronique peut s'installer.

7.6 Types d’inflammation

Selon la persistance de l'inflammation on peut distinguer

 Inflammation aiguë
 Inflammation chronique
Selon la morphologie du foyer inflammatoire|

 Inflammation non-spécifique
 Inflammation spécifique : Inflammation granulomateuse

7.6 L’inflammation aiguë


Le syndrome inflammatoire aigu évolue ainsi en deux phases : la
phase d’induction et la phase de résolution. La phase d’induction correspond à
la période d’activation de l’ensemble des facteurs humoraux et cellulaires en
réponse à l’agression. Ses manifestations cliniques peuvent être locales ou
systémiques.
La phase de résolution correspond au résultat de l’action
prépondérante des facteurs anti-inflammatoires produits par les cellules et
organes participant à cette réaction ; elle aboutit à l’activation des fibroblastes.
7.6.1 La phase d’induction

La phase d’induction de la réaction inflammatoire rassemble les


éléments humoraux et cellulaires mettant en œuvre des modifications
vasculaires et permettant l’afflux des globules blancs dans les tissus lésés.
61

Suivant le type d’agression tissulaire et l’agent agresseur on distingue


l’induction non immune et l’induction immune de l’inflammation.

7.6.1.1 L’induction non immune

Au niveau de la peau des muqueuses et des tissus péri-


vasculaires on note une infiltration fine des mastocytes et des macrophages
qui jouent le rôle de sentinelle. Une minute après une agression ces cellules
libèrent des amines vasoactives (histamine, sérotomine, etc.) et des
substances chimiotactiques pour les globules blancs neutrophiles (neutrophil
chemotactic factor) et éosinophiles (eosinophil chemotactic factor). Au niveau
des terminaisons nerveuses on note la libération de la substance P
responsable de la douleur. Tous ces médiateurs conduisent à une
vasodilatation et à une augmentation de la perméabilité capillaire responsable
de l’expression clinique.

7.6.1.2 L’induction immune

L’induction immune fait intervenir les réactions Ag-Ac et Ag –


cellule lymphocytaire sensibilisée dont les conséquences dépendent du lieu où
se passe la réaction (tissu, vaisseau, etc) et des cellules effectrices impliquées
dans la réponse.

Suivant les circonstances, diverses manifestations


d’hypersensibilité peuvent se produire, classées en quatre types (I à IV). Dans
le type I, l’Ag se fixe passivement à la surface de la cellule effectrice
entraînant sa dégranulation et la libération des médiateurs ; le type II comporte
des réactions cytotoxiques induites par les Ac en présence du complément ; le
type III des réactions à immuns complexes solubles et le type IV constitue la
réaction d’hypersensibilité retardée. Ces diverses manifestations sont
discutées en détails au chapitre traitant des réactions immunobiologiques
(chapitre VIII).
62

Figure 7.2. Diagramme général de la réaction inflammatoire


63

7.7 L’inflammation chronique

7.7.1 Le passage à la chronicité

Un élément reste toujours utile pour distinguer une lésion


inflammatoire aiguë d’une lésion chronique : la notion simple que les lésions
inflammatoires aiguës sont constituées essentiellement d’une infiltration par
les polynucléaires neutrophiles alors que les lésions chroniques sont plutôt
très riches en éléments monocytaires.

Les mécanismes conditionnant la transformation d’une


inflammation aiguë en une inflammation chronique sont encore mal connus à
l’heure actuelle. Le passage à la chronicité d’une inflammation aiguë peut être
le résultat de trois mécanismes possibles : la persistance de l’agent irritant, un
antigène endogène induisant une réaction immune ou, d’autres facteurs
endogènes.

7.7.1.1. Persistance de l’irritant

La persistance d’une substance non ou mal dégradable constitue


l’un des mécanismes majeurs invoqués dans la production de granulome
inflammatoire. Les micro-organismes qui peuvent être complètement dégradés
par les macrophages n’induisent qu’une réaction inflammatoire transitoire. La
suppression de la cause inductive est donc déterminante pour la résolution
complète d’une inflammation aiguë.

A la suite des lésions tissulaires graves, des anticorps (Ac) dirigés


contre l’ADN modifié peuvent être produits et décelés dans l’économie. Ils ne
participent pas directement au processus inflammatoire. Mais le système
immunitaire de l’hôte peut les considérer comme ne lui appartenant pas et
initier une réaction immunitaire contre ses propres tissus. Le processus de leur
phagocytose va entraîner la libération des enzymes protéolytiques qui
pourront causer des modifications des tissus avec formation des nouveaux
composants tissulaires néoformés reconnus comme Ag par les cellules
64

immunocompétentes. La conséquence est une réaction immunitaire contre


ces néo-Ag tissulaires mettant en jeu un processus inflammatoire chronique.

7.7.1.2 Facteurs endogènes

Différents facteurs ou médiateurs modifieraient le type de cellules


présent dans la lésion de façon à remplacer progressivement les
polynucléaires par une majorité des cellules mononuclées. La transformation
d’un exsudat à polynucléaires en un exsudat à monocytes suppose deux
mécanismes possibles.

- Soit les monocytes migrent après les polynucléaires sous l’effet des
facteurs chimiotactiques différents.
- Soit les deux migrent simultanément, mais leur vitesse de migration est
différente de sorte qu’il y a prédominance d’un type de cellules dans le
foyer inflammatoire. Une fois présents dans le foyer, les monocytes
pourraient être immobilisés sur place par des produits lymphocytaires
(lymphokines) inhibant leurs déplacements (MIF= migration inhibiting
factor).

La formation d’un granulome chronique dépend du recrutement de


nouvelles cellules venant de la circulation et de la prolifération des
macrophages déjà présents dans la lésion. Des facteurs mitogènes pourraient
s’avérer aussi importants pour l’entretien de la réaction inflammatoire et son
passage à la chronicité. Il semble ainsi que le passage à la chronicité dépend
non seulement du stimulus initial, mais également de facteurs relevant de
l’hôte qui déterminent le type cellulaire dominant de la lésion.

7.7.2. Inflammation chronique granulomateuse

L’inflammation chronique est liée à la persistance de l’agent


agresseur quelle qu’en soit la nature. L'inflammation granulomateuse est un
aspect particulier de la réponse inflammatoire chronique secondaire à la
persistance de l'agent étiologique (la cause de l'inflammation, par exemple
65

une bactérie pathogènes que l'organisme peine à éliminer (mycobactéries...)


ou un corps étranger introduit dans le derme et mal éliminé ou mal dégradé
par l'organisme tel qu'une écharde profonde, une épine d'oursin, un fil de
suture, une substances lipidiques allergène, certaines bactéries,
des complexes immuns, etc.) et se définit essentiellement par la présence
d’un granulome qui n’est autre chose qu’une lésion tissulaire comportant des
cellules phagocytaires mononuclées organisées en amas ou nodules. Les
cellules concernées sont « des histiocytes (macrophages, cellules
épithélioïdes et/ou cellules géantes multinucléées) et des lymphocytes, plus
rarement associés à d’autres éléments cellulaires (polynucléaires
neutrophiles, polynucléaires éosinophiles, plasmocytes…) et avec la
participation, quelle que soit la forme du granulome, de fibroblastes ».

Le granulome peut être toxique, non toxique ou immunologique.


Le granulome est non toxique lorsque produit par des substances non toxique
comme le charbon ; toxique lorsque produit par une substance toxique comme
l’amiante. Dans le type immunologique, lié aux réactions immunitaires, on
retrouve des cellules mononuclées persistantes prenant l’aspect des cellules
épithélioïdes gigantocellulaires. C’est dans ce groupe que l’on retrouve les
maladies granulomateuses. Dans le granulome immunologique, l’irritant
participe à l’induction de la réaction inflammatoire en sa qualité de substance
étrangère à l‘organisme et d’Ag, c'est-à-dire de substance capable d’être
reconnue et captée par le système immunitaire. L’évolution vers une lésion
granulomateuse est le résultat de l’incapacité de l’organisme à éliminer les
complexes immuns et à moduler la réponse à médiation cellulaire pour des
raisons encore mal connues.
66

Tableau 7.1. Les maladies granulomateuses

Origine Maladie
Parasitaire Schictosomiase,
Trichinose, Filariose, Capillariose
Bactérienne Tuberculose, Lèpre,
Brucellose, Fièvre Q, Salrnonollose,
Syphylis, Listériose
Fongique Histoplasmose,
Blastomycose, Coccidiodomycose,
Alvéolite
Corps métallique Beryliose,
Granulomatose de Wegener
Cause inconnue Sarcoïdose, Maladie de
Crohn

7.8 Manifestations locales de l’inflammation

Au cours de l’inflammation, les manifestations locales sont liées


aux modifications vasculaires (vasodilatation et vasoperméabilité) et à
l’implication des cellules de l’inflammation.

7.8.1 Modifications vasculaires

Les médiateurs vaso-actifs (voir aussi 7.5.1) de la réaction


inflammatoire agissent sur les boucles capillaires périphériques (artérioles,
anses capillaires et veinules). Les phénomènes vasculaires sont les
fondements des manifestations cliniques locales de la réaction inflammatoire.
Les manifestations vasculaires de la réaction inflammatoire sont immédiates ;
on peut les observer dans la minute qui suit l’atteinte tissulaire. Elles sont
subséquentes à des substances dont les plus rapidement libérées sont la
substance P (par le système nerveux), l’histamine et la sérotonine (par les
mastocytes, les basophiles et les plaquettes). Les prostaglandines (PG), le
67

complément et les kinines sont libérées plus tardivement. Ces substances


entrainent une dilatation artériolaire, une ouverture des boucles capillaires non
normalement irrigués avec, pour effet, une augmentation et un ralentissement
du flux sanguin et une augmentation de la pression hydrostatique capillaire et
veinulaire. Cette dernière n’est cependant pas suffisante pour produire le
phénomène d’œdème qui est lié plutôt à l’augmentation de la
vasoperméabilité des veinules par contraction des cellules endothéliales. Il se
forme des micropores dans la paroi des veinules par lesquels les protéines
plasmatiques peuvent exsuder vers les tissus. Ce phénomène d’exsudation
permet la formation de l’œdème. La résolution progressive se réalise par le
drainage lymphatique. Le flux liquidien provenant des tissus agressés permet
la collection vers les ganglions lymphatiques des substances captées
ultérieurement par les cellules immunocompétentes des ganglions et qui sont
à l’origine de l’immunisation.

7.8.2. Médiateurs vaso-actifs (voir 7.5.1 supra)

Ces médiateurs représentent un groupe hétérogène des


substances : des amines (histamines et sérotonine) libérées par dégranulation
des mastocytes, des basophiles et des plaquettes ; les peptides (substance P
d’origine nerveuse, bradykinine, fibrinopeptides et anaphylatoxines (C3a, C4a
et C5a) d’origine plasmatique) ; les métabolites lipidiques (PG, leucotriènes,
thromboxanes, PAF= platelet activating factor provenant de l’ensemble des
cellules inflammatoires) et d’autres (superoxyde, catécholamines,
acétylcholine, etc.) venant des phagocytes et du système nerveux.

7.8.3 Mécanismes des signes cardinaux

7.8.3.1. Calor = chaleur

L’élévation de la T° locale d’un site inflammatoire résulte de


l’augmentation de flux sanguin local. Celui-ci provient du relâchement des
résistances pré capillaires des artérioles en réponse à la libération par le
processus inflammatoire de puissants médiateurs vasodilatateurs qui lèvent le
68

spasme de la musculature lisse des artérioles et des sphincters précapillaires


d’origine adrénergique.

La chaleur n’est donc pas tributaire d’une stimulation de la


thermogenèse locale par les agents irritants ou d’une augmentation de
l’activité métabolique dans les tissus intéressés.

7.8.3.2. Rubor = rougeur ou érythème

L’érythème est également dû à la vasodilatation. Les vaisseaux


pré-capillaires conditionnent la résistance au flux sanguin et en conséquence,
la T° des tissus périphériques. Les capillaires et les veinules des couches
superficielles déterminent la couleur des tissus. L’aspect des tissus sera
modifié selon l’état de constriction ou de dilatation de ces derniers vaisseaux.
L’érythème inflammatoire est toujours associé à l’augmentation de la chaleur
locale. La dilatation des capillaires et des veinules est due à la distension
passive de leurs parois par l’augmentation de la pression veineuse.

7.8.3.3. Tumor= œdème inflammatoire

Les phénomènes vasculaires déterminent également l’œdème


des tissus inflammatoires qui consiste en une augmentation du volume du
compartiment interstitiel extravasculaire local. L’augmentation du flux sanguin
dans le réseau capillaire et veinulaire entraine celle de la pression sanguine et
peut favoriser la diffusion liquidienne trans-pariétale donnant naissance à un
transsudat aprotéique. L’exsudat inflammatoire a un taux des protéines
avoisinant celui du sang. Il résulte d’une modification de l’organisation des
parois veinulaires qui perdent leur étanchéité sous l’influence des médiateurs
vasoactifs et produisent un écartement des cellules endothéliales. La capacité
des lymphatiques locaux à éliminer les liquides en excès est temporairement
dépassée. Les leucocytes infiltrent par les mêmes pores pariétaux les tissus
enflammés.
69

Le mécanisme intime de l’accroissement de la vasoperméabilité


n’est pas encore entièrement élucidé.

7.8.3.4. Dolor = douleur

Certains médiateurs conditionnant la vasodilation sont à l’origine


de la douleur lorsqu’appliqués à des tissus normaux. Associée à la
bradykinine, l’histamine provoque une sensation de douleur. La sensation de
prurit est liée à la présence de l’histamine et de PGE. Les PG (PGE 1 et PGE2)
ont la capacité d’accentuer considérablement la sensation de douleur par
sensibilisation des récepteurs nociceptifs et par facilitation de la transmission
des stimuli douloureux vers les structures centrales. Par ailleurs l’œdème local
peut contribuer par effet mécanique à la production des sensations
douloureuses.

Les fibres nerveuses A et C dont les corps cellulaires sont situés


dans le ganglion rachidien et le premier relais synaptique dans la substance
grise de la corne postérieure de la moelle épinière, sont les supports
anatomiques de la transmission des influx nerveux nociceptifs. La substance P
a été mise en évidence aux deux extrémités de la fibre C comme véritable
neurotransmetteur de la douleur. Cette substance peut, en plus, induire une
vasodilatation artériolaire et une vasoperméabilité veinulaire. Les
enképhalines ainsi que la somatostatine sont des antagonistes de la
substance P.

7.9 Les cellules de l’inflammation

Les cellules de l'inflammation comprennent: 1) les lymphocytes,


2) les cellules phagocytaires ou phagocytes (polynuclé-aires - principalement
neutrophiles- et monocytes-macrophages), 3) les mastocytes et les
polynucléaires basophiles, 4) les fibroblastes. Certaines cellules comme les
mastocytes et les macrophages sont déjà présentes dans les tissus avant
l’agression et jouent le rôle de sentinelles (incluant les histiocytes résidents
comme les macrophages des cellules alvéolaires du poumon ou les cellules
70

de Küpffer du foie). Les polynucléaires et les cellules mononucléées


(monocytes et lymphocytes) sont recrutés au moment de la réaction
inflammatoire. Les polynucléaires arrivent les premiers sur les lieux de
l’inflammation.

7.9.1 Lymphocytes

Les lymphocytes, cellules de l'immunité spécifique, humorale et


cellulaire, sont de type B (CD20), T (CD3) ou ni B ni T (NK pour natural killer).
Parmi les lymphocytes T, certains sont dits auxiliaires = « helper » (CD4),
d'autres, cytotoxiques (CD8). Les lymphocytes sont la mémoire de l'immunité
acquise et servent à son expression : les plasmocytes, par exemple, étape
finale de la maturation de la lignée B, sécrètent les anticorps. Les lymphocytes
T secrètent des cytokines. Les lymphocytes NK peuvent avoir une action
cytotoxique.

Les cytokines sont des peptides ou des protéines produites par de


nombreuses cellules, parmi lesquelles les lymphocytes (principalement T) et
les monocytes-macrophages. Elles peuvent être considérées comme des
hormones produites par des cellules isolées plutôt que par des glandes.
Comme les hormones, elles agissent, par l'intermédiaire de récepteurs
membranaires, sur la cellule qui les produit (effet autocrine), sur des cellules
proches (effet paracrine), et sur des cellules situées à distance (effet
endocrine). Certaines cytokines sont pro-inflammatoires (interleukine 1 ou IL1,
IL6 et tumor necrosis factor ou TNF-alpha) ; d'autres au contraire sont anti-
inflammatoires (IL4, IL10, et IL13). Les cytokines ont de nombreux effets parmi
lesquels on retiendra 3 principaux : Médiation de l'immunité naturelle non
spécifique (ex : les interférons qui provoquent l'apparition dans la cellule d'une
activité antivirale non spécifique), Régulation de l'activation, de la croissance
et de la différentiation des lymphocytes : cytokines qui favorisent l'immunité
cellulaire dites de type Th1 (IL2, interféron gamma, IL12 et TNF-bêta) ou qui
orientent vers la sécrétion d'anticorps dites de type Th2 (IL4, IL5, IL6, IL10,
71

and IL13), enfin Stimulation de l'hématopoïèse qui est le fait des cytokines
dites colony stimulating factors » ou CSF capables de stimuler spécifiquement
la prolifération de différentes lignées hématopoïétiques, par exemple, les
lignées produisant les polynucléaires (G-CSF = granulocyte colony stimulating
factor), les macrophages (M-CSF= monocytes colony stimulating factor) ou les
deux (GM-CSF= granulocyte and monocyte colony stimulating factor) ou les
mégacaryocytes.

7.9.2 Mastocytes et polynucléaires basophiles

Les mastocytes et les polynucléaires basophiles comportent des


granulations qui contiennent des médiateurs chimiques de l'inflammation, en
particulier l'histamine, l'héparine et la sérotonine.

7.9.3 Cellules phagocytaires

Les cellules phagocytaires ou phagocytes comprennent les


polynucléaires neutrophiles et les cellules du système monocyte-macrophage
(incluant les histiocytes résidents, c'est à dire les macrophages des tissus
comme les cellules alvéolaires du poumon ou les cellules de Küpffer du foie).
La cellule microgliale est le macrophage du cerveau.

7.9.4 Les fibroblastes

Ce sont les cellules qui produisent le collagène ; elles jouent un


rôle important dans la cicatrisation.
72

CHAPITRE VIII. LES REACTIONS IMMUNOBIOLOGIQUES

Comme indiqué dans les chapitres précédents, la maladie


découle d’un déséquilibre entre l’hôte, l’environnement et l’agent agresseur. Si
l’agresseur est d’origine bactérienne, fongique ou parasitaire, son introduction
dans l’organisme détermine une série des réactions qui ont pour finalité sa
neutralisation et sa destruction car il est considéré comme étranger. Il
constitue un Antigène (Ag) qui va induire soit une production d’anticorps, soit
une prolifération d’une lignée cellulaire impliquée dans la défense de l’hôte,
soit les deux.

8.1. Antigène

Un antigène (Ag) est une substance biologique ou synthétique


capable d’induire une réaction immunitaire ; c'est-à-dire une production
d’anticorps spécifiques ou non spécifiques, une prolifération des cellules
impliquées dans l’immunité, ou les deux.

Cette définition permet de préciser deux notions : celle de


l’immunogénicité qui est la capacité, le pouvoir d’induire une réaction
immunologique et celle de la réactivité antigénique qui est la capacité de
réagir avec les produits de cette réponse immunitaire.

La réponse immunitaire consiste en une induction de la


prolifération des lymphocytes B qui se transforment en plasmocytes pour
produire des anticorps (spécifiques ou non), c’est la réaction humorale et/ou
une induction de la prolifération des lymphocytes T ayant des récepteurs
spécifiques pour l’Ag, c’est la réponse à médiation cellulaire, ou les deux.

La réactivité antigénique est déterminée elle-même par une partie


limitée de l’Ag dite déterminant antigénique ou épitope. Si l’Ag est une
protéine, on peut par dégradation enzymatique isoler cet épitope, la partie
ayant le pouvoir d’induire la réaction immunitaire et capable de réagir avec les
anticorps spécifiques. L’épitope peut être continu (une seule boucle) ou
discontinu (deux à trois boucles). L’épitope a une spécificité c'est-à-dire que
73

l’anticorps spécifique ne réagit qu’avec lui et non avec toute autre partie de
l’Ag. Ainsi un Ag A n’est reconnu que par les anticorps anti A ou par les
lymphocytes sensibilisés. Si deux épitopes sont voisins quant à leurs
structures moléculaires, ils peuvent induire une réaction croisée : c'est-à-dire
que les anticorps dirigés contre l’un, peuvent réagir avec l’autre.

Certains Ag sont tellement petits que, de par leur poids


moléculaire faible, ils ne peuvent induire une réaction immunologique à moins
d’être fixés sur un protéine porteuse. On les appelle haptènes.

Plusieurs substances se sont montrées antigéniques ; c'est-à-dire


capables d’induire une réaction immunitaire et on distingue des auto-antigènes
présents chez l’individu lui-même. Des alloantigènes qui caractérisent des
groupes d’individus au sein d’une même espèce (exemple antigènes des
groupes sanguins). Des isoantigènes qui sont portés par certains individus
d’une même espèce seraient synonymes d’alloantigènes. Des xénoantigènes
qui sont des hétéro-antigènes portés par des individus d’une espèce
différente.

8.1.1. Nature des antigènes

Les protéines. Quel que soit leur type (globulaire ou fibrillaire), les
protéines sont toutes immunogènes. L’étude de l’antigénicité de certaines
protéines comme la myoglobuline ou le virus de la poliomyélite a permis
d’établir les bases structurelles de l’antigénicité des protéines.

Les polyosides sont un groupe antigénique important résultant de


la polymérisation des oses. Ils sont responsables de l’antigénicité des
glycoprotéines entrant dans la composition des membranes des micro-
organismes.

Les lipides sont moins antigéniques que les catégories


précédentes à moins d’être couplés à des polysaccharides.
74

Les acides nucléiques : la réponse immunitaire à cette catégorie


des substances est très difficile. Mais rarement on a vu des anticorps à l’ADN
et aux histones.

Des nombreuses substances polypeptidiques, glucidiques,


synthétiques et les dérivés arsenicaux peuvent induire des réactions
immunitaires.

8.1.1.1. Immunogénicité

Pour qu’une substance induise une réaction immunologique, elle


doit avoir un poids moléculaire d’au moins 5000 Daltons pour les protéines et
un poids plus élevé pour les polysaccharides. Et il faut une certaine rigidité de
l’Ag pour permettre la complémentarité avec l’anticorps correspondant.

L’Ag requiert un conditionnement pour induire une réaction


immunologique. Les macrophages jouent un rôle important dans la
phagocytose et la présentation de l’Ag aux cellules spécifiques en vue
d’induire une réaction adaptée. Ils ont à leur surface des molécules dites
d’histocompatibilité capables de fixer l’Ag et d’être reconnues par le
lymphocyte T. La région des macrophages jouant ce rôle est appelée
agrétope.

8.2. L’anticorps

Les anticorps sont des immunoglobulines, des glycoprotéines


ayant la propriété de se lier aux Ag ayant provoqué leur sécrétion. Elles sont
présentes dans le plasma, les liquides extravasculaires et les différentes
sécrétions. Elles ne sont pas purifiables à cause de leur hétérogénéité. On les
regroupe en fonction de leur poids moléculaire en : IgG, IgA, IgM, IgD et IgE.
Elles sont faites de deux chaînes : une lourde, propre à chaque classe
d’immunoglobulines et une légère commune à l’ensemble des Ig.
75

8.2.1. IgG

Les IgG représentent 75% des Ig circulant dans le sérum normal.


On a environ 12 g/l ; leur poids moléculaire est de 150.000 Daltons avec un
coefficient de sédimentation de 7S.

La plus grande partie des Ac fixant le complément, opsonisant et


neutralisant les toxines bactériennes et les virus appartiennent à cette classe.
On compte 4 sous classes : IgG1 à IgG4. Elles diffèrent entre elles par le
nombre des ponts disulfures. Leur taux est augmenté dans les infections
chroniques et dans les maladies auto-immunes.

Figure 8.1. Immunoglobuline. Vert =chaîne lourde ; Blanc=chaîne légère ;


V=domaine variable ; C= domaine constant ; Fc = fragment cristallisable ;
Fab= fragment de liaison pour l’antigène ; ponts disulfures inter- et intra -
chaînes ; A= site de fixation aux cellules (phagocytes, cellules tueuses,
plaquettes, mastocytes) ; B= site d’activation de complément.

8.2.2. IgM

La concentration des IgM dans le sérum est d’environ 1,5 g/L ;


leur poids moléculaire est de 900.000 Daltons avec un coefficient de
sédimentation de 19S. Elles forment la première vague d’Ac qui apparaissent
après la primo immunisation. Dans le cas de la rubéole par exemple la
présence des IgM signifie une infection récente ; celle des IgG plaide pour
76

une infection ancienne. Une grande quantité d’IgM est produite au cours de
certaines affections comme la maladie de Waldenström. Une telle production
est responsable de l’hyperviscosité du sang nécessitant parfois des
plasmaphérèses. Les Ac dans l’incompatibilité ABO sont de ce groupe et
durent toute la vie.

8.2.3. IgA

Il faut distinguer deux sous-groupes IgA1 et IgA2 dont on a dans


le sérum de 1 à 2 g/L. Le poids moléculaire des IgA est 160.000 Daltons et
leur coefficient de sédimentation est de 7S. On les retrouve dans différentes
sécrétions : urines, salives, larmes, expectorations et sécrétions gastro-
intestinales. Les deux formes peuvent neutraliser les virus et agglutiner des
toxines. Elles jouent un rôle dans l’opsonisation des bactéries, les rendant
immobiles et facilitant ainsi leur phagocytose. Elles n’activent pas le
complément.

8.2.4. IgD

Les IgD sont thermolabiles et limitées seulement au niveau du


courant sanguin. Elles jouent un rôle important contre des Ag d’origine
alimentaire et contre certains auto-Ag comme les composants nucléaires.

8.2.5. IgE

Les IgE sont aussi thermolabiles. Elles attirent les mastocytes, et


sont synthétisées en grande quantité au niveau des muqueuses digestives et
respiratoires. Des quantités importantes sont produites au cours des infections
parasitaires comme la schistosomiase, la filariose, l’hydatidose, la trichinose.
Elles augmentent dans les réactions d’hypersensibilité.

8.3. Evolution des Ac au cours de la vie

A la naissance, le taux des IgG est très élevé du fait de la


présence des Ac materno transmis ; celui des IgM et des IgA est bas ; elles
77

peuvent même être indétectables. Pendant la période néonatale, on assiste à


une augmentation des IgM. La synthèse des IgG est retardée ; elles atteignent
le taux de l’adulte à 3 ans. Les IgA, IgD et IgE ne le font qu’à la puberté.

8.4. Usage clinique des anticorps

Le traitement de certaines maladies comme la diphtérie, le


tétanos, la morsure de serpent recourt à l’usage des sérums qui ne sont rien
d’autre que des Ac spécifiques. La prophylaxie d’autres affections comme
l’hépatite, la rage, les viroses procède de même par l’administration d’Ac
spécifiques. Dans la prévention des réactions de rejet des greffons et de la
sensibilisation de la mère contre le fœtus (incompatibilité Rhésus par
exemple) on utilise également des Ac spécifiques. Ces immunisations
artificielles passives devraient être suivies d’immunisation active car leur
répétition prédispose le receveur à des réactions d’hypersensibilité.

8.5. Réactions antigène-anticorps

La réaction Ag – Ac se fait entre l’épitope et l’Ac correspondant. Il


s’établit une liaison maintenue par des forces électrostatiques COOH-NH2
ainsi que par les forces de Van Der Waals. On note également des liaisons
hydrophobes entre les acides aminés.

L’agglutination peut être active ou directe lorsque l’Ag est une


particule figurée porteuse de ses déterminants antigéniques (le globule rouge,
le leucocyte, le toxoplasme, le spermatozoïde, les plaquettes, etc). La réaction
est dite passive ou indirecte lorsqu’on offre un support au déterminant
antigénique pour permettre la réaction. La détermination du groupe sanguin
ABO, le Widal, le diagnostic de la mononucléose infectieuse par la réaction de
Paul Bunnel David sont des exemples de réaction d’agglutination directe.
Dans la réaction indirecte, l’Ag est fixé sur des particules variables selon le
type de réaction. La suspension des particules est ensuite mise en contact
avec le sérum. Dans le VDRL l’Ag est fixé sur des microcristaux de cholestérol
en suspension colloïdale ; la réaction se fait sur lame. Les tests
78

d’hémagglutination de tréponème pâle, la réaction de Waaler Rose (dans les


connectivites) et le test de Coombs chez la femme Rhésus négatif dans le
diagnostic de l’isoimmunisation sont aussi des exemples de réactions
d’agglutination indirecte.

La réaction Ag-Ac présente trois caractéristiques principales : elle


est exothermique, spécifique et réversible.

8.5.1. Exothermique

Elle libère de l’énergique. Les anticorps sont dits froids s’ils


libèrent une grande quantité d’énergie (30 à 40 Kcal) et se combinent
faiblement à 37°C. Ils sont dits chauds s’ils se combinent facilement à 37°C et
libèrent peu d’énergie à l’exemple des Ac anti-Rhésus.

8.5.2. Spécifique

Un épitope ne se combine qu’avec un seul anticorps de sorte que


connaissant l’un, on peut reconnaître l’autre.

8.5.3. Réversible

La réaction Ag-Ac est réversible à la suite d’une modification du


milieu (pH, température, concentration en électrolytes, etc.).

8.6. Le système de complément

Le complexe Ag-Ac formé peut activer une cascade des réactions


de 18 enzymes protéiques qui a pour finalité la lyse de l’Ag : c’est le système
de complément. Il comporte une voie classique et une voie alterne pour son
activation ; la voie classique activée par le complexe Ag-Ac et la voie alterne
(Voie de properdine) activée par l’Ag microbien en absence d’anticorps (Figure
8.2).
79

Il existerait également une voie dite voie des lécithines.

Figure 8.2. Voies d’activation du complément


80

8.6.1. Rôle de ce système

8.6.1.1. Dans la réaction inflammatoire

La composante C2a exerce un effet kinine-like et augmente la


perméabilité vasculaire. Elle joue un rôle dans la pathogénie de l’œdème
angioneurotique dans lequel on a un déficit en inhibiteur de C1 estérase. Les
anaphylatoxines C3a, C5a induisent la contraction de la musculature lisse, la
dégranulation des mastocytes et des polynucléaires ; dégranulation à la base
de la vasodilatation et de l’augmentation de la perméabilité capillaire. Les
enzymes lysosomiales larguées dans la circulation ont pour effet la destruction
tissulaire.

