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Réanimation 2001 ; 10 : 673-8

© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés


S1164675601001761/SSU

MISE AU POINT

Indications et modalités de l’antibiothérapie en urgence


au service des urgences
P. Le Conte*, G. Potel, D. Baron
Service d’accueil et d’urgences, centre hospitalier universitaire, 44035 Nantes cedex 01, France

(Reçu le 15 juin 2001 ; accepté le 20 août 2001)

Résumé
Bien que très fréquente, la prescription d’une antibiothérapie aux urgences doit résulter d’un raisonnement médical
ayant conduit à une forte suspicion clinique d’infection bactérienne. Le choix de la molécule repose le plus souvent sur
une logique probabiliste car les éventuels résultats bactériologiques ne sont pas disponibles au moment de la
prescription. Cet article décrit l’antibiothérapie des vraies urgences infectieuses comme les sepsis sévères en fonction
de l’organe atteint : pneumopathie, pyélonéphrite, infection cutanée, péritonite, et les autres situations cliniques
nécessitant une antibiothérapie en urgence comme les méningites bactériennes, la fièvre chez les sujets neutropéniques
ou splénectomisés. Cependant, le diagnostic de maladie infectieuse n’est pas toujours facile car le motif de recours du
patient est souvent aspécifique et la fièvre peut manquer, essentiellement chez les sujets âgés. De manière générale, une
antibiothérapie en urgence est nécessaire dans trois situations : quelle que soit la localisation de l’infection dès que sont
identifiés des facteurs de gravité définissant le sepsis sévère ou le choc septique ; quelle que soit la gravité initiale,
lorsque certaines localisations sont suspectées (méningite) ; sur certains terrains à risque, quelle que soit la gravité
initiale et la localisation (neutropénique, splénectomisé). Les recommandations écrites ici reposent sur des conférences
de consensus de diverses sociétés savantes. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

antibiotiques / urgences

Summary – Emergency antibiotic prescription in the emergency room.


Although antibiotic prescription is a frequent situation in the department of emergency medicine, it has to be based on
a rigorous medical reasoning having led to a strong clinical suspicion of bacterial infection. The choice of the molecule
is generally based on a probabilistic logic because the bacteriological results are not available at the time of initiation of
treatment. This article describes the antibiotic therapy of true emergencies in infectious diseases, like severe sepsis as
defined by the Critical Care Society, according to the initial focus of infection: pneumonia, pyelonephritis, cutaneous
infections, peritonitis. Treatment of clinical situations urgently requiring antibiotics, such as bacterial meningitis, fever
in neutropenic or splenectomized patients are also described. However, the diagnosis of infectious diseases is not
always easy in the department of emergency medicine because the clinical exam can be nonspecific, primarily in older
patients. Generally, an antibiotic treatment is warranted in the emergency ward in three situations: whatever the
localization of sepsis if factors of gravity defining severe sepsis or septic shock are present; whatever the initial gravity
when some localization is suspected (e.g., meningitis); and whatever the initial gravity or initial localization in some type
of patients like neutropenic and splenectomized cases. Recommendations recorded here are based on consensus
conferences of different scientific societies. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

antibiotics / emergency medicine

*Correspondance et tirés à part.


Adresse e-mail : pleconte@chu-nantes.fr (P. Le Conte).
674 P. Le Conte et al.

