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La douleur abdominale aiguë est un symptôme fréquemment retrouvé dans la population. Elle est
un motif fréquent de recours aux services d’urgence. L’enjeu est surtout dans la détermination rapide
de la gravité de la pathologie sous-jacente. En effet, certaines causes peuvent entraîner un décès rapide
du patient. La prise en charge diagnostique et parfois thérapeutique doit donc être rapide. Malgré
l’amélioration des examens d’imagerie, ceux-ci sont de plus en plus spécialisés et leur choix nécessite
que des questions précises soient posées. L’interrogatoire et l’examen clinique restent donc des étapes
primordiales à ne pas négliger. Lorsqu’un diagnostic urgent est évoqué, la place est, soit à l’intervention
chirurgicale d’emblée, soit le plus souvent à la réalisation d’examens d’imagerie. Dans ce domaine, la
place de la radiologie conventionnelle tend à reculer au profit de la tomodensitométrie avec injection
de produit de contraste qui permet de confirmer ou d’infirmer la plupart des diagnostics avec une
grande sensibilité et spécificité. La douleur abdominale aiguë aux âges extrêmes de la vie doit être
abordée de façon différente du fait de causes différentes et de difficultés particulières d’exploration à
cause de l’irradiation ou des variations de l’anatomie.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan
■ Introduction 1
■ Physiopathologie des douleurs abdominales 1
■ Examen et interrogatoire 2
■ Conduite à tenir 2
■ Contexte d’urgence 3
Douleurs d’origine digestive 3
Douleurs d’origine extradigestive 4
■ En dehors de l’urgence 5
Cause digestive 5
Cause extradigestive 6
■ Situations particulières 6
Chez l’enfant 6
Chez la femme enceinte 7
Chez le sujet âgé 7
■ Conclusion 8
pathologie. Aboutir à un diagnostic pré cis né cessite donc un
interrogatoire et un examen clinique bien dé taillé s.
■Introduction Ce symptô me est souvent inquié tant pour le patient, en
particulier lorsqu’il est aigu, venant le surprendre parfois
La douleur abdominale est un symptô me fréquemment brutalement et intensé ment. Elle le ramè ne au souvenir des
rencontré, que ce soit en consultation spécialisée ou en méde- maladies graves ré vé lé es par une douleur dans son entourage,
cine générale. Brommelaer et al. [1], interrogeant une population elle peut mettre un patient en bonne santé littéralement à
randomisée de 1 200 Français, retrouvaient une prévalence de genoux. La douleur abdominale peut rappeler les peurs ances-
13,8 % pour ce symptô me. Les patients consultant en urgence trales comme peuvent en té moigner les malades consultant aux
forment un groupe hétérogè ne avec, dans une étude récente [2], urgences poussé s par la nuit, comme on peut le voir dans
26 % de douleurs non spé cifiques, 12 % d’appendicites, 12 % l’é tude de Bjerkeset et al. [2] où 69 % des malades é taient admis
de pathologies biliaires, 6 % d’iléus et de colique né phrétique, la nuit ou le week-end.
5 % de diverticulites et au total 0,4 % de décè s. Inquiétante, la douleur abdominale l’est aussi pour le méde-
Son intensité est ressentie de façon plus ou moins importante cin devant la multiplicité des diagnostics à envisager, certains
suivant les patients et peut beaucoup varier pour une même pouvant être fatals en quelques heures. Ce symptô me est donc
Gastro-entérologie 1
gé nérateur de nombreux examens complémentaires avec
leurs conséquences physiques, psychologiques mais aussi
financières pour la collectivité. Nous aborderons dans ce
dossier le pro- blème des douleurs abdominales aiguës ; les
contextes trauma- tique et postopératoire immédiat, très
spé cifiques, ne seront pas abordés.
■Physiopathologie des
douleurs abdominales
Les douleurs abdominales peuvent ê tre lié es, comme ailleurs
dans l’organisme, à des causes nociceptives ou neurogè nes.
Les premiè res sont surtout gé né ré es par des
mé canoré cepteurs sensibles à la distension, que ce soit celle d’un
organe creux (intestin, voies biliaires) ou de la capsule d’un
organe plein (foie, rate). Des récepteurs peuvent aussi être
sensibles à d’autres stimuli et peuvent ré agir à l’inflammation ou
l’isché mie.
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Diagnostic des douleurs abdominales aiguës ■ 9-001-B-
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■En dehors de l’urgence avec signe de Murphy. On ne retrouve une dé fense ou une
grosse vé sicule que dans moins de 10 % des cas. Dans les deux
Cause digestive tiers des cas, des vomissements accompagnent cette douleur.