8.6.1.2. Opsonisation et stimulation de la phagocytose

Les C3a, C5a et C567 entraînent un recrutement des


polynucléaires et des macrophages sur le site inflammatoire alors que le C3b
et le C4b procèdent à l’opsonisation, par l’adhérence, des immuns complexes.
On note également une activation des cellules B par le C3b et une stimulation
de l’activité cytolytique (C5b8-9).

8.7. Etats d’immunodéficience

Il existe deux types de réponse immunitaire : une réponse


spécifique passant par les lymphocytes B et T (immunité adaptative) et une
réponse non spécifique médiée par le complément, l’interféron, les cellules
tueuses et le système des macrophages (immunité non adaptative)

8.7.1. Déficience en immunité non adaptative (Innée)

Elle peut intéresser chacune des composantes énumérées ci-


dessus. Elle peut être congénitale ou acquise
81

8.7.1.1. Le système du complément

8.7.1.1.1. Déficience congénitale

Elle peut concerner un ou plusieurs facteurs ou le système


régulateur. On voit alors apparaître des maladies liées à la présence des
immuns complexes comme le LED, les glomérulonéphrites et des infections
récurrentes.

8.7.1.1.2. Acquise

Une hypocomplémentémie par défaut de synthèse apparait dans


la cirrhose et la malnutrition. Un défaut de la voie alterne est observé chez les
drépanocytaires exposant à des infections à salmonelle et à pneumocoque.

8.7.1.2. Déficience en interféron et lysozymes

Cette déficience est responsable d’infections fatales de


mononucléose infectieuse.

8.7.1.3. Déficience en cellules tueuses

Elle peut être congénitale ou acquise ; dans ce dernier cas c’est


souvent au décours d’un traitement immunosuppresseur ou de la
radiothérapie.

8.7.1.4. Le système phagocytaire

Un déficit dans ce système est responsable des infections à


répétition. Le tableau 8.1 reprend quelques affections liées à un défaut de la
phagocytose comme la maladie granulomateuse chronique où l’on observe
des infections à répétition par des germes à faible virulence (staphylococcus
albus, serratia m.). Le syndrome de Job serait une variante de la maladie
granulomateuse chronique. Le syndrome de Chediak Higashi est caractérisé
par la présence d’une inclusion granulaire géante des globules blancs et des
plaquettes. Le chimiotactisme et la destruction intracellulaire sont anormaux.
82

Tableau 8.1 Etats d’immunodéficience

Pathologie Défaut Clinique Commentaire


A. Congénitale
Syndrome de Neutropénie et Infection récurrente Ingestion et destruction
leucocyte paresseux Chimiotactisme intracellulaire normales
Maladie Déficit des Infection à candida, E. Antibiothérapie et
granulomateuse macrophages et des coli et staphylocoque transplantation
chronique neutrophiles en médullaire
catalase
Ostéopétrose Ostéoclaste, Infections Transplantation
monocyte, Natural médullaire
killer
B. Physiologique
Période néonatale Chimiotactisme, Susceptibilité aux
opsonisation, infections
destruction
C. Acquise
Drépanocytose Saturation du SRE+ Infection à salmonella Immunisation
hypersplénisme et pneumocoque prophylactique
Malnutrition PC Destruction infections Correction trouble
intracellulaire nutritionnel
LMC Destruction Infections Améliorée pendant les
intracellulaire pour remissions
neutrophiles
Diabète sucré Chimiotactisme Prédisposition aux Equilibrer le diabète
infections

8.7.2. Déficience du système immunitaire spécifique (adaptative)

Il peut s’agir d’une déficience congénitale ou acquise. Dans le


premier cas on retrouve les anomalies du système hématopoïétique avec un
défaut de maturation des cellules B et T. On peut aussi retrouver une
déficience sélective en immunoglobulines chez le jeune enfant, la déficience
en IgA étant la plus connue.
83

8.7.2.1. La déficience physiologique

8.7.2.1.1. La grossesse

L’immunodépression relative observée pendant la grossesse


serait liée à une augmentation de l’action des lymphocytes T régulateurs
(anciennement lymphocytes T suppresseurs) ou à l’effet suppresseur des
facteurs trophoblastiques. Cette immunodépression est importante pour la
tolérance de l’œuf. Elle explique la perte de la prémunition contre la malaria
chez la femme enceinte en milieu endémique.

8.7.2.1.2. L’âge

Avec l’avance en âge, il y a récurrence des néoplasmes et des


infections imputable à la dépression des cellules T helper et à la diminution de
la production des lymphokines.

8.7.2.2. Déficience acquise

8.7.2.2.1. Malnutrition protéino-calorique

Chez les enfants mal nourris on note une atrophie des organes
lymphoïdes, une dépression des cellules T à certains mitogènes et une baisse
de la production des lymphokines. La réaction d’hypersensibilité cutanée est
décalée.

8.7.2.2.2. Syndrome d’immunodéficience acquise

Les lymphocytes T helper sont déprimés, les suppresseurs


augmentés et le fonctionnement des cellules B perturbé.

8.7.2.2.3. Corticostéroïdes, immunosuppresseurs et irradiations

Ils dépriment la fonction des cellules T. Les corticostéroïdes


stabilisent la membrane lysosomiale altérant la phagocytose.
84

8.7.2.2.4. Autres conditions

Les pertes digestives des immunoglobulines dans les


lymphangectasies intestinales et les pertes rénales dans le syndrome
néphrotique s’accompagnent d’une dépression de l’immunité humorale.

8.8. Les états d’hypersensibilité

Le premier contact avec un Ag induit chez l’hôte une réponse


immunitaire. Au second contact la réponse est en général plus rapide et plus
intense. La réponse peut avoir un rôle de protection, de destruction tissulaire
ou les deux. On parle de réaction d’hypersensibilité pour indiquer les situations
dans lesquelles il y a destruction tissulaire.

8.8.1. Classification

On distingue quatre types de réactions d’hypersensibilité :


immédiate ou anaphylactique, cytotoxique, à immuns complexes et retardée.

8.8.1.1. La réaction immédiate ou anaphylactique (type 1)

La réaction immédiate ou anaphylactique apparait immédiatement


après contact avec un allergène. Elle se produit au niveau cutané, gastro-
intestinal ou respiratoire ; mais elle peut être aussi systémique. Les Ac en
cause sont les IgE, également appelées réagines. La réaction entraîne la
dégranulation des mastocytes et des basophiles qui vont libérer des
médiateurs chimiques : histamine, kinines, FG et eosinophil-chematactic factor
et la SRSA (slow reacting substance of anaphylaxis). Ces substances
déterminent une vasodilatation systémique, une exsudation des fluides dans le
milieu interstitiel, une contraction des muscles lisses et une éosinophilie
locale. Ces réactions se rencontrent dans l’asthme bronchique, la rhinite
allergique, la réaction à la piqûre d’insectes ; l’allergène pouvant être ici le
pollen, la nourriture, un médicament, etc.
85

Les stéroïdes peuvent utilisés car ils stabilisent les membranes et


empêchent la dégranulation des mastocytes et des basophiles. Il faut toutefois
éviter le contact avec l’allergène.

8.8.1.2. Réaction cytotoxique (type II)

La réaction cytotoxique est médiée par les IgG, IgM ou IgA dirigés
contre des épitopes fixés sur es cellules ou sur une membrane basale. On
assiste ici à l’activation du système du complément avec altération tissulaire.
C’est le genre de réaction observé dans les incompatibilités rhésus, ABO,
dans l’anémie hémolytique, dans le syndrome de Goodpasture ainsi que dans
la maladie hémolytique du nouveau-né.

8.8.1.3. Réaction à immuns complexes (type III)

Les immuns complexes sont des complexes Ag-Ac pouvant


activer le système du complément en fonction de leur taille et de la classe de
l’Ac présent. Les Ag dans ces complexes restent solubles. Les immuns
complexes peuvent entraîner des altérations au niveau de la membrane
basale en dehors de toute intervention du complément ou des phagocytes. Ils
peuvent également activer le système du complément avec toutes ces
conséquences. Ils peuvent induire une hyperviscosité sanguine avec un effet
sludge conduisant à l’agrégation plaquettaire, formation des microthrombi,
libération des amines vasoactives responsables d’une inflammation et d’une
ischémie locale. Les immuns complexes circulants sont observés dans les
affections auto-immunes, certains néoplasmes et infections et dans les
affections systémiques ou localisées (Tableau 8.2).

8.8.1.4. La réaction de type retardé est à médiation cellulaire. L’altération


tissulaire est provoquée par les cellules T cytotoxiques et par les cellules T.

8.9 Tolérance immunitaire

La notion de tolérance fait référence à l’absence de réactivité


immunologique spécifique envers un antigène, faisant suite à une première
86

rencontre avec ce même antigène. Bien que la tolérance la plus importante


soit la non-réactivité vis-à-vis d’antigènes du soi, il est aussi possible d’induire
une tolérance à des antigènes du non-soi. Lorsqu’un antigène induit de la
tolérance on dit qu’il est tolérogène. Le processus induisant une tolérance à
un antigène donné s'appelle la tolérogenèse. Elle n'est possible que dans un
organisme immunocompétent sous certaines conditions. On distingue ainsi
une tolérance aux antigènes du soi et une tolérance au non-soi.

8.9.1 Tolérance aux antigènes du soi.

Généralement il n’y a pas de réponse immunitaire forte contre ses


propres (auto-) antigènes. C’est le phénomène appelé tolérance au soi. Le
système immunitaire est ainsi constamment mis au défi de distinguer le soi du
non soi et déclencher une réponse appropriée. Lorsqu’il reconnaît un antigène
du soi et répond fortement contre lui, une maladie auto-immune peut alors se
développer.

8.9.2 Tolérance au non-soi

La tolérance peut également être induite contre des antigènes du


non soi : cela peut se produire en modifiant l'antigène, en l’injectant par des
voies spécifiques (voie orale), ou encore lorsque l’antigène est administré
alors que le système immunitaire est en train de se développer. Certaines
bactéries et virus ont élaboré des moyens astucieux pour induire une
tolérance afin que l'hôte ne les tue pas. Une tolérance à des antigènes
tissulaires et cellulaires peut être induite par l'injection de cellules souches
hématopoïétiques chez des animaux nouveau-nés ou sévèrement
immunodéprimés (par irradiation létale ou traitement pharmacologique). En
outre, la greffe de moelle osseuse allogénique ou de thymus en début de vie
se traduit par une tolérance aux cellules et tissus du donneur de greffe. Le
tableau indique des facteurs déterminant une induction de l’immunité ou de la
tolérance à un antigène.

La tolérance est un processus actif et antigène-dépendant induit


en réponse à l'antigène. Comme la réponse immunitaire, la tolérance est
87

spécifique et, comme la mémoire immunologique, elle peut exister chez les
lymphocytes T, les B ou les deux, et enfin, comme la mémoire immunologique,
la tolérance au niveau des cellules T est plus durable que la tolérance au
niveau des cellules B. Elle est différente de l'immunosuppression et de
l'immunodéficience non spécifique.

Tableau 8.3 : Facteurs déterminant l’induction de l’immunité ou de la tolérance suite à


une stimulation antigénique

Facteurs qui affectent


En faveur de l’immunité En faveur de la tolérance
la réponse à l’Ag

Forme physique de Molécules de grande Molécules solubles, dépourvues


l’antigène taille, agrégées ou d’agrégats, plutôt petites, plutôt
complexes. simples. Ag non apprêtés par les
APC ou apprêtées par des cellules
n’exprimant pas le CMH II Ag

Voie d’administration de Sous-cutanée ou Orale ou parfois intraveineuse


l’Ag intramusculaire

Dose d’antigène Dose optimale Très forte (ou parfois très faible)
dose

Age des animaux Plus âgés et Nouveau-nés (souris),


répondeurs immunologiquement immunologiquement immatures
matures

Etat de différenciation Cellules complètement Relativement indifférenciées: cellules


cellulaire différenciées; cellules T B exprimant seulement des IgM (pas
et B mémoires d’IgD), cellules T (ex : cellules du
cortex thymique)

Le maintien de la tolérance immunologique exige la persistance de l'antigène.


La tolérance peut être rompue naturellement (comme dans les maladies auto-
immunes) ou artificiellement (comme par exemple sur les animaux de
laboratoire, par irradiation aux rayons X, par traitements médicamenteux ou
par exposition à des antigènes donnant des réactivités croisées).
88

8.9.3 Mécanismes de l’induction de tolérance

Les mécanismes exacts de l'induction et du maintien de la


tolérance ne sont pas entièrement compris. On distingue

 la tolérance centrale, relative à la maturation des lymphocytes B et T,


ainsi qu'à la reconnaissance et tolérance du soi ;
 la tolérance périphérique, relative aux lymphocytes B et T matures dans
le système lymphatique périphérique ainsi qu'à leur faible activation en cas
d'absence de promoteur de la réaction inflammatoire, ou en présence de
facteurs de régulation (diminution) de la réaction inflammatoire.

Toutefois les données expérimentales indiquent plusieurs


possibilités:

1) une délétion clonale par sélection négative au niveau central des


lymphocytes T avec récepteurs de haute affinité pour les antigènes du
soi et des lymphocytes B qui rencontrent des auto-antigènes cellulaires
ou solubles; au niveau périphérique des points de contrôle
supplémentaires comme l’apoptose des cellules T induite par l’activation
(ces cellules expriment le récepteur de mort (Fas) mais pas son ligand
(FasL) ; activées elles expriment le FasL qui peut alors se lier à Fas
déclenchant ainsi l’apoptose) ;

2) une anergie clonale des lymphocytes T auto-réactifs [lorsque les


antigènes sont présentés par des APC (cellules présentatrices
d’antigènes) dépourvues des molécules de co-stimulation CD80 ou
CD86] ou des lymphocytes B (dont les IgM de surface diminuent
lorsqu’ils sont exposés à de fortes quantités d'antigènes solubles) ;

3) une ignorance clonale [cellules T ou B auto-réactives ayant échappé à


la délétion, finissent par mourir car n’ayant pas rencontré l’antigène
approprié) ;
89

4) la présence des Ac-anti-idiotypiques (produits au cours du processus de


tolérisation, ils peuvent empêcher le récepteur des cellules B d’interagir
avec l’antigène) ;

5) la présence des lymphocytes T régulateurs (anciennement T


suppresseurs) qui expriment le CD4 et CD25 et suppriment d’autres
fonctions des cellules T entre autre par la production des cytokines
immunosuppressives comme le TGF-β et l’IL-10.

8.9.4 Rupture de la tolérance

La tolérance induite expérimentalement peut être rompue par


l'absence prolongée de l'exposition à l’agent tolérogène, par des traitements
qui endommagent sévèrement le système immunitaire (x-irradiation) ou par la
vaccination avec des antigènes donnant lieu à des réactions croisées. Ces
observations sont importantes pour la compréhension des maladies auto-
immunes.

8.9.4.1 Auto-immunité

L'auto-immunité peut être définie comme la rupture des


mécanismes responsables de la tolérance et l’induction d'une réponse
immunitaire contre les composants du soi. Une telle réponse immunitaire n’a
pas toujours des conséquences nuisibles (par exemple, les anticorps anti-
idiotypiques). Cependant, dans de nombreuses maladies auto-immunes, il est
reconnu que les produits de la réponse immunitaire vont causer des
dommages au soi.

8.9.4.1.1 Mécanismes effecteurs des maladies auto-immunes

Aussi bien les anticorps que les cellules T effectrices peuvent être
impliquées dans les dommages causés lors des maladies auto-immunes. Les
maladies auto-immunes sont généralement classées sur la base de l'organe
ou du tissu concerné. Une maladie peut être soit spécifique d'un organe donné
et, dans ce cas, la réponse immunitaire est dirigée contre un antigène (s)
90

associé à l'organe cible endommagé ou soit non spécifique d’organe : dans ce


cas, l'anticorps est dirigé contre un antigène non particulièrement associé à
l'organe cible. L'antigène impliqué dans la plupart des maladies auto-immunes
peut souvent être déduit du nom de la maladie.

Tableau 8.4 : Spectre des maladies auto-immunes, organes ciblés et tests diagnostiques

Maladie Organe Anticorps contre Diagnostique

Spécifiques Thyroïdite de Thyroïde Thyroglobuline, RIA, Passive, CF,


d’organes Hashimoto Peroxydase hémagglutination
thyroïdienne
(microsomale)

Myxoedème Thyroïde Récepteur Immunofluorescence


primaire cytoplasmique au (IF)
TSH

Maladie de Graves Thyroïde Bio-essai, compétition


avec le récepteur au
TSH

Anémie Globules Facteur Liaison B-12/IF en


pernicieuse rouges intrinsèque (IF), immunofluorescence
cellules pariétales
gastriques

Maladie d’Addison Surrénales Cellules surrénales Immunofluorescence

Ménopause Ovaires Cellules Immunofluorescence


prématurée productrices de
stéroïdes

Infertilité Sperme Spermatozoïdes Agglutination,


masculine Immunofluorescence
91

Diabète juvénile Pancréas Cellules beta des


insulino- ilots pancréatiques
dépendant

Diabète insulino- Systémique Récepteur à Compétition pour le


résistant l’insuline récepteur

Allergie atopique Systémique Récepteur beta- Compétition pour le


adrénergique récepteur

Myasthenia graves Muscle Muscle, récepteur Immunofluorescence,


à l’acétylcholine compétition pour le
récepteur

Syndrome de Reins, Membranes Immunofluorescence


Goodpasture poumons basales des reins (marquage linéaire)
et poumons

Pemphigus Peau Desmosomes Immunofluorescence

Pemphigoïde Peau Membranes Immunofluorescence


bulleuse basales de la peau

Uvéite Lentille Protéine de lentille


phacogénique

Non- Anémies Globules Globules rouges Hémagglutination


Spécifiques hémolytiques rouges, passive
d’organes Plaquettes Test direct de Coomb

Thrombocytopénie Plaquettes Immunofluorescence


idiopathique

Cirrhose biliaire Foie Mitochondrie Immunofluorescence


primaire
92

Neutropénie Neutrophiles Neutrophiles Immunofluorescence


idiopathique

Colite ulcéreuse Colon Lipopolysaccharide Immunofluorescence


du colon

Syndrome de Glandes Conduit de Immunofluorescence


Sjogren sécrétoires mitochondries

Vitiligo Peau, Mélanocytes Immunofluorescence


articulations

Arthrite Peau, reins, IgG Agglutination de billes


rhumatoïde articulations de latex-IgG
etc…

Lupus Articulations, ADN, ARN, Agglutination de billes


érythémateux etc… nucléoprotéines de latex-ADN ou -ARN,
disséminé IF (marquage
granulaire dans le
rein)

Les maladies sont listées depuis les plus spécifiques d’organes (haut) vers les moins spécifiques (bas)

8.9.4.1.2 Etiologie des maladies auto-immunes

L'étiologie exacte des maladies auto-immunes n'est pas connue.


Une prédisposition génétique pour les maladies auto-immunes est suggérée
par l’association notée entre certains allèles HLA et ces maladies (HLA: B8,
B27, DR2, DR3, DR4, DR5, etc...). Diverses théories ont été proposées
notamment : des théories de l'antigène séquestré, de l'échappement de clones
auto-réactifs, de la perte de cellules régulatrices (suppressives), et celle des
réactions croisées entre des antigènes exogènes (agents pathogènes) et des
auto-antigènes modifiés (infections virales et modifications chimiques).
93

CHAPITRE IX : TROUBLES DE L’HEMOSTASE

Les affections thrombo-hémorragiques sont connues pour leurs


perturbations fonctionnelles aigues de l’organisme, leur destruction des
organes à long terme et leur potentiel fatal particulier. Il existe des connections
entre le système de l’hémostase et les mécanismes conduisant aux troubles
aussi variés que les accidents emboliques, thrombotiques et les
hémorragiques. Les uns et les autres de ces troubles peuvent découler d’une
altération dans le système e l’hémostase, altération pouvant concerner la paroi
vasculaire, les plaquettes sanguines les protéines de l’hémostase ou une
combinaison quelconque de ces trois facteurs. Ces facteurs jouent dans
l’hémostase un rôle intriqué d’égale importance. La compréhension des
concepts de base de l’hémostase et de la thrombose permettra de saisir
différents troubles de ces systèmes et comprendre les tests préconisés dans
leur investigation.

Une hémostase adéquate requiert une paroi vasculaire indemne,


des plaquettes numériquement et fonctionnellement normales et des protéines
plasmatiques appropriées

9.1 La paroi vasculaire

La paroi vasculaire est composée de trois tuniques


morphologiques : l’intima, la media et l’adventice. L’intima est constitué d’une
monocouche de cellules endothéliales non thrombogénique en contact avec le
courant sanguin et d’une membrane basale élastique plus interne. La média
est composée de cellules musculaires lisses dont l’épaisseur varie avec le
type (artère, veine) et la taille du vaisseau. L’adventice est fait d’une
membrane élastique externe et de tissu conjonctif de support pour le vaisseau.

La lésion vasculaire la plus commune consiste en une érosion de


l’endothélium qui entraîne une exposition du collagène sous endothélial et de
la membrane basale. La survenue d’une telle lésion appelle un recrutement
des plaquettes qui la bouchent pour empêcher l’extravasation du sang. La
94

lésion est ainsi réparée. Au cours de cette réparation, des cellules musculaires
de média se dédifférencient et migrent à travers la membrane basale interne
et se redifférencient en cellules endothéliales et reconstruisent la monocouche
des cellules endothéliales, régénérant ainsi une surface non thrombogénique.

Si le dépôt de plaquettes et de fibrine devient incontrôlable, un


thrombus peut se développer avec possibilité de conduire à une occlusion
vasculaire. Lorsque le processus s’effectue constamment sur une période, on
peut observer un phénomène d’artériosclérose.

La paroi vasculaire possède trois fonctions clés par sa


perméabilité (si elle augmente, il peut y avoir extravasation et fuite de sang);
sa fragilité (dont l’augmentation peut conduire à une rupture vasculaire) et sa
vasomotricité : la survenue d’une vasoconstriction peut causer une occlusion
vasculaire). La vasomotricité est sous contrôle hormonal et humoral. Le
contrôle humoral étant médié surtout par les amines biologiques actives
d’origine plaquettaire.

Les cellules endothéliales se contractent en réponse à la


stimulation par l’histamine, la sérotonine et libèrent l’activateur de
plasminogène qui offre le mécanisme majeur d’activation de la
fibrino(géno)lyse et synthétisent le facteur VIII, le facteur de Von Willebrand.

9.2. Les plaquettes

Les plaquettes sont des cellules dépourvues de noyau, et


comprenant une zone périphérique faite d’une protéine membranaire, le
glycocalyx, externe et d’un canalicule interne. A l’intérieur on trouve des
microtubules, des microfilaments, un système tubulaire dense et de la
thrombosthénine, la protéine contractile plaquettaire. Comme organelles, on
trouve des corps denses, des granules et des mitochondries. Activée par
contact avec une source étrangère ou exposée à un environnement inhabituel,
la plaquette se contracte avec la formation de pseudopodes. La contraction,
due à la thrombosthénine rassemble les organelles au centre de la plaquette.
95

Leur contenu est expulsé à travers le système canaliculaire ouvert vers


l’extérieur de la plaquette pour réagir avec les récepteurs membranaires des
plaquettes adjacentes. Le contenu libéré contient de l’épinéphrine, de l’ADP,
de la sérotonine de l’histamine et des kinines qui activent les plaquettes
adjacentes. Bien d’autres facteurs ont été décrits mais les plus importants
pour l’hémostase sont le facteur III plaquettaire (une phospholipoprotéine de la
membrane plaquettaire) et le facteur IV plaquettaire (facteur anti-héparine).

Activées, les plaquettes adhèrent à la surface étrangère (comme


le collagène sous endothélial) c’est l’adhésion plaquettaire. La libération de
l’ADP stimule la cohésion plaquettaire (adhésion des plaquettes les unes aux
autres c’est l’agrégation plaquettaire réversible); la libération de l’ADP et celle
des amines biologiques déclenchent la vasoconstriction et amplifient la
cohésion (ou l’agréation plaquettaire irréversible).

Le facteur III devient disponible à la suite de modification


conformationnelle de la membrane et interfère au niveau d’une étape clé de la
cascade de la coagulation qu’il active avec formation de fibrine et
développement du clou hémostatique primaire. Le facteur IV est aussi libéré
ainsi qu’une thromboglobuline, tous témoins du degré de réactivité
plaquettaire. Celle-ci est modulée par les prostaglandines de même que les
interactions plaquettes endothélium. En effet, les phospholipides
membranaires des plaquettes et des cellules endothéliales sont responsables
de la production de thromboxane A2 et de prostacycline, respectivement. La
première cause une vasoconstriction, stimule l’agrégation plaquettaire et
inhibe l‘adénylate cyclase, la seconde cause une vasodilatation, inhibe cette
agrégation plaquettaire et stimule l’adénylate cyclase responsable de la
conversion de l’ATP en AMP cyclique, modulateur de la concentration
intraplaquettaire de I’AMP. Cette dernière détermine la concentration
plaquettaire de calcium libre disponible pour amorcer ou inhiber la contraction
de thrombosthénine afin de promouvoir ou non l’agrégation plaquettaire.
96

Figure 9.1 : Modulation de l’interaction plaquettes-endothélium

9.3. Les protéines plasmatiques de l’hémostase

Les protéines de l’hémostase comprennent:

1. Les protéines ou facteurs de coagulation;


2. Les protéines du système de la fibrinolyse;
3. Le système des kinines;
4. Le système du complément;
5. Les inhibiteurs des systèmes 1-4

L’activité des protéines du système de coagulation est centrée sur


trois actions clés: 1° la formation du facteur X activé (Xa), 2° la formation de
thrombine et 3° la formation de fibrine.
97

Les facteurs de coagulation activés sont des serines protéases.


L’acide aminé serine est le site actif pour 1’activité enzymatique. La
conversion d’un précurseur en sa forme active implique l’exposition de serine.

9.3.1. La formation de facteur Xa

Il s’agit d’un système à cinq composants requérant un substrat


(Facteur X), une enzyme (Facteur IXa), un cofacteur (Facteur VIII), un
phospholipide (Fadeur III plaquettaire) et du calcium (Figure 9.2). Ce dernier
rassemble les composants en un substrat sur lequel l’enzyme agit pour
générer le Facteur Xa

9.3.2. La formation de thrombine

Générée de la même façon que le Facteur Xa, la thrombine est


aussi un système à cinq composants: un substrat (prothrornbine ou Facteur
II), une enzyme (Facteur Xa), un cofacteur (Facteur V), un phospholipide
(Facteur III plaquettaire) et le calcium (Figure 9.2).

Figure 9.2 formation du Facteur Xa et de la thrombine


98

9.3.3. La formation de fibrine

La thrombine est l’enzyme -(une serine protéase) qui transforme


le fibrinogène en fibrine comme indiqué à la figure 9.3. La thrombine détache
du fibrinogène successivement le fibrinopeptide A et le fibrinopeptide B pour
donner naissance aux monomères de fibrine qui s’agrègent et polymérisent en
fibrine soluble.

Figure 93: Etapes dans la formation de la fibrine.

La thrombine d’autre part active simultanément le Facteur XIII


(stabilise la fibrine) en Facteur XIIIa ou fibrinoligase. Ce facteur remplace la
liaison hydrophobe par des liaisons peptidiques solides et transforme la fibrine
soluble en fibrine insoluble.

9.3.4. Activation de contact

La production du Facteur Xa est la phase initiale clé de


l’hémostase, le point de départ est le facteur de Hageman (Facteur XII)
converti en Facteur XIIa (aussi une serine protéase). Cette conversion
emprunte plusieurs voies et requiert l‘exposition du Facteur XII au collagène,
aux phospholipides ou à la kallikréine. La réaction est accélérée en présence
du facteur de Fitzgerald (kninogène). Le Facteur XIIa convertit le Facteur XI en
Facteur XIa (une serine protéase); le Facteur XIa convertit le Facteur IX en
99

Facteur IXa qui est l’enzyme nécessaire à la formation du Facteur Xa comme


déjà décrit.

9.3.4. Le système de fibrino (géno) lyse

Le dépôt de fibrine joue un rôle capital dans l’hémostase, la


réponse inflammatoire et le processus de cicatrisation. Dans l’hémostase, la
tendance est la production de la fibrine pour éviter l’extravasation du sang.
Une accumulation de fibrine peut malheureusement en résulter dont une
conséquence fâcheuse (comme le phénomène de thrombose) empêche le flux
sanguin et inflige aux organes des dommages importants du fait de l’ischémie
voire de l’infarcissement

Le système de fibrino(géno)lyse, par l’action de la plasmine,


enzyme dérivée de l’activation de plasminogène son précurseur,
contrebalance justement ce danger potentiel par une lyse aussi bien de la
fibrine que du fibrinogène. La plasmine est une serine protéase non
spécifique. Elle peut dégrader des facteurs de coagulation (comme le facteur
de Hageman, le Facteur V et le Facteur VIII), d’autres substances (comme
l’ACTH, l’hormone de croissance et l’insuline) ; elle activer le système de
complément et libérer les kinines,

Les activateurs de plasminogène sont innombrables mais deux


voies jouent un rôle physiologique clé, le facteur XIIa et l’activateur
endothélial du plasminogène. D’autres activateurs sont utilisés comme agents
thrombolytiques tel que la tPA, l’urokinase, la streptokinase. La cascade
d’activation du plasminogène est schématisée Figure 9.4.

Les inhibiteurs du système de fibrino(geno)lyse sont une


antiplasmine, d’action rapide et une a2 macroglobuline d’action lente. La
digestion du fibrinogène par la plasmine conduit à la formation des produits de
dégradation de la fibrine (PDF) X, Y, D et E dont la mesure en laboratoire
100

témoigne du degré de l’activité du système de fibrinolyse. Ces produits ont un


effet négatif sur l’hémostase (peuvent conduire à l’hémorragie) en interférant
sur la polymérisation de monomères de fibrine et avec la fonction plaquettaire.
Ils peuvent en plus entraîner une hyperpyrexie.