INTRODUCTION tions urinaires, cutanées ou ORL qui ne sont pas spé-


cifiques de la médecine d’urgence, ou consulter les
L’antibiothérapie dans les services d’urgence est parti- guides thérapeutiques spécifiquement dédiés à l’anti-
culièrement fréquente du fait de la prévalence élevée de biothérapie [3].
maladies infectieuses communautaires dans la popula-
tion consultant ces services. Elle est cependant, parfois DIFFICULTÉS DIAGNOSTIQUES DES TABLEAUX
abusive, souvent inadaptée comme l’ont montré deux INFECTIEUX
études réalisées en Espagne et aux États-Unis [1, 2]. Ces
prescriptions ne sont pas sans conséquence car les anti- Cet article est basé sur l’antibiothérapie de tableaux
biotiques, même bien tolérés, peuvent provoquer des cliniques identifiés et diagnostiqués car il s’agit de la
effets secondaires indésirables sur le plan individuel et seule façon d’aborder le traitement en se référant aux
ont des effets au plan de la santé publique car ils textes scientifiques. Cependant, le diagnostic des
participent à la pression de sélection induisant l’aug- tableaux infectieux aux urgences n’est pas toujours aisé
mentation de la résistance des germes communautaires du fait de présentations atypiques, de tableaux trom-
aux molécules les plus utilisées. Il n’est donc probable- peurs, de motifs de recours n’évoquant pas une patho-
ment pas inutile de rappeler que les antibiotiques ne logie infectieuse. Ainsi, chez les sujets âgés, bien que les
sont pas des antipyrétiques, ni des antalgiques, ni des signes classiques soient présents chez 75 % des patients,
anxiolytiques pour le médecin prescripteur et le patient chez les 25 % restants, le motif de recours peut être une
ou sa famille. sensation de malaise, d’asthénie, un état confusionnel
La prescription d’un antibiotique doit donc reposer aigu [4]. Une chute peut constituer le motif de recours
sur un raisonnement médical ayant abouti au diagnos- pour une infection aiguë [5]. La fièvre est absente chez
tic d’infection bactérienne probable ou certaine et sur la cinq à 24 % des patients en fonction des séries de la
réalisation d’examens bactériologiques si le site de littérature [6]. Dans les pneumopathies, le tableau cli-
l’infection s’y prête. Dans l’attente de ces résultats ou si nique est volontiers atypique quel que soit le germe en
ces derniers ne sont pas (encore) disponibles, l’antibio- cause [7, 8]. Le clinicien devra donc être attentif devant
thérapie sera prescrite selon une logique probabiliste des tableaux cliniques peu évocateurs de maladies infec-
pour le germe suspecté et sur sa sensibilité prévisible tieuses aiguës particulièrement chez les sujets âgés qui
selon les données épidémiologiques. Par ailleurs, il existe constituent une fraction importante des patients admis
clairement deux situations différentes conduisant à une dans les services d’urgences. Par ailleurs, bien qu’il ne
prescription antibiotique : les urgences infectieuses s’agisse pas d’une urgence en antibiothérapie, la fièvre
vraies (méningite bactérienne, choc septique ou sepsis chez un patient toxicomane par voie veineuse doit
sévère, fièvre chez un patient neutropénique) et les conduire à une hospitalisation systématique à la recher-
tableaux cliniques où un diagnostic de maladie infec- che d’une endocardite.
tieuse a été posé sans qu’il n’existe d’urgence réelle au
début du traitement comme par exemple les pneumo- URGENCES INFECTIEUSES
pathies classées dans les catégories Fine I ou II ou encore
les infections urinaires non compliquées. Chez ces
Définitions
patients, dont un nombre important retournera à domi-
cile, l’antibiothérapie sera débutée comme après une
consultation chez un médecin traitant. Par ailleurs, – Syndrome inflammatoire de réponse systémique
bien que l’essentiel des infections traitées dans un ser- (SIRS) [9] : réponse inflammatoire générale, non néces-
vice d’urgences soient d’authentiques infections com- sairement spécifique d’une infection se manifestant par
munautaires, il faudra se méfier de germes nosocomiaux au moins deux des signes aigus suivants :
lorsque les patients ont bénéficié d’un séjour hospitalier • température > 38 °C ou < 36 °C,
dans le mois précédent ou s’ils sont « institutionnali- • fréquence cardiaque > 90/min,
sés ». En ce cas, l’antibiothérapie sera modifiée pour • fréquence respiratoire > 20/min ou
tenir compte d’éventuels germes nosocomiaux. PaCO2 < 32 mm Hg,
Cet article ne décrira que l’antibiothérapie des urgen- • leucocytes > 12 000/mm3 ou < 4000/mm3 ou pré-
ces infectieuses vraies car traiter des infections commu- sence de polynucléaires neutrophiles immatu-
nautaires les plus fréquentes reviendrait à écrire un res > 12 %.
traité de pathologie infectieuse. Le lecteur pourra se – Sepsis : SIRS associé à une infection confirmée.
reporter aux différentes conférences de consensus citées – Sepsis sévère : sepsis associé à un signe de dysfonc-
dans la bibliographie sur le traitement des infections les tion d’organe :
plus fréquentes comme les pneumopathies, les infec- • plaquettes < 80 000/mm3,
Antibiothérapie en urgence aux urgences 675

• syndrome de détresse respiratoire aiguë (PaO2/ conférence de consensus de la Société de pathologie


