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Maladies métaboliques :
quand y penser, comment raisonner ?
Metabolic diseases: when to think of them, how to reason?
● F. Sedel*
P O I N T S F O R T S SUMMARY
P O I N T S F O R T S SUMMARY
■ Les maladies métaboliques héréditaires sont dues à des Inborn metabolic diseases are rare diseases usually due to
mutations de gènes codant pour des enzymes. mutations in genes coding for enzymes. Although first clinical
■ Les modes de présentation sont variables, allant d’affec- signs often appear in childhood, mild clinical forms exist that
tions neurologiques chroniques peu évolutives à l’encéphalo- can begin during adolescence or adulthood. The clinical pre-
pathie aiguë, rapidement mortelle en l’absence de traitement sentation can be an acute encephalopathy which must be
adéquat. diagnosed and treated quickly or a chronic progressive disorder
■ De nombreuses maladies métaboliques sont accessibles characterized by the heterogeneity of involved organs. The aim
à des traitements spécifiques, d’où l’importance d’en faire of this review is to summarize main characteristics of adult forms
le diagnostic. of inborn metabolic diseases with a neurological expression. We
■ Devant tout coma inexpliqué, il convient de réaliser un also propose diagnostic orientations according to the radio-
bilan biologique à la recherche d’un trouble du métabolisme logical, electrophysiological and ophthalmologic signs.
intermédiaire, avec, en particulier, dosage de l’ammoniémie
et de l’homocystéinémie. Keywords: Inborn errors of metabolism – Coma – Adult onset –
■ Devant une présentation neurologique complexe, la Leukodystrophy.
démarche diagnostique doit être guidée par un bilan de
“débrouillage” incluant examen clinique neurologique
et général, IRM cérébrale, électromyogramme et examen
ophtalmologique. Les causes traitables doivent être recher- enzymatique est pathogène soit à cause de l’accumulation d’un
chées en priorité. substrat toxique en amont du bloc métabolique, soit à cause du
■ L’approche diagnostique doit être pluridisciplinaire et défaut de synthèse d’un composé indispensable en aval. Contrai-
s’appuyer sur un réseau de spécialistes. rement aux maladies génétiques diagnostiquées directement par
l’analyse moléculaire d’un gène, les maladies métaboliques héré-
Mots-clés : Maladies métaboliques héréditaires – Coma – ditaires sont diagnostiquées par des tests biochimiques spéci-
Adulte – Leucodystrophie. fiques qui cherchent à mettre en évidence l’accumulation ou le
défaut de synthèse d’un composé biochimique, ou bien à mesurer
l’activité d’une enzyme donnée. Ces maladies sont souvent acces-
sibles à des traitements tels qu’un régime spécial ou un médi-
es maladies métaboliques héréditaires sont des maladies cament visant à stimuler la voie métabolique perturbée ou une
Tableau I. Principales maladies métaboliques dont les signes neurologiques peuvent apparaître à l’âge adulte.
Troubles du métabolisme Principaux signes cliniques et radiologiques Principale(s) anomalie(s) biologique(s) Traitement Test de dépistage
intermédiaire
Déficit en ornithine Épisodes d’encéphalopathie (syndrome confusionnel, Hyperammoniémie. Régime pauvre en protéines, Ammoniémie.
transcarbamylase (lié à l’X) troubles psychiatriques, troubles digestifs, céphalées, coma). CAA : hyperglutaminémie, hypocitrullinémie. phénylbutyrate, benzoate
IRM : normale ou hypersignal cortical étendu CAO : augmentation de l’acide orotique urinaire. de sodium, arginine.
(insulaire et frontal). TDM : normale ou œdème cérébral
au cours des décompensations.
Phénylcétonurie Paraparésie spastique, démence, troubles visuels, Hyperphénylalaninémie, hypotyrosinémie. Régime pauvre en phénylalanine. Test de Guthrie
leucoencéphalopathie. (dépistage néonatal)
ou CAA.
Homocystinurie par déficit Retard mental, psychose, épilepsie, accidents Homocystéine > 100 M, hyperméthioninémie, Pyridoxine (vitamine B6) Homocystéine
en cystathionine bêta-synthase thromboemboliques, dystonie focale ou généralisée, activité cystathionine bêta-synthase effondrée. ± folates, bétaïne, vitamine B12. plasmatique totale.
syndrome marphanoïde, luxation des cristallins.
Homocystinurie par déficit Épisodes psychotiques récidivants, para- ou tétraparésie Hyperhomocystéinémie, hypométhioninémie Vitamine B12 per os, folates, Homocystéine.
en méthylène tétrahydrofolate spastique, épisodes d'encéphalopathie, accidents ischémiques ± acidurie méthylmalonique ± folates diminués. bétaïne.
réductase ou trouble cérébraux, rétinite pigmentaire (inconstante),
du métabolisme de la cobalamine polyneuropathie. IRM : leucoencéphalopathie (inconstante).