Figure 9.4: Le système de fibrinolyse

9.3.5. Les kinines, le complément et la coagulation

Il existe des connections entre coagulation, fibrinolyse,


complément et système des kinines. La plasmine peut activer le C1s en C1
estérase et initier la voie primaire de la cascade du complément. Elle peut
aussi en activer la voie alterne dite “de la properdine”, scinder C3 pour donner
une anaphylatoxine (facteur chimiotactique pour les polynucléaires
neutrophiles) qui stimule la libération de l’histamine par les mastocytes
conduisant à l’augmentation de la perméabilité vasculaire. Le C3b produit
exerce plusieurs fonctions. Fixé au niveau membranaire des GB, érythrocytes
et plaquettes, il peut entraîner la libération des lysozymes, du contenu des
granules plaquettaires et le facteur III plaquettaire, produire une C5a pouvant
activer le Facteur XII. L’activation du complément par la plasmine implique
celle du facteur de Hageman, facteur clé dans le système de fibrinolyse.
101

Le Facteur XII induit la production des substances responsables


de l’inflammation et de la douleur : les kinines. Ces substances peuvent
amplifier la perméabilité vasculaire et provoquer le processus de migration
leucocytaire. La Figure 9.5 schématise la relation entre, ces différents
systèmes.

Figure 9.5. Relations entre les systèmes de coagulation, de fibrinolyse et des


kinines

9.3.5. Mécanismes inhibiteurs.

La régulation de l’hémostase comporte un nombre de


rétrocontrôle et des inhibiteurs spécifiques dont la visée est de maintenir la
coagulation comme phénomène localisé. Les inhibiteurs physiologiques de
l’hémostase comprennent l’antithrombine III, la protéine C activée, les produits
de dégradation de fibri(nogè)ne (PDF). L’activité des enzymes (serines
protéases) de l’hémostase est contrôlée par une protéine plasmatique
synthétisée par le foie dénommée antithrombine III (ou heparin cofactor) qui
inactive ces enzymes en bloquant leur site actif (la serine). L’action de cette
protéine est optimale en présence de l’héparine. D’autre part, l’héparine est
sans effet en absence de ce cofacteur. La protéine C que la thrombine peut
102

activer, dégraderait les facteurs V et VIII et participerait à l’activation de la


fibrino(geno)(yse. Les PDF interfèrent avec la conversion de fibrinogène en
fibrine, la polymérisation de fibrine monomère et la fonction plaquettaire.

9.4. Pathologie

9.4.1. Troubles hémostatiques d’origine vasculaire

Les affections comportant des troubles hémostatiques d’origine


vasculaire sont subdivisées en deux catégories: les héréditaires et les
acquises.

9.4.1.1. Les affections héréditaires

Les plus connues sont des syndromes déjà mentionnés comme:


le syndrome d’Ehlers-Danlos, le syndrome de Marfan, le pseudoxanthoma
elasticum, l’osteogenesis imperfecta, etc, caractérisés par des troubles variés
de l’hémostase.

La pathogénie du syndrome d’Ehlers-Danlos semble consister en


une réduction du collagène et une augmentation du tissu élastique. Le
collagène présent contiendrait une séquence anormale des acides aminés. Ce
syndrome est caractérisé par une fragilité vasculaire et cutanée extrême, une
hyperlaxité articulaire et des pseudotumeurs moluscoïdes des genoux. Les
patients saignent facilement: saignement gingival de contact, saignement:
gastro-intestinal, hémoptysie, pétéchies et purpura d’intensité variable pouvant
même faire évoquer l’hémophilie. La fonction plaquettaire est en plus
déficiente chez les patients.

Le syndrome de Marfan est l’affection héréditaire la plus


commune comportant un trouble du collagène vasculaire. Certains patients
présentent une fonction plaquettaire déficiente.
103

Dans l’osteogenesis imperfecta on trouve en plus de


malformations osseuses, des hémorragies cutanées et sous cutanées
caractéristique Epistaxis, hémoptysie et saignement intracrânien spontanés
surviennent facilement. En plus d’anomalies du collagène, on observe un
prolongement du temps de saignement et une fonction plaquettaire anormale.

Les hémangiomes caverneux géants sont des tumeurs aux


dépens des parois de petits vaisseaux. Ces tumeurs recouvertes par un
endothélium anormal, sont habituellement rencontrées au niveau de la peau et
du tissu sous -cutané et sont souvent présentes à la naissance. Les
hémangiomes peuvent être la cause de thrombose aigues récurrentes et
même de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) on parle alors de
syndrome de Kassabach Merritt. On attribue cette CIVD à plusieurs
mécanismes: la stase sanguine avec activation de contact, l’anomalie de
l‘endothélium qui pourrait en plus stimuler la dégranulation des plaquettes.

La télangiectasie hémorragique héréditaire (THH ou Maladie de


Osler Rendu-Weber) est relativement fréquente. Elle est la maladie héréditaire
à transmission autosomique dominante) associée à une diathèse
hémorragique d’origine vasculaire la plus caractéristique. Le gène responsable
serait lié au groupe sanguin O. Les lésions télangiectasiques ont plusieurs
formes, mais ne sont pas pulsatiles. La THH se manifeste par l’épistaxis
parfois profuse débutant dans la tendre enfance et pouvant diminuer de
fréquence avec l’âge ; le saignement peut être occulte; mais la THH est une
cause commune d’hémorragie gastro-intestinale, génito-urinaire (méno-
métroragie) d’hémoptysie. Dans cette affection la paroi vasculaire serait
dépourvue de fibres élastiques. On observe des anomalies du système de
fibrinolyse et de l’agréabilité des plaquettes.

9.4.1.2. Les affections acquises

Les affections acquises susceptibles d’entraîner des troubles


hémorragiques et/ou thrombotiques sont nombreuses. On peut citer des
104

paraprotéinémies malignes, l’amyloïdose, le syndrome de Behçet,


l’hypertension maligne et l’éclampsie, des affections auto-immunes, la maladie
de Cushing et le diabète sucré.

9.4.1.21. Les paraprotéinémies

La quantité circulant des lgG et lgM est élevée dans les


paraprotéinémies. Ces immunoglobines peuvent fixer le complément et
entraîner la libération de l’histamine, le recrutement des leucocytes,
l’agrégation et la lyse des plaquettes avec comme conséquence une
augmentation de la perméabilité vasculaire, une effusion du sang et parfois
une thrombose au niveau de petites veines. L’hyperviscosité sanguine peut
aussi contribuer à la modification de la perméabilité vasculaire. L’effusion du
sang peut être cause de pétéchies, du purpura, des hémorragies rétiniennes,
des épistaxis, etc. Les paraprotéines peuvent envahir la paroi des petits
vaisseaux et provoquer une vascularite responsable des manifestations
cliniques.

9.4.1.2.2. L’amyloïdose

L’amyloïdose complique les altérations vasculaires des


paraprotéinémies malignes et augmente l’incidence des hémorragies et ou
des thromboses. Les lésions de vascularite seraient responsables des
troubles de l’hémostase dans l’amyloïdose primaire. Ces lésions pourraient
être dues aux dommages causés à l’endothélium par des complexes antigène-
anticorps circulants ou par des dépôts d’amyloïde dans l’endothélium et dans
les tissus péri-vasculaires. Parfois dans l’amyloïdose on peut observer un
déficit acquis en facteur X isolé ou combiné avec une déficience en facteur lX.

9.4.1.2.3. Les affections auto—immunes

Les affections auto-immunes associées aux complexes immuns


circulants, surtout aux cryoglobulines, déterminent une vascularite diffuse
accompagnée de phénomènes de thrombose et/ou de troubles hémorragiques
105

dus à trois mécanismes potentiels: 1° production d’anticorps dirigés contre


l‘endothélium; 2° production d’anticorps non spécifiques ou de complexes
immuns qui endommagent aussi bien l’endothélium que d’autres tissus; 3°
production d’anticorps ou de complexes immuns qui se lient au tissu péri-
vasculaire, l’endommagent et lèsent secondairement l’endothélium,
provoquant une augmentation de la perméabilité vasculaire.

Le premier mécanisme n’est que rarement responsable de


vasculite auto- immune et serait en cause dans les cas de purpura allergiques
comme dans le syndrome d’Hénoch Schonlein et dans la polyarthrite noueuse.
Les deux autres mécanismes sont plus courants dans les affections auto-
immunes où les immuns complexes se lient à l’endothélium, fixent le
complément, induisent la migration des leucocytes qui, s’ils se désintègrent,
peuvent détruire le vaisseau. C’est le mécanisme incriminé dans la
glomérulonéphrite post streptococcique, dans le syndrome de Goodpasture où
l’anticorps est dirigé contre la membrane basale rénale et pulmonaire causant
des manifestations thrombo-hémorragiques. De nombreuses infections
bactériennes (lèpre, Maladie de Nicolas-Favre, syphilis), virales
(cytomégalovirus, Epstein Barr, hépatite) et par des mycoplasmes peuvent
provoquer une vascularite par ces deux mécanismes.

9.4.1.2.2. Autres affections

Les patients souffrant d’hypertension maligne, les sujets âgés et


les diabétiques présentent une lipohyalinose artérielle et artériolaire sous
endothéliale. On observe aussi une nécrose fibrinoïde dans l’hypertension
maligne. Ces lésions peuvent augmenter la perméabilité vasculaire et le dépôt
fibrine. Il peut en résulter des thromboses et des thrombo-embolies. Dans
l’éclampsie les mêmes phénomènes sont observés au niveau des micro-
vaisseaux du rein et du placenta.

Dans le syndrome de Cushing, il y a perte de tissu élastique sous


cutané. Ce qui fragilise les vaisseaux et augmente leur perméabilité.
106

L’athérosclérose est aussi fréquente dans ce syndrome. L’ensemble accroît


l’incidence de thrombose et thrombo-embolie.

Le syndrome de Behcet comporte une triade: une stomatite


aphteuse, une ulcération gingivale et une iritis. Plusieurs patients développent
une thrombose des veines profondes sans explication évidente. On a mis en
évidence chez certains un trouble de la fibrinolyse.

Certains médicaments peuvent induire une vasculite et causer


des pétéchies, des purpuras, de la nécrose cutanée et même de la gangrène.
Les mécanismes sont similaires: développement d anticorps anti vaisseaux,
production d’immuns complexes circulants (parfois avec cryogobulines) et
rarement altération de la perméabilité vasculaire. Parmi de tels médicaments
on cite l’acide acétylsalicylique, l’allopurinol, les arsenicaux, le
chloramphénicol, chlorpropamide, digoxine, oestogènes, furosémide,
indométacine, isoniazide, méprobamate, piperazine, quinidine, quinine,
réserpine, sulfonamides, tolbutamide, warfarine et ses dérivés.

9.1.2. Anomalies plaquettaires

Les anomalies plaquettaires sont soit qualitatives ou quantitatives.


Les anomalies qualitatives ou fonctionnelles des plaquettes sont soit
héréditaires, soit acquises. Qu’elles soient fonctionnelles ou quantitatives, les
anomalies plaquettaires se manifestent cliniquement sous forme des
pétéchies ou de purpura (généralement symétriques), de saignement au
niveau des membranes muqueuses (gingivales par exemple).

9.4.1. Anomalies plaquettaires qualitatives

Des tests existent pour évaluer dans une diathèse hémorragique


la fonction plaquettaire: la numération des plaquettes sur un frottis
périphérique, temps de saignement prolongé, le test de tolérance de l’aspirine.
Une anomalie fonctionnelle des plaquettes doit être suspectée en présence
107

d’un allongement du temps de saignement ou d’un test de tolérance à


l’aspirine anormal et confirmée par un test d’agréabilité en présence de
certains agents agrégeants (ADP, adrénaline, sérotonine, ristocétine,
collagène, etc.).

9.4.1.1.1. Anomalies fonctionnelles héréditaires

Le trouble dans ces affections peut concerner l’adhésion


plaquettaire, l’agrégation plaquettaire primaire ou secondaire, l’agrégation
plaquettaire à plusieurs agents agrégeants.

9.4. 1.1.1.1 Adhésion plaquettaire anormale

L’anomalie typique d’adhésion plaquettaire est observée dans le


syndrome de Bernard-Soulier. Un rare syndrome à transmission autosomique
récessive caractérisé par une membrane glycoprotéique plaquettaire anomale
(manque le récepteur membranaire à la ristocétine). Les plaquettes ne
peuvent fixer les facteurs de coagulation (Facteurs V et XIII) ; ils sont géants
avec un certain degré de thrombocytopénie.

D’autres anomalies fonctionnelles héréditaires existent également


rares avec altération de l’adhésivité des plaquettes.

9.4.1.1.2. Anomalies fonctionnelles acquises

Ces anomalies sont plutôt communes. On les rencontre en cas


de : urémie, syndromes myéloprolifératifs, paraprotéinémies, effets des
produits de dégradation du fibrinogène (PDF), troubles dus aux agents
médicamenteux.

Dans l’urémie la fonction plaquettaire est altérée par l’acide


guanidinosuccinique qui entraîne une thrombasthénie. Les syndromes
prolifératifs comme la thrombocytopénie essentielle, la polycytémia vera, la
myélofibrose, le syndrome de DiGuglielmo, l’hémoglobinurie paroxystique
108

nocturne et les anémies sidéro-achrestiques peuvent s’accompagner


d’hémorragie profuse due à une anomalie de l’agrégabilité plaquettaire.

La membrane plaquettaire présente une forte affinité pour les


PDF. Ceux-ci en se fixant sur cette membrane peuvent altérer la fonction
plaquettaire.

Les médicaments capables de déprimer la fonction plaquettaire


sont très nombreux: anti-inflammatoires (comme l’aspirine, la colchicine,
l’indométacine, etc.), médicaments cardio-vasculaires (clofibrate,
dipyridamole, papavérine, etc.), antibiotiques (ampicilline, gentamycine,
pénicilline G, nitrofurantoïne, etc.) anesthésiques (cocaïne, procaïne, etc.),
autres (antihistaminiques, dextrans, furosémide, vinblastine, etc.).

9.4.1.2. Anomalie quantitatives

Les manifestations cliniques dues à une anomalie numérique des


plaquettes ressemblent à celles causées par les altérations fonctionnelles :
saignement facile voire spontané, gingivorragie de contact, saignement des
muqueuses gastro-intestinale et génito-urinaire surtout.

Les plaquettes proviennent de la fragmentation dans la moelle


osseuse des mégacaryocytes, cellules dérivées d’une cellule souche ayant le
potentiel d’évoluer vers une lignée érythroïde, myéloïde ou mégacaryocytaire.

Les anomalies quantitatives peuvent consister en une diminution


(thrombocytcpénie) ou une augmentation du nombre des plaquettes dans le
sang périphérique (thrombocytose et thrombocytémie).

9.4.1.2.1. Thrombocytopénie

Il y a thrombocytopénie lorsque le nombre des plaquettes dans la


circulation périphérique est inférieur à 100.000/mm³. La thrombocytopénie est
probablement la cause de saignement la plus commune. Elle peut être de
degré variable. Mais le saignement n’est pas toujours corrélé au nombre des
109

plaquettes. Chez certains patients, le saignement est observé dès que le


nombre est légèrement inférieur à 100.000/ mm³. Chez d’autres il n’est même
pas observé pour des valeurs, inférieures à 10.000/ mm3. La propension au
saignement dépend vraisemblablement de la vitesse de survenue de la
thrombocytopénie et de la proportion des plaquettes jeunes,
hémostatiquement actives.

La thrombocytopénie peut provenir d’une production diminuée,


d’une utilisation périphérique accrue ou d’un défaut de maturation des
plaquettes

9.4.1.2:1.1. Production insuffisante. .

La diminution de la production des plaquettes est dénommée


thrombocytopénie amégacaryocytique. Le nombre des mégacaryocytes dans
la moelle est diminué. Cette diminution peut être ou sélective ou concerner les
précurseurs d’autres lignées.

On observe une production insuffisante dans de nombreuses


conditions cliniques certaines congénitales (syndrome de Fanconi, syndrome
de TAR) en cas de rubéole intra-utérine, d’hypoplasie médullaire (en cas
d’administration des thiazides à la mère), d’autres sont acquises par
exposition à des agents physiques, chimiques ou pharmacologiques
myélotoxiques. Certains médicaments semblent posséder une action toxique
spécifique pour les mégacaryocytes: tels que chlorothiazide et les
œstrogènes, la consommation exagérée d’alcool. Les infiltrations de moelle
(leucémies, lymphomes, etc.) peuvent aussi entrainer la thrombocytopénie

9.4.1.2.1.2. Utilisation périphérique accrue

9.4.1.2.1.2.1. Utilisation non immunologique.

Une utilisation périphérique accrue s’observe en cas de


splénomégalie avec hypersplénisme. Le pool splénique des thrombocytes
représente le tiers de la masse plaquettaire circulante. En cas de
110

thrombocytopénie avec hypersplénisme, la réponse à la thrombopoïétine est


inadéquate.

En cas de coagulation intraveineuse disséminée et de purpura


thrombotique thrombocytopénique, on observe aussi une utilisation non
immunologique accrue. Dans ce dernier syndrome il y a une anémie
hémolytique et une thrombocytopénie sévère avec altération micro-
angiopathique et des troubles neurologiques

L’utilisation accrue des plaquettes peut s’observer au décours de


la chirurgie cardiaque avec prothèse valvulaire et en cas de greffes
vasculaires artérielles ou veineuses.

9.4.1 .2.1.2.2. Utilisation dans les processus immunologiques.

Production d’Ac anti-plaquettes conduisant à une séquestration


splénique accrue et destruction plaquettaire. La thrombocytopénie iso immune
provient de l’immunisation du sujet contre des antigènes plaquettaires. Les
Iso-Ac peuvent se développer chez des polytransfusés ou à la suite de
certaines médications. On pense que l’effet des médicaments est de type
idiosyncrasique survenant chez une minorité seulement de patients. Le
médicament agit comme un haptène: le complexe médicament-Ac-plaquette
est reconnu comme étranger par la rate. Les médicaments les plus incriminés
sont la quinidine, la quinine, les sels d or les sulfamides, l’indométacine et
d’autres encore.

Le purpura thrombocytopénique idiopathique est un exemple


d’utilisation périphérique accrue des plaquettes d’origine immunologique. Le
syndrome est très fréquent et serait dû à une lgG anti-plaquettes d’origine
splénique qui favorise la destruction plaquettaire.

9.4.2.1.2.3. Anomalies de maturation

La thrombocytopénie peut dériver d’une anomalie de maturation


des mégacaryocytes ou de leurs précurseurs médullaires ou d’une anomalie
111

du métabolisme des nutriments requis par la lignée mégacariocytaire. La


maturation est défectueuse dans plusieurs syndromes caractérisés par une
anémie mégaloblastique (anémie pernicieuse, déficience en acide folique) et
dans les syndromes myéloprolifératifs ou la thrombocytopoïèse n’est pas
efficiente

9.4.1.2.2. Thrombocytose et thrombocytémie

On parle de thrombocytose en présence d’une augmentation du


nombre de plaquettes due généralement à une réactivité médullaire. Elle est
transitoire et secondaire. La thrombocytose survenant après splénectomie
cède après environ deux à trois mois. La thrombocytose peut survenir après
d’autres opérations chirurgicales ou après une hémorragie. Elle ne conduit
généralement pas à des phénomènes de thrombose et ne requiert pas de
traitement sauf si les plaquettes dépassent 750 000/mm3.

La thrombocytémie est en revanche une augmentation du nombre


des plaquettes circulantes due à une transformation maligne dans la moelle
osseuse. La thrombocytémie essentielle représente une transformation
maligne des cellules de la lignée mégacaryocytaire. C’est un syndrome
myéloprolifératif observé à partir de la cinquième à la septième décade de la
vie. A la différence de la thrombocytose, la thrombocytémie peut provoquer
des thromboses et ou, le plus souvent, des hémorragies. Les manifestations
thrombotiques et hémorragiques régressent avec la normalisation du nombre
des plaquettes (après usage des cytostatiques).

9.4.3. Anomalies des protéines plasmatiques de coagulation.

9.4.3.1. Anomalies congénitales

9.4.3.11. Les hémophilies

Les hémophilies sont caractérisées par une déficience


héréditaire en facteurs de coagulation, une tendance au saignement, un
112

prolongement de temps d’activation partielle de thromboplastine et un


temps de prothrombine normal.

L’hémophilie A (classique) est une affection à transmission


récessive liée au chromosome X. Elle se traduit cliniquement par des
saignements profonds (intra-articulaire, intramusculaire, intracérébral);
elle est diagnostiquée généralement dans l’enfance. Elle est
caractérisée par une déficience en Facteur VIII. Le complexe
macromoléculaire dit Facteur VIII assure au moins trois fonctions. Une
fonction procoagulante attribuée à une petite portion dénommée Facteur
VIII-C. C’est cette portion qui est déficiente dans l’hémophilie classique.
La large portion détectable immunologiquement est dénommée Facteur
VIII-Ag. C’est sur cette dernière portion que se trouve attaché le facteur
de von Willebrand ou le Facteur VIlI-vW, cofacteur de la ristocétine ou
Facteur VIII-R. On le retrouve sur des plaquettes chez des sujets
normaux mais pas chez ceux souffrant du syndrome de von Willebrand.
Ce facteur est responsable de l’intégrité vasculaire et du bon
fonctionnement plaquettaire, il joue un rôle majeur dans l’interaction
plaquettes-endothélium.

L’hémophilie B est caractérisée par une déficience en


Facteur IX et sa présentation clinique et sa transmission héréditaire sont
similaires à celles de l’hémophilie classique.

L’hémophilie C est transmise sur le mode autosomique


dominant. Contrairement aux deux formes précédentes, restreintes aux
sujets mâles, l’hémophilie C s’exprime aussi bien chez l’homme que
chez la femme. Le facteur déficient est le Facteur XI sans que l’on
sache s’il s’agit d’absence absolue de ce facteur ou de son
fonctionnement anormal.
113

9.4.3.1.2 Le syndrome de von Willebrand

Le syndrome de von Willebrand est un trouble hémorragique de


transmission héréditaire autosomique dominante dû au déficit en Facteur VIII-
vW. On note un prolongement du temps de saignement, un taux bas du
Facteur VIII (C, Ag et vW) et un test anormal d’agrégabilité plaquettaire à la
ristocétine

9.43.1.3. Autres conditions congénitales

D’autres déficiences en protéines plasmatiques du système de


l’hémostase ont été décrites: déficience en fibrinogène (Facteur I), en
prothrombine (Facteur II), en Facteur V, VII et X. Elles peuvent déterminer des
syndromes hémorragiques. Les troubles du fibrinogène peuvent consister en
afibrinogénémie, hypofibrinogénémie et dysfibrinogénémie. Dans ce dernier
caqs, le taux de fibrinogène est normal, mais la molécule est
fonctionnellement anormale.

9.4.3.2. Les anomalies acquises

Plusieurs conditions morbides peuvent s’accompagner de


coagulation intravasculaire disséminée: conditions obstétricales (rétention
fœtale, embolie amniotique, avortement, abrasion placentaire) troubles
hémolytiques (transfusion massive); les septicémies, les virémies, les
leucémies, les cancers disséminés, le choc, l’acidose et les troubles
vasculaires.

L’effet sur le système de l’hémostase de ces affections sans lien


apparent est la génération de la thrombine et de la plasmine systémiques. La
thrombine circule et dégrade le fibrinogène comme déjà indiqué en monomère
de fibrine qui polymérise en fibrine. Mais en présence de plasmine, le
fibrinogène et la fibrine sont dégradés en PDF X, Y, D et E, fragments qui
complexent avec une partie des monomères de fibrine avant leur
polymérisation produisant la fibrine monomère soluble. Une autre partie des
114

monomères de fibrine polymérise dans la microcirculation entravant le flux


sanguin, provoquant l’hypoxie, l’ischémie voire la nécrose tissulaire. La
plasmine est aussi capable de dégrader d’autres protéines circulantes
(facteurs de coagulation ou non) pouvant activer d’autres systèmes
(complément, kinines) qui vont participer aux manifestations observées (figure
9.6): lyse des cellules, thrombocytopénie, augmentation de la perméabilité
vasculaire, douleur, etc.

Figure 9.6 : Physiopathologie de la coagulation intravasculaire disséminée.

9.4.3.2.1 Syndromes d’hyperfibrino(géno)lyse primaire

L’activation primaire du système de fibrinolyse n’est pas


exceptionnelle. La disponibilité de la technique de dosage de plasminogène,
de a2-antiplasmine et de la plasmine a permis de décrire des conditions
caractérisées par une activation primaire du système de fibrino(géno)lyse. Ces
conditions comprennent des affections hépatiques chroniques, des
115

interventions chirurgicales créant un bypass cardio-pulmonaire et certaines


tumeurs malignes solides.

On observe une activation directe ou indirecte du plasminogène


circulant en plasmine (Figure 9.7). Les mécanismes intimes de cette activation
ne sont pas connus avec certitude. On incrimine: 1° une déficience
quantitative et/ou qualitative des inhibiteurs de la fibrino(géno)lyse (a2-
antiplasmine et a2-macroglobuline); 2° l’augmentation des activateurs de la
fibrino(géno)lyse , la faible clairance hépatique ou le blocage des cellules
réticuloendothéliales, 3° l’exposition du sang à une surface étrangère ayant un
potentiel d’activer le plasminogène ou 4° l’activation thérapeutique
(streptokinase, urokinase, tPA, etc) ou non (anabolisants stéroïdiens,
cytostatiques comme l‘adriamycine daurubinocine) du système de
fibrino(géno)lyse par des agents pharmacologiques: 5° action des extraits
tumoraux; 6° hyperplasminogénémie réactionnelle.
116

La plasmine circulant dégrade le fibrinogène et la fibrine en PDF.


Comme dans la CIVD, la présence de la plasmine et des PDF dans
l’économie compromet l’hémostase.

9.4.3.2.1.1. Dans les insuffisances hépatiques

On observe une réduction de la synthèse des protéines de


l’hémostase: (Prothrombine, Facteurs V, V1I, VIII et X), une dysfibrinogénémie
accompagnée rarement d’hypofibrinogénémie, une hyperfibrino(géno)lyse
primaire par clairance réduite de plasminogène, une diminution des inhibiteurs
de la fibrino(géno)lyse. Le taux d’a2-macroglobuline est normal, mais sa
capacité fonctionnelle est altérée.

9.4.3.2. 1.2. Dans le bypass cardio-pulmonaire

Les hémorragies peuvent être consécutives à l’héparine


administrée non neutralisée, à l’excès de protamine, à l’hyperfibrino(géno)lyse
primaire par exposition du sang à une surface étrangère activatrice, à une
CIVD, à une déficience isolée en facteurs de coagulation, à une réaction
transfusionnelle ou à l’hypocalcémie.

9.4.3.2. 1.3. Dans les affections malignes

Il s’agit souvent des tumeurs solides (sarcomes, carcinomes de


l’estomac ou de la prostate) dont les tissus montrent une capacité d’activer
directement ou indirectement la fibrino(géno)Iyse. Les cytostatiques comme la
doxorubicine et la daunomycine peuvent créer un état de thrombocytolyse.
117

CHAPITRE X: LE CHOC

10.1. Définition

Le choc constitue une défaillance de la microcirculation


responsable d’une hypoperfusion tissulaire généralisée avec retentissement
sur la fourniture en oxygène et en nutriments et sur l’élimination des déchets.
L’état de choc est dans tous les cas une urgence vitale, grevée d’un mauvais
pronostic, justifiant un diagnostic rapide basé sur la constatation d’anomalies
de l'hémodynamique et de signes de vasoconstriction cutanée. Outre les
mesures symptomatiques (oxygénation, remplissage vasculaire, drogues
vasoactives ou inotropes positives), le traitement devra avant tout être
étiologique.
Le système cardiovasculaire comprend d’une part la pompe
cardiaque et la masse sanguine, d’autre part le lit vasculaire avec ses deux
systèmes, résistif (les artères et les artérioles) et capacitif (les veines, les
veinules et les capillaires). Tout ce qui peut déprimer la fonction myocardique
conduira à une défaillance circulatoire; de même tout ce qui peut entraîner une
diminution du retour veineux. Dans le premier cas le choc sera cardiogénique,
dans le second il sera non cardiogénique.

10.2. Classification du choc

Une classification du choc est présentée au tableau 10.1 tandis


que la figure 10.1 schématise les conditions d’apparition du choc par altération
des performances myocardiques et par survenue d’une hypovolémie relative
(disproportion contenant - contenu) ou réelle (réduction réelle du volume
plasmatique).

10.2.1 Le choc cardiogénique est l’incapacité du cœur d’assurer un débit


sanguin requis par le métabolisme tissulaire au repos. Cette définition souligne
deux notions: débit cardiaque inadéquat et hypoxie tissulaire en présence d’un
volume plasmatique non altéré.
118

10.2.2. Le choc non cardiogénique est causé par les facteurs pouvant réduire
le retour veineux (hypovolémie, réelle ou relative (diminution du tonus
vasculaire), obstruction au flux sanguin dans certains territoires de la
circulation veineuse.

Tableau 10.1 Classification du choc


Choc cardiogénique
1. Chocs myocardiques (réduction fonction systolique)
Infarctus du myocarde
Cardiopathie dilatée
Dépression myocardique (choc septique)
2. Chocs mécaniques
Régurgitation mitrale
Septum ventriculaire défectueux
Anévrysme du VG
3. Obstacle à l’éjection ventriculaire gauche
Sténose aortique serrée
Cardiomyopathie hypertrophique
4. Tachycardies paroxystiques
Chocs par obstacle extracardiaque
1. Tamponnade
2. Péricardite constrictive
3. Embolie pulmonaire
4. Hypertension pulmonaire sévère
5. Coarctation de l’aorte
Choc hypovolémique
1. Hémorragie
2. Pertes hydriques massives (brûlures, vomissements, aspirations digestives,
etc.).
Choc distributif
1. Choc septique
2. Choc toxique (overdose héroïne)
3. Choc anaphylactique
4. Choc neurogénique
6. Choc endocrinologique

Au point de vue hémodynamique, le diagnostic comprend une


pression artérielle < 90 mmHg ou une baisse d’au moins 30 mmHg persistant
119

durant au moins 30 minutes, une différence artério-veineuse en O2 supérieure


à 5,5 ml/dl et un index cardiaque <2,2 l/min/m² de surface corporelle en
présence d’une pression capillaire pulmonaire bloquée >15 mmHg.

Le niveau de PA seul peut être trompeur. La pression artérielle


peut rester normale du fait de puissants réflexes nerveux en présence d’un
choc sévère. De même, le débit cardiaque peut être normal voire élevé dans
le choc septique.

