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MISE AU POINT
Résumé
Bien que très fréquente, la prescription d’une antibiothérapie aux urgences doit résulter d’un raisonnement médical
ayant conduit à une forte suspicion clinique d’infection bactérienne. Le choix de la molécule repose le plus souvent sur
une logique probabiliste car les éventuels résultats bactériologiques ne sont pas disponibles au moment de la
prescription. Cet article décrit l’antibiothérapie des vraies urgences infectieuses comme les sepsis sévères en fonction
de l’organe atteint : pneumopathie, pyélonéphrite, infection cutanée, péritonite, et les autres situations cliniques
nécessitant une antibiothérapie en urgence comme les méningites bactériennes, la fièvre chez les sujets neutropéniques
ou splénectomisés. Cependant, le diagnostic de maladie infectieuse n’est pas toujours facile car le motif de recours du
patient est souvent aspécifique et la fièvre peut manquer, essentiellement chez les sujets âgés. De manière générale, une
antibiothérapie en urgence est nécessaire dans trois situations : quelle que soit la localisation de l’infection dès que sont
identifiés des facteurs de gravité définissant le sepsis sévère ou le choc septique ; quelle que soit la gravité initiale,
lorsque certaines localisations sont suspectées (méningite) ; sur certains terrains à risque, quelle que soit la gravité
initiale et la localisation (neutropénique, splénectomisé). Les recommandations écrites ici reposent sur des conférences
de consensus de diverses sociétés savantes. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
antibiotiques / urgences
l’élément essentiel du traitement et ne devra être diffé- Bien qu’il s’agisse d’une infection virale, la méningo-
rée sous aucun prétexte. encéphalite herpétique est également une urgence thé-
Rarement, on sera confronté à un sepsis sévère ou à rapeutique du fait de la mortalité élevée et des séquelles
un choc septique sans point d’appel clinique évident. Il neuropsychiques particulièrement lourdes en cas de
faudra alors de principe rechercher une endocardite retard au traitement. Le diagnostic sera évoqué devant
(auscultation, échographie cardiaque) ou un foyer intra- un tableau de troubles de la vigilances, de crises comi-
abdominal (échographie ou mieux scanner abdominal) tiales dans un contexte fébrile. Le liquide céphalorachi-
puis, après les prélèvements d’usage, débuter une anti- dien a une composition variable avec une protéinorachie
biothérapie à large spectre pouvant inclure une cépha- souvent peu élevée et une hypercytorachie panachée ou
losporine de troisième génération injectable, un prédominant sur les lymphocytes. Il est recommandé
aminoside et du métronidazole si un point de départ de prélever un flacon de LCR pour réaliser une PCR
abdominal est suspecté. herpès et de débuter le traitement par 10 mg/kg d’aci-
clovir toutes les huit heures. Ce traitement pourra être
Méningites bactériennes arrêté secondairement si la PCR s’avérait négative [20]
Rappelons que les méningites bactériennes sont cons- Fièvre chez un patient neutropénique
tamment mortelles en l’absence d’une antibiothérapie Cette situation clinique est de plus en plus fréquente
adaptée. Selon la conférence de consensus de la Société dans les services d’urgence du fait du développement de
de pathologie infectieuse de langue française de 1996 chimiothérapies avec retour rapide à domicile. Le nadir
[19], il existe, outre le sepsis sévère, deux critères de de la granulopénie survenant dans les sept à dix jours
gravité immédiate qui sont le purpura fulminans et le suivants la chimiothérapie, les patients sont fréquem-
coma profond (Glasgow < 8), mais dans tous les cas ment à domicile lorsque survient une fièvre. Ce syn-
l’antibiothérapie ne saurait être différée. L’antibiothé- drome a une gravité potentielle importante chez les
rapie est une urgence absolue et il est proposé de ne pas patients neutropéniques (neutrophiles < 500/mm3) et
dépasser un délai de 30 min entre l’admission aux urgen- plus particulièrement chez les plus bas d’entre eux
ces et l’administration de la première perfusion d’anti-
biotique. Il convient de rappeler que la réalisation d’un
scanner avant la ponction lombaire a un rendement
Tableau I. Traitement de première intention des méningites purulen-
diagnostique faible et risque de retarder l’administra- tes à examen direct négatif en l’absence d’éléments d’orientation
tion de la première dose d’antibiotique. Si le prescrip- étiologique et de signes de gravité.
teur demande un scanner cérébral, il est nécessaire Antibiotiques Posologie Voie
d’administrer une première dose d’antibiotique avant (mg/kg/j)
sa réalisation. Enfants céfotaxime 200–300 4 perfusions
L’antibiothérapie parfaitement codifiée est exposée ou ceftriaxone 70–100 1 ou 2 injections
dans le tableau I et le tableau II pour les patients por- intraveineuses
teurs d’une méningite purulente sans orientation bac- Adultes amoxicilline 200 4–6 perfusions
tériologique en fonction de la présence ou de l’absence ou céfotaxime 200–300 4 perfusions
de signes de gravité. ou ceftriaxone 70–100 1 à 2 injections
intraveineuses
Tableau II. Traitement de première intention des méningites purulentes à examen direct négatif selon l’orientation étiologique et/ou en présence
de signes de gravité.