Hyperglycinémie sans cétose Ataxie cérébelleuse, paraparésie spastique, mouvements Hyperglycinémie, hyperglycinurie, rapport glycine Benzoate de sodium, CAA.
choréiques, atrophie optique, épilepsie, atteinte de la corne LCR/sang > 0,08. Diminution de l’activité dextro-méthorphane.
antérieure. Évolution chronique ou par crises déclenchées du complexe de clivage de la glycine (sang).
par des épisodes fébriles.
IRM : agénésie du corps calleux (inconstante).
Déficit en ornithine Rétrécissement concentrique du champ visuel (atrophie Hyperornithinémie : 5 à 20 fois la normale, Vitamine B6 : 300 à 600 mg/j CAA.
aminotransférase chorio-rétinienne progressive) ± faiblesse musculaire, activité ornithine amino-transférase effondrée. ± régime pauvre en arginine.
polyneuropathie, retard mental, troubles psychiatriques.
Acidurie glutarique de type I Céphalées, paralysie supranucléaire, crises d’épilepsie, Pic urinaire d’acide glutarique et d’acide Carnitine (Lévocarnyl®). CAO.
troubles cognitifs, leucoencéphalopathie. 3-hydroxyglutarique. Diminution de l’activité
Décompensation lors d’épisodes fébriles. glutaryl-CoA déshydrogénase.
Acidurie propionique Chorée, démence, retard mental, Pic urinaire d’acide propionique, de glycine, Régime pauvre en acides aminés CAO.
antécédents de vomissements/léthargie dans l'enfance. de 3-hydroxy-propionate et de propionylglycine. ramifiés (leucine, isoleucine, valine).
Acidurie 2-hydroxyglutarique Retard psychomoteur, syndrome frontal, syndrome Pic urinaire d’acide 2- hydroxyglutarique. Carnitine (Lévocarnyl®). CAO.
parkinsonien, syndrome cérébelleux. IRM :
leucoencéphalopathie à la jonction cortex-substance blanche.
Cytopathies mitochondriales Syndrome myogène, neuropathie sensitive, épilepsie, Signes d’orientation : élévation des lactates dans Pas de traitement efficace Lactates, pyruvate dans
syndrome cérébelleux, syndrome parkinsonien, dystonie, le sang et le LCR, avec rapport lactate/pyruvate > 20 ; démontré. On peut proposer sang et le LCR ± biopsie
céphalées, pseudo-AVC, syndrome pyramidal, cataracte, CAA : augmentation de l’alanine ; CAO : présence carnitine (Lévocarnyl®), musculaire si tableau
rétinite pigmentaire, troubles oculomoteurs, ptosis, vertiges, d’intermédiaires du cycle de Krebs ; coenzyme Q10 (ubiquinone), clinique évocateur
hypoacousie, diabète, troubles endocriniens. biopsie musculaire : fibres rouges déchiquetées, riboflavine. ou si lactates élevés.
Signes IRM possibles : nécrose ou calcifications des noyaux fibres COX négatives, diminution de l’activité
lenticulaires, hypersignal des faisceaux pyramidaux, des complexes de la chaîne respiratoire,
des noyaux rouges, de la substance blanche cérébelleuse, mutations de l’ADN mitochondrial ou nucléaire.
des noyaux dentelés, de la substance blanche sus-tentorielle.
Déficit en coenzyme Q10 – Forme musculaire : triade myoglobinurie récurrente, Diminution du coenzyme Q10 Coenzyme Q10. Dosage coenzyme Q10.
intolérance à l'exercice, atteinte du CNS. (dosage sur biopsie musculaire).
– Forme ataxique : ataxie cérébelleuse, polyneuropathie,
crises d'épilepsie, signes pyramidaux, retard mental.
Déficit en pyruvate déshydrogénase Ataxie épisodique, retard mental, crises d’épilepsie, Élévation des lactates et du pyruvate dans le sang Régime cétogène, dichloroacétate, Dosage lactates, pyruvate
(lié à l’X le plus souvent) polyneuropathie, atrophie optique, chorée, (postprandial) et le LCR, avec rapport vitamine B1 à jeun et en postprandial.
syndrome parkinsonien. IRM : nécrose des noyaux gris lactates/pyruvate < 20. Baisse de l’activité PDH
centraux, parfois normale. (leucocytes).