La capacité de tolérer une hypoperfusion tissulaire varie d’un


individu à l’autre. Elle peut dépendre de la rapidité de son installation. Des
patients souffrant de valvulopathies ou d’affections myocardiques chroniques
peuvent atteindre les valeurs susmentionnées et rester ambulatoires sans
troubles fonctionnels majeurs.

Au plan clinique on observe une hypotension. L’hypoperfusion


tissulaire se manifeste par l’oligurie, la cyanose, les extrémités froides et de la
confusion mentale.

La figure 10.2 montre les phénomènes physiopathologiques au cours du choc.

Figure I 01: Chocs cardiogéniques et non cardiogéniques


120

Le choc cardiogénique résulte d’une perte de plus de 40% du


myocarde ventriculaire généralement gauche (infarctus avec nécrose
étendue), d’une décompensation d’une cardiopathie dilatée hypocinétique
d'origine variée (valvulaire, ischémique, hypertensive, toxique, infectieuse,
sinon primitive); d’une prise de médicaments inotropes négatifs
(bêtabloquants, inhibiteurs calciques, anti-arythmiques, antidépresseurs
tricycliques); d’un trouble de rythme ventriculaire avec tachycardie ou
bradycardie extrême et/ou rarement d’un trouble d’écoulement sanguin
intracardiaque (du fait d’une valvulopathie, d’une rupture de cordages, d’un
thrombus ou myxome auriculaires occlusifs). Moins souvent le choc
cardiogénique est secondaire à un dysfonctionnement aigu du ventricule droit
(tamponnade, l’embolie pulmonaire grave et infarctus du ventricule droit). Des
dommages au myocarde et à d’autres structures du cœur (valves et leurs
supports, septum) peuvent ainsi causer un choc.
La détérioration progressive de la fonction myocardique en
absence d’intervention crée un véritable cercle vicieux (Figure 10.2). La
compensation initiale consiste en une activation sympathique conduisant à
l’accélération de la fréquence cardiaque, à la vasoconstriction artérielle et
veineuse et à l’augmentation de la contractilité. Au niveau rénal la réaction
consiste en une stimulation du système rénine angiotensine aldostérone avec
rétention des liquides visant à rétablir la volémie. La régulation neuro-
hormonale porte sur la production de la vasopressine qui tente aussi de
juguler l’hypotension et l’hypovolémie.
121

Figure 10.3: Physiopathologie du choc cardiogénique.

On observe une vasorégulation qui contribue à une redistribution du sang aux


dépens des territoires cutané, mésentérique et musculaire squelettique, au
profit du cerveau et du cœur. La vasoconstriction et la rétention liquidienne
tendant à améliorer le retour veineux causent une distension auriculaire
provoquant une production d’ANF qui va promouvoir l’excrétion urinaire de
sodium et de l’eau avec réduction de la sécrétion de la rénine. Dans tous les
cas l’évolution du choc comporte certaines phases.

10.3 Les phases du choc

Quelque soit sa nature, le choc comporte une phase de


compensation, une phase progressive et une phase irréversible. Pour illustrer
cette évolution nous prendrons l’exemple du choc hémorragique.
122

10.3.1. Phase de compensation (non progressive)

Une perte de sang allant jusqu’à 10 % du volume total circulant


n’entraîne ni baisse du débit cardiaque, ni chute de la pression artérielle. Une
perte atteignant 15-20 % du volume circulant provoque la mort en absence
des mécanismes de compensation dont le premier est le réflexe sympathique
stimulé par la baisse de la pression artérielle systémique et dans les zones â
faible pression comme le thorax. Ce réflexe engendre une vasoconstriction
artériolaire et veineuse (la veineuse s’accompagnant du vidange du réservoir
veineux, ce qui augmente le retour veineux), accroit l’activité cardiaque et
accélère la fréquence cardiaque. L’activité sympathique permet de maintenir
davantage la pression artérielle que le débit cardiaque et cela par cette
augmentation des résistances vasculaires. Les organes nobles, le cerveau et
le cœur, ne subissent pas cette vasoconstriction. Ils jouissent d’une
autorégulation qui leur permet de maintenir la pression de perfusion dans les
limites normales tant que la pression artérielle systémique moyenne restera
égale ou supérieure à 70 mmHg. La vasoconstriction est maximale au niveau
des autres organes.

D’autres mécanismes interviennent également dans cette phase


dont la réponse ischémique du système nerveux central, puissant stimulant du
système nerveux sympathique. Cette réponse est déclenchée lorsque la
pression artérielle systémique tombe en dessous de 50 mmHg. La réponse
hormonale consistant en stimulation du système rénine-angiotensine-
aldostérone et de la vasopressine entraîne une rétention hydro-sodée et
accentue la vasoconstriction avec stimulation de la soif et de l’appétit à
consommer salé. L’échec de tous ces mécanismes de compensation
déterminera l’évolution du choc vers la phase progressive.
123

10.3.2. Phase progressive

Il s’établit un cercle vicieux conduisant à l’auto-entretien du choc.


On notera:

10.3.2.1. Une dépression myocardique.

Le choc provoque une hypoperfusion coronarienne avec comme


conséquence l’altération de la fonction pompe par baisse de la contractilité
myocardique. Le volume télédiastolique souvent augmenté s’accompagne
d’un résidu systolique également accru (volume télésystolique augmenté) de
sorte qu’en définitive le volume d’éjection systolique est effondré.

10.3.2.2. Une dépression du centre vasomoteur

La dépression du centre vasomoteur est consécutive à


l’épuisement de la réserve ischémique cérébrale. Elle est responsable de la
vasodilatation qui remplace ultérieurement la vasoconstriction déjà décrite au
fur et à mesure que le choc progresse.

10.3.2.3. Un effet sludge

La vasoconstriction systémique ralentit la microcirculation où l’on


pourra observer des phénomènes d’agrégation des éléments figurés du sang
avec hypoxie distale. Cette dernière débouche sur une production accrue de
l’acide lactique qui contribue à la survenue de la vasodilatation.

10.3.2.4. Une augmentation perméabilité capillaire

Le ralentissement de la microcirculation favorise le phénomène de


transsudation tissulaire et aggrave l’effondrement du débit cardiaque par
déplétion de la volémie.
124

10.3.2.5. Une libération des toxines

Le ralentissement circulatoire aura pour effet la libération des


neuromédiateurs comme la sérotonine et l’histamine qui vont eux aussi
concourir à l’installation de la vasodilatation. Dans le territoire mésentérique on
observe une libération des entérotoxines dont l’action sera de déprimer
davantage l’activité myocardique.

10.3.2.6. Une altération générale du métabolisme cellulaire

L’altération du métabolisme cellulaire concerne le transport


membranaire de sodium et du potassium déprimé. L’accumulation du sodium
dans les cellules conduisant à l’œdème cellulaire. L’activité mitochondriale
déprimée mène à une diminution de la production énergétique. Les hydrolases
lysosomiales sont libérées avec possibilité d’autodigestion cellulaire. Le
métabolisme comme celui du glucose est altéré ; l’activité de certaines
hormones comme l’insuline largement diminuée pouvant déboucher sur la
survenue de l’acidose.

10.3.3. Phase irréversible

A cette phase les mécanismes de compensation et de correction


deviennent inefficaces. L’évolution se fait inexorablement vers la chute de la
pression artérielle et l’épuisement en substrats énergétiques cellulaires. Un
stade est atteint où tant des lésions tissulaires sont survenues, trop d’enzymes
destructives larguées dans l’économie, l’acidose considérable et bien d’autres
facteurs délétères se sont développés. Un stade de non retour est notamment
atteint où le patient doit inévitablement décéder nonobstant tout acharnement
thérapeutique à restaurer un débit cardiaque normal. II y a une défaillance
multi viscérale.

10.4. Troubles hémodynamiques au cours du choc

Par le biais d’une accélération de la fréquence cardiaque et d’une


vasoconstriction systémique, une stimulation sympathique tente d’assurer le
125

maintien du débit cardiaque après une perte modeste du volume sanguin. Les
résistances périphériques augmentent dans certains territoires permettant une
redistribution du débit cardiaque en privilégiant le cerveau et le cœur. Le
ralentissement de la circulation, l’augmentation de la perméabilité et
l’extravasation plasmatique au niveau capillaire causent une diminution de la
volémie, du retour veineux et, donc, celle du débit cardiaque. Abaissement qui
s’aggrave comme le choc persiste et que la vasodilatation succède à la
vasoconstriction.

10.5. Troubles métaboliques

Comme mentionné plus haut, le choc conduit à une diminution de


plus en plus croissante d’apport en oxygène au niveau tissulaire. Cette
situation a pour conséquences une déviation vers un métabolisme anaérobie
du glucose qui s’accompagne d’une production accrue d’acide lactique (on
aura une acidose lactique). Au niveau myocardique et hépatique on note une
augmentation de l’utilisation des substrats riches en phosphates qui sont des
réserves tissulaires d’énergie. On passera donc de l’ATP à l’ADP, puis à
l’AMP; puis l’adénosine finira par s’accumuler dans les cellules avant de
diffuser en milieu extracellulaire pour entrer dans le cycle de l’acide urique.

10.6. Troubles de l’activité des organes importants

10.6.1. Système nerveux

La chute du débit cardiaque dans le choc entraîne une chute de la


pression artérielle elle même responsable de la diminution de la pression de
perfusion cérébrale. Cette dernière a pour conséquence une stupeur, une
altération de l’état de conscience pouvant aller de l’obnubilation au coma.

10.6.2. Le foie

On note une altération de toutes les fonctions du foie: l’épuration,


la synthèse et la détoxication. En plus une hépato cytolyse survient avec
126

augmentation des transaminases, de la bilirubine et une chute de facteurs de


coagulation: il s’agit de ce que d’aucuns ont appelé le foie de choc.

10.6.3. Le rein

On assiste au niveau du rein à une ischémie corticale avec baisse


de la pression de filtration glomérulaire. L’oligurie du début peut évoluer vers
une anurie. Si le choc est levé rapidement, la récupération de la fonction
rénale est totale; mais si le choc persiste, une nécrose tubulaire aigue se
développe et l’insuffisance rénale au départ pré-rénale devient rénale,
anurique ou à diurèse conservée.

10.6.4. Le système respiratoire

La baisse du débit cardiaque amène à un ralentissement


circulatoire au niveau de la petite circulation avec une perturbation marquée
des échanges gazeux et une altération du rapport perfusion/ventilation. En
effet la faible pression permet de perfuser surtout les parties déclives moins
bien ventilées. Ce qui aggrave le rapport perfusion-ventilation. II y a en plus
atteinte de la membrane alvéolo-capillaire où l’on trouve un dépôt leuco-
plaquettaire. Ces altérations aboutissent à un syndrome de détresse
respiratoire de l’adulte (SDRA). On parle du poumon de choc.

10.6. Système digestif

On note des ulcérations digestives gastroduodénales et parfois


une nécrose des muqueuses.

111.66. Troubles de l’hémostase

Suite à l’altération de la fonction de synthèse au niveau du foie,


les facteurs de coagulation vitamine K-dépendants ne sont pas normalement
produits. L’activation des facteurs plaquettaires liée à l’effet du ralentissement
dans la microcirculation peut initier une coagulation intravasculaire
disséminée.
127

10.7. Le choc septique

Le choc septique est différent des autres types par les désordres
cellulaires causés et par l’évolution des perturbations hémodynamiques. Il est
généré par des processus infectieux. Il est, à côté du choc cardiogénique,
celui qui, même dans les meilleures conditions de prise en charge, est grevé
de forte mortalité.

Les mécanismes responsables des dysfonctionnements cardio-


vasculaires sont complexes. Leur séquence est ouverte par l’existence d’un
foyer infectieux pouvant être un abcès, une péritonite, une pneumopathie ou
une cellulite. De ce foyer les germes envahissent le courant sanguin pour
donner des hémocultures positives. Ou bien ils prolifèrent uniquement au site
de l’infection permettant une libération de beaucoup de médiateurs toxiques
dans l’économie. Des médiateurs pouvant être: des exotoxines élaborées par
les germes; des endotoxines, éléments constitutifs de la paroi bactérienne; de
l’ac teichoïque ou des produits élaborés par l’hôte: cytokines (surtout TNF et
interleukines) ou produits de l’activation du complément. Certaines de ces
substances semblent avoir un rôle direct sur le myocarde notamment
l’hypothétique Facteur dépresseur du myocarde. Ces altérations conduisent à
une insuffisance cardio-vasculaire globale

Le choc septique peut être classé parmi les états de choc de type
distributif à physiopathologie complexe. Au cours des états infectieux graves, il
y a une activation des nombreux systèmes cellulaires (macrophages,
leucocytes, plaquettes, cellules endothéliales, etc.) et humoraux (complément,
coagulation, protéases). L’activation cellulaire par les produits bactériens, en
particulier l’endotoxine, entraine la libération de cytokines pro-inflammatoires.
Parmi celles-ci, le TNFα et l’IL-1 semblent être particulièrement incriminés
dans le déclenchement des manifestations graves observées au cours du
choc septique. Ces cytokines entrainent en effet la libération de nombreux
autres médiateurs: NO (monoxyde d’azote), molécules d’adhésion, médiateurs
lipidiques (PAF), cytokines pro-inflammatoires (IL-6, IL-8, interférons) et des
128

cytokines anti-inflammatoires (récepteurs solubles au TNF, IL-4, IL-10, etc.).


L’activation cellulaire et la libération des médiateurs pro-inflammatoires sont
responsables d’altérations cellulaires et microcirculatoires qui vont s’étendre
au système vasculaire et entrainer :
● Une augmentation de la perméabilité capillaire ;
●Une défaillance cardio-circulatoire, qui associe une hypovolémie
absolue (hyperperméabilité capillaire, augmentation des pertes
insensibles, troisième secteur) à une hypovolémie relative par
vasodilatation périphérique. On note en outre une atteinte myocardique
précoce conduisant à une altération de la fonction systolique
ventriculaire mais réversible. L’élément prédominant reste cependant la
vasoplégie artérielle et veineuse, qui conditionnera le traitement
symptomatique initial (remplissage + drogues vasoconstrictrices) ;
● Une modification de la régulation de la perfusion de chaque organe à
l’origine d’une mal distribution des débits sanguins régionaux, entrainant
une diminution de la perfusion tissulaire, une altération de la
microcirculation et l’apparition de dysfonctions d’organes ;
● Une activation de la coagulation, conduisant à une coagulation
intravasculaire disséminée (CIVD). Cette CIVD est fréquente (environ 30
% des cas), d’intensité variable, corrélée à la survenue d’un syndrome
de défaillance multiviscérale (SDMV) et à la mortalité.
Il apparaitrait actuellement que l’activité pro-inflammatoire semble localisée au
niveau du site infecté et qu’il existe plutôt une réponse anti-inflammatoire
systémique généralisée. Il est difficile de caractériser en urgence le profil
immunitaire d’un patient septique, rendant complexe l’évaluation des
thérapeutiques à visée inflammatoire dans cette situation. L’état
immunologique du patient est indissociable de la survenue d’un choc toxi-
infectieux. Les sujets dont l’immunité est affaiblie semblent les plus exposés
(néoplasme, dénutrition, corticothérapie, diabète sucré, cirrhose hépatique). Il
existe enfin probablement une composante de susceptibilité d’ordre génétique
129

à la réponse inflammatoire à l’infection, pouvant expliquer une mortalité


différente chez des patients avec un tableau clinique de gravité identique.
130

PARTIE II
PHYSIOPATHOLOGIE SPECIALE
131

I. BRUITS ET SOUFFLES CARDIAQUES.

On rencontre plusieurs bruits et souffles anormaux à


l'auscultation du cœur. Ces bruits et souffles anormaux constituent des
manifestations communes qu'explique la physiopathologie des affections
cardiaques sous jacentes. Leur interprétation correcte est un préalable au
succès diagnostique et thérapeutique. Ces notes mentionnent les conditions
morbides dans lesquelles ces bruits et souffles peuvent survenir. Elles
mettent davantage l'accent sur les mécanismes de leur production,
mécanismes dont la compréhension requiert l’intelligence du cycle
cardiaque dans lequel ces anomalies s'’inscrivirent.

1.1. Le cycle cardiaque.


Le cycle cardiaque est la succession d'événements électriques
et mécaniques déterminant la contraction rythmique des oreillettes et celle des
ventricules qui propulse le sang dans la circulation pulmonaire et systémique.
La systole mécanique se réfère à la contraction ventriculaire et la diastole à la
relaxation et au remplissage.
Au cours du cycle cardiaque, les oreillettes se remplissent
simultanément du sang venant pour l'oreillette droit (OD) du retour veineux:
veine cave supérieure (VCS), veine cave inférieure (VCI) et sinus
coronaire, et, pour l'oreillette gauche (OG), des veines pulmonaires. Le
sang coule des oreillettes aux ventricules pendant la diastole à travers les
valvules auriculo-ventriculaires: la mitrale et la tricuspide. Au début
(protodiastole), le remplissage est rapide; à la fin (télédiastole), l'oreillette
se contracte pour propulser activement la dernière fraction de son sang,
contraction qui élève légèrement la pression auriculaire.
La contraction du ventricule constitue la systole mécanique. La
pression s'élève dans le ventricule quand ce dernier entame sa contraction.
Vite, elle dépasse la pression intra-auriculaire, ce qui force les valvules A-V
à se fermer produisant le premier bruit du cœur (B1). Au moment où débute
la contraction ventriculaire, les valvules semi-lunaires (sigmoïdes) aortique et
132

pulmonaire ne sont pas encore ouvertes. Les ventricules sont alors des
chambres closes et leur contraction est au début isovolumétrique. La pression
augmente dans les ventricules au-dessus de la pression diastolique régnant
dans l'aorte et l'artère pulmonaire. Cela détermine l'ouverture des valvules
sigmoïdes (Figure 1.1) et permet l'éjection du sang dans le territoire pulmonaire
(pour le VD) et le territoire systémique (pour le VG).

Figure 1.1 Le cycle cardiaque (FM = fermeture valve mitrale ; OS =ouverture valve sigmoïde ;
FS =fermeture valve sigmoïde ; OM = ouverture valve mitrale)

A la fin de la phase d'éjection, la pression dans le VD baisse par


rapport à celle de l'artère pulmonaire, et dans le VG par rapport à celle régnant
dans l'aorte. Les valvules sigmoïdes sont alors forcées de se fermer produisant
le deuxième bruit du cœur (B2). C’est la fin de la systole, et la diastole va
commencer. La pression intra-ventriculaire continue de baisser après cette
fermeture alors que le volume dans le ventricule (résidu télésystolique) ne
133

change pas. C'est la phase de relaxation isovolumétrique car les valvules


cardiaques sont toutes fermées et les ventricules sont de nouveau des
chambres closes. Lorsque la pression dans les ventricules devient inférieure à
celle des oreillettes, les valvules A -V s'ouvrent suivies à nouveau par le
remplissage ventriculaire diastolique.

La systole correspond à la période allant de B1 à B2 et la diastole


à celle allant de B2 au prochain B1. Le volume de sang dans le ventricule à la
fin de l’éjection est le volume télésystolique. Le volume systolique ou débit
systolique est la différence entre le volume télédiastolique et le volume
télésystolique (Figure 1.2). La durée de la systole demeure constante ; celle de
la diastole est plus tributaire de la fréquence cardiaque. Plus la fréquence est
accélérée, plus courte est la diastole.

Figure 1.2 : Volume dans le ventricule au cours du cycle cardiaque et volume éjecté

1.2. Les bruits cardiaques


1.2.1. Le premier bruit (B1).

Le premier bruit du cœur est produit par la fermeture des valvules


mitrale et tricuspide au début de la systole. Il est mieux audible à l'apex. Il
comprend deux composantes : la mitrale (M1) et la tricuspide (T1). La
134

composante mitrale précède de 0,01s la composante tricuspide. Mais l’oreille


humaine les perçoit comme un bruit unique à travers le stéthoscope.

Trois facteurs déterminent l'intensité de B1: la distance entre les


valves de la valvule ouverte au début de la systole ventriculaire, la mobilité des
valves (valves normales ou rigides) et la vitesse d'augmentation de la pression
ventriculaire.

La distance entre les valves au début de la systole ventriculaire est


en relation avec l'intervalle PR de l'électrocardiogramme, c'est-à-dire l'intervalle
entre l'activation auriculaire et l'activation ventriculaire. La contraction
auriculaire (en télédiastole) écarte les valves qui, par après, tendent à dériver
les unes vers les autres. La contraction ventriculaire les ferme quelle que soit
leur position au moment où débute cette contraction, soit dès que la pression
dans le ventricule excède la pression auriculaire. L'intensité de B1 peut, dans
certaines circonstances, être accentuée ou diminuée.

1.2.1.1. Accentuation de B1.

L’'intensité du premier bruit du cœur est accentuée en présence


d'un intervalle PR court, d'une sténose mitrale légère ou d'un état d'éréthisme
cardiaque.

1.2.1.1.1. En présence d'un intervalle PR court.


Dans ce cas, les valves sont encore largement ouvertes quand
débute la contraction ventriculaire. Elles sont alors fermées bruyamment.

1.2.1.1.2. En présence d'une sténose mitrale légère


Le gradient de pression entre l'OG et le VG dure longtemps
empêchant les valves de revenir ensemble. La contraction ventriculaire les
surprend très ouvertes et les ferme bruyamment.

1.2.1.1.3 En présence d’éréthisme cardiaque

Les situations d’éréthisme cardiaques (tachycardies, exercice,


anémie, etc.) sont caractérisées par un raccourcissement de la diastole. La
135

contraction ventriculaire vigoureuse force les valves à se fermer sans qu’elles


aient eu le temps de revenir ensemble après la contraction auriculaire.

1.2.1.2. Diminution de l’intensité de B1

On observe une diminution de l’intensité de B1 lorsque l’intervalle


PR est allongé, en présence d’une régurgitation ou d’une sténose mitrale
serrée, et lorsque la paroi ventriculaire est rigide.

1.2.1.2.1 En présence d’un intervalle PR allongé

Un allongement de l’intervalle PR s’observe par exemple dans le


bloc auriculo-ventriculaire (BAV) du premier degré ; il retarde la contraction
ventriculaire. Ainsi, après la contraction de l’oreillette, les valves de la mitrale et
de la tricuspide ont un délai supplémentaire pour revenir ensemble, de sorte
que la contraction du ventricule ne les force à se fermer que sur un courte
distance.

1.2.1.2.2 En présence d’une régurgitation mitrale

B1 est diminué dans l’insuffisance mitrale car, en se fermant, les


valves de cette valvules, peuvent ne pas entrer en contact intime l’une avec
l’autre

1.2.1.2.3 En présence d’une sténose mitrale serrée

Les valves ont ici une position figée tout au long du cycle
cardiaque. Leur faible mouvement réduit l’intensité de B1.

1.2.1.2.4 En présence d’une rigidité de la paroi ventriculaire

Quand la paroi ventriculaire ne se détend pas (hypertrophie,


cicatrice, fibrose) la contraction auriculaire entraine une pression diastolique
anormalement élevée dans le ventricule qui accélère la dérive des valves de la
valvule mitrale. De la sorte, la contraction ventriculaire ne force les valves à se
fermer que sur une courte distance: B1 est alors doux.
136

1.2.2. Le deuxième bruit (B2).

Le second bruit cardiaque est provoqué par la fermeture des


valvules semi-lunaires. Il est produit pendant la relaxation isovolumétrique
lorsque la pression dans le VD devient inférieure à celle de l'artère pulmonaire,
et la pression dans le VG à la pression systolique régnant dans l'aorte. Il est le
mieux audible à la base et comprend une composante aortique (A2) et une
composante pulmonaire (P2) qui ne fusionnent normalement qu'en expiration.
En inspiration leur dédoublement est audible. En effet, l'inspiration provoque
une pression intra-thoracique négative qui accroît le retour veineux et le
remplissage du cœur droit dont le volume d'éjection se trouve ainsi augmenté.
La systole ventriculaire droite va être prolongée de ce fait conduisant à un
retard de fermeture de la valvule pulmonaire. L'effet de l'inspiration est inverse
sur le cœur gauche. La pression intra thoracique négative va majorer la
capacité veineuse pulmonaire de façon à réduire le retour veineux à l'oreillette
et au ventricule gauches, avec raccourcissement de la systole de ce dernier
ventricule et, donc, une fermeture précoce de la valvule aortique. Ces effets
déterminent un dédoublement audible de B2 en inspiration. Les altérations du
second bruit peuvent intéresser son intensité ou son dédoublement (Figure
1. 3).

2.2.1. Modifications de l'intensité de B2

L'intensité de B2 dépend de deux facteurs: la vélocité atteinte par


le sang qui reflue de l'aorte ou de l'altère pulmonaire après la contraction
137

ventriculaire et la soudaineté avec laquelle la fermeture valvulaire arrête ce


mouvement de reflux.

Dans l'hypertension artérielle systémique et pulmonaire, la


pression diastolique est anormalement élevée respectivement dans l'aorte et
dans l'artère pulmonaire. La vélocité du sang refluant est grande, B2 est
accentué. Dans la sténose aortique ou pulmonaire, les commissures
valvulaires sont fixées en une position donnée. L'intensité de B2 est diminuée.

1.2.22. Dédoublements de B2

1.2.2.2.1. Large dédoublement de B2

L'intervalle entre A2 et P2 est augmenté au delà du dédoublement


inspiratoire normal. Les deux composantes sont rapprochées mais restent
dédoublées en expiration. C'est souvent le retard de la fermeture de la valvule
pulmonaire (P2) qui est en cause. Un large dédoublement de B2 doit par
conséquent faire suspecter un bloc de branche droite ou une sténose
pulmonaire (Figure 1.3).

1.2.2.2.2. Dédoublement fixe de B2

Il s'agit d'un élargissement de l’intervalle entre A2 et P2 qui


persiste aussi bien à l'inspiration qu'à l'expiration. C'est le cas dans la
communication inter-auriculaire où l'élargissement du dédoublement
138

exprime l'importance du volume traversant les cavités cardiaques droites,


retardant la fermeture de la valvule pulmonaire (P2) aussi bien à l’inspiration
qu'à l'expiration. A l’inspiration, c'est la situation déjà décrite; à l'expiration un
volume de sang est shunté de l'oreillette gauche vers l'oreillette droite et accroît
le volume d'éjection du VD.

1.2.2.2.3. Dédoublement paradoxal de B2

La situation est l'inverse de la normale. La séparation entre A2 et


P2 est plutôt audible à l’expiration et disparait à l'inspiration. La condition est
peu commune; elle traduit un retard de la fermeture de la valvule aortique, de
sorte que P2 précède A2 (Figure 1.3). On l'observe dans le bloc de branche
gauche. La propagation retardée de l'influx à travers la branche gauche du
faisceau de His cause un retard de la contraction du VG et, donc, une
fermeture tardive de la valvule aortique par rapport à la valvule pulmonaire. A
l'inspiration la fermeture de P2 étant normalement retardée, il y aura fusion
entre A2 et P2. A l’expiration, il y aura dédoublement.

1.2.3. Les autres bruits cardiaques

1.2.3.1. Les bruits systoliques

Certains bruits peuvent survenir au début, au milieu ou à la fin de


la systole. Il s'agit des bruits secs, désignés par le terme de « clics ».

1.2.3.1.1. Au début de la systole

Des clicks éjectionnels sont perçus peu après B1 et coïncident


avec l'ouverture de la valvule aortique ou pulmonaire. Ils sont mieux audibles
avec le diaphragme du stéthoscope au niveau des zones où foyers
d'auscultation aortique et ou pulmonaire. Ils signent la présence d'une sténose
valvulaire aortique ou pulmonaire ou d'une dilatation de l'aorte ou de l'artère
pulmonaire.
139

1.2.3.1.1.1. En cas de sténose

Le bruit apparaît juste avant le flux sanguin, au moment où les


valves atteignent leur pleine ascension dans les grosses artères. Les valves
touchent alors la limite de leur élasticité.

1.2.3.1.1.2. En cas de dilatation de la racine d'une grosse artère

Le clic est produit conjointement par le début du flux sanguin dans


le vaisseau et la distension soudaine de la racine de l'artère. Le clic aortique
est audible à l'apex et à la base; il est indépendant de la respiration. Le clic
pulmonaire n'est audible qu'à la base et diminue d'intensité à l'inspiration.

1.2.3.2. Bruits mésosystoliques et télésystoliques

Des clics mésosystoliques et télésystoliques proviennent le plus


souvent d'un prolapsus de la valvule mitrale ou tricuspide. Les bruits méso- et
télésystoliques sont les plus perceptibles aux aires d’auscultation mitrale et
tricuspidienne.

1.2.3.3. Les bruits diastoliques

Pendant la diastole on peut entendre le claquement d’ouverture


(CO), le troisième (B3) et le quatrième (B4) bruits du cœur ainsi que les bruits
péricardiques.

1.2.3.3.1. Le claquement d’ouverture

L’ouverture des valvules auriculo-ventriculaires est normalement


silencieuse. Une sténose valvulaire, consécutive notamment à une cardiopathie
rhumatismale, provoque peu après le B2, au moment de l’ouverture de la
valvule auriculo-ventriculaire, un bruit dit claquement d’ouverture (CO). Ce bruit
est invariable avec la respiration. Il est mieux perçu entre l’apex et le bord
gauche du sternum. Le CO mitral survient après A2 et donne lieu à un
complexe A2-CO pouvant être confondu avec un dédoublement large de B2.
L'auscultation attentive du foyer pulmonaire permettra de percevoir trois tons
140

successifs en inspiration A2, P2 et CO (Figure 1.4). En expiration, il n'y a que


deux tons A2 et CO, car A2 et P2 fusionnent (B2).

Figure 1.4 Le claquement d’ouverture (CO).

A2 et CO seront d'autant plus rapprochés que la sténose sera serrée ; la


pression dans l'oreillette étant fonction du degré du rétrécissement. Pendant la
relaxation du ventricule, la valvule s'ouvre d'autant plus vite que la pression
dans l'oreillette est plus élevée. Dans une sténose peu serrée, la pression
augmente peu dans l'oreillette gauche; la pression intra-ventriculaire met
longtemps pour descendre en dessous de celle régnant au niveau de l'oreillette
gauche; le CO est alors largement séparé de A2.

