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La maladie de Still de l’adulte est une maladie auto-inflammatoire polygénique dont l’étiologie demeure
inconnue. Le caractère auto-inflammatoire l’individualise des maladies auto-immunes à auto-anticorps.
Sur le plan clinique, elle se traduit par la classique triade associant fièvre hectique, éruption évanescente
et arthrite. Bien qu’elle soit bénigne dans la grande majorité des cas, des complications mettant en jeu
le pronostic vital peuvent survenir. Par définition, la maladie touche l’adulte âgé de plus de 16 ans,
néanmoins la plupart des experts s’accordent désormais sur le fait que la forme adulte et la forme
pédiatrique appartiennent à un continuum pathologique : la maladie de Still. En l’absence de biomarqueur
spécifique, le diagnostic repose encore à l’heure actuelle sur des critères clinicobiologiques, au terme de
l’exclusion des diagnostics différentiels. Les principales affections à éliminer sont les infections virales,
notamment herpétiques, et les hémopathies malignes. Sur le plan thérapeutique, un consensus se fait
jour pour un traitement précoce, notamment un recours aux biothérapies, en cas de réponse inadéquate
à la corticothérapie. Les biothérapies ciblant l’interleukine-1 et l’interleukine-6 occupent alors une place
de choix dans la stratégie thérapeutique.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Continuum enfant-adulte
La MSA et l’arthrite juvénile idiopathique de forme systémique
(sJIA) ont longtemps été considérées comme deux entités dis-
1
tinctes. Pourtant, les données récentes de physiopathologie et
l’actualisation des données épidémiologiques convergent plutôt temps
en faveur d’une seule et même maladie au sein d’un continuum
pathologique [12] . Leur individualisation devient ainsi tout à fait
théorique car uniquement fonction de l’âge de survenue. Le
2
Tableau 1 montre une comparaison des caractéristiques de la MSA
et de la sJIA [4] . La différence de sex-ratio observée initialement temps
n’est pas retenue dans les séries récentes. L’influence hormonale
sur la survenue et/ou le phénotype de la MSA n’a pas de substrat
dans la littérature. La différence d’incidence illustre, quant à elle,
une maladie du sujet jeune voire très jeune. L’odynophagie qui, 3
en pratique, a une bonne valeur d’orientation est plus rare chez
l’enfant. Néanmoins, son incidence chez l’adulte varie de 37 à temps
92 % selon les études et, chez l’enfant, elle pourrait être moins Figure 1. Formes évolutives de la maladie de Still de l’adulte. 1. Forme
fréquemment rapportée [13] . monocyclique ; 2. forme polycyclique ; 3. forme chronique.
Tableau 1.
Comparaison des caractéristiques de l’arthrite juvénile idiopathique systémique et de la maladie de Still de l’adulte.
Caractéristiques Arthrite juvénile idiopathique de forme systémique Maladie de Still de l’adulte
Association HLA (human leucocytes antigen) Bw35, DR2, DR4, DR5, Dw7 Bw35, DR2, DR4, Dw7
Sex-ratio 1/1 7F/3H (rhumatologie)
1/1 (médecine interne)
Incidence 1,6–2,3/100 000/an 0,16–0,4/100 000/an
Saisonnalité Franche Peu marquée
Fièvre > 39 ◦ C 99 % 94 %
Rash cutané 90 % 87 %
Arthralgie/arthrite 95 % 93 %
Odynophagie 15 % 37–92 %
Adénopathies/ splénomégalie 40–70 % 35–70 %
(Poly)sérite 20–50 % 20–40 %
Hyperleucocytose 90 % 90 %
Présence d’auto-anticorps 6% 6%
Syndrome d’activation macrophagique 7–10 % 12–17 %
Évolution monocyclique 40 % 30 %
Évolution polycyclique < 10 % 30 %
Évolution chronique > 50 % 40 %
Amylose Possible Possible
Effets de la grossesse joue un rôle plus limité. Plusieurs marqueurs reflétant cette acti-
vation ont été corrélés avec l’activité de la MSA : augmentation
D’une manière générale, la grossesse ne semble pas être une des niveaux du marqueur d’activation des neutrophiles, CD64, de
situation aggravante de la maladie [14] . Il convient de différencier CXCL-8 (chémokine mobilisant et activant les neutrophiles), du
deux situations : facteur stimulant les colonies de macrophages (M-CSF), des pro-
• la MSA débutant au cours d’une grossesse peut être responsable téines S100 ou encore du MIF (macrophage migration inhibitory
de complications obstétricales, notamment de prématurité ; la factor) [4] .