Déficit en long-chain Hypoglycémies, rhabdomyolyses à l'effort, rétinite Augmentation des acylcarnitines à longues chaînes. Éviter le jeûne prolongé. Profil des acylcarnitines
hydroxyacyl-CoA déhydrogenase pigmentaire, polyneuropathie. plasmatiques.
(LCHAD)
Déficit en medium-chain acyl-CoA Rhabdomyolyse aiguë lors du jeûne prolongé Augmentation des acylcarnitines à chaînes moyennes. Perfusion de soluté glucosé. Profil des acylcarnitines
dehydrogenase ou d’efforts inhabituels ; encéphalopathie aiguë, plasmatiques.
troubles du rythme cardiaque.
.../...
.../...
Déficit en ß-mannosidase Retard mental, troubles du comportement, tics, surdité, Excrétion urinaire anormale d’oligosaccharides, Non connu. Recherche
angiokératomes, infections ORL à répétition, déficit en ß-mannosidase. d’oligosaccharides
polyneuropathie démyélinisante. urinaires.
Sialidose Myoclonies, épilepsie, ataxie, macula rouge cerise. Excrétion urinaire anormale d’oligosaccharides Aucun. Recherche
(déficit en neuraminidase) sialylés, déficit en neuraminidase. d’oligosaccharides
urinaires.
Céroïde-lipofuscinose Démence, syndrome extrapyramidal, épilepsie, Dépôts de lipofuscine (aggrégats lipido-protéiques) Aucun. Biopsies de peau
(maladie de Kufs) syndrome cérébelleux. IRM : atrophie cérébrale diffuse. en forme d’empreintes digitales en microscopie et de rectum.
(parfois autosomique dominant) électronique.
Maladies péroxysomales
Adrénoleuco-dystrophie Adrénomyéloneuropathie (hommes) : paraparésie spastique, Augmentation des acides gras à très longue chaîne, Discuter un régime à base d’huile Dosage des acides gras
(liée à l’X) troubles sensitifs, polyneuropathie, insuffisance surrénale. mutations du gène de l’ALDP. de Lorenzo. à très longues chaînes.
IRM : normale ou hypersignaux touchant les faisceaux
pyramidaux et/ou la SB postérieure.
Adrénoleucodystrophie cérébrale (hommes) : troubles
psychiatriques, troubles visuels, déficit moteur, démence,
surdité.
Femmes hétérozygotes, dans 20 % des cas, paraparésie
spastique, troubles sphinctériens, troubles sensitifs
de début tardif. IRM le plus souvent normale.
Maladie de Refsum Rétinite pigmentaire, polyneuropathie, ataxie cérébelleuse, Augmentation de l’acide phytanique, acidité effondrée Régime pauvre en acide Dosage de l’acide
surdité, anosmie, ichtyose, hyperprotéinorachie. de la phytanoyl-CoA hydroxylase. phytanique, LDL aphérèses. phytanique.
Déficit en -méthylacyl- Rétinite pigmentaire, polyneuropathie, crises d'épilepsie, Augmentation acide pristanique et acides biliaires Régime pauvre en acide Dosage de l’acide
CoA racémase (AMACR) paraparésie spastique, atrophie optique, épisodes (DHCA et THCA). phytanique. pristanique.
d’encéphalopathie aiguë. IRM : normale ou hypersignal
thalamique, protubérantiel et des pédoncules cérébelleux.
Métabolisme du glycogène
Maladie à dépôts Atteinte progressive des premiers et seconds motoneurones, Biopsie de creux axillaire : mise en évidence Aucun. Biopsie de creux axillaire.
de polyglucosans troubles sensitifs, polyneuropathie, troubles vésicaux, de polyglucosans. Parfois, mutations de l’enzyme
démence, syndrome parkinsonien. branchante du glycogène.
IRM : leucoencéphalopathie diffuse, atrophie cérébrale,
cérébelleuse et du tronc cérébral.
Métabolisme du cuivre
Maladie de Wilson Syndrome parkinsonien, tremblement d’action, dystonie, Céruléoplasmine plasmatique et cuprémie basses, Zinc, D-pénicillamine, trientine. Dosage cuprurie,
troubles psychiatriques, dépôts cornéens, atteinte hépatique, cuprurie des 24 heures augmentée. cuprémie,
crises hémolytiques. IRM (T2) : hypersignal putamen, céruléo-plasmine.
thalami, protubérance, noyaux dentelés.
Métabolisme du fer
Hypocéruléoplasminémie Syndrome parkinsonien, mouvements choréiques, Céruléoplasmine plasmatique et cuprémie basses, Déféroxamine (Desféral®). Céruléo-plasmine.
dégénérescence rétinienne, démence, ataxie cérebelleuse, ferritinémie élevée, fer sérique bas,
diabète. IRM : hyposignaux des noyaux gris centraux. anémie microcytaire.