1.2.3.3.2. Le troisième bruit du cœur (B3). .

Immédiatement après l'ouverture des valvules auriculo-


ventriculaires on peut entendre chez des sujets en décubitus latéral gauche un
bruit protodiastolique sourd, mieux perceptible à l'apex avec le clocher du
stéthoscope. Il proviendrait de la distension ou des vibrations des cordages
tendineux au cours du remplissage rapide du fait de la distension et de
l’élongation des cavités cardiaques. Ce bruit est normal chez l'enfant et l'adulte
jeune. Chez la personne âgée, il traduit une augmentation du remplissage
ventriculaire à la suite d'une insuffisance cardiaque ou d'une régurgitation
sévère, mitrale ou tricuspidienne. A l'auscultation, la séquence B1, B2 et B3
que l'on perçoit revêt une cadence à trois temps similaire à celle des syllabes
141

de la ville américaine de Ken- tuc- ky où le ky représente B3. En pathologie, B3


est dit galop ventriculaire.

1.2.3.3.3. Le quatrième bruit (B4)

Le quatrième bruit du cœur, survient à la fin de la diastole au


moment du remplissage télésystolique. II est sourd. On l'entend mieux à l'apex,
avec le clocher du stéthoscope chez un sujet en décubitus latéral gauche. Il est
contemporain d'une contraction auriculaire vigoureuse contre un ventricule
rigide. Il signe une affection cardiaque caractérisée par une réduction de la
compliance ventriculaire (hypertrophie, ischémie myocardique, fibrose, ...). A
l'auscultation on perçoit une séquence faite de B4, B1 et B2 dont la cadence
est similaire à celle des syllabes de la ville américaine de Tén- nes- see où Tén
est le B4. Le B4 est dit galop auriculaire en pathologie ou galop présystolique.

1.3. Les souffles cardiaques.

Les souffles sont des bruits provoqués par un écoulement


turbulent du sang. Dans les conditions normales le flux du sang dans les
vaisseaux est plus ou moins laminaire et silencieux. A la suite d'altérations
vasculaires, hémodynamiques ou structurales, le flux peut devenir turbulent et
donc bruyant. Les souffles sont produits par l'un des mécanismes suivants:

 Écoulement du flux sanguin à travers une voie partiellement


obstruée (cas de sténose);
 Augmentation du flux sanguin à travers des structures vasculaires plutôt
normales (haut débit de l'anémie entraînant des souffles systoliques
aortiques);
 Ejection du sang dans une chambre dilatée (souffle systolique dans
l'anévrysme de l'aorte);
 Régurgitation du sang à travers une valvule insuffisante (Insuffisance
aortique);
142

 Shunt du sang d’un territoire à haute vers un territoire à basse pression à


travers un passage anormal (communication inter-ventriculaire).

1.3-.1. Caractéristiques d'un souffle

La description d'un souffle doit évoquer son moment d'apparition


dans le cycle cardiaque, son siège, sa forme, son irradiation, son intensité et sa
réponse à certaines manœuvres.

1. 3. 1. 1. Phase du cycle cardiaque (moment d’apparition)

Le souffle est systolique, diastolique ou continu.

1.3.1.1 Intensité

L'intensité peut-être quantifiée suivant l'échelle suivante :

1.3.1.2.1. Souffle systolique:


1/6e à peine audible (de sorte qu'un étudiant en médecine ne peut
l'entendre).

2/6e faible mais audible immédiatement.

3/6e: facilement audible

4/6e facilement audible et associé à un thrill palpable.

5/6e très intense, audible avec stéthoscope appliqué légèrement sur la


paroi thoracique

6/6e audible le stéthoscope ne touchant même pas la paroi thoracique.

1.3.1.2.2-Souffle diastolique:

1/4: à peine audible

2/4: faible mais audible

3/4: audible aisément

4/4: très intense


143

1.3.1.3. Siège

Le foyer d'auscultation de l'intensité maximale du souffle. Ceci


correspond aux aires d'auscultation.

1.3.1.4. Forme

La forme indique l'évolution de l'intensité du souffle au cours du


cycle cardiaque (Figure 1.5 : Crescendo, crescendo-decrescendo,
decrescendo, uniforme).

1.3.1.5. Irradiation

C’est la propagation du souffle au cours du cycle cardiaque.


L'irradiation dépend en général du sens du courant turbulent qui provoque le
souffle.

1.3.1.6. Réponse à certaines manœuvres

Un souffle est parfois modifié en réponse à certaines manœuvres


comme celle de Valsalva (expiration forcée à glotte fermée) et cela peut guider
le diagnostic. Par exemple le souffle de la sténose aortique baisse d'intensité
au cours d'une manœuvre de Valsalva et en station debout; son intensité
augmente avec l'accroupissement.

1.3.2. Les souffles systoliques

Ils peuvent être subdivisés en souffles systoliques d'éjection,


souffles pansystoliques (ou holosystoliques) et souffles télésystoliques.

Le souffle systolique éjectionnel (type d'éjection) commence après


B1 et se termine peu avant B2. Son intensité croît puis décroît (crescendo-
decrescendo). Ce souffle est parfois dit losangé. Il peut être précédé par un clic
d'éjection. La position du pic d'intensité semble dépendre de la sévérité de la
sténose (Figure 1.6).
144

Figure 1.6 : Souffles éjectionnels

Les souffles holosystoliques (ou pansystoliques) sont causés par


une régurgitation du sang à travers une valvule auriculo-ventriculaire
insuffisante ou témoignent d'une communication inter-ventriculaire (CIV). Leur
intensité est uniforme durant toute la systole. En effet, en cas d'insuffisance
mitrale ou tricuspidienne, la pression ventriculaire dépasse la pression
auriculaire pendant toute la contraction ventriculaire. Dans la CIV, la pression
systolique du VG est supérieure à celle du VO avant l'ouverture de la valvule
aortique. Il n'y a pas d'hiatus entre B1 et le début d’un souffle holosystolique.
Le souffle se poursuit jusqu'à la fermeture de la valve aortique ou pulmonaire
(Figure 1.7).

Figure 1.7 : Souffle holosystolique

Le souffle d'insuffisance mitrale persiste jusqu'à la fermeture de la


valvule aortique (A2) car la pression dans le VG reste supérieure à celle de
l'oreillette gauche. Il est mieux perçu à la pointe ; il irradie le plus souvent vers
l'aisselle et ne varie pas d'intensité avec la respiration.

Celui d'insuffisance tricuspidienne est perçu le long du bord


inférieur gauche du sternum et irradie vers la droite du sternum. Son intensité
augmente pendant l’inspiration du fait de l'augmentation du remplissage et du
volume éjecté droits à la suite de celle du retour veineux.
145

Le souffle de CIV est perçu au 3e-4e EICG et peut s'accompagner


d'un thrill. Son intensité ne varie pas avec la respiration et son irradiation ne se
fait pas vers l'aisselle gauche mais en rayons de roue. Le souffle est d'autant
plus intense que le pertuis septal est petit, car la turbulence est alors plus
importante.

Des souffles débutant en méso ou en télésystole se meurent à la


fermeture de la valvule aortique. Ils témoignent d'une régurgitation à travers
une valvule mitrale ou d’un prolapsus valvulaire. On perçoit souvent un clic
mésosystolique.

1.3.3. Les souffles diastoliques

On distingue des souffles proto-diastoliques et des souffles


diastoliques plus tardifs

1.3.3.1. Souffles protodiastoliques

Ils signent une régurgitation aortique ou pulmonaire. Ces souffles


commencent avec B2. Ils sont decrescendo et se terminent avant le prochain
B1. Leur intensité décroit à mesure que la pression dans le ventricule
augmente au cours de la diastole (Figure 1.8). Ces souffles sont mieux perçus
avec le diaphragme du stéthoscope le long du bord gauche du sternum, en
position assise, le sujet penché en avant et en expiration.

Figure 1.8 Souffles proto-diastoliques


146

Des souffles méso- ou télédiastoliques sont témoins d'un flux


sanguin turbulent à travers une valvule mitrale ou tricuspide sténosée, où d'une
éjection accrue de flux sanguin à travers l'une de ces deux valvules.

3.3.2..1. En cas de sténose

Le souffle commence après B2 et est précédé par un CO. Il est


decrescendo car le gradient de pression oreillette gauche-VG décroît puis
connaît un renforcement présystolique au moment de la contraction auriculaire.
Le souffle ou roulement de la sténose mitrale est audible à l'apex avec le
clocher du stéthoscope, le patient en décubitus latéral. Celui, plus rare, de la
sténose tricuspidienne l'est à l'appendice xiphoïde.

1.3.3.2.1. En cas d'états hyper-hémodynamiques.

Les états hyper-hémodynamiques: anémie, fièvre, thyrotoxicose,


exercice, etc., causent une augmentation du flux à travers la tricuspide et la
mitrale entraînant occasionnellement des souffles diastoliques. L'augmentation
du flux à travers la tricuspide survient en présence d'une communication inter-
auriculaire et d'une régurgitation tricuspidienne; l'augmentation à travers la
mitrale survient en cas d'insuffisance mitrale et de communication inter-
ventriculaire.

1.3.3.3. Les souffles continus

Figure 1.9 : Souffle continu dans la PCA


147

Ils sont entendus à travers tout le cycle cardiaque sans hiatus


entre systole et diastole (donc de part et d'autre de B2). Ils résultent d'un flux
de sang d'une région à haute pression vers une région à faible pression par
exemple une communication artério-veineuse comme celle déterminée par la
persistance du canal artériel. Le flux se fait toujours dans la même direction
aussi bien pendant la systole que pendant la diastole. Le souffle est crescendo
de B1 à B2 et decrescendo de B2 à B1. L'intensité maximale est en B2 au
moment où le gradient de pression aorto-pulmonaire est maximal (Figure 1.9).

Il y a lieu de signaler une possible coexistence des deux souffles


au foyer aortique, l'un systolique losangé, l'autre diastolique decrescendo
suggérant la maladie aortique (sténose + insuffisance). Ce n’est pas un souffle
continu, car il a deux composantes séparées par B2.
148

II. MECANISMES DES TROUBLES DU RYTHME CARDIAQUE

Le cheminement coordonné de l'influx électrique à travers le cœur


conditionne le déroulement normal de la contraction cardiaque. Les anomalies
du rythme électrique sont ce que l'on nomme arythmies ou troubles du rythme.
Elles constituent des problèmes plutôt communs en Cardiologie. L'éventail de
leurs manifestations est large: de simples palpitations aux symptômes graves
comme une réduction du débit cardiaque ou le décès.

La compréhension de ces troubles et surtout des mécanismes


sous-jacents est un atout majeur pour la décision diagnostique et la sanction
thérapeutique en pratique clinique quotidienne. Dans ces notes on évoque les
mécanismes sous-jacents à la plupart d'arythmies.

2.1. Mécanismes.

Une arythmie peut résulter d'un trouble de la production


(formation) ou de la conduction de l'influx. La question est d'indiquer comment
surviennent ces altérations de la formation et/ou de la conduction de l'influx et
dans quelles circonstances elles déterminent des perturbations de la
dépolarisation des myocytes.

2.1.1. Automatisme intrinsèque

Il existe dans le cœur des cellules dotées d’un automatisme


intrinsèque. Ces cellules avec automatisme naturel possèdent une membrane
pourvue des canaux cationiques "pacemakers", canaux ne discernant pas
entre cations monovalents (Na+ et K+). Ces canaux s'ouvrent lorsque le
potentiel de membrane se situe aux environs de -60 mV. Lorsqu'ils s'ouvrent,
les cations (spécialement le Na+) pénètrent lentement dans la cellule,
rapprochant de 0 le potentiel de membrane. Cette lente dépolarisation est
connue comme la phase 4 du potentiel d'action ou le pré-potentiel. Quand le
potentiel atteint le seuil critique (approximativement -40 mV), les canaux
calciques voltage-dépendants s'ouvrent et engendrent un courant calcique
entrant qui déclenche le potentiel d'action (PA) (Figure 2.1). Comme le canal
149

calcique est lent, la montée du PA est graduelle dans les cellules


pacemakers. La repolarisation est surtout le fait du courant sortant des ions
K+ à travers les canaux voltage-dépendants. La cellule pacemaker
n'atteint pas le potentiel de repos de -90 mV observé dans les cellules
myocardiques, dans le faisceau de His et les cellules de Purkinjé.

Les différentes- populations de cellules automatiques


déchargent à différentes vitesses. Trois facteurs déterminent la rapidité
avec laquelle le potentiel membranaire atteint le seuil critique: 1 ° la vitesse du
courant entrant lent du canal pacemaker, .2° le niveau du potentiel membranaire de
repos et 3° le potentiel seuil critique.

Figure 2.1 Potentiel d'action dans les cellules pacemakers. Notez l'instabilité
du potentiel de repos (phase 4): le- pré-potentiel

Un potentiel de repos trop négatif ou un seuil critique trop positif


ralentissent la vitesse de décharge car le potentiel de membrane met plus
longtemps pour atteindre le seuil critique. (Figure 2.2). D'autre part, plus le
courant entrant du pacemaker (courant If) est important, plus rapidement
la cellule se dépolarise. La vitesse du courant If dépend du nombre et de la
cinétique des canaux pacemakers. Ainsi, une population cellulaire ayant un
grand , nombre de canaux pacemakers actifs possède la vitesse de
décharge intrinsèque la plus grande. Et, du fait que les cellules
myocardiques fonctionnent comme un syncytium, le potentiel d'action dans
150

une région se propage également aux autres régions. Le pacemaker


possédant la vitesse , de décharge la plus grande va déterminer la fréquence
cardiaque.

Figure 2.2 Facteurs influençant la vitesse de décharge

2.1.2. Suppression de l'automatisme


La population des cellules qui déchargent le plus rapidement non
seulement établit la fréquence de dépolarisation du reste du cœur mais peut
même en supprimer l'automatisme.
La pompe à Na+ - K* éjecte 3 Na + hors de la cellule où elle
admet 2 K+. Elle assure une • extrusion nette d'un, Na +. - Elle est par
conséquent une force hyperpolarisante. A ce titre elle . antagonise la
dépolarisation spontanée des pacemakers. Pour que les cellules
pacemakers puissent décharger automatiquement, leur courant If doit
surpasser l'action de cette pompe. Lorsqu'une cellule est stimulée à une
vitesse supérieure à sa vitesse intrinsèque, le courant I f y amène plus de Na+
dont la concentration intracellulaire s'élève et va stimuler la pompe à
Na+ à éjecter davantage du Na+ hors de la cellule, provoquant ainsi une
hyperpolarisation de cette dernière.
151

D'une façon normale, l'influx va naître donc au niveau du nœud


sinusal dont la fréquence de décharge automatique intrinsèque est de 70 à
80/min; c'est le pacemaker physiologique. Sa fréquence de décharge
varie avec la demande physiologique. D'autres cellules dans le tissu de
conduction sont des pacemakers potentiels: le nœud auriculo-
ventriculaire (50-60/min) et le système de Purkinjé (30 à 40/min) qui
n'initient pas normalement la dépolarisation, mais sont, des pacemakers
latents. Ils peuvent prendre l'initiative à leur fréquence en cas de
défaillance des pacemakers plus rapides ou lorsque une onde de
dépolarisation normale est bloquée et ne les atteint pas.

2.2. Anomalies de production de l'influx


Il existe une anomalie de formation de l'influx lorsque certaines
cellules acquièrent la capacité intrinsèque de décharger à une fréquence
supérieure à celle du tissu contrôlant normalement la fréquence cardiaque (le
nœud sinusal). Le cœur commence à se dépolariser, la dépolarisation étant
initiée par ce nouveau foyer. Deux situations peuvent être invoquées soit
que le nœud sinusal est déprimé et décharge moins fréquemment, soit
qu'un autre foyer développe une vitesse intrinsèque de décharge
supérieure à la sienne.

Lorsqu'un pacemaker latent décharge parce que le nœud sinusal a


ralenti on parle d'échappement. Lorsque par contre un pacemaker latent a
acquis un plus grand automatisme, on parle de battement ectopique. Un
battement ectopique est un battement précoce (il peut conduire à un
rythme ectopique) alors qu'un échappement termine une pause due au
ralentissement du pacemaker.
Ainsi, l'altération de la formation de l'influx peut consister en :
1 ° une augmentation de la vitesse de formation de l'influx au niveau du
nœud sinusal dont l'automatisme s’est ainsi accru. Cela donne lieu à la
tachycardie sinusale;
2 ° une augmentation de l'automatisme d'un pacemaker latent qui engendre un
152

rythme ectopique.
3° un ralentissement de la formation de l'influx par diminution de
l'automatisme du nœud sinusal; le nœud sinusal contrôlant toujours
l'activité cardiaque. Ce qui provoque une bradycardie sinusale.
4° une baisse de l'automatisme du nœud sinusal qui perd le contrôle
cardiaque au profit d'un autre foyer assumant la fonction de pacemaker. Il y
a un rythme d'échappement.
L'automatisme peut augmenter ou diminuer dans des conditions
physiologiques ou pathologiques.

2.2.1. Modifications physiologiques de la formation de l’influx

2.2.1.1. Rôle des facteurs neuro-humoraux


Il y a lieu de discriminer entre les facteurs neuro-humoraux qui
augmentent l'automatisme des cellules cardiaques et ceux qui exercent un
effet inverse.

2.2. 9.1.1. Facteurs qui augmentent l'automatisme normal

2.2.1.1.1.1 Le système nerveux adrénergique:


La stimulation sympathique et l'accumulation des catécholamines
augmentent la probabilité d'ouverture des canaux pacemakers (augmentation
du courant If), amènent le potentiel seuil vers des valeurs plus négatives. Ce
qui a pour effet d'augmenter la probabilité d'ouverture des canaux calciques
voltage-dépendants responsables du courant de la phase 0 du PA dans les
cellules pacemakers. Ainsi, i l résulte de la stimulation adrénergique: 1°
une, altération (un abaissement) du seuil critique du potentiel d'action et 2° une
augmentation de l’influx.

La stimulation adrénergique est observée au cours de l'exercice


physique, en cas d'émotion (comme celle qu'éprouvent les étudiants lors
de l'examen de physiopathologie spéciale en fin d'année). D'autre part,
lorsque les catécholamines sont élevées dans un groupe des cellules
153

myocardiques malades, elles entraînent une tachycardie ectopique; il y a


alors tachyarythmie.

2.2.1.1.2. Facteurs qui dépriment l'automatisme normal.


2.2:9:1.2.9. Le système parasympathique
Le ralentissement de l'automatisme est médié par le système
parasympathique. La stimulation cholinergique (par le nerf vague) agit
sur le nœud sinusal et réduit la probabilité d'ouverture des canaux
pacemakers restreignant le courant If et diminuant la pente de la phase 4
du potentiel d'action (le pré-potentiel). La fréquence de décharge
intrinsèque ralentit. La probabilité pour les canaux calciques de s'ouvrir
diminue et le potentiel seuil pour un potentiel d'action s'élève vers 0. La
stimulation cholinergique augmente la probabilité d'ouverture de certains
canaux K au repos. La sortie , de K+ crée ainsi un courant hyperpolarisant
et le potentiel de repos devient plus négatif. L'effet net de la réduction du
courant If, d'un potentiel membranaire de repos plus négatif et d'une élévation
du seuil critique est un ralentissement de la fréquence de décharge
intrinsèque c'est-à-dire une diminution de l'automatisme.

La sensibilité des différentes régions du cœur au système


parasympathique est variable. Le nœud sinusal et le nœud auriculo-
ventriculaire sont les plus sensibles, le système de conduction ventriculaire
le moins sensible. Une stimulation vagale modérée ralentit le nœud sinusal
et transfert le pacemaker au nœud auriculo-ventriculaire. Une très forte
stimulation supprime l’'automatisme de ces deux nœuds et fait émerger un
pacemaker ventriculaire.

2.2.2. Modifications pathologiques de la formation de l'influx


2.2.2.1. Lésions des tissus cardiaques.

La destruction du tissu spécialisé peut amener d'autres


cellules à acquérir de l'automatisme. Ces cellules rie possédant pas des
154

canaux pacemakers, l'on ne connaît pas entièrement comment elles


arrivent à se dépolariser spontanément. Les lésions rendent les
membranes cellulaires peu étanches. Cela ne permet pas de conserver les
concentrations ioniques; le potentiel de repos devient moins négatif.
L'automatisme dans ces conditions apparait même dans les cellules non
pacemakers. Lorsque de telles cellules déchargent plus fréquemment
que le pacemaker normal, elles deviennent la source d'un rythme
ectopique.

2.2.2.2. Perte de connections intercellulaires.


Lorsque les connections intercellulaires électriques entre les
cellules automatiques et non automatiques sont détruites, on observe une
augmentation de l'automatisme particulièrement dans les tissus
spécialisés du nœud auriculo-ventriculaire. Les cellules automatiques ont
un potentiel de repos de -60 mV; les non automatiques de - 90 mV. Lorsque
ces cellules sont adjacentes, le couplage électrique survient à travers leurs
disques intercalaires. Ce couplage entraîne un courant hyperpolarisant
provenant de la cellule automatique et essayant d'équilibrer les deux
potentiels. Ce courant entre en compétition avec le courant dépolarisant
spontané If, entraînant une baisse de l'automatisme de la cellule. La
destruction tissulaire peut découpler les cellules automatiques et non
automatiques, lever ce mécanisme d'inhibition et accroître l'automatisme et
produire éventuellement un rythme ectopique.
Réduction de l'automatisme à la suite d'une lésion tissulaire,
ischémie et lésions dégénératives peuvent déterminer une chute de la
fréquence intrinsèque du nœud sinusal en dessous de 70/min sans que l'on
sache tout à fait pourquoi.

2.3. Altérations de la conduction de l'influx.


C'est le second mécanisme général des troubles du rythme. Les
mécanismes principaux de conduction aberrante sont: le bloc, la réentrée et le
by-pass ou court-circuit.
155

2.3.1 Le bloc
Le blocage de la conduction normale entraîne un
échappement. Le blocage peut être du à une fibrose, une ischémie, un
traumatisme où une partie du tissu de conduction perd sa connexion avec
le reste. Certains médicaments (bêtabloquants, verapamil, diltiazem)
peuvent le causer de façon transitoire. II y a échappement car un centre
plus distal assume le rôle du pacemaker.

2.3.2. La réentrée
Une anse réentrante est un circuit électrique auto entretenu
qui dépolarise itérativement les tissus avoisinants. Une région du
cœur peut devenir un circuit ré-entrant, en satisfaisant aux conditions
suivantes: l'existence d'un bloc unidirectionnel et la présence d'une
conduction rétrograde ralentie (figure 2.3).

Figure 2.3 RE-ENTREE Cette figure montre: a). Lorsqu'une voie de conduction se divise en
deux, le potentiel d'action (PA) qui la parcourt suit les deux nouvelles voies jusqu'au tissu
de conduction distal. b). Le passage est bloqué pour le PA dans la voie B mais reste normale à
travers le passage A jusqu'au point Y. Le PA entre dans la voie B de façon rétrograde. c). Le
courant rétrograde trouve le point X et la voie A encore en période réfractaire; ce courant
meurt. d). Le courant rétrograde était ralenti et trouve le point X étant complètement
repolarisé. Il peut alors exciter de nouveau la voie X et engendrer un circuit réentrant.
156

2.3.3. Le court-circuit ou by-pass.


Dans certains cas l'influx ne passe pas uniquement à travers le tissu
de conduction classique entre l'oreillette droite et les autres tissus du
cœur. Il peut exister d'autres voies additionnelles pouvant conduire I influx
du sinus au ventricule. La voie accessoire la plus connue est le faisceau de
Kent (Figure 2.4).

Figure 2.4 : Le by-pass par le faisceau de Kent (Syndrome de Wolf Parkinson White)

La voie accessoire conduit l'influx plus rapidement de sorte que le


retard normalement observé dans le nœud auriculo-ventriculaire disparaît
et la stimulation ventriculaire survient plus tôt, entraînant à l'ECG un
raccourcissement de l'intervalle PR (Syndrome de Wolf Parkinson White). La
dépolarisation ventriculaire sera une fusion entre la conduction dans la voie
accessoire et la conduction dans la voie classique. Cela entraîne un
élargissement de QRS. La période réfractaire des deux voies est
différente. Cette anomalie peut déboucher sur le phénomène de réentrée.

En général la réentrée entraîne un rythme accéléré, le bloc un rythme


lent; le by-pass altère la voie normale de conduction et peut conduire à une
tachyarythmie.
157

Tableau 2.1: Mécanismes de développement des troubles de rythme.

Manifestation Anomalie Mécanisme Exemple


Altération formation
influx:
-Baisse de l'automatisme Phase 4 faible Bradycardie sinusale
du nœud sinusal (stimulation
cholinergique)
Bradyarythmies
Altération conduction
influx:
-Bloc Ischémie, fibrose, Bloc A-V (1 er -3°)
drogues.

Altération formation
influx:

.Augmentation automatisme Phase 4 élevée Tachycardie sinusale


du nœud sinusal (Stimulation
sympathique)
.Apparition foyer ectopique
Tachycardie supraventric
Phase 4 acquise ectopique;

Tachyarythmies
Altération conduction
influx:

Réentrée Bloc unidirectionnel et Tachycardies


conduction rétrograde supraventriculaires
lente paroxystiques, flutter,
tachycardie ventriculaire,
fibrillation

Altération de la formation et altération de la conduction de l'influx


(Tableau 2.1) sont donc les deux fondements des troubles de rythme que
l'on peut cataloguer en rythmes ralentis (bradyarythmies) et rythmes
accélérés (tachyarythmies). Les bradyarythmies sont souvent traitées par
des médicaments qui accélèrent les décharges du nœud sinusal et
stimulent la conduction auriculo-ventriculaire (atropine, isoprotérénol) ou
par des pacemakers électroniques. Les tachycardies répondent souvent à
une thérapie dirigée contre le mécanisme responsable de la formation de
l'arythmie. Pour les situations réfractaires, on peut recourir à la
cardioversion électrique ou à la défibrillation.
158

III. HOMÉOSTASIE DE LA PRESSION ARTÉRIELLE


3.1. Hypertension
L'hypertension est un problème de santé publique, un
problème en fait universel qui concerne plusieurs centaines des millions
d'individus dans le monde. Ces personnes courent un plus grand risque
cardio-vasculaire. Elles sont exposées à une morbidité et une mortalité
cardio-vasculaires élevées par accident vasculaire cérébral, infarctus du
myocarde, insuffisance cardiaque, dysfonctionnement rénal, rétinien et
autre. Cependant, l'hypertension est généralement asymptomatique de
sorte qu'une complication cardio-vasculaire grave peut s'avérer
l'événement révélateur. Cela explique pourquoi la détection de
l'hypertension dans la communauté est importante. L'hypertension est
aussi un problème scientifique d'une complexité inimaginable. Dans 95%
de cas environ la cause n'est pas connue. On dénomme cette
situation l'hypertension primaire ou essentielle. Toutefois, l'étude de la
régulation normale de la pression artérielle permet d'appréhender certains
aspects de l'hypertension essentielle. L'hypertension n'a de cause connue
que chez une infime fraction des malades; elle est dite hypertension
secondaire. Ces cas peuvent guérir.

3.1.1. Qu'est-ce que l'hypertension?


La pression artérielle varie largement au sein d'une
population et sa distribution est gaussienne. Elle augmente avec
l'avancement en âge. Le risque de complication augmente avec le
chiffre de la pression artérielle de sorte qu'il n'existe pas une valeur de
la pression artérielle pour laquelle l'augmentation du risque serait
brusque. Une élévation extrême de la pression artérielle avec une
diastolique ≥140 mmHg constitue une hypertension maligne. Un tel
niveau de pression artérielle s'accompagne d'altérations vasculaires et
organiques caractéristiques.
159

3.1.1.2. Régulation de la pression artérielle.


La classification de la pression artérielle est présentée au
tableau ci –après

La pression artérielle est en rapport avec le débit cardiaque et


la résistance vasculaire systématique.

PA = DC x RVS
(PA = pression artérielle moyenne, DC=débit cardiaque et RVS=résistance
vasculaire systémique).
DC = VS x FC
(VS=volume systolique ou volume éjecté et FC=fréquence cardiaque).

Le volume d'éjection systolique est déterminé largement par


la contractilité myocardique et le retour veineux. Il en résulte qu'au moins
trois systèmes sont impliqués dans la régulation de la pression artérielle:
160

le cœur, lequel fournit la pression de pompage; les vaisseaux sanguins


qui contribuent à la résistance à l'écoulement et le rein qui régule la
volémie et, par ce biais, le débit cardiaque. La participation rénale à la
régulation de la pression artérielle est particulière. Quels que soient le
débit cardiaque et l'état de constriction des vaisseaux, le rein peut
ramener la pression artérielle à un niveau normal en régulant le volume
intravasculaire. Cela suggère que le maintien d'une élévation chronique
de la pression artérielle implique nécessairement une participation
rénale même si les mécanismes responsables de cette élévation ne
sont pas rénaux.

3. 1.2. Hypertension artérielle essentielle.


Le diagnostic de l'hypertension artérielle essentielle est un
diagnostic d'exclusion retenu après avoir éliminé les causes connues de
l'hypertension artérielle secondaire. Il s'agit d'une condition dans laquelle
l'élévation de la pression artérielle n'est probablement qu'un commun
dénominateur à plusieurs troubles dont la nature n'est pas connue avec
certitude. De tels troubles ne seraient, du reste, pas tous présents chez
tous les patients. Comprendre l'hypertension artérielle essentielle, c'est
essayer d'appréhender des possibilités, celles qui peuvent altérer la
physiologie normale (rénale) au point d'induire une élévation chronique de la
pression artérielle.
L'hypertension essentielle résulte de l'interaction de multiples
troubles de la régulation de la pression artérielle avec des facteurs
stressants de l'environnement qui rendent ces troubles cliniquement
manifestes. Ces troubles de la régulation peuvent être acquis ou innés et
indépendants les uns des autres. Par conséquent, il existe plusieurs sous
populations d'hypertendus essentiels dépendant du trouble sous-jacent qui
rend différente la base physiopathologique même de la maladie hypertensive.
Du point de vue de l'épidémiologie, l'hypertension essentielle
a un caractère familial. Les descendants des hypertendus ont eux-mêmes
161

une prévalence élevée de l'hypertension essentielle par rapport à la


population générale. Il existe une haute concordance de la pression
artérielle entre jumeaux vrais qu'entre faux jumeaux. De plus, les
descendants encore normotendus des patients hypertendus essentiels
arborent des anomalies qui, en présence d'autres facteurs favorisants,
peuvent induire une hypertension (altération du flux rénal, altération de
transport ionique, etc.).
Une composante génétique est de plus suggérée par le fait
que l'hypertension essentielle n'est pas également distribuée parmi les
différentes races. Les noirs y seraient plus disposés que les blancs. Mais
des facteurs de l'environnement doivent certainement jouer un rôle
important.