FiO2 < 250), infectieuse de langue française réactualisée en 2000, il
• insuffisance rénale aiguë définie par une s’agit d’une pneumopathie avec signes de gravité ne
diurèse < 0,5 mL/kg/h, permettant pas de faire un pari bactériologique [13].
• acidose métabolique. Par ailleurs, selon Fine [14], ces patients ont un risque
– Choc septique : sepsis sévère et hypotension élevé de mortalité liée à leur épisode infectieux et une
artérielle < 90 mm Hg ou chute de plus de 40 mm Hg hospitalisation dans un secteur où une surveillance
par rapport à la tension habituelle résistant à un rem- attentive peut être réalisée est indispensable. Le choix
plissage vasculaire adapté. antibiotique peut se porter vers une association amoxi-
La présence d’un SIRS ou d’un sepsis n’est que peu cilline et fluoroquinolone ou céphalosporine de troi-
prédictive de l’apparition d’un état de choc septique sième génération injectable et fluoroquinolone ou
comme l’a montré une équipe hollandaise dans une macrolide. Une alternative est constituée par les nou-
étude prospective [10]. Par ailleurs, ces définitions ont velles fluoroquinolones ayant une activité sur le pneu-
été modifiées dans une récente étude sur l’activité de la mocoque comme la lévofloxacine. En cas de doute sur
protéine C activée dans les syndromes septiques sévères une légionellose, il est recommandé d’associer de la
[11]. En effet dans ce travail, il était nécessaire d’avoir rifampicine intraveineuse. Le délai d’administration des
trois signes au lieu de deux pour le diagnostic de SIRS et
antibiotiques doit être bref après l’admission aux urgen-
l’hypotension artérielle ne cédant pas au remplissage
ces, car il a été démontré que celui ci avait un caractère
faisait partie des signes de dysfonction d’organe, et ne
pronostique, les facteurs associés avec une administra-
définissait donc pas le choc septique comme dans les
recommandations usuelles. tion tardive étant constitués par le caractère atypique du
tableau clinique présenté [15].
Indications d’une antibiothérapie d’urgence En cas d’infection urinaire, il sera nécessaire de recher-
cher un obstacle sur les voies urinaires par une échogra-
Une antibiothérapie d’urgence est indiquée : phie rénale tout en débutant une antibiothérapie active
– quelle que soit la localisation de l’infection, dès lors sur les bacilles à Gram négatif communautaires. Le
que sont identifiés des signes de gravité (sepsis sévère et choix peut se porter soit sur une céphalosporine de
choc septique), troisième génération intraveineuse (ceftriaxone, cefo-
– quelle que soit la gravité initiale, dès lors que certai- taxime) ou sur une fluoroquinolone (ciprofloxacine,
nes localisations sont identifiées ou suspectées (ménin- ofloxacine) [16]. La molécule choisie sera associée à un
gites), aminoside en dose unique journalière (gentamicine,
– sur certains terrains à risque, quelque soit la gravité nétromycine, tobramycine) avec une adaptation à la
initiale et la localisation (neutropénie fébrile, splénec- fonction rénale du délai entre deux injections. L’ami-
tomisés). noside ne sera prescrit que pour une durée brève tou-
jours inférieure à cinq jours [16]
Sepsis sévère et choc septique
En cas de fasciite nécrosante, l’antibiothérapie repo-
Les sepsis sévères et chocs septiques comme définis ci
sera sur une association pénicilline-clindamycine pour
dessus sont des indications reconnues d’antibiothérapie
les localisations sur les membres et la région cervico-
en urgence car il est probable, bien que formellement
faciale [17]. Pour les localisations abdominales et périné-
non prouvé (aucune étude destinée à le faire ne serait
éthiquement acceptable), que tout retard thérapeutique ales, le choix se portera sur une association pénicilline à
est préjudiciable au pronostic à court terme du patient. large spectre (uréidopénicilline) -métronidazole, et ami-
Cette antibiothérapie sera débutée parallèlement au noside. Une alternative étant l’association imipenem–
traitement symptomatique qui ne sera pas détaillé ici, et aminosides. Rappelons que dans ces pathologies, la
après des prélèvements bactériologiques systématiques chirurgie d’excision large a un rôle majeur et ne devra
(deux ou trois hémocultures, ponction lombaire, cyto- pas être différée.
bactériologie urinaire, etc.) et adaptés au foyer infec- En cas de péritonite communautaire, la conférence de