MSA ne semble pas avoir d’effet sur le développement du fœtus ; Toutefois, c’est la voie de l’IL-1 et des inflammasomes qui est,
• lorsque la MSA est connue avant la grossesse, le deuxième tri- à l’heure actuelle, soupçonnée d’être défaillante dans la MSA.
mestre et le post-partum semblent être des périodes propices Les inflammasomes sont des complexes multiprotéiques dont
aux poussées de la maladie. l’activation dépend de la reconnaissance de différents stimuli
Certains traitements (notamment la corticothérapie) sont auto- et résulte dans l’activation de la caspase-1, une caspase pro-
risés au cours de la grossesse, mais un suivi pluridisciplinaire est inflammatoire. Cette dernière va par la suite cliver, activer et
de rigueur. permettre la sécrétion de l’IL-1 et de l’IL-18.
Pascual et al. avaient présenté l’argument le plus frappant en
faveur d’une implication de la voie de l’IL-1, en montrant que
Physiopathologie les cellules mononucléées issues du sang périphérique de sujets
sains incubés avec du sérum de patients atteints de maladie de
À l’heure actuelle, la MSA est considérée comme une maladie Still sécrètent de grandes quantités d’IL-1 et expriment plus for-
auto-inflammatoire polygénique (ou complexe) [4] . Il n’existe pas tement les gènes de l’immunité innée [3] . Par la suite, d’autres
d’hypothèse étiologique univoque et, bien qu’elle soit de mieux travaux ont montré que les taux d’IL-1 et d’IL-18 étaient signi-
en mieux décryptée, sa physiopathologie demeure méconnue. ficativement plus élevés dans différents prélèvements issus de
La MSA s’apparente alors à une association syndromique résul- patients atteints de MSA [4] .
tant d’une hyperexcitabilité de l’immunité innée, possiblement Néanmoins, la meilleure preuve de l’implication de l’IL-1 dans
déclenchée par un ou plusieurs facteurs environnementaux non la physiopathologie de la MSA résulte de la constatation d’une
encore identifiés. Son évolution, imprévisible, semble dépendre efficacité exceptionnelle des traitements ciblant l’IL-1 [8, 9, 18–20] .
du profil (cytokinique) de la réponse immunitaire et de son carac- Cette efficacité a d’ailleurs permis récemment à certaines de ces
tère prolongé ou non. molécules d’obtenir une autorisation de mise sur le marché pour
l’indication MSA. De plus, la place de ces molécules dans le traite-
ment de la MSA a récemment été revue et celles-ci sont désormais
Facteurs génétiques et environnementaux initiées très précocement dans la prise en charge des malades.
Sur le plan génétique, diverses associations ont été rapportées
avec les antigènes du système HLA (human leucocytes antigen) :
HLA-Bw35, -B17, -B18 et -B35 ; HLA-DQ1, -DR2, -DR4, -DR5 et Hypothèse biphasique
-Drw7 [10] . Par ailleurs, des polymorphismes génétiques ont éga-
lement été évoqués dans la physiopathologie de la MSA : gènes Précédemment, Peter A. Nigrovic a proposé un modèle dans
codant pour l’IL-18, le macrophage migration inhibitory factor (MIF) lequel l’IL-1 joue un rôle précoce dans la physiopathologie de
et l’IL-6. Enfin, des maladies ayant un substrat génétique et un la MSA, favorise l’inflammation de manière indépendante de
phénotype auto-inflammatoire proche de la MSA ont également l’antigène par l’activation de l’endothélium, des leucocytes et
été décrites : forme mosaïque de cryopyrinopathie (NLRP3) et des cellules résidentes, et module également l’immunité des lym-
mutation germinale de LACC1 [15] . Toutefois, le phénotype des phocytes T induite par l’antigène en activant les lymphocytes T,
rares patients mutés sur le gène LACC1, codant la laccase-1, est inhibant l’efficacité des lymphocytes Treg et en favorisant direc-
hautement hétérogène. Finalement, toutes ces associations géné- tement la différenciation Th17 [20, 21] . Cette cascade pourrait ainsi
tiques n’ont été rapportées qu’exceptionnellement et/ou n’ont donner lieu à une polyarthrite auto-immune à médiation lym-
pas été confirmées dans des études ultérieures, laissant supposer phocytaire. Dans ce modèle biphasique, un blocage précoce et
que la maladie repose plus vraisemblablement sur une prédispo- efficace de l’IL-1 pourrait empêcher le développement du rhu-
sition polygénique. matisme inflammatoire chronique et modifier l’évolution à long
L’intense réaction inflammatoire initiale, les différents modes terme de la maladie.
