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CEC "pathologies infectieuses en anesthésie et réanimation" 

Les pneumopathies aigues communautaires


(PAC) graves

03/06/2022
D.HAMMOUDA Zeineb
Dr LAHMAR Manel
Vignette clinique

• Patient âgé de 29 ans, consulte pour insuffisance respiratoire


aigue

• ATCD: RAS

• Etat de Base:
- non tabagique
- pas de consommation d’alcool

• Histoire de la Maladie:
Remonte à 03 jours marquée par la survenue de toux et
expectorations verdâtres avec fièvre chiffrée à 39°. Devant
l’installation d’une dyspnée, le patient a consulté les Urgences.
L’examen clinique

• Fébrile à 39,5°C
• Examen pleuro-pulmonaire:
-Patient cyanosé, SpO2 (AA)=70%
-FR=35cpm
-Présence de signes de lutte: tirage intercostal, contraction du muscle sterno-
cléido-mastoïdien et une respiration abdominale
-Auscultation pulmonaire: présence de râles crépitants aux deux champs
pulmonaires plus marqués à droite
• Examen cardiovasculaire:
-PA=80/50 mmhg , Fc=117 bpm,
-froideur des extrémités et marbrures des genoux
-Auscultation cardiaque : BDC bien perçus, patient tachycarde
• Examen neurologique:
-Patient somnolent
-Pas de déficit moteur
Quel est votre diagnostic?

 IRA de novo
 Sepsis
 En rapport avec une PAC grave
• La pneumonie aiguë communautaire (PAC) est une maladie fréquente (environ 500 000
cas par an en France), avec une mortalité importante de l'ordre de 5 %, pouvant
atteindre 40 % chez les patients âgés et en cas de forme grave.

• Le terrain sous-jacent est un élément essentiel du pronostic.

• Seule la mise en place d'une antibiothérapie efficace et l'hospitalisation en milieu


adapté permettent d'améliorer le pronostic des PAC graves.

• Il faut donc savoir reconnaître les signes de gravité et savoir orienter la prise en charge
vers le secteur le plus adapté, en médecine intensive-réanimation si nécessaire.

• Il est aussi nécessaire de connaître les micro-organismes les plus fréquemment


impliqués et ceux impliqués dans certaines populations pour les cibler de manière
efficace avec l'antibiothérapie probabiliste.

• Enfin, il est nécessaire de surveiller l'efficacité des thérapeutiques mises en œuvre et de


réévaluer l'antibiothérapie
Diagnostic
• Le diagnostic de PAC repose sur l'association d’un
faisceau d’arguments :
 signes fonctionnels respiratoires (toux,
expectoration, dyspnée, douleur thoracique voire
détresse respiratoire aiguë),
 de signes physiques (râles bronchiques, foyer de
crépitants avec diminution du murmure vésiculaire
à l'auscultation et matité à la percussion),
 d'une fièvre
 et d'une imagerie thoracique objectivant l'atteinte
parenchymateuse alvéolaire.
• La radiographie de thorax permet de confirmer la suspicion

clinique et de différencier la pneumonie (opacités alvéolaires)

d’une bronchite aiguë ou d’une exacerbation de BPCO

• Les principaux diagnostics différentiels sont


 l’œdème pulmonaire,
 l’embolie pulmonaire
 et les pneumopathies aiguës non infectieuses
Cependant,
• les formes atypiques sont fréquentes, en particulier chez les sujets fragiles
(sujets âgés, patients immunodéprimés) :
 fièvre inconstante, toux fébrile isolée ;
 signes extra respiratoires : signes digestifs, arthro-myalgies, signes neurologiques;
 décompensation d'une pathologie sous-jacente (insuffisance cardiaque,
déséquilibre d'un diabète, etc.)
 ou des troubles du comportement isolés chez le sujet âgé.

• le contexte permet bien souvent de guider le diagnostic (contexte épidémique,


début rapide des symptômes) et apporte des informations importantes sur le
cadre nosologique (patient immunodéprimé, inhalation, surinfection bactérienne
d'une grippe).
• un début brutal oriente plutôt vers une étiologie bactérienne « typique »
(pneumocoque +++, Haemophilus influenzae, Staphylococcus aureus, etc.)
• un début progressif oriente plutôt vers des agents « atypiques » (virus, bactéries
intracellulaires comme Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae,
Legionella pneumophila, etc.)

• Dans certains cas, la pneumonie se manifeste d'emblée au stade compliqué :


 complications locales : abcédation, excavation, pleurésie para pneumonique non
compliquée ou purulente ;
 complications générales : bactériémie, sepsis et choc septique,
méningoencéphalite secondaire, péricardite, arthrite….