tieux causal (méningé, respiratoire, digestif, cutané, consensus de la Société française d’anesthésie réanima-
urinaire ou respiratoire, etc.). Une étude a démontré tion [18] n’a pu dégager une antibiothérapie de réfé-
que le caractère approprié de l’antibiothérapie initiale rence, mais il semble que la gravité du tableau induise
constituait un facteur pronostique majeur dans les sepsis une modification des molécules prescrites. Une associa-
sévères avec bactériémie [12]. tion céphalosporine de troisième génération aminosi-
En cas de pneumonie communautaire, l’antibiothé- de–métronidazole ou uréidopénicilline–inhibiteur des
rapie doit couvrir le pneumocoque, Haemophilus bétalactamases et aminoside paraît logique. Comme
influenzae et les germes atypiques car, en accord avec la dans les fasciites nécrosantes, la chirurgie constitue
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l’élément essentiel du traitement et ne devra être diffé- Bien qu’il s’agisse d’une infection virale, la méningo-
rée sous aucun prétexte. encéphalite herpétique est également une urgence thé-
Rarement, on sera confronté à un sepsis sévère ou à rapeutique du fait de la mortalité élevée et des séquelles
un choc septique sans point d’appel clinique évident. Il neuropsychiques particulièrement lourdes en cas de
faudra alors de principe rechercher une endocardite retard au traitement. Le diagnostic sera évoqué devant
(auscultation, échographie cardiaque) ou un foyer intra- un tableau de troubles de la vigilances, de crises comi-
abdominal (échographie ou mieux scanner abdominal) tiales dans un contexte fébrile. Le liquide céphalorachi-
puis, après les prélèvements d’usage, débuter une anti- dien a une composition variable avec une protéinorachie
biothérapie à large spectre pouvant inclure une cépha- souvent peu élevée et une hypercytorachie panachée ou
losporine de troisième génération injectable, un prédominant sur les lymphocytes. Il est recommandé
aminoside et du métronidazole si un point de départ de prélever un flacon de LCR pour réaliser une PCR
abdominal est suspecté. herpès et de débuter le traitement par 10 mg/kg d’aci-
clovir toutes les huit heures. Ce traitement pourra être
Méningites bactériennes arrêté secondairement si la PCR s’avérait négative [20]
Rappelons que les méningites bactériennes sont cons- Fièvre chez un patient neutropénique
tamment mortelles en l’absence d’une antibiothérapie Cette situation clinique est de plus en plus fréquente
adaptée. Selon la conférence de consensus de la Société dans les services d’urgence du fait du développement de
de pathologie infectieuse de langue française de 1996 chimiothérapies avec retour rapide à domicile. Le nadir
[19], il existe, outre le sepsis sévère, deux critères de de la granulopénie survenant dans les sept à dix jours
gravité immédiate qui sont le purpura fulminans et le suivants la chimiothérapie, les patients sont fréquem-
coma profond (Glasgow < 8), mais dans tous les cas ment à domicile lorsque survient une fièvre. Ce syn-
l’antibiothérapie ne saurait être différée. L’antibiothé- drome a une gravité potentielle importante chez les
rapie est une urgence absolue et il est proposé de ne pas patients neutropéniques (neutrophiles < 500/mm3) et
dépasser un délai de 30 min entre l’admission aux urgen- plus particulièrement chez les plus bas d’entre eux
ces et l’administration de la première perfusion d’anti-
biotique. Il convient de rappeler que la réalisation d’un
scanner avant la ponction lombaire a un rendement
Tableau I. Traitement de première intention des méningites purulen-
diagnostique faible et risque de retarder l’administra- tes à examen direct négatif en l’absence d’éléments d’orientation
tion de la première dose d’antibiotique. Si le prescrip- étiologique et de signes de gravité.
teur demande un scanner cérébral, il est nécessaire Antibiotiques Posologie Voie
d’administrer une première dose d’antibiotique avant (mg/kg/j)
sa réalisation. Enfants céfotaxime 200–300 4 perfusions
L’antibiothérapie parfaitement codifiée est exposée ou ceftriaxone 70–100 1 ou 2 injections
dans le tableau I et le tableau II pour les patients por- intraveineuses
teurs d’une méningite purulente sans orientation bac- Adultes amoxicilline 200 4–6 perfusions
tériologique en fonction de la présence ou de l’absence ou céfotaxime 200–300 4 perfusions
de signes de gravité. ou ceftriaxone 70–100 1 à 2 injections
intraveineuses