évolutifs, la plus forte prévalence chez l’enfant, l’odynophagie
initiale et le caractère saisonnier ont fait suspecter une origine
infectieuse à la maladie de Still et de nombreux travaux ont
Deux phénotypes selon les cytokines
été menés afin d’identifier un agent étiologique microbiologique. majoritaires
Plusieurs virus (rubéole, rougeole, entérovirus, herpèsvirus dont
le cytomégalovirus [CMV] et l’Epstein-Barr virus [EBV], les virus Récemment, il a été proposé de dichotomiser la MSA en deux
influenzae et para-influenza, le parvovirus B19, l’adénovirus ou les sous-ensembles de phénotypes assez distincts [4] : les patients
virus des hépatites B et C) et bactéries (notamment intracellulaires présentant une forme systémique prédominante (mono- ou poly-
comme Yersinia, Brucella, Borrelia, Chlamydia et mycoplasme) ont cyclique) et ceux présentant une arthrite sévère (chronique).
été isolés chez des patients atteints de MSA mais leur imputabilité Ces phénotypes pourraient résulter du profil cytokinique pré-
étiologique n’a jamais pu être confirmée [4, 10] . dominant, qui rendrait compte d’évolutions cliniques et de
réponses thérapeutiques différentes. Le phénotype « systémique »,
associant fièvre, atteinte hépatique, hyperleucocytose et hyper-
Maladie auto-inflammatoire ferritinémie, serait associé à un profil cytokinique IL-1/IL-18
majoritaire, tandis que le phénotype « articulaire chronique »
Les maladies auto-inflammatoires se caractérisent par une acti-
serait associé à un profil cytokinique dominé par le tumor necro-
vation inappropriée des phagocytes et une sécrétion intense
sis factor (TNF)-␣ (l’IL-6 et l’IL-17). Ces données nécessitent
d’interleukines pro-inflammatoires comme l’IL-1 et l’IL-18 [16] . Par
cependant d’être validées dans des cohortes aux effectifs plus
ailleurs, on ne retrouve pas, dans ces maladies, d’auto-anticorps
importants.
spécifiques ou de lymphocytes T autoréactifs. Sur le plan clinique,
à l’instar de la MSA, ces maladies sont fréquemment caractéri-
sées par une fièvre récurrente et une inflammation systémique
associées avec des éruptions cutanées, des polysérites et des mani- Critères diagnostiques (Tableau 2)
festations articulaires inflammatoires [17] . Comme pour la MSA,
une réponse spectaculaire au blocage de l’IL-1 est caractéristique. L’absence de manifestations cliniques pathognomoniques, de
La MSA est caractérisée par une importante activation des neu- test diagnostique et de biomarqueur spécifique a conduit à pro-
trophiles et des macrophages, alors que l’immunité adaptative poser des critères de classification de la MSA. Les critères de Cush
et al., publiés en 1987, ne sont désormais plus utilisés. Les critères entrecoupés d’apyrexie. Cette fièvre est donc typiquement inter-
les plus consensuels au niveau international demeurent ceux pro- mittente mais peut être seulement rémittente voire totalement
posés par Yamaguchi et al. en 1992 [5] . Leur sensibilité est de 96,2 % désarticulée. L’aspect de la courbe thermique, aspécifique, est assez
et leur spécificité est de 92,1 % pour le diagnostic de MSA. En 2002, évocateur du diagnostic (Fig. 2). Cette fièvre, qui dure plusieurs
Fautrel et al. ont proposé des critères incluant le dosage de la fer- jours à plusieurs semaines, est souvent accompagnée d’une altéra-
ritine glycosylée et ne comportant pas de critères d’exclusion [6] . tion de l’état général avec amaigrissement parfois très important.
