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Institut Supérieur des Sciences Infirmières de Sousse

2ème année-certificat de Pathologie Infectieuse


Dr W.Marrakchi
INFECTIONS GRAVES
I- Introduction :

Certaines infections sont considérées graves parce qu’elles mettent en jeu le


pronostic vital. Elles imposent un diagnostic précoce et une prise en charge
thérapeutique urgente et appropriée afin de réduire le risque de mortalité et
morbidité.
II- Les septicémies :
Elles sont définies comme des infections généralisées dues à des décharges
massives et répétées de bactéries dans le sang à partir d’un foyer septique
initial.
On distingue :
• Septicémies communautaires : contractées en milieu communautaire.
• Septicémies liées aux soins : acquises en milieu hospitalier, survenant
plus de 48 heures après l’admission. Elles sont dues à des gestes invasifs.
1- Agents pathogènes :
Les principaux micro-organismes isolés dans les bactériémies
communautaires sont les staphylocoques et E. coli. Les staphylocoques
surtout S. coagulase négative sont les germes les plus souvent identifiés dans
les bactériémies associées aux soins.
2- Portes d’entrée :
Les portes d’entrée sont différentes selon les germes et le caractère
communautaire ou associé aux soins de la bactériémie. Les principales portes
d’entrée :
• Uro-génital : obstacles ou chirurgie sur les voies urinaires (lithiase),
sondage, endoscopie,…..(Entérobactéries)
• Iatrogène : cathéter, perfusion contaminée, ….(BGN hospitaliers :
pseudomonas, acinetobacter, Staphylocoques)
• Cutanée : plaie, ulcérations,…..(Staphylocoques)
3- Etude clinique :
3-1- Le syndrome septicémique :
Son début est brutal, dominé par une fièvre constante, élevée avec des
frissons intenses. Une altération rapide de l’état général est quasi constante
associée parfois à des signes digestifs. L’examen clinique trouve :
• Une agitation, polypnée, pouls rapide.
• Des signes de déshydratation : langue saburrale, yeux cernés, oligurie.
• Une splénomégalie inconstante mais de grande valeur diagnostique.
3-2- Evaluation de la gravité du tableau clinique :
• Préciser le terrain : Age, tares.
• Evaluer l’état hémodynamique (hypotension, tachycardie…), respiratoire
et neurologique (altération de l’état de conscience, confusion,…)
• Etat des téguments : marbrures, cyanose,…
3-3- Recherche de la porte d’entrée :
Elle doit être systématique pour :
• Orienter vers la nature du germe.
• Isoler localement le germe.
• Aider aux choix thérapeutiques.
3-4- Recherche des localisations secondaires :
Les localisations secondaires doivent être recherchées de façon répétée par
un examen clinique quotidien ou pluriquotidien.
• Quatre localisations sont fréquentes :
- Pleuro-pulmonaires.
- Cutanées.
- Génito-urinaires.
- Osseuses : spondylodiscites+++.
• Deux localisations sont graves :
- Neurologiques.
- Cardiaques.
4- Examens complémentaires :
4-1- les hémocultures :
Elles représentent l’examen fondamental pour confirmer le diagnostic. Elles
doivent être faites avant tout traitement antibiotique, lors des pics fébriles ou
des frissons et dans des conditions d’asepsie rigoureuse.
4-2- Autres examens bactériologiques :
Des prélèvements sont réalisés au niveau de la porte d’entrée et des foyers
métastatiques (ponction d’un abcès, PL, uroculture, culture d’un bout de
cathéter ou de sonde urinaire,..)
5- Evolution :
5-1- les éléments de surveillance :
• Courbe de température tous les 3-4 heures, pouls, TA, diurèse, rythme
respiratoire.
• Examens cliniques répétés.
5-2- Evolution favorable :
Sous traitement, l’évolution est souvent favorable à condition que le traitement
soit instauré précocement, prolongé et bien conduit.
4-2- Evolution défavorable :
Les complications peuvent survenir à n’importe quel moment de l’évolution des
septicémies : choc septique, insuffisance rénale aiguë.
• Choc septique :
Le choc septique est un état septique grave associé à une hypotension résistante
à une expansion volémique apparemment bien conduite et/ou nécessitant le
recours aux drogues vasoactifs. Il survient en cas de traitement tardif ou sur
terrain fragilisé.
Il s’agit d’une extrême urgence médicale, responsable d’une évolution toujours
mortelle en l’absence du traitement.
6- Traitement :
6-1- Traitement curatif :
Il repose sur l’antibiothérapie qui doit être administrée en urgence après
prélèvements bactériologiques. Le traitement antibiotique est probabiliste,
bactéricide, intraveineux. Le choix de l’antibiothérapie dépend de la porte
d’entrée, du terrain, du caractère communautaire ou associée aux soins de la
bactériémie. Une association avec un aminoside est souvent indiquée.
6-2- Traitement symptomatique :
- Equilibration d’une tare décompensée.
- Apport nutritif et énergétique équilibré.
- Correction troubles hydro-électrolytiques et acido-basiques.
- Drogues vaso-actives après mise d’une voie veineuse centrale en cas de
choc septique.
- Oxygénothérapie.
- IRA : remplissage, diurétique ; hémodialyse si besoin.
6-3- Traitement de la PE:+++
- Ablation d’une sonde vésicale, ou cathéter veineux.
- Enlever une lithiase.
- Soins locaux.
6-4-Traitement des localisations secondaires :
- Drainage d’une suppuration profonde, d’une pleurésie ou une arthrite.
- Remplacement prothèse valvulaire.
III- Méningites :