Pour la majorité des patients l'élévation de la pression


artérielle est légère (on parle alors d'hypertension légère, diastolique de
90 à 104 mmHg. L'hypertension est modérée à sévère chez 10% des
malades. Le risque cardiovasculaire est d'autant plus élevé que
l'hypertension est sévère. Mais le plus grand nombre de complications
cardiovasculaires de l'hypertension surviennent parmi les catégories
légères et modérées.

Le cœur, les vaisseaux et le rein peuvent être en cause dans


l'hypertension essentielle.

3.1.2.1. Le cœur
Le cœur peut contribuer à une hypertension induite par
l'élévation du DC à la suite d'une hyperstimulation neuro-humorale (ex: le
stress psychologique élève la fréquence cardiaque plus chez les hypertendus
et leurs descendants que chez les normotendus).

3.1.2.2. Les vaisseaux sanguins:


Les vaisseaux participent à l'hypertension due à l'élévation
des RVS. Les vaisseaux répondent par la vasoconstriction à
162

1) une dérégulation du système nerveux sympathique


2) une dérégulation du tonus vasculaire par des facteurs locaux (EDRF,
endothéline)
3) une anomalie des canaux ioniques dans les cellules des muscles lisses.
4) des variations structurales des vaisseaux, hypertrophie médiale exagérée.etc

3.1.2.3. Le rein
Le rein peut être responsable d'une hypertension induite par
un excès de volémie (élévation du DC) à la suite d'une rétention hydro-
sodée excessive du fait :
- de l'incapacité rénale de réguler adéquatement le flux sanguin; - d'une
altération de transport ionique membranaire (baisse de l'activité de la
Na+,K+ ATPase au niveau de la membrane basolatérale);
- d'une régulation hormonale inadéquate; par exemple: la rénine plasmatique est
basse chez 30% des hypertendus, normale chez 60% et élevée chez 10%.
Or, en présence d'une élévation de la pression artérielle, la rénine doit être
normalement supprimée. Il s'ensuit qu'un taux normal doit être considéré
comme une aberration. Ce qui signifie que 70% d'hypertendus ont une
rénine élevée. En d'autres termes une anomalie de la régulation de la rénine
jouerait un rôle chez certains hypertendus essentiels.

3.1.3. Du point de vue hémodynamique


L'hypertension essentielle survient et sa prévalence s'élève en
général avec l'âge. De même son profil hémodynamique change avec l'âge.
Chez le sujet plus jeune (<40 ans) l'élévation de la pression artérielle est en
rapport avec celle du DC alors que la RVS est normale. C'est la phase
hypercinétique de l'hypertension essentielle
A mesure que l'élévation de la pression artérielle perdure, des
adaptations structurales surviennent au niveau du cœur et des vaisseaux.
L'hypertrophie concentrique du cœur compromet le remplissage diastolique
(avec comme possible conséquence une réduction du volume éjecté) et
163

tend à diminuer le débit cardiaque. D'autre part l'hypertrophie médiale au


niveau des vaisseaux entraîne une réduction de la lumière vasculaire
et une augmentation de la résistance à l'écoulement du sang. Ainsi,
l'hypertendu âgé tend à avoir une RVS plus élevée avec un DC normal ou
diminué. Cette évolution de l'état hypercinétique à l'état de débit normal
avec RVS élevée survient avec ou sans augmentation supplémentaire de
la pression artérielle moyenne.
Ainsi, l'hypertension artérielle essentielle est un syndrome
clinique qui peut provenir d'une multitude d'anomalies potentielles, qui a
un profil hémodynamique caractéristique et une histoire naturelle. Bien
que nous ne puissions pas comprendre avec précision ce qui se passe
chez chaque patient, nous pouvons tout au moins boucher le hiatus
concernant la physiopathologie à incriminer. De cette façon,
l'hypertension essentielle (primaire ou idiopathique) n'est pas entièrement
une boîte noire.

3.3. Hypertension secondaire.


L'hypertension secondaire ne représente que 5% environ de
toutes les hypertensions. Il est très important de l'identifier car elle est
induite par des conditions potentiellement curables et leur prise en charge
peut être différente de celle d'une hypertension essentielle. D'autre
part, l'hypertension secondaire peut, si ignorée, entraîner des variations
adaptatives susceptibles d'entretenir une élévation de la pression artérielle
même après élimination de la cause.
Certains aspects cliniques peuvent faire penser à une
hypertension secondaire:
1) Age: avant 20 et après 50 ans l'hypertension est vraisemblablement
secondaire.
2) Sévérité: l'élévation de la pression artérielle est généralement sévère
alors que dans l'hypertension essentielle elle est le plus souvent légère à
modérée.
164

3) Installation abrupte dans l'hypertension secondaire, insidieuse dans


l'essentielle.
4) Signes et symptômes associés: présence de manifestations en
relation avec le processus qui cause l'hypertension. Par ex: souffle para-
ombilical dans la sténose de l'artère rénale; souffle interscapulaire dans la
coarctation de l'aorte.
5) Histoire familiale: l'hypertension essentielle a souvent une histoire familiale,
l'hypertension secondaire est plutôt sporadique.

3.3.1. Causes de l'hypertension secondaire


3.3.1.1. Causes rénales
3.3.1.1.1. Parenchymateuses
Une destruction du parenchyme rénal quelle qu'en soit la
cause peut entraîner une élévation de la pression artérielle. Le mécanisme
évoqué est l'incapacité des néphrons restants d'éliminer suffisamment du
sodium, lequel est retenu conduisant à une augmentation du volume
intravasculaire, du DC et de la pression artérielle. Parfois, pour des
raisons inconnues, on peut observer une élévation de la production de
rénine responsable de celle de la pression artérielle.

3.1.1.2 Vasculaires
La sténose d'une ou des deux artères rénales entraîne
l'hypertension. Cette sténose peut avoir pour cause une embolie, une
vascularite ou une compression externe. Mais deux causés sont plutôt
communes: l'athérosclérose et la dysplasie fibromusculaire. La première,
fréquente chez le sujet âgé, est due au développement de plaque
d'athérome dans l'artère rénale même ou dans l'aorte. La deuxième
apparait généralement chez la femme jeune et consiste en une fibrose ou une
prolifération musculaire de la média. Il existe une baisse du flux sanguin dans
l'artère afférente entraînant une sécrétion de rénine qui élève la pression
artérielle par le biais de l'angiotensine Il (vasoconstriction) et de
l'aldostérone (rétention sodée).
165

En cas de l'hypertension rénovasculaire on entend un souffle


para-ombilical dans environ 60% des cas. II existe une hypokaliémie
avec augmentation du taux sanguin de l'aldostérone. On peut corriger cette
hypertension en dilatant l'artère rénale.

3.3.3. Causes mécaniques


3.3.3.1. Coarctation de l'Aorte
Il s'agit d'un rétrécissement congénital de l'aorte juste après la
naissance de l'artère sous-clavière gauche. La pression artérielle dans la
crosse de l'aorte, au niveau de la tête et des bras est plus élevée que
dans l'aorte descendante et aux membres inférieurs. Deux mécanismes
expliquent l'élévation de la pression artérielle :
* baisse du flux sanguin rénal entraînant l'activation du système rénine –
angiotensine - aldostérone lequel provoque une vasoconstriction
(Angiotensine II) et une rétention hydro-sodée (Aldostérone)

* hyperplasie de la tunique média de l'arc de l'aorte conduisant à


l'athérosclérose et réponse émoussée des baroréflexes qui conduit à
l'élévation de la pression artérielle.

Du point de vue clinique on va observer de la claudication et un


souffle systolique à l'auscultation de l'espace inter scapulaire.

3.3.4. Causes endocriniennes


Ces causes sont à rechercher par l'anamnèse, la détermination
du taux des hormones, les épreuves de stimulation ou dé suppression de
la sécrétion des hormones et par l'imagerie pour mettre en évidence des
tumeurs sécrétant ces hormones.

3.3.4.1. Phéochromocytome.
Tumeur neuroendocrine sécrétant des catécholamines. La
noradrénaline et l'adrénaline produites peuvent entraîner une élévation
soit permanente soit paroxystique de la pression artérielle. L'hypertension
166

paroxystique est très caractéristique avec des attaques autonomes faites


de céphalée violente, sudation abondante, palpitations, tachycardie et
anxiété. Entre les attaques la pression artérielle peut-être normale mais la
plupart des patients ont une hypertension permanente.

3.3.4.2. Hormones corticales

3.3.4.2.1. Minéralocorticoïdes
Les minéralocorticoïdes sont responsables d'une rétention
hydro-sodée conduisant à une augmentation de la volémie et par
conséquent de la pression artérielle. L'hyperaldostéronisme primaire
résulte soit d'un adénome surrénalien ou d'une hyperplasie de la
surrénale.
3.3.4.2.2. Glucocorticoïdes
Les glucocorticoïdes en excès augmentent la pression artérielle
à la suite de l'expansion volémique et probablement aussi par stimulation
de la synthèse rénale de la rénine. Dans le syndrome de Cushing,
l'hypertension est observée dans presque 80 % des cas. Ces patients
présentent un aspect physique caractéristique avec obésité centrale,
hirsutisme et faiblesse musculaire. La lésion primaire est un adénome
hypophysaire ou périphérique sécrétant l’ACTH, ou un adénome
adrénocortical sécrétant du cortisol.

3.3.4.2.3. Hormones thyroïdiennes


L'hypertension peut accompagner les anomalies thyroïdiennes.
En cas d'hyperthyroïdie l'hyperactivité cardiaque et l'expansion du volume
peuvent causer une élévation de la pression artérielle et l'hypertension
apparait chez un tiers des patients. Dans l'hypothyroïdie 25% des patients
sont hypertendus. On peut noter une vasoconstriction relative subséquente
au ralentissement métabolique.
167

IV. ATHÉROSCLÉROSE

L'athérosclérose est une affection lentement progressive des


artères musculeuses, dans lesquelles la couche interne s'épaissit par dépôt
lipidiques et un tissu fibreux. Les artères le plus communément entreprises
comprennent les coronaires et les vaisseaux cérébraux conduisant aux
complications comme l'infarctus du myocarde et l'ischémie cérébrale.
L'athérosclérose est plus responsable de la mortalité dans les pays
industrialisés que dans ceux en développement. Mais malgré la
connaissance de sa prévalence élevée et la connaissance de ses méfaits
depuis plus d'un siècle, sa pathogénie reste largement obscure.
Dans ces notes nous résumons les lésions de l'athérosclérose, ses
facteurs de risque associés et discutons les mécanismes cellulaires
probablement à la base de cette condition.

4.1. Rappel: la paroi artérielle


La paroi artérielle comprend trois couches: l'intima (ainsi
désignée parce qu'en contact étroit -donc en intimité- avec le sang; la
media -(au milieu), et l'adventice (couche la plus externe).
L'intima est constituée d'une fine assise 'des cellules endothéliales formant
une barrière qui contient le sang circulant dans le lit vasculaire. Les cellules
endothéliales reposent sur une couche de tissu conjonctif recouvrant la média
musculaire.
La tunique média est la couche la plus épaisse du vaisseau. Elle
est séparée de l'intima par la lamina elastica interna et de l'adventice par la
lamina elastica externa. La lamina offre des ouvertures par lesquelles
cellules et autres substances peuvent migrer. La tunique média comprend
surtout des cellules musculaires lisses dans une matrice faite de
collagène, d'élastine et de protéoglycans. La fonction principale de la
média est de contracter et dilater la paroi vasculaire régulant ainsi le flux
sanguin dans la lumière vasculaire. L'adventice contient des fibroblastes et
168

du collagène, des vasa vasorum, des nerfs des vaisseaux sanguins et des
lymphatiques qui desservent l'artère.

4.2. Lésions de l'athérosclérose.


Deux lésions sont communément associées à
l'athérosclérose, les bandes (stries) graisseuses et la plaque fibreuse.

9.2. Les stries graisseuses


Les stries graisseuses seraient les manifestations de
l'athérosclérose les plus précocement visibles. On les observe chez des
enfants de moins de 3 ans et vers les 20 ans chez les sujets ayant une
alimentation de type occidental. Il s'agit des zones de coloration jaunâtre de
la surface interne de l'artère qui apparaissent comme des spots d'un
diamètre inférieur à 1 mm ou des stries (sillons) de 1-2 mm de largeur et de
1 cm de long.
Au microscope on constate une accumulation sous
endothéliale de larges cellules remplies de lipides. Ces cellules sont surtout
des macrophages ou des cellules musculaires lisses ayant ingéré des
lipides, ce qui leur donne une apparence écumeuse ou mousseuse; elles
sont dénommés "foam cells", cellules spumeuses. Ces lésions sont sans
signification clinique mais on pense qu'elles sont des précurseurs de la
plaque fibreuse dans les artères coronaires.

4.2.2. Plaque fibreuse


C'est la lésion la plus importante, source des manifestations
cliniques de l'athérosclérose. Dans les coronaires et les autres artères,
la plaque est le plus souvent localisée aux mêmes endroits que les stries
graisseuses, ce qui fait croire que celles-ci en sont des précurseurs.
La plaque est une lésion grise, pâle et ferme. Elle peut être
dure ou molle (quoique l'on associe généralement l'athérosclérose avec
une induration dans les artères). La plaque peut se projeter dans
169

l'artère, en réduire la lumière et le flux sanguin.


Les altérations sont surtout localisées au niveau de l'intima où
s'accumulent monocytes, lymphocytes, cellules spumeuses, tissu
connectif, débris cellulaires nécrotiques et cristaux de cholestérol.

La distribution vasculaire des plaques n'est pas homogène.


Elles sont plus communes dans l'aorte abdominale, suivie par les
coronaires, les poplitées, l'aorte thoracique- descendante, les carotides
internes et les artères du cercle de Willis. L'importance clinique de la
plaque réside dans ses complications conduisant à une restriction du flux
sanguin et à une perturbation de l'intégrité de la paroi vasculaire:
*calcification de la plaque provoquant la rigidité de l'artère responsable de
l'aspect caractéristique d'artère en tuyau de pipe dont la fragilité est élevée.
* ulcération et/ou fissuration avec apparition de thrombus pouvant évoluer
vers une obturation de la lumière vasculaire entraînant une ischémie
myocardique ou cérébrale.
*dislocation du thrombus et embolisation dans les vaisseaux plus
périphériques
* hémorragie dans la plaque par rupture de l'assise cellulaire
endothéliale ou des capillaires irriguant la plaque avec évolution vers un
hématome qui rétrécit davantage la lumière du vaisseau.
* développement d'une dilatation anévrysmale par perte de tissu élastique.

4.3. Epidémiologie.
L'athérosclérose est plus souvent observée dans les sociétés
consommant largement de la viande en comparaison de celles où la
consommation des graisses est négligeable.
La mortalité coronaire présente des différences géographiques.-
plus élevée aux Etats-Unis qu'au Japon. Mais les japonais vivant au Etats-
Unis et qui adoptent une alimentation américaine présentent aussi une
mortalité élevée.
170

3.7. Facteurs de risque.


Il existe quatre facteurs de risque majeurs de l'athérosclérose qui
sont modifiables et donc contrôlables: hyperlipidémie, hypertension,
tabagisme et diabète sucré. Plusieurs facteurs ne sont pas contrôlables l'âge
avancé, le sexe masculin, une histoire familiale d'atteinte coronaire. Parmi les
facteurs mineurs il faut citer l'obésité, le sédentarisme et une existence
stressante et d’autres facteurs émergeants (homocystéine, inflammation, etc).

4.3.1.1. Hyperlipidémie.
L'hypercholestérolémie est un facteur de risque majeur incontesté
de l'athérosclérose. Le développement de l'athérosclérose est corrélé aux
taux sériques de cholestérol. Chez l'animal, l'athérosclérose peut être
induite par simple administration d'une nourriture qui élève le
cholestérol sérique. La présence chez l'homme des troubles génétiques
qui accroissent le taux de cholestérol sérique s'accompagne d'un
développement précoce de l'athérosclérose en absence d'autres facteurs
de risque. D'autre part le cholestérol est une composante de la plaque
fibreuse.
Quel type d'anomalie lipidique conduit à l'athérosclérose? Un
taux élevé de cholestérol favorise l'athérogenèse. Lorsque le taux de
cholestérol est supérieur à 265 mg%, le risque d'athérosclérose
coronarienne est cinq fois plus élevé qu'en présence d'un taux inférieur
à 220 mg%. Toutefois, les fractions du cholestérol ne sont pas toutes
mauvaises. Dans le plasma, 70% du cholestérol apparaît comme LDL
cholestérol dont l'élévation est corrélée à l'athérosclérose. Les sujets
déficients en récepteur de LDL qui ne peuvent pas, de ce fait, soustraire
cette fraction de la circulation sont prédisposés à l'athérosclérose. Les
triglycérides sériques transportés comme VLDL seraient aussi
importants, dans le développement de l'athérosclérose. Les HDL sont
considérés comme protecteurs car facilitant l'utilisation du cholestérol.
Des études récentes ont montré qu'une réduction du
171

cholestérol sérique (au moyen d'un régime ou des drogues) chez des
coronariens peut prévenir la progression de l'atteinte vasculaire et même
favoriser une certaine régression des lésions d'athérosclérose. On
considère souhaitable un taux de cholestérol inférieur à 200 mg% ou un taux
de LDL cholestérol inférieur à 130 mg% Très récemment un autre facteur
de risque cardio-vasculaire : la LP(a) lipoprotéine (a), qui ressemble au
LDL mais est liée par un pont disulfure à l'apoprotéine (a), l'APO(a).
APO(a) est de structure similaire à celle de plasminogène, protéine
plasmatique importante dans la fibrino(géno)lyse. Il a été postulé dès lors
que l'augmentation de lipoprotéine (a) pourrait agir en inhibant l'activité
thombolytique du plasminogène.

4.3.1.2. Tabagisme.
Le tabagisme est le plus contrôlable des facteurs de risque. Les
fumeurs ont un risque accru d'athérosclérose, d'ischémie cardiaque et de mort
subite parce que la quantité de nicotine et d'autres toxiques absorbés varie
largement. II n'est pas facile de corréler le risque avec par exemple avec le
nombre de cigarettes fumées. Il est néanmoins clair que même un
tabagisme minime élève le risque qui est énorme chez le grand fumeur. Les
études semblent indiquer que même les cigarettes à teneur faible en
nicotine ne minimisent pas le risque d'Infarctus du myocarde par rapport aux
cigarettes régulières.
On ne sait pas tout à fait pourquoi le tabac conduit à
l'athérosclérose, à la coronaropathie et à la mort subite. Stimulation
sympathique excessive par la nicotine? Déplacement par le monoxyde de
carbone de l'oxygène au niveau de l'hémoglobine? Réaction
immunologique directe du tabac sur les parois artérielles? Exagération de
l'adhésivité plaquettaire? Élévation par des constituants des cigarettes
de la perméabilité de l'endothélium aux lipides? Et bien tous ces
mécanismes potentiels sont actuellement invoqués.
Une bonne nouvelle cependant, la réversibilité de certains de
172

ces mécanismes avec la cessation du tabac de sorte que le risque cardio-


vasculaire est faible chez les anciens fumeurs par rapport à ceux qui
continuent à fumer.

4.3.1.3. Hypertension.
C'est un facteur de risque pour l'athérosclérose, les
cardiopathies ischémiques et les accidents vasculaires cérébraux. Pour un
niveau donné de la pression diastolique, le risque augmente en fonction de
la pression systolique. II n'existe pas un seuil à partir duquel le risque
s'élève, le risque est plutôt un continuum en fonction d'élévation de la
pression artérielle.

Le mécanisme par lequel l’hypertension contribue à


l’athérosclérose est inconnu. L'hypertension lèse toutefois, l'endothélium
vasculaire et peut augmenter la perméabilité de la paroi vasculaire -aux
lipoprotéines.

Le contrôle de l'hypertension entraîne une baisse du risque de


l'accident vasculaire cérébral. La baisse du risque de cardiopathie
ischémique n'a pas été significative. On attribue cette différence à l'usage
des médicaments comme les diurétiques et les β-bloquants qui, tout en
contrôlant l'hypertension, aggravent les autres facteurs de risque tels que
l'hyperlipidémie et l'intolérance au glucose.

4.3.1.4. Diabète sucré


Le diabète est un facteur de risque dont l'impact précis est
difficile déterminer car le diabétique a fréquemment d'autres facteurs de
risque comme l'hypertension et les troubles lipidiques. On pense que
l'élévation du risque est en rapport avec les actions de lipoprotéines
glycosylées et l'adhésivité accrue des plaquettes. Il n'est pas encore établi
qu'un contrôle strict de la glycémie chez le diabétique a un effet favorable
sur les lésions athéromateuses. L'enthousiasme pour un tel contrôle est lui
même tempéré par le fait que l'insuline est un facteur de croissance qui
173

stimule la prolifération des cellules musculaires lisses avec un rôle potentiel


dans l'athérogenèse.

4.4. Les éléments cellulaires de l'athérogenèse.


Quatre types de cellules sont impliqués dans la genèse de
l'athérogenèse: les cellules endothéliales, les cellules musculaires lisses, les
plaquettes sanguines et les macrophages/monocytes.

4.4.1. Les cellules endothéliales.


Les cellules endothéliales recouvrent la surface interne du
vaisseau et jouent le rôle de :
- Barrière qui contient les éléments sanguins dans la lumière vasculaire
. Antithrombine du fait des molécules de surface et par libération des
substances anti-thrombiniques comme la PGI2.
- Vasodilatateur par production de l'endothélium-derived relaxing factor
(EDRF ou NO)

-LDL récepteur qui fixe le LDL important dans l'athérogenèse

. Synthèse des mitogènes comme la platelet derived growth factor (PDGF)


substances impliquées dans l'athérogenèse à travers leur action sur les
cellules musculaires lisses. Synthèse des protéines qui forment la
membrane basale sur laquelle les cellules endothéliales se fixent, donc
génèrent une surface non thrombogénique protectrice.

Lorsqu'elles sont lésées, les cellules endothéliales modifient


leur activité, perdent la faculté de servir comme barrière, leur propriété
anti-thrombogénique et expriment des propriétés pro-coagulantes et
peuvent sécréter des substances chimiotactiques attirant les cellules
impliquées dans l'athérogenèse comme les monocytes et les cellules
musculaires lisses.
174

4.4.2. Les cellules musculaires lisses.

On admet comme mécanisme de base de l'athérogenèse la


prolifération des cellules musculaires lisses dans l'intima des artères. Ces
cellules proviennent de la tunica média. Elles peuvent revêtir deux
phénotypes : contractile et synthétique.
Le phénotype contractile est caractérisé par la présence des
myofibrilles. La cellule exprime des récepteurs pour plusieurs substances
vasoactives dont AII, récepteurs lui permettant de réagir à ces
substances par la vasoconstriction ou la relaxation, contribuant ainsi à la
régulation du flux.
Sous stimulation spécifique, la cellule peut afficher un
phénotype synthétique caractérisée par l'absence des myofibrilles dans le
cytoplasme mais la présence du réticulum endoplasmique et d'appareil
de Golgi. La cellule produit du collagène, de l'élastine, des
glycoaminoglycanes qui forment la matrice de la tunique média. La
cellule exprime aussi le récepteur L DL comme la cellule endothéliale qui
facilite l'ingestion des lipides et les récepteurs pour des facteurs
chimiotactiques et mitogéniques comme le PDGF; elle peut migrer vers
l'intima sous leur action et proliférer. Les cellules musculaires lisses
peuvent produire leurs propres facteurs mitogènes stimulant leur auto-
prolifération. La bascule de la cellule musculaire lisse au phénotype
synthétique s'avère cruciale dans la formation de la plaque d'athérosclérose.

4.4.3. Les plaquettes


Les plaquettes ne sont pas visualisées dans les lésions
athéromateuses bien qu'elfes soient évidemment impliquées dans les
complications cliniques de la plaque fibreuse comme l'occlusion et la
thrombo-embolie.
Les plaquettes possèdent des granules contenant des
substances biochimiques importantes. Activées par les tissus sous-
175

endothéliaux ou par d'autres facteurs, les plaquettes libèrent leur contenu


dans la circulation. Il s'agit des substances attirant les plaquettes et
favorisant la formation de fibrine, des mitogènes attirant les cellules
musculaires lisses et stimulant leur prolifération, de l'ADP et de
l'adrénaline qui peuvent endommager davantage le vaisseau et augmenter
la possibilité d'exposer le sang au tissu sous-endothélial.

4.4.4. Monocytes - macrophages


Ils proviennent de la circulation comme monocytes circulants
et deviennent des macrophages sessiles. Les monocytes restés dans la
circulation peuvent être activés par bien des médiateurs dont l'Ileu-1 pour
devenir des macrophages.
Activé, le macrophage produit des composés chimiotactiques et
mitogènes et aident à la prolifération cellulaire. Les macrophages affichent
des récepteurs LDL pour la captation des lipoprotéines. Enfin les
macrophages peuvent produire des substances destructrices comme des
hydrolases et des super oxydases qui causent des dommages aux cellules
voisines.

4.5. Mécanisme de l'athérogenèse


Le mécanisme de développement de !'athérogenèse demeure
sensiblement inconnu. L'évidence que l'événement primaire pourrait être
une lésion endothéliale repose sur un certain nombre d'arguments: 1° la
localisation préférentielle des lésions athéromateuses aux endroits où les
artères se divisent en branches, points de turbulence où• la probabilité de
survenue de dommage à endothélium est grande; 2° le fait que les facteurs
de risque (déjà énumérés) peuvent tous endommager l'endothélium et 3° le
développement des lésions athéromateuses en réponse aux
176

dommages endothéliaux directs ou indirects expérimentalement provoqués


chez l’animal

PHYSIOPATHOLOGIE
Hyperlipidémie
Hypertension
Tabagisme
LÉSION ENDOTHÉLIALE

Perméabilité aux Adhésion Facteurs chimiotactiques


lipides d’origine plaquettaire et
Plaquette
monocytaire
Monocytes

Métabolisme Migration monocytes


oxydatif dans l’Intima Migration des cellules
musculaires lisses vers
l’Intima

Conversion en Mitogènes :
LDL oxydé modifié
macrophages PDGF et autres

Expression des Prolifération des CML


récepteurs pour LDL
modifié

Injection des lipides Synthèse matrice


extracellulaire

STRIES GRAISSEUSES
CELLULES
SPUMEUSES
PLAQUES FIBREUSES

Figure 4.1 : Théorie de la réponse à la lésion endothéliale

La figure 4.1 illustre l'hypothèse dite 'de la réponse à


l'agression'. L'hypothèse propose un processus allant de la lésion
endothéliale à l'athérosclérose. Dès qu'une lésion endothéliale survient à
la suite des conditions telles que l'hypertension, l'hyperlipidémie, le
tabagisme ou le diabète, les monocytes et les plaquettes circulants
adhèrent au segment endommagé de l'intima. Les monocytes s'insinuent
entre les cellules endothéliales jusque dans l'espace sous-endothélial où ils
se convertissent en macrophages et expriment les récepteurs LDL. Ils
ingèrent et accumulent ces lipides, donnent naissance aux cellules
spumeuses et initient la formation des stries graisseuses La pénétration de
177

LDL traduit l'augmentation de la perméabilité locale et l'effet du métabolisme


des macrophages qui modifie le LDL ingéré.

Les facteurs chimiotactiques d'origine monocytaire et


plaquettaire stimulent la migration des cellules musculaires lisses de la
tunique média vers l'intima. Le PDGF et d'autres facteurs de croissance
libérés indifféremment par les plaquettes, les macrophages, les cellules
endothéliales et les cellules musculaires lisses stimulent la prolifération de
ces dernières cellules dans l'intima. Ces cellules en prolifération ingèrent
les lipides (LDL) pour, devenir des cellules spumeuses. Les cellules
musculaires lisses synthétisent la matrice extracellulaire contenant du
collagène, de l'élastine et des protéoglycans qui entourent les éléments
cellulaires contribuant à la formation des stries graisseuses et de la plaque
fibreuse.
En dehors de cette hypothèse, il en existe bien d'autres
suggérant notamment que l'atteinte endothéliale n'est pas .l'événement
initiateur du processus mais plutôt en est une résultante. La migration des
cellules musculaires lisses et leur prolifération dans l'intima, d'origine
génétique, virale, toxique ou autre, serait le primum movens. L'observation
que certaines plaques athéromateuses chez l'homme semblent dériver
d'une même cellule musculaire lisse conforte cette vue.

Quel que soit le primum movens, il semble prudent d'essayer


de contrôler les facteurs de risque connus de l'athérosclérose comme le
tabagisme, l'hypertension, le diabète et l'hypercholestérolémie qui peuvent
induire des dommages endothéliaux et initier le processus ci-haut décrit.
178

V. INSUFFISANCE CARDIAQUE

Le cœur se remplit normalement à basse pression au cours de


la diastole et propulse à forte pression pendant la systole du sang dans
l'arbre artériel. L'insuffisance cardiaque peut se définir comme
l'incapacité du cœur de pomper suffisamment du sang pour répondre aux
besoins métaboliques du corps, la capacité de n'y parvenir qu'à la faveur
d'une pression de remplissage anormalement élevée, ou les deux.
Des facteurs extra cardiaques peuvent engendrer des
conditions compatibles avec cette définition à travers une perfusion
tissulaire inadéquate (hémorragie sévère par exemple), ou une demande
métabolique accrue (thyrotoxicose). Mais dans ces notes, seule l'insuffisance
cardiaque de cause cardio-vasculaire sera discutée.
L'insuffisance cardiaque peut constituer la première
manifestation de presque toutes les maladies cardiaques: cardiopathies
ischémiques, cardiomyopathies, valvulopathies, hypertension, cardiopathies
congénitales et des anomalies péricardiques. L'incidence de l'insuffisance
cardiaque est en pleine croissance du fait de l'augmentation de la
longévité de la population et aussi du fait d'une plus grande possibilité de
survivre à des atteintes cardiaques aiguës. L'insuffisance cardiaque
découle le plus souvent des conditions altérant la fonction du VG.
Nous allons pour cela revoir la physiologie de la contraction et
de la relaxation normales du myocarde.