Les critères de Fautrel, très souvent utilisés en France, ont une L’enquête infectieuse est négative, et les antibiotiques sont ineffi-
sensibilité et une spécificité de 80,6 % et 98,5 %, respectivement. caces.
Une étude menée en 2018 a validé ces critères et retrouvé une
sensibilité et une spécificité de 87 % et 97,5 %, respectivement [22] .
Rash cutané
Présente chez 60 à 80 % des malades, l’éruption cutanée est
Diagnostic clinique très évocatrice de la MSA quand elle prend la forme classique
d’un érythème maculaire rose saumoné, non prurigineux, éva-
Fièvre nescent et contemporain des pics fébriles, localisé au tronc, à la
racine des membres et sur les zones d’appui (Fig. 3). Cependant,
La fièvre est dite « constante » au cours de la MSA. En réalité, la présentation peut être très variable et inclure des entités de type
selon les séries, elle est retrouvée chez 60 à 100 % des malades. dermographisme ou urticaire. Les signes cutanés sont volontiers
Ces variations sont vraisemblablement liées aux différents phé- majorés par une exposition à la chaleur.
notypes cliniques et au délai de recrutement des malades dans L’aspect histologique est aspécifique est montre généralement
les cohortes. La fièvre est une manifestation majeure des formes un œdème du derme superficiel et moyen et un infiltrat diffus
monocycliques et polycycliques débutantes. Dans les formes chro- du derme, polymorphe à prédominance neutrophilique linéaire
niques, elle est généralement présente au début de la maladie entre les fibres de collagène ou à prédominance périvasculaire.
avant de disparaître au fil du temps et des poussées.
Il s’agit d’une fièvre élevée à 39–40 ◦ C voire 42 ◦ C, généralement
vespérale, avec un à deux pics thermiques précédés de frissons et Manifestations articulaires
Soixante-dix à 100 % des malades présentent des arthralgies
Tableau 2. concernant principalement les grosses articulations (genoux, che-
Critères de classification de la maladie de Still de l’adulte. villes et poignets) et les interphalangiennes proximales, bien
Critères de Yamaguchi Critères de Fautrel que toutes les articulations puissent être touchées. Initialement,
les manifestations articulaires sont mobiles mais se fixent rapi-
Critères majeurs Critères majeurs dement, et donnent un tableau de polyarthrite bilatérale et
Fièvre ≥ 39◦ C depuis 1 semaine Pics fébriles ≥ 39 ◦ C
ou plus Arthralgies ou arthrites
Arthralgies depuis 2 semaines ou Érythème transitoire ou fugace
plus Pharyngite
Rash cutané typique Polynucléaires neutrophiles
Hyperleucocytose ≥ 10 000/mm3 ≥ 80 %
dont polynucléaires neutrophiles Ferritine glycosylée ≤ 20 %
≥ 80 %
Critères mineurs Critères mineurs
Pharyngite ou odynophagie Rash cutané typique
Lymphadénopathie ou Hyperleucocytose ≥ 10 000/mm3
splénomégalie
Perturbation du bilan hépatique
Absence d’anticorps
antinucléaires et de facteur
rhumatoïde
Critères d’exclusion Critères d’exclusion
Infection Aucun
Néoplasie
Maladie inflammatoire (autre)
Diagnostic positif : au moins Diagnostic positif : 4 critères Figure 3. Éruption cutanée observée au cours d’une maladie de Still de
5 critères dont 2 critères majeurs majeurs ou 3 critères majeurs et
l’adulte. Macules rosées siégeant à la racine du tronc (courtoisie Pr Jacques
et pas de critère d’exclusion 2 critères mineurs
Pouchot).
37
36
0 4 8 12 16 20 24 28 32 36 40 44 48 52 56 60 64 68 72 82
Jours
Myalgies
Les douleurs musculaires, prédominant dans les régions proxi-
males des membres et les régions lombaires et cervicales, touchent
45 % des malades. Elles peuvent être intenses et sont générale-
ment plus importantes au moment des pics fébriles. Les enzymes
musculaires, l’électromyogramme et la biopsie musculaire sont
généralement normaux. Un déficit musculaire est rare.
Symptômes digestifs
Des douleurs abdominales, généralement modérées, diffuses
et peu spécifiques sont présentes chez 30 % des malades.