Les méningites purulentes réalisent une infection bactérienne du tissu méningé.


Ce sont des infections fréquentes et graves, responsables encore d’une mortalité
et morbidité élevée.
Le pronostic est lié à la nature du germe, à l’âge et au terrain et surtout à la
précocité du traitement, c’est dire qu’elles représentent une grande URGENCE
MEDICALE
1- Agents pathogènes :

Les méningites purulentes communautaires de l’adulte sont majoritairement


dues au méningocoque et pneumocoque.
2- Etude clinique :
Le diagnostic est évident devant l’association d’un syndrome méningé net et d’un
syndrome infectieux franc.
2-1- Syndrome méningé :
• signes fonctionnels : c’est le classique trépied méningitique
- céphalée intense, rachialgie, photophobie, sonophobie.
- vomissements fréquents, faciles, en jet.
• signes physiques : malade couché en chiens de fusil, raideur de la nuque,
signes de Kernig et de Brudzinski et hyperesthésie cutanée.
2-2- Syndrome infectieux :
La température est élevée à 40°C et le pouls est rapide.
3- Les examens complémentaires :
3-1- Ponction Lombaire : examen FONDAMENTAL ++, elle ramène un LCR
hypertendu, louche ou franchement purulent, imposant l’instauration du traitement
avant les résultats du laboratoire qui montrent :
* à la cytologie : un nombre élevé de PNN altérés.
* à la chimie : l’albumine est augmentée, le glucose est abaissé (< 50 % de la
glycémie), il est de bonne règle de faire une glycémie
* à la bactériologie : le germe peut être mis en évidence à l’examen direct et le plus
souvent après culture. L’attention doit être attirée sur la nécessité du transport rapide
du LCR au laboratoire ou bien de le garder à 37°C.
3-2- Hémocultures pratiquées avant tout antibiotique sont souvent positives.
4- Evolution : Elle ne sera envisagée que sous traitement
4-1- Eléments de surveillance :
* la courbe thermique, pouls, TA
* le syndrome méningé et l’état de conscience, examen neurologique
* La PL de contrôle, à 48 heures, n’est indiquée que si évolution défavorable.
4-2- Evolution favorable :
L’évolution est le plus souvent favorable sous traitement.
* la fièvre, les signes généraux et fonctionnels disparaissent en 2 - 5 jours
* la guérison sans séquelles survient en 1 - 2 semaines
4-3- complications : * Troubles de la conscience à type de coma
* Convulsions généralisées ou localisées
* Empyème sous-dural voire abcès intra-cérébral.
* Des séquelles peuvent persister : démence, épilepsie, surdité, déficit moteur,
céphalées.
* Décès
5- Formes graves :
5-1- Purpura fulminans :
Une forme particulière est le PURPURA FULMINANS, décrit avec le
méningocoque : Il réalise en quelques heures un tableau dramatique associant un
syndrome infectieux sévère imposant les hémocultures, un purpura extensif parfois