5.1. Rappel physiologique


Lorsqu'un segment de muscle est étiré, la relation entre sa
longueur et la tension qu'il développe passivement reflète ses propriétés
élastiques intrinsèques; elle est curvilinéaire. Si, après un étirement
passif, le muscle est stimulé à longueur fixe (contraction isométrique), la
tension active qu'il génère est proportionnelle à la longueur du muscle au
moment de la contraction (Figure 5.1).
179

La tension plus grande obtenue pour des longueurs plus


grandes provient de l'élongation des sarcomères individuels permettant
un chevauchement optimal des filaments épais (myosine) et minces (actine).
La tension maximale est obtenue pour une longueur de repos d'environ
2,2μm. Lorsque les sarcomères sont plus courts, le chevauchement des
myofilaments fins diminue leur interaction (ponts) avec la myosine.

Figure 5.1

La relation tension-longueur est d'une importance capitale pour le


cœur entier. Dans les limites normales, plus le volume ventriculaire est grand
pendant la diastole (c'est-à-dire plus les fibres sont étirées), plus marquée
sera la force de la prochaine contraction. C'est là la base de la loi de Frank-
Starling selon laquelle le débit ventriculaire augmente en fonction de la
précharge (étirement des fibres myocardiques avant la contraction).
Au cours de l'expérimentation avec fibre musculaire isolée on
peut amener le muscle à se contracter non pas à longueur constante, mais
contre une charge fixe dite postcharge. Dans cette situation la longueur
finale ne dépend pas de la longueur initiale avant stimulation, mais de
l'importance de la charge. Ainsi, 1° plus la charge qui s'oppose à la
contraction est grande, moins les fibres se raccourcissent; 2° à charge
constante, puisque la longueur finale reste la même, le raccourcissement est
d'autant plus grand que la longueur initiale est plus importante.
180

Cette observation est également applicable au cœur intact. Les


dimensions de la chambre ventriculaire à la fin de chaque systole dépendent
de la charge contre laquelle le ventricule se contracte (postcharge). Cette
charge est largement représentée par la pression artérielle. Les dimensions
de la chambre ventriculaire à la fin de chaque systole ne dépendent pas
de l'étirement des fibres myocardiques avant la contraction (précharge).

Une troisième observation se rapporte à la contractilité


myocardique (appelée aussi effet inotrope) qui est une mesure de la force
de contraction d'un muscle stimulé à une longueur donnée des fibres. Pour
une longueur donnée des fibres, la force que développe un muscle stimulé
pharmacologiquement est plus importante qu'en absence de pareille
stimulation (Figure 5.2). L'augmentation de la contractilité est en rapport
avec l'importance du chevauchement des myofilaments d'actine et de
myosine.

Fig 5.2

5.1.1. Débit cardiaque et fonction ventriculaire


Le débit cardiaque d'un sujet sain est en rapport avec les
besoins métaboliques du corps. La fréquence cardiaque, la contractilité
du myocarde, la précharge et la postcharge constituent des facteurs de
181

régulation de, ce débit (Figure 5.3). La contractilité, la précharge et la


postcharge déterminent le volume éjecté (=volume ou débit systolique).

Le débit cardiaque est le produit du volume éjecté et de la


fréquence cardiaque: DC = VE X FC.
Le concept de précharge revient à Frank Starling qui ont
montré que plus le ventricule est distendu (rempli avec du sang), plus
grand est le volume de sang éjecte à la systole prochaine (Figure 5.4).
Dans cette figure on voit dans l'axe des ordonnées une mesure de la
performance cardiaque (débit cardiaque ou volume éjecté) en fonction
de la précharge dans l'axe des abscisses. On peut considérer la précharge
comme le degré d'étirement du myocarde en fin de diastole. Elle se réflète
soit par le volume, soit par la pression télédiastoliques.

Figure 5.3

Fig 5.4

Les conditions qui réduisent la volémie et par conséquent


diminuent le remplissage ventriculaire (déshydratation, hémorragie sévère)
entraînent un abaissement du volume éjecté. En revanche, les conditions
accroissant le volume télédiastolique (insuffisance aortique) augmentent le
volume éjecté.
En présence d'un médicament qui améliore la contractilité, la
performance ventriculaire augmente et pour une précharge donnée, le
volume éjecté s'accroît. En présence des drogues qui diminuent la
182

contractilité (5-bloquants) la performance diminue et, pour une précharge


donnée, le volume éjecté sera réduit.
Pour un cœur intact la postcharge est définie comme la tension
pariétale qui se développe au cours de l'éjection systolique. Elle reflète la
résistance que le ventricule doit vaincre pour se vidanger. La tension
pariétale peut être dérivée de la loi de Laplace: T= P x r/ 2h où T est la
tension pariétale, P la pression intraventriculaire, r le rayon de la cavité
ventriculaire et h l'épaisseur de la paroi ventriculaire.
Une estimation usuelle de T est la pression intraventriculaire
qui est la même que la pression artérielle s'il n'y a pas d'obstacle entre
ventricules et grosses artères. Ainsi la tension pariétale augmente en
réponse à toute augmentation de la pression artérielle (p.ex.: en cas
d'hypertension artérielle) ou en présence d'une dilatation ventriculaire
(p.ex.: cardiomyopathie dilatée). Le cœur tente de réduire la tension
pariétale (contrainte pariétale) en augmentant l'épaisseur de ses parois
(hypertrophie).
Dans le ventricule gauche, le remplissage débute après
l'ouverture de la valvule mitrale (a). Le volume du ventricule augmente, la
pression dans le ventricule augmente aussi progressivement jusqu'à
dépasser celle régnant dans l'oreillette gauche et provoquer la fermeture
de la valvule mitrale (b). Avec la systole la pression augmente
considérablement dans le ventricule gauche le volume restant constant
(contraction isovolumétrique) ; elle dépasse la pression diastolique régnant
dans l'aorte et provoque l'ouverture de la valvule aortique (c). L'éjection
commence dans l'aorte; le volume du ventricule gauche diminue mais la
pression continue à augmenter jusqu'au début de la relaxation
isovolumétrique. L'éjection cesse quand la pression dans le ventricule
baisse en dessous de celle de l'aorte causant la fermeture de la valvule
aortique (d). Le ventricule continue de se relaxer. La pression diminue alors
que le volume reste constant. Elle descend en dessous de celle qui
183

règne dans l'oreillette gauche et la mitrale s'ouvre de nouveau (a) et le cycle


recommence.

Figure 5.5

La relation entre la postcharge et le volume télésystolique


(VTS) est illustrée dans la figure 5.6. Lorsque la postcharge augmente, le
résidu ventriculaire systolique (VTS) augmente parce que la résistance à
la vidange ventriculaire est grande. L'augmentation de la postcharge
entraîne de ce fait un abaissement linéaire du volume éjecté (ou débit-
systolique). Le VTS est comme déjà souligné indépendant du volume
télédiastolique car, quelque soit ce dernier, le volume éjecté sera ajusté
afin de maintenir le même VTS tant que la postcharge demeure inchangée
(Figure 5.6).
184

Figure 5.6

Lorsque la contractilité cardiaque est améliorée (en présence


des catécholamines par exemple), la courbe PTS - VTS est déplacée vers la
gauche et vers le haut de sorte qu'à une postcharge donnée le ventricule
se vidange mieux (volume éjecté accru) laissant un VTS plus petit (Figure
5.7). La courbe est par contre déviée vers la droite et le bas lorsque la
contractilité est réduite (β-bloquants, insuffisance cardiaque, etc.), le volume
éjecté s'effondre et le résidu télésystolique (VTS) s'accroît.

Figure 5.7

En résumé
Le VTD est une mesure de la précharge. Le VTS dépend
de l'importance de la postcharge et de la contractilité et non de la
précharge. Le volume éjecté ou débit systolique augmente en réponse à
une augmentation de la précharge, à une réduction de la postcharge ou à
une amélioration de la contractilité. Le débit cardiaque est égal au produit
de la fréquence cardiaque et du volume éjecté. Enfin la pression artérielle
systémique est le produit du débit cardiaque et de la résistance vasculaire
systémique.
185
186

5.1.2. Quelques concepts à retenir


1. Précharge
2. Postcharge
3. Inotropisme
4. Volume éjecté
5. Fraction d'éjection
6. Débit cardiaque

5.2. PHYSIOPATHOLOGIE
Les conditions cardio-vasculaires susceptibles d'induire
une insuffisance cardiaque sont résumées dans la figure 5.8. De ces
conditions peut résulter une dysfonction cardiaque systolique ou
diastolique car l'insuffisance cardiaque reflète une anomalie soit de
la fonction contractile (insuffisance systolique), soit de la
relaxation (insuffisance diastolique), soit des deux.

Figure 5.8 : conditions susceptibles d’induire l’insuffisance cardiaque


187

5.2.1. Dysfonction systolique


Dans la forme systolique, la contraction myocardique est
altérée de sorte que la relation PTS - VTS est déplacée vers la droite
(et le bas) et que, par rapport à la normale, le volume éjecté est réduit,
le VTS accru. Le retour veineux entraîne par conséquent une
augmentation du volume (VTD) et de la pression (PTD) télédiastoliques.
La dysfonction systolique résulte pour le cœur gauche des
conditions qui provoquent une postcharge excessive (hypertension) ou une
altération de la contractilité (infarctus du myocarde). Pour le cœur droit
c'est surtout l'insuffisance du cœur gauche du fait de l'augmentation de la
pression dans le territoire pulmonaire. Lorsque le ventricule droit
décompense à la suite du ventricule gauche, l'augmentation de la pression
diastolique est transmise de façon rétrograde à l'oreillette droite et la
congestion s'effectue dans les veines systémiques avec apparition des
signes de décompensation droite: œdème, hépatomégalie, reflux hépato-
jugulaire et un certain soulagement des signes de décompensation gauche.

Une décompensation cardiaque droite isolée avec un cœur


gauche normal est rare. Elle traduit une postcharge augmentée pour le cœur
droit, consistant en une hypertension artérielle pulmonaire secondaire à des
affections pulmonaires vasculaires ou parenchymateuses. Elle est désignée
cœur pulmonaire chronique.

5.2.2. Dysfonction diastolique


La fonction contractile du myocarde est normale dans
environ 40% des cas de décompensation cardiaque. C'est plutôt la
fonction diastolique qui est perturbée: soit la relaxation, soit la
distensibilité, soit les deux. Pendant la diastole, la pression ventriculaire
est élevée et interfère avec le remplissage. Elle est transmise aux veines
pulmonaires et entraîne des signes de congestion vasculaire pulmonaire.
188

5.2.3. Mécanismes de compensation

L'altération de la fonction cardiaque suscite des mécanismes qui


tentent de la restaurer dits mécanismes de compensation. Ils essayent de
corriger la chute du débit cardiaque et de maintenir une pression
satisfaisante de perfusion des organes nobles. Les mécanismes de
compensation consistent en 1° mécanisme de Frank-Starling, 2° hypertrophie
du myocarde et 3° activation neuro-humorale.

5.3.2.1. Mécanisme de Frank-Starling

La performance cardiaque baisse lorsque la contractilité


diminue; le volume éjecté s'effondre à la suite d'une vidange cardiaque
insuffisante. Pour le restaurer, il faut un VTD plus grand. Le volume du
ventricule augmente donc pendant la diastole et, par conséquent, la
précharge qui va entraîner une meilleure vidange du ventricule à la
prochaine contraction et augmenter le volume éjecté (Figure 5.4).

5.3.2.2. Hypertrophie ventriculaire


D'après la loi de Laplace une contrainte pariétale élevée
peut être le fait de l'augmentation de la pression ou du rayon (T=Pxr/2h).
Une telle contrainte conduit au développement de l'hypertrophie et à
l'augmentation de la masse ventriculaire. Il s'agit d'un mécanisme qui tend à
réduire la contrainte pariétale et l'augmentation de la masse sert à maintenir la
force contractile. Pareille compensation s'opère au dépens d'une pression
ventriculaire diastolique trop élevée et d'une élévation de la pression da ns
l'oreillette gauche à cause de la faible distensibilité du ventricule
hypertrophié.
L'hypertrophie sera soit excentrique ou concentrique. Elle sera
excentrique en cas de surcharge chronique de volume. Il y a synthèse de
nouveaux sarcomères en série avec les anciens. Le rayon de la cavité
augmente. L'hypertrophie sera concentrique en cas de surcharge
189

chronique de pression. Il y a synthèse de nouveaux sarcomères en


parallèle avec les anciens. La paroi s'épaissit sans dilatation cavitaire.

5.3.2.3. Activation neuro-humorale


La stimulation neuro-humorale est un mécanisme important de
compensation pour un cœur défaillant. Elle intéresse le système
adrénergique. le système rénine - angiotensine et la vasopressine en
réponse à la chute du débit cardiaque Ces mécanismes tendent à
accroître la résistance vasculaire systémique et à atténuer la chute de
pression artérielle. La stimulation neurohumorale conduit à la rétention hydro-
sodée responsable de l'augmentation du volume intravasculaire et de la
précharge en vue de maintenir le débit systolique par le mécanisme de
Frank-Starling. Le plus souvent cette stimulation s'avère finalement
délétère pour le cœur défaillant.

.Figure 5.9

En effet l'augmentation du volume circulant et du retour


veineux pourrait aggraver l'engorgement du lit vasculaire pulmonaire
accentuant la congestion. Celle de la résistance vasculaire systémique
accroît la postcharge que doit vaincre un cœur déjà défaillant avec comme
190

conséquence une réduction supplémentaire du débit (volume) systolique.


Les méfaits des mécanismes de compensation annihilent ainsi souvent
leurs effets bénéfiques. C'est pourquoi, un traitement pharmacologique
tentera de modérer la stimulation neuro-humorale.
L'augmentation de la pression intracardiaque va d'autre part stimuler la
sécrétion par les oreillettes de l'ANF (atrial natriuretic factor) dont l'action
s'oppose à celle des autres hormones. L'ANF va promouvoir l'excrétion
hydro-sodée, la vasodilatation, l'inhibition du système rénine-angiotensine
dont il antagonise les effets sur la sécrétion de la vasopressine et de
l'aldostérone.

5.3.3. Les facteurs précipitants


Bien des patients en insuffisance cardiaque chronique restent
asymptomatiques sur de longues périodes en raison des mécanismes de
compensation ou de la bénignité des troubles. Les manifestations
cliniques surviennent en présence des facteurs précipitants: 1° conditions
d'accroissement de la demande métabolique (fièvre, infection, grossesse,
tachycardie, hyperthyroïdie, anémie, etc; 2° augmentation du volume
circulant ou précharge (régime hypersalé, consommation excessive d'eau,
insuffisance rénale, etc); 3° augmentation de la postcharge (hypertension
incontrôlée, embolie pulmonaire) et 4° altération de la contractilité
(médicaments inotropes négatifs); 5° troubles de rythme (arythmies) et
bradycardie excessive (diminution du débit cardiaque).

5.3.4. Manifestations cliniques


Les manifestations reflètent la diminution du débit cardiaque,
l'augmentation de la pression veineuse et dépendent du cœur défaillant
(gauche ou droit). Leur installation peut être chronique et progressive ou
soudaine avec apparition d'un œdème aigu du poumon.
La dyspnée (l'essoufflement) d'effort est le maître symptôme pour
une décompensation cardiaque chronique. Sa cause est controversée. Est-
ce une manifestation primaire de la congestion pulmonaire? Est-ce plutôt
191

une conséquence de l'abaissement du débit cardiaque?


Lorsque la pression dans les veines pulmonaires dépasse 20
mmHg il se produit une transsudation des fluides dans l'interstitium
pulmonaire qui augmente la résistance au flux de l'air. Le volume interstitiel
pulmonaire augmente et gène la compliance des poumons; le travail
respiratoire s'en trouve accru.

La dyspnée de l'insuffisance cardiaque peut s'observer en


absence de congestion pulmonaire. L'hypoperfusion tissulaire consécutive à
la diminution du débit cardiaque, surtout celle des muscles respiratoires,
provoque l'accumulation de l'acide lactique responsable de la sensation
d'essoufflement.
La dyspnée est d'abord d'effort. Elle est catégorisée en quatre
classes.
Classe 1: dyspnée sans limitation de l'activité;
Classe 2: dyspnée avec légère limitation de l'activité (dyspnée avec
asthénie au cours d'une activité modérée);
Classe 3: dyspnée avec limitation marquée de l'activité (dyspnée à
l'activité minimale) et
Classe 4:dyspnée avec limitation sévère de l'activité (dyspnée au repos).
D'autres symptômes consistent en nycturie, fatigue, asthénie et
manifestations congestives (orthopnée à évaluer par le nombre
d'oreillers; dyspnée paroxystique nocturne; toux nocturne), douleur à
l'hypochondre droit (décompensation cardiaque droite).
192

PHYSIOPATHOLOGIE DE L'INSUFFISANCE RESPIRATOIRE1


Insuffisance respiratoire aiguë
Insuf fisance respiration chronique
193

6. Insuffisance respiratoire.

6.1. Définition.
La finalité de la fonction respiratoire étant l'oxygénation des tissus
la définition de l'insuffisance respiratoire est donc biologique: hypoxie
tissulaire avec ou sans hypercapnie. En pratique, cette hypoxie n'est pas
quantifiable et c'est au niveau des gaz du sang artériel que se situe
l'appréciation diagnostique chiffrée de cette définition: hypoxémie.

6.2. Classification étiologique.


Insuffisances respiratoires aiguës
Insuffisances respiratoires chroniques

6.2.1. Insuffisances respiratoires aiguës


Nous plaçons d'emblée les décompensations aiguës des
insuffisances respiratoires chroniques (voir le paragraphe 6.2.). La
décompensation aiguë est en règle le fait d'un facteur déclenchant surajouté
à la broncho-pneumopathie causale. Le plus fréquent de ces facteurs est
l'infection broncho-pulmonaire, mais d'autres facteurs sont possibles
notamment une embolie pulmonaire, un pneumothorax ou parfois une faute
thérapeutique.

6.2.1.1. Le syndrome de détresse respiratoire aiguë de l'adulte.


On regroupé sous le terme de syndrome de détresse
respiratoire aiguë de l'adulte des pneumopathies infiltratives diffuses
d'étiologies diverses (voir tableau 1) mais s'accompagnant d'une
hypoxémie artérielle profonde. If faut cependant insister sur le fait que les
affections énumérées au tableau 1 sont souvent associées et interviennent
à des stades différents de l'évolution clinique du syndrome de détresse
respiratoire aiguë de l'adulte.
194

Tableau I: Affections susceptibles d'entraîner un syndrome de détresse


respiratoire aiguë de l'adulte:
- Infections pulmonaires diffuses (virales bactériennes, fongiques,
pneumocystiques)
- Pneumopathies d'aspiration (syndrome de Mendelson, poumon des noyés)
- Œdème pulmonaire par overdose de drogue (héroïne, morphine, )
- Effets des médicaments non narcotiques (nitrofurantoïne) - Maladies
immunologiques à auto-anticorps (syndrome de Goodpasture, LED)
- Conséquences de traumatisme non thoracique avec collapsus (poumon de
choc)
- Septicémie à gram négatif
- Pancréatite aiguë hémorragiques
- Embolie amniotique, embolie graisseuse
- Après circulation extra corporelle
Quel que soit le processus initial, le syndrome de détresse
respiratoire aiguë de l'adulte s'accompagne toujours d'une augmentation
du volume du liquide intra pulmonaire. Il s'agit donc d'une forme d'œdème
pulmonaire non cardiogénique car la pression hydrostatique dans les
capillaires pulmonaires n'est pas élevée. L'agression initiale de la
membrane alvéolo-capillaire entraîne une fuite de liquide, des
macromolécules et des fragments cellulaires des vaisseaux sanguins dans
l'interstitium et, à un stade de plus, dans les alvéoles. Un collap sus
alvéolaire survient secondairement. Ce collapsus est lié aux effets de
liquide alvéolaire et plus particulièrement du fibrogène, sur l'activité
normale du surfactant. La production du surfactant peut également être
altérée par des lésions des pneumocytes granuleux. Les anomalies
radiologiques sont diffuses mais les anomalies de la fonction
ventilatoire sont inhomogènes. Il en résulte des perturbations sévères
du rapport ventilation/perfusion avec un shunt au niveau , des alvéoles
collabés ou remplis de liquide. Les poumons deviennent moins compliants
(plus rigides) à cause de l'œdème interstitiel, du collapsus alvéolaire et de
195

l'augmentation de forces de tension superficielle. La diminution de la


compliance implique le développement des forces inspiratoires importantes
par les muscles respiratoires, ce qui augmente le travail respiratoire.
L'hypoxémie et la stimulation des récepteurs situés dans le parenchyme
pulmonaire entraînent une augmentation de la fréquence respiratoire, une
diminution du volume courant et une détérioration des échanges gazeux.

6.2.1.3. D'autres causes broncho pulmonaires


- les embolies pulmonaires
- les œdèmes aigus pulmonaires
- les arythmies graves
- les obstructions bronchiques aiguës sont rares.
La création de l'effet shunt (zone perfusée et non ventilée) est brutale,
entraînant immédiatement la polypnée et la cyanose.

6.2.1. 4. Des causes extra pulmonaires dont notamment:


- les obstructions laryngo-trachéales (tumorales, infectieuses, corps
étrangers).
- épanchements pleuraux importants
- l'origine pariétale (volet thoracique)
-les atteintes musculaires aiguës réalisent une insuffisance respiratoire
paralytique (poliomyélite, syndrome de Guillain et Barré, tétanos, botulisme,
myasthénie, myopathies, polymyosites, ...)
- Les atteintes nerveuses centrales. Tout coma profond s'accompagne
inéluctablement d'insuffisance respiratoire d'origine double: hypoventilation
alvéolaire par atteinte de la commande respiratoire et encombrement du fait
des fausses routes par l'hypersécrétion salivaire et bronchique en absence du
réflexe de la toux.
Les étiologies les plus fréquemment observées sont les
traumatismes crâniens, les intoxications médicamenteuses, les accidents
vasculaires cérébraux, mais aussi les suites opératoires précoces avec leur
risque de syndrome de Mendelson.
196

6.2.2 . Insuffisances respiratoires chroniques.


6.2.2.1. Broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO)

Les affections en sont:


 Formes purement obstructives
- La bronchite chronique avec ou sans emphysème centrolobulaire
- l'emphysème panlobulaire
- l'asthme à dyspnée continue
 Formes mixtes
- la dilatation des bronches dans ses formes diffuses
- l'emphysème para-lésionnel
Il existe dans ces affections d'importants troubles de la distribution de la
ventilation par rapport à la perfusion et l'hypercapnie y est précoce (sauf dans
l'emphysème panlobulaire).

6.2.2.2. Insuffisances respiratoires chroniques restrictives.


Elles sont beaucoup plus rares et définies par les données
ventilatoires (existence d'un syndrome restrictif); leurs mécanismes sont
variés :
- atteintes parenchymateuses comme dans les résections pulmonaires
étendues, qu'elles soient chirurgicales ou pathologiques (destruction avec
fibrose secondaire). Plus de 60% du parenchyme doit être détruit pour
qu'apparaisse l'insuffisance respiratoire.
- atteintes pleurales (collapsothérapie, pleurésies négligées) ;
- atteintes pariétales ou musculaires (grandes cyphoscolioses, séquelles
de poliomyélite, la sclérose latérale amyotrophique) ;

6.2.2. 3. Les troubles de diffusion.


Dans les fibroses pulmonaires diffuses évoluées, l'anomalie
fonctionnelle première est le bloc alvéolo-capillaire à laquelle s'associe un
197

syndrome restrictif. Les restrictions du lit capillaire pulmonaire conduisent


aussi à un trouble de diffusion de l'oxygène si l'amputation capillaire
dépasse 60% de la perfusion totale. La seule cause fréquente qui soit liée
à ce mécanisme est la maladie thromboembolique par embolies
pulmonaires multiples. D'autres causes sont exceptionnelles notamment la
bilharziose, les artérites pulmonaires, l'hypertension pulmonaire primitive

6..2..2.4. Les hypoventilations alvéolaires d'origine centrale et les apnées du


sommeil.
Elles sont rares. Elles furent d'abord toutes intégrées dans le
syndrome de PICKWICK : obésité monstrueuse, hypersomnie avec accès
brutaux d'endormissement diurne, mouvements anormaux, insuffisance
respiratoire (hypoxie et hypercapnie, conséquence de l'hypoventilation
alvéolaire, mais aussi un syndrome restrictif du fait de l'obésité). Un cœur
pulmonaire chronique en est la rapide conséquence. De tels troubles
s'observent aussi après une encéphalite et les apnées du sommeil.
Cette longue classification étiologique est pratique pour la
compréhension physiopathologique de l'insuffisance respiratoire. Elle est
très artificielle, car il est bien rare qu'une cause agisse strictement de façon
isolée: une maladie pleurale comporte souvent une atteinte pulmonaire
sous-jacente ; la fréquence de la bronchite chronique fait qu'elle est, pour
de simples nécessités épidémiologiques, associée près d'une fois sur cinq à
quelques autre pathologie.
198

Physiopathologie de l'insuffisance rénale

Rappel physiologique
F o n c t i o n du r e i n
P hys i opat hol o gi e d e l ’ i n s u f f i s a n c e r é n a l e
199

7.1. Rappel physiologique


Un rappel de quelques notions de physiologie s'avère
indispensable à la compréhension des mécanismes rénaux de filtration
glomérulaire et de réabsorption/sécrétion tubulaire. Ces notions concernent la
première les espaces liquidiens de l'organisme, la seconde l'osmolarité
plasmatique, la troisième la polarité de la membrane cellulaire et la
quatrième le transport transcellulaire.

7. 1. 1. Les espaces liquidiens de l'organisme


L'eau est un constituant essentiel du corps humain et représente
en moyenne 60 % du poids total du corps chez l'adulte. Cette proportion
moyenne varie en fonction de l'âge : 95% chez le nourrisson alors que chez
l'adulte le contenu hydrique diminue avec l'âge et la masse de tissu
adipeux. Ce dernier ne contient en moyenne que 10 à 15 % d'eau contre 70-
75 % pour les autres tissus. Certains états comme la grossesse augmentent
l'hydratation globale.
L'eau totale du corps se répartit dans deux secteurs liquidiens:
le compartiment intracellulaire (40% du poids corporel) et le
compartiment extracellulaire ou milieu intérieur (20% du poids corporel).
Le compartiment extracellulaire se subdivise à son tour en deux secteurs:
le secteur plasmatique (5 % du poids corporel) et le secteur interstitiel et
lymphatique (15 % du poids corporel).
L'eau transcellulaire représente une fraction particulière du
liquide extracellulaire et comprend le liquide cérébrospinal ou céphalo-
rachidien, intra-oculaire, séreux et l'eau des sécrétions digestives. Le plasma
comprend:
- Des électrolytes dissociés en anions (CI-, HCO3-) et protéinates) et en
cations (Na+, K+, Ca++); '
- Des substances dissoutes peu ou pas dissociées ou solutés (urée,
glucose, acides organiques, ...);
- Des protéines non diffusibles à des concentrations élevées (70 g/I).
200

Le liquide interstitiel a une composition proche de celle du plasma


avec toutefois une grande pauvreté en protéines. Le secteur intracellulaire est
très riche en potassium et pauvre en sodium contrairement au secteur
extracellulaire riche en sodium, pauvre en potassium. Cette répartition
asymétrique des électrolytes crée un gradient électrochimique entre le secteur
extracellulaire et le secteur intracellulaire, gradient entretenu par la pompe à
sodium-potassium (la Na+,K+-ATPase) membranaire.

7.1.2. L'osmolarité plasmatique


Les liquides de l'organisme exercent une pression osmotique
dépendant du nombre des particules dissoutes par unité de volume de
solvant. L'unité de pression osmotique est l'osmole. L'osmolarité plasmatique
est en moyenne de 300 mosm/l. Le Na+, le CI- et le HCO3- représentent 90-
95% du pouvoir osmotique des liquides extracellulaires. Les substances
dissoutes non dissociées telle l'urée qui diffusent librement à travers la
membrane cellulaire n'exercent pas, en dépit de leur valeur osmotique élevée (1g
d’urée = 16 mosm), de gradient osmotique "efficace" entre les secteurs liquidiens.

7.1.3. Polarité cellulaire


Les cellules sont toutes polarisées c'est-à-dire elles ont à
l'extérieur une charge positive, à l'intérieur une charge négative. La
membrane cellulaire (épithéliale) comprend une face apicale ou luminale et
une face basolatérale au niveau desquelles on trouve des protéines servant
de "canaux" ou de "transporteurs" (carriers) pour les échanges entre les
cellules et le milieu extracellulaire.

7.1.4. Transport transcellulaire


Les échanges au travers de la membrane cellulaire s'opèrent
par transport passif sans consommation de l'énergie le long du gradient
électrochimique (ou gradient de concentration et de pression ou différence
de potentiel électrique) ou par transport actif nécessitant une protéine
transporteuse et la consommation d'énergie fournie par le métabolisme de
201

la cellule.

7.1.4.1. Transport passif


Tenant compte de la pression hydrostatique régnant de part et
d'autre de la membrane cellulaire, on distingue, si les pressions sont
égales, la diffusion c'est-à-dire mouvement des solutés sans mouvement
d'eau du compartiment le plus concentré vers le moins concentré; si les
pressions sont inégales, la filtration c'est à dire mouvement des solutés
associé à celui de l'eau. La diffusion se subdivise en diffusion simple et en
diffusion facilitée, cette dernière nécessitant une protéine porteuse ou
"carrier". La filtration est un processus très important dans la formation de
l'urine.

7.1.4.2. Transport actif


En ce qui concerne le transport actif il faut distinguer le
transport actif primaire dont l'énergie provient de l'hydrolyse de l'ATP
(exemple Na +,K` -ATPase de la face basolatérale de la membrane) et le
transport actif secondaire dont l'énergie est fournie par la modification de
charge et de concentration intracellulaires induites par la sortie de Na+ à
travers la pompe Na+,K+-ATPase. L'énergie peut ainsi provenir d'un
transport descendant d'un ion le long de son gradient électrochimique et
assurer un transport ascendant d'un ion de même ou d'espèce différente
dans la même direction (symport) ou dans une direction opposée (antiport).
Exemples: le co-transport sodium-potassium et l'antiport sodium-proton).

7.2 Fonctions rénales


Le rein a pour rôle essentiel de garder la constance
(l'homéostasie) du milieu extracellulaire ou milieu intérieur. Ainsi, à
travers la formation de l'urine, le néphron préserve-t-il la composition du
liquide extracellulaire en:
- maintenant l'équilibre hydro-électrolytique (équilibre entre entrées
et sorties d'eau et d'ions)
202

- maintenant l'équilibre acido-basique (entre production et élimination


des acides)
- éliminant les déchets du métabolisme azoté (ou fonction épuratrice).