Elles peuvent s’accompagner de nausées et vomissements.
D’exceptionnels tableaux d’abdomen pseudo-chirurgical, en rap-
port avec une péritonite sine materia, ont été rapportés. Une
hépatomégalie est présente chez un tiers des malades mais reste
Figure 4. Lésion radiographique évocatrice de la maladie de Still de généralement asymptomatique et n’est découverte que lors de la
l’adulte. Ankylose complète non érosive des deux carpes centrée autour pratique systématique d’examens d’imagerie.
du grand os (capitate) après six ans d’évolution (courtoisie Pr Jacques
Pouchot).
Manifestations pleuropulmonaires
Le plus souvent il s’agit d’une sérite s’exprimant par un épan-
symétrique séronégative. Les douleurs articulaires sont souvent chement pleural uni- ou bilatéral de faible abondance. L’analyse
plus marquées au moment des pics fébriles. Il s’agit le plus souvent du liquide pleural comme celle de la plèvre met en évidence une
de véritables arthrites avec synovite. L’atteinte des deux poignets, inflammation non spécifique. L’atteinte parenchymateuse pulmo-
sans atteinte des petites articulations, est fréquente avec possibi- naire est présente chez environ 5 % des malades. Dans la moitié
lité d’une carpite fusionnante et non érosive bilatérale évocatrice des cas, il s’agit d’une pneumonie interstitielle non spécifique,
du diagnostic de MSA (Fig. 4). Le liquide articulaire est inflamma- atteignant plus volontiers les lobes inférieurs, associée à un syn-
toire et la biopsie montre une synovite aiguë et non spécifique. drome restrictif. Dans l’autre moitié, il s’agit d’un syndrome de
Chez un tiers des malades, la polyarthrite peut se chroniciser et détresse respiratoire aiguë mettant en jeu le pronostic vital. Le
entraîner des destructions articulaires, notamment au niveau des traitement par corticoïde est généralement efficace pour traiter
hanches et des genoux. ces complications.
d’environ 65 % et possède même les vertus de test thérapeu- zumab a un effet suspensif moins prononcé et pourrait être plus
tique. L’inefficacité de la corticothérapie à induire une rémission intéressant que les anti-IL-1 dans le traitement des formes à pré-
clinique, au moins partielle, doit faire remettre en cause le diag- dominance articulaire. Il est administré par voie intraveineuse à
nostic. La voie orale est à privilégier, dans la limite de 1 mg/kg par la dose de 8 mg/kg par mois ou par voie sous-cutanée à la dose
jour d’équivalent prednisone. de 162 mg par semaine. La tolérance est bonne avec deux effets
Les assauts cortisoniques, par bolus de méthylprednisolone, secondaires invitant à la vigilance : l’augmentation du risque
sont parfois utiles. Dans ces cas, une dose de 15 mg/kg par jour, infectieux et un risque de perforation digestive paucisymptoma-
sans dépasser 1 g/j, peut être réalisée pendant 1 à 3 jours consé- tique.
cutifs. Un relais par voie orale est effectué à la dose de 1 mg/kg Dans la MSA, la cyclosporine A a montré une certaine effica-
par jour jusqu’à la résolution des symptômes et la normalisation cité mais est souvent mal tolérée. Elle est réservée aux cas de
des marqueurs inflammatoires. Ensuite, une décroissance progres- MSA réfractaires ou en cas de complications, notamment le SAM
sive et régulière est réalisée avec, selon la proposition d’un groupe résistant ou la CIVD.
d’experts français, l’objectif d’atteindre la dose de 0,1 mg/kg par
jour à six semaines et l’arrêt complet à trois mois.