Une fiè vre peut ré vé ler une complication à type de cholécystite
Œsophage ou d’angiocholite. Biologiquement, une cytolyse pré dominant
Le reflux gastro-œsophagien, plus ou moins associé à une en alanine aminotransfé rases (ALAT) té moigne de la migration
œsophagite, se manifeste par des douleurs é pigastriques gé né ra- cholédocienne. L’examen morphologique de choix est l’é cho-
lement modé ré es à type de brû lure avec pyrosis. Le traitement graphie qui a une sensibilité de 95 % pour les lithiases vé sicu-
est mé dical sans bilan avant 50 ans, s’il n’y a pas de signe laires et de 30 % pour les lithiases cholé dociennes. Elle montre
d’alarme, et pré cé dé d’une endoscopie au-delà . é galement le caractère distendu de la vé sicule, les caractéristi-
ques de sa paroi (é paissies, dé doublées é voquant une cholé cys-
Estomac tite), la distension des voies biliaires intra- et extrahé patiques.
Le syndrome ulcé reux gastroduodé nal est une cause fré quente
de douleurs. Il faut noter l’absence de parallé lisme anatomocli- Côlon
nique. En effet il est courant de dé couvrir un volumineux ulcè re
devant une hé morragie inaugurale. À l’inverse, un syndrome Dans les infections intestinales aiguë s, la symptomatologie est
douloureux intense peut ne ré vé ler que de petites ulcérations, variable suivant le germe en cause. Les notions de contage,
voire une gastrite. La recherche des traitements pris par le d’autres malades dans l’entourage et de voyage ré cent sont
patient a ici toute son importance. Dans 64 % des cas, le importantes. Le délai d’incubation est variable. Les diarrhé es se
syndrome ulcé reux est typique avec faim douloureuse (38 %), manifestent selon un syndrome dysenté rique, gastroenté ritique
crampes é pigastriques (49 %), brû lures (31 %), douleurs ryth- ou cholérique plus ou moins associé es à des vomissements et
mé es (49 %) ou calmé es (50 %) par les repas [26]. La douleur des signes septiques ou de dé shydratation. L’abdomen reste
peut s’accompagner de nausé es, vomissements, troubles du souple. Les douleurs sont gé né ralement plus au second plan.
transit et se compliquer de signes d’hé morragie ou de perfora- Elles sont souvent à type de crampes, parfois intenses avec
tion. Le mê me type de douleur peut é galement ê tre ré vé lateur certains germes comme Escherichia coli enté rohémorragique.
d’une tumeur gastrique. L’endoscopie œsogastroduodénale est Elles peuvent ê tre soulagées par les selles. Des douleurs diffuses,
donc trè s importante devant un tel syndrome douloureux afin en cadre colique ou plus localisées associé es au syndrome
de faire un bilan lé sionnel exact. diarrhéique peuvent aussi ê tre le signe d’une poussé e aiguë de
maladie inflammatoire chronique de l’intestin. Dans ce cas,
Foie l’attention sera attiré e par la pré sence de signes extradigestifs et
Une douleur gé né ralement modé ré e de l’hypocondre droit la notion d’é pisodes diarrhéiques anté rieurs.
peut ê tre ré vé latrice d’une hé patite aiguë . Le diagnostic est • Un abcès se manifeste par des douleurs lancinantes
confirmé par la pré sence d’une cytolyse biologique et de localisées. Il peut être primitif (dans le foie), ou compliquer
l’absence de pathologie biliaire en é chographie. une autre pathologie infectieuse comme une appendicite.
Une douleur de l’hypocondre droit peut révéler la présence Lorsqu’il est secondaire, il est précédé des signes cliniques de
d’une tumeur primitive ou secondaire. L’aspect aigu que prend la maladie initiale. L’échographie ou la tomodensitométrie
parfois cette présentation peut s’expliquer par un saignement peuvent le localiser.
comme nous l’avons déjà vu, mais aussi par une né crose • L’appendicite est une des infections les plus fréquentes. La
tumorale. L’examen de choix est l’é chographie abdominale qui douleur se situe en fosse iliaque droite, au point de MacBur-
peut montrer des aspects é vocateurs é ventuellement associés à
ney, parfois après avoir dé buté au niveau é pigastrique. Il peut
la douleur au passage de la sonde (signe de Murphy
y avoir une dé fense. Au toucher rectal, une douleur laté ralisé e
échographique).