Orientation étiologique Adaptation thérapeutique
Enfant N meningitidis amoxicilline ou C3G
S. pneumoniae C3G + vancomycine 40-60 mg/kg/j ou perfusion continue
(dose de charge 15 mg/kg)
H influenzae C3G
Adulte S pneumoniae préférence C3G
si suspicion de sensibilité diminuée C3G + vancomycine 40-60 mg/kg/j ou perfusion continue
à la pénicilline (dose de charge 15 mg/kg)
H influenzae C3G
Listeria amoxicilline + gentamicine ou cotrimoxazole
N meningitidis amoxicilline ou C3G
Enfants et adultes Absence d’orientation et signes de gravité amoxicilline + C3G
C3G : céfotaxime ou ceftriaxone (voir tableau I pour les posologies).
Antibiothérapie en urgence aux urgences 677
(neutrophiles < 100/mm3) [21]. La fièvre est définie chez un patient splénectomisé doit conduire à la réali-
par une prise unique de température supérieure à sation d’un cliché thoracique, de deux hémocultures et
38,2 °C ou deux prises supérieures à 38 °C à deux heu- à la prescription d’une antibiothérapie couvrant le pneu-
res d’intervalle. Des travaux ont montré que la fièvre mocoque (comme l’amoxicilline). L’hospitalisation est
dans ce contexte était causée dans 20 % des cas par une impérative pour surveiller ces patients.
bactériémie à bacille à Gram négatif ou à cocci à Gram
positif (staphylocoque coagulase négative, streptoco-
que) [21]. Un des facteurs pronostiques importants, à CONCLUSION
côté de la localisation de l’infection et de la sévérité du
tableau infectieux, est constitué par la durée prévisible La prescription d’une antibiothérapie dans ces situa-
de la granulopénie. Il est désormais parfaitement tions d’urgence repose donc sur un raisonnement pro-
démontré qu’une antibiothérapie probabiliste, après babiliste qui doit être très rigoureux du fait des
examen clinique soigneux, radiographie thoracique et implications pronostiques potentielles ou immédiates.
prélèvements à visée bactériologique, permet de dimi- Bien que cela ne soit pas formellement démontré, la
nuer la mortalité de ces épisodes fébriles [22]. précocité d’un traitement antibiotique adapté dans ces
Si la durée de neutropénie prévisible est inférieure à infections graves constitue très vraisemblablement un
huit jours, les germes responsables sont les bacilles à objectif important dans la prise en charge. Par ailleurs,
Gram négatif, les streptocoques et les staphylocoques à ces traitements sont bien codifiés et reposent pour la
coagulase négative. L’antibiothérapie de première inten- plupart sur des conférences de consensus. Il importe
tion peut alors être constituée d’une céphalosporine de donc que les médecins urgentistes reconnaissent préco-
troisième génération plus ou moins associée à un ami- cement ces situations et y répondent de façon adaptée,
noside en fonction de la gravité du tableau clinique. à l’aide de référentiels mis à leur disposition au sein
Cependant, chez des patients à faible risque, en l’absence même du service d’urgence, référentiels régulièrement
de greffe de moelle ou d’antibiothérapie préalable ou de remis à jour en fonction de l’évolution des recomman-
signes de sepsis sévère, un travail prospectif a validé un dations.
traitement per os constitué par l’association
ciprofloxacine amoxicilline/acide clavulanique [23].
Cette approche non invasive avait le même taux de RÉFÉRENCES
succès que l’association ceftriaxone/amikacine.
A contrario, si la durée de neutropénie prévisible est 1 Vergeles-Blanca JM, Fernandez de Aguilar JA, Hormeno Ber-
mejo R, Elias Retamosa F, Cordero Torres JA, Buitrago F.
supérieure à huit jours, Pseudomonas aeruginosa fait par- Calidad y características de la prescripción de antibióticos en un
tie des germes suspectés et l’antibiothérapie probabiliste servicio hospitalario de urgencias. Rev Esp Salud Publica 1998 ;
peut être une association ceftazidime/amikacine avec 72 : 111-8.
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a été évalué dans ces épisodes fébriles chez les patients 449-52.
neutropénique et permet de diminuer la durée de neu- 3 Bru JP. Antibiogarde (3e édition). Paris : Glaxo-Wellcome ;
2001.
tropénie ainsi que la durée d’hospitalisation [24]. 4 Le Conte P, Baron D. Particularités sémiologiques de la per-
Cependant, il n’existe pas de recommandation claire sonne âgée aux urgences. Actualités en réanimation et urgences.
pour l’utilisation en routine de cette classe thérapeuti- Paris : Arnette Blackwell ; 1996. p. 445-74.
que et il semble donc raisonnable de prendre contact 5 Beauchet O, Eynard-Valhorgues F, Blanchon MA, Terrat C,
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période moyenne de cinq ans [25]. Les infections à rence definitions of the systemic inflammatory response syn-
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