Si les objectifs fixés par le groupe d’experts ne sont pas atteints, Traitements peu ou pas efficaces
le patient est considéré comme ayant une réponse inadéquate et
un traitement de fond doit rapidement être entrepris. L’aspirine est peu (voire pas) efficace dans le traitement de la
Le méthotrexate a longtemps été considéré comme l’immuno- MSA. Son utilisation à forte dose (3 à 4 g/j) n’a plus de réelle place
suppresseur de choix en cas de MSA réfractaire ou au titre de dans la stratégie thérapeutique. Bien qu’ils soient souvent effi-
l’épargne cortisonique [7, 11] . Son utilisation dans la MSA est cal- caces dans la forme pédiatrique de la maladie de Still, les AINS
quée sur celle de la polyarthrite rhumatoïde, soit 0,2 à 0,3 mg/kg ne sont pas un traitement de première intention approprié à la
par semaine. L’efficacité du méthotrexate est meilleure dans les MSA ; ils pourraient même présenter un danger potentiel du fait
formes avec atteinte articulaire prédominante ou chronique. Il du risque d’hépatite aiguë cytolytique. Leur utilisation doit donc
peut être associé aux biothérapies ciblant l’IL-1 et l’IL-6. être parcimonieuse et précautionneuse.
Les inhibiteurs de l’IL-1 ont démontré leur efficacité et leur sécu- Les anti-TNF-␣ permettent une épargne cortisonique et une
rité pour l’induction de la rémission (50 à 100 %) et l’épargne amélioration des symptômes articulaires et systémiques mais avec
cortisonique dans plusieurs études ouvertes [8, 9, 18–20] . Cette effica- une moindre efficacité, restreignant leur utilisation aux formes
cité est même souvent rapportée comme spectaculaire et pourrait articulaires chroniques où ils semblent plus efficaces [7, 11] .
avoir des vertus de test diagnostique. Plusieurs auteurs suggèrent
que, comme au cours de la polyarthrite rhumatoïde, il existe une
fenêtre d’opportunité thérapeutique et que le recours précoce
Traitements dont l’efficacité reste à définir
aux biothérapies ciblant l’IL-1 permet d’améliorer le pronostic Comme l’IL-1, l’IL-18 semble avoir un rôle essentiel dans la
global de la maladie, en évitant les complications aiguës (SAM, physiopathologie de la MSA. Le tadekinig alpha, ou IL-18-binding
CIVD), chroniques (destruction articulaires, amylose AA) et les protein, a fait l’objet d’un essai thérapeutique ouvert dans la MSA,
effets secondaires de la corticothérapie. avec des premiers résultats encourageants (50 % de rémission) [31] .
Deux molécules sont actuellement disponibles : l’antagoniste D’autres traitements immunomodulateurs/immunosuppress-
recombinant du récepteur de l’IL-1 (IL-1-Ra, anakinra), adminis- eurs ont été utilisés dans le traitement de la MSA. L’abatacept et
tré à la dose de 100 mg/j, et un anticorps monoclonal anti-IL-1 le rituximab ont donné un taux de rémission d’environ 33 %.
(canakinumab), administré à la dose de 150 mg par mois. L’hydroxychloroquine, le leflunomide, l’azathioprine ou encore
Le tocilizumab est un anticorps monoclonal humanisé qui la D-penicillamine ont été rapportés dans de très rares cas. Les
bloque les récepteurs de l’IL-6. Il a démontré son efficacité pour inhibiteurs des janus kinases (baracitinib), efficaces dans la poly-
le traitement de la MSA, tant dans l’obtention de la rémission arthrite rhumatoïde, auront possiblement une place dans l’arsenal
clinique (76 %) que pour l’épargne cortisonique [29, 30] . Le tocili- thérapeutique des formes articulaires chroniques de MSA.
Prednisone 1 mg/kg
« réponse inadéquate »
décroissance rapide
+
Biothérapie ciblant
Biothérapie ciblant I’IL-1 I’IL-1
ou I’IL-6
+/- méthotrexate REMISSION
CLINICOBIOLOGIQUE
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Pour en savoir plus
Efficacy and safety of tocilizumab in patients with systemic-onset Protocole national de diagnostic et de soins de la maladie de Still
juvenile idiopathic arthritis: a randomised, double-blind, placebo- de l’adulte et de la forme systémique de l’arthrite juvénile idio-
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Y. Jamilloux (yvan.jamilloux@chu-lyon.fr).
Service de médecine interne, Hôpital de la Croix Rousse, Groupement hospitalier Nord, Hospices civils de Lyon, Faculté de médecine et de maïeutique Lyon
Sud-Charles Mérieux, Université Claude-Bernard-Lyon 1, 103, Grande rue de la Croix-Rousse, 69004 Lyon, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Jamilloux Y. Maladie de Still de l’adulte. EMC - Traité de Médecine Akos 2019;14(3):1-10 [Article 5-0440].
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