Tableau II. Traitement de première intention des méningites purulentes à examen direct négatif selon l’orientation étiologique et/ou en présence
de signes de gravité.
Orientation étiologique Adaptation thérapeutique
Enfant N meningitidis amoxicilline ou C3G
S. pneumoniae C3G + vancomycine 40-60 mg/kg/j ou perfusion continue
(dose de charge 15 mg/kg)
H influenzae C3G
Adulte S pneumoniae préférence C3G
si suspicion de sensibilité diminuée C3G + vancomycine 40-60 mg/kg/j ou perfusion continue
à la pénicilline (dose de charge 15 mg/kg)
H influenzae C3G
Listeria amoxicilline + gentamicine ou cotrimoxazole
N meningitidis amoxicilline ou C3G
Enfants et adultes Absence d’orientation et signes de gravité amoxicilline + C3G
C3G : céfotaxime ou ceftriaxone (voir tableau I pour les posologies).
Antibiothérapie en urgence aux urgences 677

(neutrophiles < 100/mm3) [21]. La fièvre est définie chez un patient splénectomisé doit conduire à la réali-
par une prise unique de température supérieure à sation d’un cliché thoracique, de deux hémocultures et
38,2 °C ou deux prises supérieures à 38 °C à deux heu- à la prescription d’une antibiothérapie couvrant le pneu-
res d’intervalle. Des travaux ont montré que la fièvre mocoque (comme l’amoxicilline). L’hospitalisation est
dans ce contexte était causée dans 20 % des cas par une impérative pour surveiller ces patients.
bactériémie à bacille à Gram négatif ou à cocci à Gram
positif (staphylocoque coagulase négative, streptoco-
que) [21]. Un des facteurs pronostiques importants, à CONCLUSION
côté de la localisation de l’infection et de la sévérité du
tableau infectieux, est constitué par la durée prévisible La prescription d’une antibiothérapie dans ces situa-
de la granulopénie. Il est désormais parfaitement tions d’urgence repose donc sur un raisonnement pro-
démontré qu’une antibiothérapie probabiliste, après babiliste qui doit être très rigoureux du fait des
examen clinique soigneux, radiographie thoracique et implications pronostiques potentielles ou immédiates.
prélèvements à visée bactériologique, permet de dimi- Bien que cela ne soit pas formellement démontré, la
nuer la mortalité de ces épisodes fébriles [22]. précocité d’un traitement antibiotique adapté dans ces
Si la durée de neutropénie prévisible est inférieure à infections graves constitue très vraisemblablement un
huit jours, les germes responsables sont les bacilles à objectif important dans la prise en charge. Par ailleurs,
Gram négatif, les streptocoques et les staphylocoques à ces traitements sont bien codifiés et reposent pour la
coagulase négative. L’antibiothérapie de première inten- plupart sur des conférences de consensus. Il importe
tion peut alors être constituée d’une céphalosporine de donc que les médecins urgentistes reconnaissent préco-
troisième génération plus ou moins associée à un ami- cement ces situations et y répondent de façon adaptée,
noside en fonction de la gravité du tableau clinique. à l’aide de référentiels mis à leur disposition au sein
Cependant, chez des patients à faible risque, en l’absence même du service d’urgence, référentiels régulièrement
de greffe de moelle ou d’antibiothérapie préalable ou de remis à jour en fonction de l’évolution des recomman-
signes de sepsis sévère, un travail prospectif a validé un dations.
traitement per os constitué par l’association
ciprofloxacine amoxicilline/acide clavulanique [23].
Cette approche non invasive avait le même taux de RÉFÉRENCES
succès que l’association ceftriaxone/amikacine.
A contrario, si la durée de neutropénie prévisible est 1 Vergeles-Blanca JM, Fernandez de Aguilar JA, Hormeno Ber-
mejo R, Elias Retamosa F, Cordero Torres JA, Buitrago F.
supérieure à huit jours, Pseudomonas aeruginosa fait par- Calidad y características de la prescripción de antibióticos en un
tie des germes suspectés et l’antibiothérapie probabiliste servicio hospitalario de urgencias. Rev Esp Salud Publica 1998 ;
peut être une association ceftazidime/amikacine avec 72 : 111-8.
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neutropénique et permet de diminuer la durée de neu- 3 Bru JP. Antibiogarde (3e édition). Paris : Glaxo-Wellcome ;
2001.
tropénie ainsi que la durée d’hospitalisation [24]. 4 Le Conte P, Baron D. Particularités sémiologiques de la per-
Cependant, il n’existe pas de recommandation claire sonne âgée aux urgences. Actualités en réanimation et urgences.
pour l’utilisation en routine de cette classe thérapeuti- Paris : Arnette Blackwell ; 1996. p. 445-74.
que et il semble donc raisonnable de prendre contact 5 Beauchet O, Eynard-Valhorgues F, Blanchon MA, Terrat C,
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avec le service d’onco-hématologie local avant de débu- d’admission en médecine aiguë. Presse Méd 2000 ; 29 : 1544-8.
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