Troubles du métabolisme
des acides biliaires
Xanthomatose cérébrotendineuse Retard mental, syndrome pyramidal, ataxie cérébelleuse, Élévation du cholestanol plasmatique Acide chénodésoxy-cholique, Dosage du cholestanol.
démence, polyneuropathie, épilepsie, cataracte, xanthomes et des alcools biliaires. statines.
tendineux, diarrhée chronique.
IRM : hypersignaux des noyaux dentelés, de la substance
blanche périventriculaire, des pallidums.
Troubles du métabolisme
du cholestérol
Maladie de Tangier Mononeuropathie multiple à rechute ou neuropathie Cholestérol-HDL effondré, élévation des triglycérides, Régime pauvre en cholestérol. Dosage HDL-cholestérol.
touchant les petites fibres (syndrome diminution de l’ApoA1.
pseudo-syringomyélique), diplégie faciale, amygdales
oranges, splénomégalie ± hépatomégalie, dépôts orangés
cutanés et cornéens, cataracte.
Cas cliniques.
Une jeune femme de 20 ans, végétarienne, ayant comme antécédents des épisodes de céphalées, Une femme de 44 ans ayant comme antécédents une crise d’épilepsie à l’âge de 16 mois ainsi qu’un retard
parfois accompagnées de douleurs abdominales mental apparu à l’âge de 12 ans et ayant conduit à
et de nausées, va présenter, à la suite d’une rhi- une déscolarisation, présente depuis l’âge de 30 ans
nopharyngite traitée par corticoïdes, des troubles des troubles de la marche d’aggravation progressive,
du comportement (agressivité, désinhibition, agi- liés à l’existence d’un syndrome cérébelleux et pyra-
tation) conduisant à une hospitalisation en psy- midal. Un électromyogramme met en évidence une
chiatrie. Au troisième jour, le tableau clinique polyneuropathie démyélinisante. L’examen ophtal-
s’aggrave avec l’apparition d’un syndrome confu- mologique montre une cataracte bilatérale asymp-
sionnel évoluant vers un coma. Elle est hospita- tomatique. L’IRM (séquence FLAIR) met en évidence
lisée en réanimation, et un dosage de l’ammo- une leucoencéphalopathie périventriculaire associée
niémie permet de retrouver une concentration à un hypersignal des noyaux dentelés du cervelet
plasmatique de 700 µM (n < 50). Une hémodia- et de la substance blanche cérébelleuse. Le dosage
filtration est commencée, associée à un régime du cholestanol montre un taux plasmatique dix
sans protéines, une perfusion de lipides (intra- fois supérieur à la normale, confirmant le diagnostic
lipides) et de soluté glucosé (apports totaux de de xanthomatose cérébrotendineuse. Un traite-
2 500 Kcal/j visant à empêcher le catabolisme ment par acide chénodésoxycholique (Chenofalk®,
protéique générateur d’ammoniaque) ainsi qu’un 250 mg X3/jour) associé à une statine (Vasten®
traitement épurateur par benzoate de sodium, 20 mg/jour) est commencé. Notons que cette
phénylbutyrate de sodium et arginine i.v. L’évo- Figure. patiente ne présentait pas de xanthomes (présents
lution sera favorable sous traitement. Le dia- dans seulement 70 % des cas), et que la polyneuro-
gnostic de déficit en ornithine transcarbamylase sera confirmé (observation non publiée). pathie est habituellement décrite comme axonale au cours de cette maladie (observation non publiée).
A U T O - É V A L U A T I O N
A U T O - É V A L U A T I O N
I. Parmi les examens suivants, lesquels font partie du c. devant une paraparésie spastique de transmission autoso-
bilan à demander devant une suspicion d’encéphalo- mique dominante
pathie métabolique ? d. devant une affection neurologique associée à une rétinite
a. dosage de l’ammoniémie pigmentaire
b. dosage des acides gras à très longues chaînes III. Parmi les maladies suivantes, lesquelles vous parais-
c. dosage de l’homocystéinémie sent susceptibles d’être à l’origine d’une leucoencé-
d. dosage des lactates phalopathie diffuse périventriculaire chez une femme ?
II. Quand suspectez-vous une maladie métabolique a. déficit en arylsulfatase A
héréditaire ? b. adrénoleucodystrophie
a. devant un coma inexpliqué c. maladie de Refsum
b. devant un syndrome inflammatoire avec atteinte neurologique d. déficit en ornithine transcarbamylase
Résultats : 1 : a, b, d ; II : a, d ; III : a.