nécrotique et bulleux, un état de choc grave, une altération de l’état de conscience
alors que les signes méningés sont peu marqués. L’évolution est grave malgré un
traitement précoce et adapté.
5-2- Formes méningo-encéphalitiques :
Elles réalisent un tableau de coma fébrile d’apparition brutale et un syndrome
méningé discret. Le pronostic est grave. La TDM cérébrale doit être faite au moindre
doute.
6- Traitement :
6-1- Antibiothérapie :
Le traitement antibiotique doit être administré précocement après la ponction
lombaire, à doses élevées et par voie intraveineuse.
6-2- Traitement symptomatique :
- Repos au lit, isolement (chambre calme semi-obscure).
- Rééquilibration hydro-électrolytique.
- Antipyrétique + anticonvulsivants : Nourrisson.
- Traitement de l’œdème cérébral : corticoïde (++) ou Mannitol 20 %.
- Ventilation assistée dans les méningo-encéphalites
IV- Tétanos :
Le tétanos est une maladie grave, potentiellement mortelle. Maladie non
contagieuse, non immunisante, le tétanos est cependant une maladie évitable
grâce à une vaccination très efficace.
1- Bactériologie :
Clostridium tetani est un bacille anaérobie strict, sporulé, à Gram positif. Il est
ubiquitaire avec un réservoir tellurique. Ce qui explique la fréquence de la
maladie en milieu rural et chez des professions exposées. Il libère une exotoxine
neurotrope, diffusible, responsable des manifestations de la maladie.
2- Porte d’entrée :
Clostridium tetani pénètre dans l'organisme à la faveur d'une solution de
continuité.
Les portes d'entrée sont multiples :
- les plaies récentes sont les plus fréquentes.
- la circoncision artisanale.
- certaines pratiques encore courantes : percement d'oreilles, tatouage,
scarification.
- les plaies chroniques tout particulièrement les ulcères variqueux des jambes,
les ostéites chroniques, les gangrènes artérielles, mal perforant plantaire...
- les tétanos post-chirurgicaux (intervention sur le tube digestif, ré intervention
sur des foyers
ostéo-articulaires) sont devenus exceptionnels
- les avortements clandestins et les manœuvres obstétricales faites dans des
conditions d'asepsie douteuses.
- les injections faites dans de mauvaises conditions d'asepsie et de stérilisation
(injection IM)
- enfin le tétanos ombilical ou tétanos néonatal est dû à la section du cordon
ombilical par un instrument non stérilisé ou à sa ligature par du fil non propre.
3- Etude clinique :
3-1- Incubation :
Sa durée, en moyenne est de 10 à 15 jours, varie de moins de 24 heures à 3
semaines.
3-2- Premier symptôme :
Le premier symptôme est le plus souvent le trismus. Débutant par un gène à la
mastication. Il évolue vers une contracture permanente, bilatérale des masséters,
le plus souvent douloureuse, avec impossibilité d’ouvrir la bouche, de mâcher,
de parler.
La conscience est normale. Il n'y a pas de fièvre.