Intérêt de l’interrogatoire et de l’examen physique +++


Microbiologie
• L’agent pathogène est méconnu dans environ 50 % des cas, du fait d’une
antibiothérapie préalable ou d’investigations diagnostiques
complémentaires insuffisantes.
• Les germes le plus souvent en cause dans les PAC sont Streptococcus
pneumoniae, Haemophilus influenzae, Staphylococcus aureus, certains
BGN du groupe des entérobactéries (Klebsiella pneumoniae, Escherichia
coli, Proteus spp.), Pseudomonas aeruginosa, Legionella pneumophila,
Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae
• les virus à tropisme respiratoire tels que Influenza A.
• Des coinfections par plusieurs pathogènes sont possibles.
• La répartition des germes est variable en fonction du contexte
épidémiologique ( grippe, H1N1, H1N3 COVID 19) et de l’existence de
comorbidités.
• Quelle que soit la gravité de la pneumonie, le pneumocoque reste l’agent
pathogène le plus fréquemment isolé
Diagnostic de gravité
• L’orientation initiale des patients suspects de PAC
est la première étape de la prise en charge et
s’appuie sur un certain nombre de critères .
• Des scores de gravité et de prédiction de mortalité
peuvent être utiles pour évaluer la gravité et
guider ainsi le choix du site de prise en charge
initiale tels que le score de Fine ou le score CURB-
65 (acronyme pour confusion, urée, fréquence
respiratoire, pression artérielle, âge ≥ 65 ans)
Quels sont les critères de gravité d'une pneumonie
aiguë communautaire ?
Score de FINE
CURB 65
Quelles sont les examens complémentaires à
demander?
• Biologiques: NFS, marqueurs inflammatoires,
procalcitonine (pronostique+++) urée
créatinine …
• Radiologiques : radiographie thorax face et
profil si possible/ TDM thoracique
• Microbiologiques : prélèvements resipratoires
et extra respiratoires
Place des prélèvements microbiologique

• est fortement recommandée, voire indispensable chez


les patients les plus graves, en particulier ceux qui
nécessitent la ventilation mécanique.
• L’identification précise de l’agent pathogène permet
ainsi de cibler l’antibiothérapie, en évitant l’utilisation
abusive et prolongée d’antibiotiques à large spectre.
• Les investigations complémentaires à visée
microbiologique ne doivent pas faire différer la mise en
route du traitement antibiotique, et il faut prendre en
compte le délai éventuel que leur réalisation impose.
On distingue :
• les prélèvements microbiologiques respiratoires :
 examen cytobactériologique des crachats (ECBC) chez les patients
en ventilation spontanée ;
 aspiration bronchique (AB) et prélèvement distal protégé (PDP)
réalisés « à l’aveugle » chez les patients intubés ventilés
 les prélèvements microbiologiques respiratoires dirigés sous
fibroscopie bronchique : PDP, brosse télescopique protégée, lavage
bronchoalvéolaire (LBA).
 PCR covid, PCR multiplex…

• les prélèvements microbiologiques non respiratoires : hémocultures,


antigénuries, sérologies, etc.
Pour notre patient :
 GDS sous MHC (15 l/min) :
pH :7.33, PaCO2 :6 KPa, PaO2 :8 KPa, HCO3- : 16 mmol/L, SaO2 :
85%

 La biologie
GB=39700 el/mm 3 , Hb=12.9 g/dl , plq= 292000 el/mm 3
CRP=385 , protides= 46
Natrémie =129mmol/l , kaliémie= 4.1mmol/l , pct 60 ng/l
Lactate =4.4mmol/l, TP= 49%
CPK=9300 ; LDH=2300
créat=271 ; urée= 14 ; ASAT/ALAT= 348/102

 ECG :
RRS, axe en DII, BBD incomplet,
 Radiographie du thorax :
• Acidose métabolique+ Hypoxémie
• Hyperlactatémie
• Rhabdomyolyse
• Insuffisance rénale aigue
• Cytolyse hépatique
• Trouble de l’hémostase
• Hyponatrémie
• Syndrome inflammatoire biologique

SDMV
Quelle sera votre conduite thérapeutique

• Conditionnement
• IOT et VMI
• Traitement de l’EDC: remplissage, NAD, monitorage
HD…
• Antibiothérapie empirique
• Sédation
• Antibioprophylaxie
• IPP
• Autres …
QUELLE ANTIBIOTHERAPIE?
• L’antibiothérapie des PAC est probabiliste ; elle tient compte des
pathogènes les plus fréquemment impliqués et de la gravité qui peut
leur être associée.
• Le traitement antibiotique doit être instauré dès le diagnostic porté,
idéalement dans les 4 heures.
• Son efficacité doit être évaluée impérativement après 48-72 heures de
traitement.
• Streptococcus pneumoniae doit systématiquement et prioritairement
être pris en compte du fait de la fréquence et de la gravité potentielle
de l’infection pneumococcique.
• En cas de pneumonie communautaire post-grippale, S.pneumoniae
reste la cible prédominante, suivie par S. aureus, H. influenzae et les
streptocoques du groupe A
Durée du traitement ATB lors de PAC