L'accomplissement de ces trois fonctions implique des


mécanismes physiologiques assurés par le néphron. - le processus de
filtration/diffusion au niveau du glomérule et celui de la réabsorption/sécrétion
au niveau du tube urinifère.
A coté de ces processus dévolus au maintien du liquide
extracellulaire, le rein exerce deux autres fonctions dépendant surtout de la
masse néphronique fonctionnelle: la fonction endocrine et l'activation de la
vitamine D (signant le rôle du rein dans le métabolisme phosphocalcique).
En définitive le rein assume cinq fonctions:
1° Fonction d'épuration des déchets azotés
2° Fonction de maintien de l'équilibre hydro-électrolytique
3° Fonction de maintien de l'équilibre acido-basique

4° Fonction endocrinienne
5° Fonction de maintien de l'équilibre phosphocalcique (métabolisme de
la vit D).

Une discussion des mécanismes de la filtration glomérulaire et de la


réabsorption/sécrétion rénale s'avère un préalable indispensable à celle de
chacune de ces fonctions rénales.

7.2.1. La filtration glomérulaire et la réabsorption/sécrétion rénale


7.2.1.1. La filtration glomérulaire

La filtration glomérulaire s'effectue à travers la paroi capillaire


glomérulaire tenant compte des forces de Starling et du gradient
électrochimique.

La filtration se fait ainsi grâce aux conditions de haute pression


régnant dans les capillaires glomérulaires; elle s'effectue de ces capillaires
203

vers l'espace urinaire ou espace de Bowman. La filtration est réglée par


l'équation:

PEF= Kf [𝑷𝑯CG-(PHT+POCG)]
PEF : pression efficace de filtration
PH CG : Pression hydrostatique capillaire glomérulaire (favorise la
filtration)
PH T : pression hydrostatique tubulaire ou de l'espace de Bowman
(s'oppose à la filtration)
POcG : Pression oncotique capillaire glomérulaire (s'opposant à la
filtration)
Kf : Coefficient d'ultrafiltration dépendant de la surface de filtration et des
propriétés hydrauliques de la paroi capillaire glomérulaire.

Cette équation permet de comprendre en néphrologie les


mécanismes et les causes de l'insuffisance rénale. En effet toutes
altérations du coefficient d'ultrafiltration Kf (en cas de glomérulopathies)
entraîneront un abaissement de PEF et une altération de différentes
fonctions rénales. et, donc, une insuffisance rénale. On peut ainsi
déduire le premier groupe d'atteintes rénales pouvant induire une
insuffisance rénale: les néphropathies glomérulaires.
PHCG dépend, on le sait, de la pression systémique et de la
perméabilité de l'artère rénale et de ses branches. Toute diminution de la
volémie va entraîner une baisse de PHcG et par conséquent de la filtration
glomérulaire expliquant l'insuffisance rénale pré-rénale ou fonctionnelle (le
rein souffrant d'une situation qui sévit en amont de lui). Il en va de même
en cas de réduction de calibre de l'artère rénale ou de ses branches. Un
abaissement de PH CG, en résulte donnant lieu à une réduction de la
filtration glomérulaire. Les altérations de structures de l'artère rénale
204

constituent le second groupe d'atteintes rénales: les néphropathies


vasculaires artérielles.
Toutes élévations de PH T contrebalancent PHCG et aboutissent
à la baisse de PEF et à l'insuffisance rénale. Ces altérations déterminent
le troisième groupe d'atteintes rénales: les néphropathies tubulo-
interstitielles qu'elles soient ou non obstructives.
Ainsi, toute insuffisance rénale organique découle toujours de
l'une ou l'autre de ces trois groupes de néphropathies qui traduisent
l'atteinte des trois structures principales du néphron: le glomérule, le
tissu tubulo-interstitiel et les vaisseaux sanguins.

7.2.1.2. La réabsorption tubulaire.


La réabsorption tubulaire peut s'opérer par transport actif
primaire. C'est le cas du Na + au niveau du tube contourné proximal. Elle
peut recourir aussi au transport actif secondaire (c'est le cas du co-
transport des acides aminés et du glucose au niveau du tube contourné
proximal) ou s'effectuer par transport passif (diffusion simple) comme c'est
le cas pour l'urée.

7.2.1.3. La sécrétion tubulaire.

La sécrétion tubulaire peut se faire des capillaires péri-


tubulaires vers la lumière tubulaire par transport actif secondaire (p.ex:
contre transport du H +, acide urique, acide para amino hippurique (PAH)).
La sécrétion tubulaire peut concerner des substances synthétisées par la
cellule tubulaire comme l'ammoniac(NH 3) produit par l'épithélium tubulaire
distal.
205

7.2.2. Le rôle du rien dans l’homéostasie du milieu intérieur

7.2.2.1. Fonction épuratrice du rein

Le rein assure l'excrétion des métabolites issus du catabolisme


protéique comprenant l'urée (élément terminal du catabolisme protéique),
la créatinine (produit du métabolisme musculaire à partir de la créatine
phosphate) et de l'acide urique (produit du métabolisme protéique et plus
particulièrement de celui des purines). D'autres corps azotés existent
(dérivés phénoliques, acide guanido-succinique, etc...).
L'urée est éliminée par filtration glomérulaire et diffuse librement à travers
les parois capillaires. Etant facilement diffusible, l'urée peut en cas
d'accumulation, emprunter d'autres voies d'élimination_ glandes sudoripares
et salivaires, séreuses, cycle entéro-hépatique. L'acide urique est éliminé
par sécrétion tubulaire; la créatinine essentiellement par filtration
glomérulaire, l'élimination par sécrétion tubulaire étant négligeable dans les
conditions usuelles.

7.2.2, 2; Rôle du rein dans l'équilibre hydro-électrolytique

7.2.2.21. Contrôle rénal du métabolisme hydro-sodé


Les entrées d'eau proviennent essentiellement de l'eau des
boissons, de l'eau contenu dans les aliments (1.5 à 21 124 heures) et
secondairement de l'eau de l'oxydation résultant du catabolisme des
protéines, des glucides et des lipides (600 ml/24 heures). Les sorties d'eau
obligatoires correspondent aux pertes insensibles (perspiration cutanée,
évaporation de l'air expiré) estimées à 600-700 ml/24 heures, à l'eau
contenue dans les fèces de l'ordre de 100 ml/24 heures. L'équilibre du
bilan hydrique est sous la dépendance de trois facteurs: le mécanisme de
la soif, la sécrétion de l'hormone antidiurétique (commande la
perméabilité à l'eau de l'épithélium du tube distal et collecteur) et la
fonction rénale (qui adapte la quantité d'eau éliminée dans les urines en
fonction des apports).
206

Les entrées de Na+ proviennent de l'alimentation et représentent


6 à 12 g, soit 100 à 200 mEq Na + /24 heures. Les sorties de Na +
s'effectuent par la peau, les fèces et l'urine. Les pertes extra-rénales sont
négligeables sauf en cas de troubles digestifs au de pertes cutanées
anormales. Le rein est l'organe régulateur exclusif du bilan de sodium
(adaptation des entrées avec les sorties).
Le rein participe au métabolisme hydro-sodé en favorisant la
réabsorption du sodium et de l'eau. En effet, environ 2400 mEq de Na' sont
filtrés /24 heures par les glomérules et seulement 1 % de cette quantité
apparait dans les urines traduisant ainsi l'importance de la fonction tubulaire
de réabsorption de sodium et de l'eau La réabsorption de l'eau au niveau du
tube rénal est passive et dépend de celle de Na' La réabsorption de Na' est
active et requiert de l'énergie qui représente plus de 90% de la
consommation d'oxygène par le rein. Cette réabsorption hydro-sodée se fait
à différent segments du tube rénal.
Au niveau du tube contourné proximal (TCP), 75-80% du Na+
filtré sont activement réabsorbés avec, réabsorption passive de CI - du fait du
gradient électrochimique créé par le mouvement du Na+. L'eau est aussi
passivement réabsorbée en raison du gradient osmotique engendré par la
réabsorption du Na+ (active) et la diffusion passive du Cl-. A la fin du TCP, le
volume tubulaire est réduit d'environ 25% du volume filtré, mais l'osmolarité
reste identique à celle du plasma (environ 300 mosm/l).
Au niveau de l'anse de Henlé, la branche descendante est
perméable à l'eau et imperméable au Na +; cette réabsorption d'eau est
passive et liée à l'hypertonicité de l'interstitium secondaire à la réabsorption
de Na+ au niveau de l'anse ascendante et à celle de l'urée dans le segment
médullaire du tube collecteur. La branche ascendante dans sa portion
épaisse est perméable au Na+ co-transporté activement avec le K+ et le CI-
et imperméable à l'eau. Cette réabsorption de Na+ couplée à celle du CI- est
déterminante dans la création d'un gradient osmotique "cortico-papillaire"
indispensable à la concentration de l'urine. La résultante de ces mouvements
207

de Na+ et de l'eau est la tendance à l'augmentation progressive de


l'osmolarité du liquide tubulaire dans la branche descendante de l'anse de
Henlé en équilibre osmotique avec les liquides interstitiels adjacents. Elle
passe de 300 mosm au niveau de la jonction cortico-médullaire à 1.200
mosm dans la région juxta papillaire. Elle diminue progressivement dans
la branche ascendante de l'anse pour atteindre 300 mosm à!a jonction
cortico-médullaire. Ainsi l'anse de Henlé est appelé le segment de
concentration et de dilution de l'urine.
Au niveau du segment cortical de dilution, la réabsorption de
Na+ sans celle de l'eau continue de sorte que le liquide tubulaire devient de
plus en plus hypotonique. A l'entrée du tube contourné distal (TCD), le
volume de liquide tubulaire est réduit à environ 20% du volume filtré; son
osmolarité n'est plus que de 100 mosm/l et environ .90% du Na + filtré ont
été réabsorbés. Au niveau du tube distal et collecteur la .réabsorption
de Na+ se poursuit essentiellement dans le TCD où elle se fait sous le
contrôle de l'aldostérone. Elle est couplée à la sécrétion d'ions K + et H +
assimilée à un processus d'échange ionique; Bien que portant sur une
fraction faible de la quantité de Na+ filtré (environ 10%), elle contribue de
façon essentielle à la régulation de la balance sodique. Le tube distal et
collecteur constituent le site essentiel du contrôle de l'élimination de l'eau:.

7.2.2.22. Contrôle rénal du métabolisme du potassium

Plus de 90% de K + ingéré sont éliminés par voie rénale


tandis que les 8 à 10% restants le sont par voie digestive. Le potassium
est un ion intracellulaire par excellence et sa concentration extracellulaire
(4 -4,5 mEq/L) ne représente que 2 % du capital potassique total.
Le K+ filtré librement par le glomérule est presqu'entièrement réabsorbé au
niveau du TCP. Par conséquent l'excrétion du K + dans l'urine terminale
s'effectue par sécrétion tubulaire distale en échange avec l'ion Na + et en
compétition avec le proton (H+). Cette sécrétion tubulaire distale est sous
le contrôle de l'aldostérone qui augmente la sécrétion des ions K + (et des
208

H+) en augmentant la réabsorption du Na+ à ce niveau distal. La régulation


de l'excrétion du K + dépend de quatre facteurs principaux:
1°) l'état du bilan potassique sous la dépendance des apports et des pertes
urinaires et extrarénales;
2°) l'équilibre acido-basique qui interfère de deux façons avec l'équilibre
potassique: En cas d'acidose (bilan d'ions H+ positif), les ions H+ en excès
tendent à pénétrer dans la cellule échangés contre les ions K' transférés
ainsi dans le liquide extracellulaire. L'hyperkaliémie est donc habituelle en
cas d'acidose et est d'autant plus intense que l'acidose est sévère. En cas
d'alcalose (bilan ions H + négatif), un transfert inverse des H+ et K+ s'opère.
L'hypokaliémie est de règle. D'où, en présence d'un désordre acido-basique,
la kaliémie constitue un indice non fiable (mauvais indice) de l'état réel du
pool potassique. Noter les effets des hormones comme l'insuline et les
catécholamines qui favorisent l'entrée du K+ dans la cellule.
3°} La quantité de Na+ délivrée au tube distal. Plus cette quantité augmente,
plus du K+ est sécrété et inversement.
4°) L'aldostérone et, de façon plus générale, les hormones minéralocorti-
coïdes, qui augmentent les échanges Na+ /K'

,7.2.2.3. • Rôle du rein dans l'équilibre acido-basique


La concentration en ions H+ des liquides corporels est une
constante. Physiologiquement, et quel que soit le nombre d'ions H + entrant
ou produit dans l'organisme, un nombre d'ions H + absolument équivalent est
éliminé. L'équilibre d'ions H + ainsi assuré permet de maintenir le pH
plasmatique à un taux constant autour de 7,4 (extrêmes 7 -7,8).
Dans les conditions d'alimentation normales (1g protéines
/Kg/poids corporel/j), le métabolisme cellulaire produit de 40 à 60 mEq de
H+/m²/24 heures. Ces ions H + proviennent essentiellement de l'oxydation des
acides aminés soufrés et phosphorés des protéines alimentaires et aussi de
l'oxydation incomplète des hydrates de carbone et des graisses avec
production d'acides organiques (acide lactique, acide α-hydroxybutyrique). La
209

production de H+ peut s'accroître du fait soit d'une augmentation des apports


protidiques, soit d'un hypercatabolisme endogène ou d'un trouble du
métabolisme intermédiaire (comme dans le diabète sucré). Dans chaque cas,
le rein joue, à côté des systèmes tampons (qui neutralisent les acides
pénétrants ou produits dans l'organisme) et des poumons (qui éliminent
l'acide carbonique sous forme de gaz), un rôle important dans l'excrétion des
ions H+ produits.
Le rein régule l'équilibre acido-basique en réabsorbant au
niveau proximal la quasi totalité de bicarbonate filtré par les glomérules,
en excrétant tout excès de bicarbonate endogène ou exogène en cas de
surcharge alcaline et enfin en régénérant le stock de bicarbonate grâce à
l'excrétion de l'ion H + sous deux formes: l'acidité titrable (quantité d'alcalins
(NaHCO 3) nécessaire pour ramener le pH urinaire au niveau du pH
plasmatique normal) et l'ion ammonium (NH 4+) en cas de surcharge acide.
Ainsi toute perturbation du contrôle rénal de l'élimination des acides ou
des bases expose à l'acidose ou à l'alcalose métabolique. Les
mécanismes de réabsorption du bicarbonate filtré et de régénération du
bicarbonate impliquent :
- une synthèse intracellulaire de l'acide carbonique lui même dissocié en
CO3H- et H+ libres. La synthèse de H 2CO3 est sous le contrôle de l'anhydrase
carbonique.
- une sécrétion tubulaire d'ions H + provenant de la dissociation de
H 2 CO 3 et un transfert passif d’un Na+ de la lumière vers la cellule par
l'antiport Na + - H+ de la face luminale de la membrane cellulaire
- une réabsorption ou une régénération de HCO 3- et une réabsorption
d'un ion Na + dans le capillaire péritubulaire à travers le co-transport
Na+/HCO3- localisé à la face basolatérale de la membrane cellulaire. '
L'acidité titrable, définie ci-haut, mesure la quantité d'ions H +
sécrétés dans l'urine combinés aux tampons phosphates. La sécrétion des
ions H+ transforme les tampons phosphates de l'urine présents sous forme
Na2HPO4 (phosphate monoacide en phosphate di-acide (NaH2PO4). Elle est
210

en outre couplée à la régénération d'ions HCO3- en quantité équivalente.


L'ammoniogenèse représente la voie prédominante d'excrétion rénale des
ions H+. L'ammoniac (NH3) base formée dans la cellule tubulaire distale à
partir de glutamine sous l'effet de glutaminase, est diffusible et passe dans
la lumière tubulaire où elle fixe les ions H+ pour former des ion NH 4- peu
diffusibles et non réabsorbés.

7.2.2.4. Rôle endocrinien du rein

Le rein sécrète deux hormones intervenant dans la régulation de


la pression artérielle: la rénine (vasoconstrictrice par le biais de
l'angiotensine II) et les prostaglandines (vasodilatatrices). Le rein contrôle
la pression artérielle par régulation de la volémie et du tonus artériolaire. En
ce qui concerne la volémie, il existe une relation étroite entre pression
artérielle et excrétion sodée. Toute élévation de la pression artérielle
s'accompagne d'une augmentation de l'excrétion urinaire de sodium qui
ramène la pression à !a normale par diminution du volume sanguin et
adaptation secondaire des résistances systémiques. C'est la relation
pression-natriurèse de Guyton. Le tonus vasculaire est régulé par l'effet
antagoniste de la rénine et des prostaglandines.
Le rein contrôle l'hématopoïèse par la sécrétion de
l'érythropoïétine par la masse néphronique active en fonction de sa
teneur en oxygène L'érythropoïétine stimule la production médullaire des
érythrocytes.

7.2.2.5. Rôle du rein dans le métabolisme phosphocalcique


La vitamine D (cholécalciférol), qu'elle soit transformée au niveau
de la peau par les ultraviolets (soleil) ou qu'elle soit d'origine alimentaire, est
sous une forme inactive. Elle subit sa première activation par hydroxylation en
position 25 formant le 25 OH Vitamine
D (ou 25 -OH -cholécalciférol) métabolite encore peu actif. La seconde
211

activation se fait au niveau du rein par hydroxylation en position 1 formant le 1,25


(OH)2 vit D (1,25 (OH)2 cholécalciférol) le métabolite actif de la vitamine D
qui favorise la réabsorption intestinale et rénale du calcium et exerce une
action permissive sur la parathormone au niveau des os.

7.3. Physiopathologie de l'insuffisance rénale


A la lumière du rappel physiologique on peut déduire que
l'insuffisance rénale correspond à une baisse effective de la pression
efficace de filtration c'est-à-dire à une baisse du taux de filtration quelle
que soit la structure rénale initialement atteinte (glomérule, tissu tubulo-
interstitiel ou vaisseaux). La diminution du taux de filtration glomérulaire
altère les processus de réabsorption et sécrétion avec comme
conséquence une perturbation des fonctions qui leur sont directement
dévolues (fonction d'épuration, équilibre hydro-électrolytique, équilibre acido-
basique). La réduction progressive de la masse néphronique active
entraînera l'altération des fonctions endocrine et d'activation de la vitamine D.

Selon le mode d'installation de la baisse du taux de filtration


glomérulaire, on distingue l'insuffisance rénale aiguë (arrêt brutal de la
filtration glomérulaire) et l'insuffisance rénale chronique (baisse progressive
de la filtration glomérulaire).

7.3.1. Insuffisance rénale aiguë


Classiquement, l'insuffisance rénale aiguë (IRA) survient à la
suite d'un arrêt brutal de la filtration glomérulaire dans un rein sans
néphropathie préexistante. Il faut toutefois nuancer cette notion. Une
insuffisance rénale chronique peut s'acutiser à la suite d'altérations
hémodynamiques ou sous l'influence de substances toxiques. L'abaissement
brutal de la filtration glomérulaire altère les trois premières fonctions du rein:
épuration, maintien de l'équilibre hydro-électrolytique et acido-basique.
212

Les fonctions endocrine et métabolique dont l'altération requiert une


réduction importante de la masse néphronique active restent encore
préservées.
7.3.1.1. Fonction épuratrice

L'arrêt brutal de la filtration glomérulaire entraîne une


accumulation des déchets azotés (urée, créatinine, acide urique et d'autres
acides} dans l'économie: c'est la rétention azotée. Les déchets accumulés
dans le torrent circulatoire vont emprunter des voies secondaires
d'élimination, voies par lesquelles, normalement, n'est éliminée qu'une
infime fraction de ces déchets. Cette élimination secondaire (vicariante)
explique les manifestations cliniques: haleine urineuse par élimination des
déchets azotés par les glandes salivaires, givre urémique par élimination
des déchets azotés par les glandes sudoripares, diarrhée par exaltation du
cycle entéro-hépatique, la péricardite (souvent cause de décès) par
élimination des déchets par le péricarde, les troubles de conscience
(encéphalopathie) à la suite de l'intoxication du cerveau par ces déchets,
les hémorragies muqueuses secondaires à une thrombasthénie par
déplétion des plaquettes sanguines en ADP du fait de l'urémie (ou rétention
azotée), la neuropathie périphérique par atteinte toxique des nerfs
périphériques. Cette neuropathie peut être mise en évidence par l'EMG qui
peut servir d'élément d'évaluation de l'efficacité de la dialyse et en suivant la
vitesse de conduction motrice.

7.3.1.2. Equilibre hydro-électrolytique


L'arrêt brutal de la filtration glomérulaire provoque une rétention du sodium et
de l’eau dans le milieu extracellulaire. Cette rétention hydro-sodée se traduit
initialement par un gain pondéral avant de donner lieu aux œdèmes et/ou à
l'élévation de la pression artérielle. Non corrigée, elle peut conduire à
l'insuffisance cardiaque et même à un œdème aigu du poumon (OAP). De ce
fait, le monitoring du bilan hydro-sodé s'avère un impératif majeur chez
l'insuffisant rénal.
213

Du fait de l'acidose qu'il induit, l'arrêt brutal de la filtration glomérulaire


provoque une sortie du potassium de la cellule vers le milieu plasmatique
entraînant une hyperkaliémie principale cause de décès par altération de la
contractilité myocardique.
7.3.1.3. Equilibre acido-basique
Les mécanismes physiologiques de contrôle de l'équilibre acido-
basique sont altérés par l'arrêt brutal de la filtration glomérulaire. L'arrêt
perturbe en effet la récupération et la régénération du tampon bicarbonate
avec comme corollaire un défaut de sécrétion distale de l'ion H+ qui est
déversé ensemble avec le potassium dans le torrent circulatoire. L'excès des
ions H+ associé à une diminution du tampon HCO3- cause une acidose
métabolique que les poumons vont tenter de compenser par une
hyperventilation pour éliminer le plus de CO2 possible. Cet état de chose
explique la respiration ample et profonde dite respiration de Kussmaul
caractérisant les états d'acidose métabolique.
En définitive, l'IRA sera caractérisée par les signes de l'affection
causale (néphropathie glomérulaire, néphropathie tubulo-interstitielle,
néphropathie vasculaire) auxquels s'associent les troubles d'épuration
(rétention azotée), de l'équilibre hydro-électrolytique (rétention hydro-sodée et
hyperkaliémie) et de l'équilibre acido-basique (acidose métabolique).

7.3.2. Insuffisance rénale chronique

L'insuffisance rénale chronique (IRC) est due à.une baisse


progressive de la filtration .glomérulaire quelle qu'en soit la cause
(néphropathie glomérulaire chronique, néphropathie tubulo-interstitielle
chronique ou néphropathie vasculaire chronique; A l'altération des trois
premières fonctions rénales, la réduction progressive de la masse
néphronique active ajoute l'altération des deux dernières fonctions
(endocrine et métabolique). Les altérations des trois premières fonctions
sont moins bruyantes car les néphrons restants, par compensation,
augmentent leur taux de filtration en vue de suppléer à l'insuffisance. Ainsi,
214

des perturbations profondes ne sont observées qu'à une phase très avancée
de l'IRC. Quant au rôle endocrinien, le défaut de sécrétion de l'érythropoïétine
explique l'anémie normochrome normocytaire rencontrée dans l'IRC La
réduction de la masse néphronique perturbe l'activation de la vitamine D avec
comme conséquence une hypocalcémie et une hyperphosphatémie résultant
du défaut de réabsorption rénale et intestinale du calcium et de l'inefficacité de
la parathormone (PTH) en l'absence de 1,25 (OH)2 vit D. L'hypocalcémie
persistante stimule les glandes parathyroïdes à sécréter la PTH en excès sans
compenser le déficit en calcium du fait de la carence en vitamine b. II se crée
un cercle vicieux responsable de l'hyperparathyroïdisme secondaire à la base
des lésions d'ostéodystrophie rénale. L'hypocalcémie et l'hyperphosphatémie
peuvent compromettre la dialyse et l'hémodialyse par dépôts phospho-
calciques au niveau des tissus mous dont les vaisseaux lorsque le produit P x
Ca++> 60.

7.3.3. Bases physiopathologiques du traitement de l'insuffisance rénale


La base physiologique du traitement comprend d'une part, le
traitement étiologique, si possible, de la néphropathie causale et des facteurs
aggravants (ex.: facteurs hémodynamiques, infectieux, toxiques) et d'autre
part le traitement symptomatique corrigeant les perturbations des différentes
fonctions.

7.3.3.1. Insuffisance rénale aiguë

En plus du traitement étiologique, le traitement symptomatique,


qui peut-être conservateur (médical) ou de remplacement (épuration extra-
rénale), vise la correction des perturbations des 3 premières fonctions c.-
à-d. la rétention azotée, la rétention hydro sodée, l'hyperkaliémie et
l'acidose métabolique.

La correction médicale de la rétention hydro-sodée comprend: la


diète qui réduit les apports alimentaires en Na+ et adapte les entrées et
les sorties d'eau (quantité d'eau/j = diurèse + pertes insensibles (600 -
215

700 ml/j, l'utilisation des diurétiques de l'anse (ex: furosémide (Lasix).

La correction médicale de la rétention azotée comprend la


diète qui réduit les apports des protéines en fonction de la sévérité de
l'urémie estimée par la créatinine sérique (valeurs normales: 0,8 - 1,5 mg%)
ou la clearance à la créatinine (valeurs normales: 80 - 120 mI/min) et
l'utilisation des diurétiques de l'anse. La correction médicale de
l'hyperkaliémie comprend la diète qui réduit les apports en K +, le shift du
potassium dans le milieu intra cellulaire grâce à la correction de l'acidose et
l'utilisation dé l'insuline et du glucose, l'élimination du potassium à travers la
muqueuse intestinale par les résines échangeuses d'ions (ex.: Kayexalate
de calcium) et en fin la protection du cœur contre les effets délétères du K' par
l'administration du calcium (ex.: gluconate de calcium). La correction de
l'acidose métabolique se fait par l'administration des bicarbonates selon la
formule: Déficit x 6/10 poids corporel.

7.3.3.2. Insuffisance rénale chronique

Le traitement de l'IRC comprend, comme celui de l'IRA, deux volets;


 Lé traitement étiologique et la correction des facteurs aggravants.
 Le traitement symptomatique visant la correction des perturbations des
différentes fonctions du rein.

7.3.3.3. Traitement étiologique et des facteurs aggravants.


A. ce stade de chronicité, en dehors de l'HTA que l'on peut
contrôler, le traitement étiologique de la néphropathie sous-jacente n'apporte
pas un grand bénéfice eu égard à la sclérose qui s'est installée et au risque
de néphrotoxicité de la plupart des médicaments utilisés. D'où à ce stade,
l'intervention thérapeutique consiste-t-elle à retarder la progression de
l'IRC par la correction des facteurs qui concourent à l'aggravation de
l'altération de la filtration glomérulaire. Ces facteurs comprennent des facteurs
216

hémodynamiques (hypovolémie absolue par pertes gastro-intestinales ou


relative par insuffisance cardiaque, ...), facteurs infectieux et toxiques
principalement les médicaments. Ces derniers nécessitent une adaptation
de la dose journalière totale par sa réduction ou son espacement en
fonction de la créatinine plasmatique ou de la clairance à la créatinine.

7.3.3.4. Traitement symptomatique (conservateur ou de substitution).

7.3.3.4.1. Fonction d'épuration.


La rétention des déchets azotés est très importante et peut entraîner
des troubles indiquant l'épuration extra rénale. Ces troubles comprennent la
péricardite, la neuropathie périphérique, la thrombasthénie avec
hémorragie, l'encéphalopathie urémique. En dehors de ces atteintes
viscérales menaçant le pronostic vital, un traitement diurétique à base de
diurétiques de l'anse (ex.: furosémide = Lasix) peut être donné. Une
réduction de l'apport protidique journalier en fonction de la créatinine
plasmatique ou de la clearance à la créatinine est de règle.

7.3.3.4.2. Equilibre hydro-électrique.


En cas d'IRC, un tableau de rétention hydro-sodée nécessite
les mesures décrites pour l'IRA. Cependant, une déplétion hydrique liée aux
manifestations gastro-intestinales de la rétention azotée et/ou à une
néphropathie interstitielle sous-jacente avec perte de sel peut se voir. Aussi,
l'attitude thérapeutique sera fonction de l'état d'hydratation du patient. En
cas de rétention hydro-sodée, la réduction des apports en eau tenant compte
des entrées et sorties, l'utilisation des diurétiques de l'anse et même
l'épuration extra-rénale en cas de décompensation cardiaque réfractaire ou
d'OAP sont les moyens utilisés. En cas de déplétion hydrique
(déshydratation), le patient est réhydraté tenant compte de la pression
veineuse centrale, de la tolérance pulmonaire et de la diurèse. Les troubles
du potassium peuvent aussi varier. Une hyperkaliémie nécessitant les
mesures préconisées pour l'IRA ou une hypokaliémie liée aux pertes gastro-
217

intestinales peuvent se voir.

7.3.3.4.3. Équilibre acido-basique


Une acidose métabolique, accélérant le processus de catabolisation
dans l'organisme, est souvent de règle. Elle nécessite un traitement vigoureux à
base de bicarbonate de soude en tenant compte du fait que le bicarbonate
contient aussi du sodium. Le bicarbonate de soude en comprimés est souvent
utilisé; dans les situations d'urgence, le bicarbonate de sodium injectable peut
être utilisé suivant la formule donnée pour l'IRA.

7.3.3.4.4. Rôle endocrinien.


Une anémie normochrome normocytaire par insuffisance de
production de l'érythropoïétine est observée. Actuellement, l'érythropoïétine
(Recormon) est utilisée pour la correction de cette anémie. Dans les milieux
où manque l'érythropoïétine, des substrats de l'érythropoïèse (fer, acide
folique) sont apportés. En cas de transfusion, si une rétention hydro-sodée et une
hyperkaliémie existent, le culot globulaire sera donné au patient.

7.3.3.4.5. Métabolisme phosphocalcique.


L'hypocalcémie avec hyperphosphatémie associée par manque
de 1,25 (OH)2 cholécalciférol est observée. Actuellement, le 1,25 (OH) 2
cholécalciférol existe sous forme orale, le Dihydral. En l'absence de ce
médicament, le carbonate de calcium (et le gluconate de calcium injectable) et
l'hydroxyde d'aluminium (chélateur de phosphore) peuvent être utilisés pour la
correction de l'hypocalcémie et de l'hyperphosphatémie.
218

TABLE DES MATIERES

Vous aimerez peut-être aussi