3-3- Invasion :
C’est la période séparant le premier symptôme de la généralisation des
contractures. Elle dure en moyenne 48 heures.
3-4- Phase d’état :
La phase d’état est caractérisée par trois types de symptômes.
• Contractures généralisées : elles sont permanentes, douloureuses,
invincibles, avec raideur rachidienne, membres supérieurs en flexion, inferieurs
en hyper extension.
La contracture s'étend au tronc et va intéresser :
* les muscles abdominaux : les grands droits réalisant le « ventre de bois »
* les muscles paravertébraux, soudant le rachis en hyperextension, tête rejetée
en arrière et impossible à fléchir c'est l'attitude en « OPISTHOTONOS »
• Spasmes reflexes : renforcements paroxystiques du tonus survenant
spontanément ou a l’occasion de stimuli souvent minimes (lumière, bruit, soin
médical). Ils sont douloureux.
• Troubles neurovégétatifs : Ils s’observent dans les formes graves. Ils se
traduisent par des poussées tensionnelles, des accès de tachycardie, des sueurs
profuses et de la fièvre. On peut également observer des épisodes de bradycardie
et d’hypotension.
Le diagnostic du tétanos est exclusivement clinique. Aucun examen
complémentaire ne permet de confirmer le diagnostic
4- Evolution :
4-1- Eléments de pronostic :
Les principaux facteurs pronostics sont :
- la durée d'incubation : plus cette durée est courte plus le tétanos est grave.
- la durée d'invasion ou délai de généralisation des contractures : plus ce délai
est court plus le tétanos risque d'être sévère. Un délai inférieur ou égal à 48
heures augure d'une forme grave.
- la fréquence et l'intensité des paroxysmes et la difficulté de les contrôler par le
traitement.
- les âges extrêmes et les tares éventuelles.
4-2- Evolution favorable :
Grâce aux méthodes de réanimation, elle se fait vers la guérison en 3-4
semaines.
4-3- Complications :
Le tétanos nécessite une réanimation prolongée qui expose le malade à des
complications infectieuses (infections urinaire, respiratoire,…) et
cardiovasculaires multiples et importantes (troubles du rythme cardiaque,
phlébite, arrêt cardiaque) ainsi que des séquelles.
Ces complications peuvent être évitées par un meilleur nursing et par la
limitation des gestes
Médicaux.
5- Traitement :
5-1- Traitement à visée étiologique :
• Une sérothérapie antitétanique par voie intramusculaire doit être pratiquée le
plus tôt possible. Les immunoglobulines spécifiques visent à neutraliser la
toxine encore circulante.
• Antibiothérapie : Elle a pour but de détruire les bacilles tétaniques persistants
au niveau de la porte d’entrée, arrêtant ainsi la production de toxine.
• Traitement de la porte d’entrée : Désinfection, nettoyage, parage de la plaie,
éventuellement débridement chirurgical sont toujours effectués après injection
d’immunoglobulines spécifiques, sous antibiothérapie et traitement sédatif.
• Vaccination : Le tétanos n’étant pas une maladie immunisante, il faut débuter
la vaccination par une injection d’anatoxine en un site différent de l’injection
d’immunoglobulines. On répète ultérieurement cette injection deux fois à un
mois d’intervalle.
5-2- Traitement à visée symptomatique :
• Sédatifs et myorelaxants / agents curarisants
• Mesures générales :
- Installer le malade au calme, en chambre individuelle, dans une pièce peu
éclairée.
- Les soins et manipulations doivent être limités, groupés, effectués
doucement.
- L’alimentation et les apports hydriques par voie orale seront interdits.
- Les apports hydro-electrolytiques et nutritionnels sont assurés initialement
par une voie veineuse puis, dés que la sédation est assurée, par une sonde
gastrique.
- Le régime doit être hyper-protidique et hypercalorique.
- L’hydratation doit être suffisante pour éviter les complications rénales.
5-3- Traitement préventif :
• Mesures d’hygiène : Asepsie lors de soins médicaux et d’accouchements.
• Vaccination : Elle est assurée par l’anatoxine tétanique.
- Le protocole vaccinal associe, chez l’enfant, trois injections intramusculaires
ou sous-cutanées à un mois d’intervalle avec rappel à 1 an, 5 ans, puis tous
les 10 ans sans limite d’âge.
- Chez l’adulte, on peut proposer un schéma simplifie avec deux doses à un
mois d’intervalle, rappel a 1 an puis tous les 10 ans.
- La vaccination des femmes enceintes permet d’éviter le tétanos néonatal
grâce aux anticorps antitétaniques transmis passivement de la mère à l’enfant.

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