à droite est assez spécifique. Il peut exister des troubles du
Une notion de séjour en zone d’endémie amibienne doit faire
transit associé s et des signes gé né raux infectieux. Le patient
envisager une amibiase hépatique en cas d’hépatomégalie fébrile
et douloureuse (triade de Fontan). L’hypothèse diagnostique est peut avoir une attitude antalgique avec cuisse replié e. Selon
confirmée par la positivité du test sé rologique demandé en les particularités anatomiques, on distingue des variantes
urgence. cliniques. L’appendicite pelvienne peut simuler une affection
annexielle ou urinaire basse, on peut dans ce cas retrouver un
Pancréas signe de l’obturateur avec douleur à la rotation interne de la
cuisse droite. En sous-hé patique, elle peut simuler une
La pancré atite aiguë se manifeste classiquement par une
cholécystite, avec parfois mê me une vé ritable cholécystite de
douleur é pigastrique, d’apparition rapide, intense. L’irradiation est
posté rieure, la douleur est majoré e par l’alimentation (qui stimule contact. Si l’appendice est ré trocæcal, la douleur est plutô t
les sécrétions pancré atiques) et soulagée partiellement par posté rieure pouvant mimer une pyé loné phrite mais avec des
l’anté flexion. Le diagnostic est rapidement confirmé par une urines sté riles. Le signe du psoas peut ê tre associé à une
lipasé mie supérieure ou é gale à 3 N. Il faut noter le cas particulier douleur à l’hyperextension de la cuisse droite. Si l’histoire est
des poussé es aiguë s sur terrain de pancré atite chronique où la typique, l’imagerie est inutile. Sinon, la radiographie d’ASP
lipasé mie peut ê tre moins é levé e. Le bilan d’imagerie consiste en n’est plus recommandé e et deux examens peuvent ê tre utiles.
un scanner 48 heures après le dé but de la douleur (sauf critè res L’é chographie est opérateur-dé pendante mais non irradiante.
de gravité ) pour ne pas minimiser les lé sions. L’é chographie, Sa sensibilité est de 85 à 90 %, sa spécificité de 47 à 96 % [29].
limité e par l’ilé us, sera utile en la ré pétant, voire en la complé tant Sur cet examen, en cas d’inflammation, l’appendice mesure
d’une é choendoscopie, dans le bilan é tiologique en recherchant plus de 6 mm de diamè tre, est non compressible avec parfois
des lithiases vé siculaires [27]. Il s’agit d’une pathologie dont la un stercolithe visible et un abcè s. Il est important de bien
fréquence augmente dans les services d’urgence [28]. dé rouler l’appendice dans toute sa longueur avant de
conclure à un appendice normal. La tomodensitomé trie,
Voies biliaires irradiante et plus coû teuse, est aussi plus performante. Sa
La colique hépatique est une douleur de survenue brutale, sensibilité est de 93 à 98 % et sa spécificité de 95 à 99 % [29].
souvent d’emblée maximale, liée à une distension des voies Elle semble donc plus ê tre un examen de seconde intention.
biliaires ou de la vésicule. Son site est épigastrique ou dans • La sigmoïdite pré sente classiquement un tableau « d’appendi-
l’hypocondre droit. Son irradiation s’oriente vers l’omoplate et cite gauche ». L’â ge des patients est plus é levé et on retrouve
l’épaule droite. Il existe fréquemment une inhibition à l’inspi- parfois, dans les anté cé dents, la notion de diverticulose. Les
ration profonde. Elle dure de 15 minutes à plusieurs heures. À douleurs sont en fosse iliaque gauche. Le bilan se fait par
la palpation, on retrouve une douleur de l’hypocondre droit tomodensitomé trie et la rectosigmoïdoscopie est inutile [30].
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9-001-B-10 ■ Diagnostic des douleurs abdominales
Tableau 3.
Causes des douleurs abdominales aiguës en fonction de l’âge.
Adulte [2] Enfant (> 2 ans) [37] Âgé (> 65 ans) [38]
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Interrogatoire
Examen clinique
Analgésie
Critères de gravité
Oui Non
Oui Non
Hypothèse de pathologie létale à court terme ou patient instable
8 Gastro-
Diagnostic des douleurs abdominales aiguës ■ 9-001-B-
Gastro- 9
9-001-B-10 ■ Diagnostic des douleurs abdominales
M. Ferec.
Service d’hépato-gastro-entérologie, Hôpital d’Instruction des Armées Clermont Tonnerre, rue du Colonel-Fonferrier, 29240 Brest Armées, France.
Service d’hépato-gastro-entérologie, Centre hospitalier universitaire de Brest, boulevard Tanguy Prigent, 29200 Brest, France.
A.-S. Lipovac.
M. Richecœur.
J.-A. Bronstein (Ariel.bronstein@free.fr).
Service d’hépato-gastro-entérologie, Hôpital d’Instruction des Armées Clermont Tonnerre, rue du Colonel-Fonferrier, 29240 Brest Armées, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ferec M., Lipovac A.-S., Richecœur M., Bronstein J.-A. Diagnostic des douleurs abdominales aiguës. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Gastro-entérologie, 9-001-B-10, 2007.
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