• Si amélioration clinique au moment de la réévaluation à J+3


(apyrexie, amélioration des signes vitaux) : 5 jours

• Si pas d’amélioration à J3 : 7 jours maximum

• PAC hospitalisée en réanimation : 7 jours, si amélioration


clinique

• Légionellose : 14 jours (si azithromycine: 5 jours)

Synthèse réalisée le 10 Mars 2021 par la SPILF


Autres infections respiratoires basses
• Exacerbation aigue de BPCO: 5 jours

• Pleurésie para pneumonique non compliquée (que la plèvre soit


ponctionnée ou pas) : idem pneumonie

• Pleurésie purulente : 15 jours après la dernière évacuation


pleurale si évolution favorable

• Si nouveau drainage ou ré intervention chirurgicale et décision


d’antibiothérapie: durée 15 jours, à partir de la date de chirurgie
ou drainage.
Support ventilatoire
• Oxygénation simple
• Si SDRA modéré ONHD moyen de référence
• Pas de place pour la VNI sauf en cas de
décompensation de BPCO sous jacente
• VMI si échec des autres moyens , présence
d’autres défaillances vitales associées
• Ventilation protectrice +++
Pour notre patient ; l’évolution
Le patient a été intubé d’emblé
Mise en place d’un drain thoracique:
ramenant du liquide séro-hématique
avec bullage
Etude cyto-bactériologique du liquide:
EB=2000 (80% PNN) ; ER=500 ;

LDH=2299 ; Protides=45

TA en post intubation= 70/32 mmHg,


FC= 140 bpm

GDS = pH :7.13, PaCO2 :7.10 KPa,


PaO2 :10 KPa, HCO3- : 17 mmol/L,
SaO2 : 89% Rx post intubation et
drainage:
* Quel est votre diagnostic?
Définition SDRA: physiopathologie
SDRA: Définition de Berlin
Quelle est votre conduite à tenir ?
Les objectifs thérapeutiques
o Sur le plans respiratoire:
-correction de l’hypoxémie
-traitement étiologique
-prévenir et traiter les complications liées à la ventilation
mécanique : VILI

Ventilation PROTECTRICE

o Sur le plan hémodynamique:


-assurer une pression de perfusion des organes efficace (PAM ≥
65 mmHg)
o URGENCE antibiotique +++:
-traiter le foyer infectieux en cause et les éventuelles
localisations secondaires
o Traiter les défaillances d’organes associées :
Mesures symptomatiques

 ventilation protectrice:
-Vt réduit: 6ml/kg de poids idéal
-FR= élevée (VM adéquate)/hypercapnie permissive
-PEP élevée sans dépasser une pression de plateau de 30cmH20
-FiO2 selon SpO2
 mesures associées: ( DV/NO)
 optimisation de la pré charge:
-remplissage vasculaire
-drogue vasoactive: * après remplissage vasculaire adéquat
* d’emblé si PAD <40mmHg
 Autres thérapeutiques:
-thromboprophylaxie
-prophylaxie de l’ulcère de stress
-corticoïdes( stress dose)
Mesures spécifiques

 antibiotiques++++
Précoce, en association synergiques, initialement
empirique puis guidée par les résultats de l’enquête
bactériologique
Augmentin* + oflocet*

Culture du liquide pleural:


Claforon*

 Drainage thoracique
Les éléments de surveillance

• Cliniques:
-HD: la PAM , FC, diurèse, les signes périphériques de choc
-Respiratoire: *la SpO2,
*les paramètres ventilatoires: pression de
plateau+++(objectif<30cmH2O), pression de crête

• Paracliniques:
-biologique: GDS (PaO2/FiO2), lactates, fonctions rénale et
hépatique, iono sanguin, bilan d’hémostase (conséquences
du choc)
-radiologie: complications+++ barotraumatisme/infection
nosocomiale PAVM
Les complications
• Choc septique
• SDRA
• SDMV
• Abcédation
• Pleurésie : para pneumonique
• Décompensation des maladies chroniques
sous jacentes
Conclusion
• Pathologie fréquente
• Urgence thérapeutique : choix de l’anti
infectieux et orientation du patient USI +++
• Intérêt de documentation microbiologique
• Complications fréquentes / graves
• Tenir en considération le contexte
épidémiologique
Merci pour votre attention

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