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Centre hospitalo-universitaire Beni Messous


Laboratoire central -adultes-
Unité de Biochimie

Le syndrome des connectivites mixtes


&
l’apparition des cancers

Réalisé par : Encadrement :


ABDERREZAG Soraya Dr. Ouabbou
BOUDRIS Bahia

HARROUZ Kaoutar

Session : 2023-2024
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Préambule

Lors de notre stage au niveau du laboratoire central de Beni Messous (Adultes) l’unité
de biochimie, nous avons rencontré le cas d’une patiente hospitalisée au niveau du service de
médecine interne avec un bilan hormonal perturbé.
Après un entretien avec son médecin traitant, il s’est avéré que la patiente en question
présente une connectivite mixte avec suspicion d’une tumeur neuroendocrine.
Cet article présente le cas clinique de cette patiente ainsi qu’une étude bibliographique sur
la relation entre les connectivites mixtes et les syndromes tumoraux.

Introduction
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Le syndrome des connectivites mixte (ou MCTD, pour Mixed Connective Tissue
Disease en anglais) est une maladie auto-immune rare qui présente des caractéristiques
cliniques et immunologiques de plusieurs autres maladies auto-immunes, notamment le lupus
érythémateux systémique, la sclérodermie, la polymyosite et la dermatomyosite , les
symptômes peuvent varier d'une personne à l'autre mais ils incluent généralement des
problèmes articulaires, des douleurs musculaires, des troubles cutanés, une inflammation des
petits vaisseaux sanguins, de la fièvre, de la fatigue et d'autres symptômes caractéristiques
des maladies auto-immunes cependant la cause exacte de cette maladie n'est pas entièrement
comprise, mais elle est associée à une réponse immunitaire anormale où le système
immunitaire attaque par erreur ses propres tissus.
Une tumeur neuroendocrine est une croissance anormale de cellules qui se
développent à partir des cellules neuroendocrines, qui ont à la fois des caractéristiques
nerveuses et endocrines, elles sont présentes dans de nombreux organes du corps (le tube
digestif, les poumons, le pancréas, les glandes thyroïde et parathyroïde, et d'autres tissus)
peuvent être bénignes (non cancéreuses) ou malignes (cancéreuses)souvent désignées sous le
terme de "carcinome neuroendocrine". Ces tumeurs sont caractérisées par leur capacité à
sécréter des hormones ou des substances chimiques qui peuvent avoir un impact sur le
fonctionnement de l'organisme. Les symptômes associés à une tumeur neuroendocrine
dépendent de la localisation de la tumeur et des hormones qu'elle produit.
Bien que les syndromes des connectivités mixtes et le cancer sont deux entités
médicales distinctes, mais il est important de noter que certaines maladies auto-immunes, y
compris les connectivités mixtes, peuvent augmenter le risque de cancer chez les patients
atteints. Cependant, ce lien n'est pas directement attribué aux connectivités mixtes en tant que
telle, mais plutôt à l'impact des processus auto-immuns rencontrés dans celles-ci.

Cas clinique

Une femme âgée de 54 ans était hospitalisée au niveau du service de médecine interne
pour l’exploration d’une connectivite mixte suite à la découverte d’une pneumopathie
interstitielle diffuse non spécifique. Cette patiente ne présentait aucun antécédent notable à
son admission.
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Le tableau clinique initial comprenait une dyspnée de stade 2, une toux sèche, une
faiblesse musculaire, myalgies, une polyarthralgie inflammatoire, une sclérodermie, une
myosite inflammatoire, syndrome de Reynaud et de GougerotSjögren ainsi qu’un
amaigrissement et une asthénie.
Les examens biologiques initiaux révélaient une anémie normocytaire normochrome,
une CRP à 44mg/l, une hypo albuminémie (26 g/l), une hypocholestérolémie (1.09 g/l) avec
HDL bas (0.22 /l) et un bilan hépatique perturbé : GGT (48 U/l), ASAT (51.4 U/l), LDH (378
U/l)
Un bilan immunologique positif pour les autos anticorps suivant : anticorps anti
nucléaires (AAN), SSA , SSB, JO-1, une élévation des taux de LDH et CPK, une faiblesse
musculaire symétrique et progressive et un âge supérieur à 40 ans correspond à un score de
8.8 points selon la classification EULAR 2017 des MII (maladies inflammatoires de
l’intestin) ce qui permet aux médecins de conclure que la patiente est atteinte d’une
myopathie inflammatoire (ou myosites) dites « de chevauchement » de type anti synthétases.
L’examen de Tomodensitométrie (TDM) révèle un syndrome interstitiel pulmonaire
bilatéral et deux lésions ostéo condensantes de l’arc postérieur de la 8 -ème cote gauche.
Suite à ces résultats un bilan hormonal est effectué conjointement à des investigations sur
l’origine de ce foyer métastasique, ce bilan révèle un taux de ferritine à 1455 ng/ml
(confirmant le caractère inflammatoire marqué des connectivites mixtes) et un marqueur
tumoral ( AC 15-3) à 172 U/ml.
La mammographie et l’examen du col de l’utérus ne révèlent aucune anomalie.
Les biopsies digestives réalisées révèlent une gastrite chronique modérée avec
métaplasie intestinale et hyperplasie micronodulaire des cellules entéro-chromaffines.
Les médecins concluent à une tumeur neuroendocrine, la recherche du siège primitif
est toujours en cours, celle-ci empêche l’instauration du traitement de fond du syndrome des
anti-synthétases (les immunosuppresseurs). La patiente reçoit depuis son admission un
traitement symptomatique qui comporte des corticoïdes, ceux-ci ont permis un allégement
des symptômes et une amélioration nette des manifestations du syndrome inflammatoire.

Discussion

L’auto-immunité et le cancer sont les deux faces d’une même médaille


l'augmentation du risque de tumeurs malignes dans certains cas de maladies auto-immunes
tels que le syndrome de Sjögren, est un facteur de risque important pour la santé publique.
Les mécanismes de régulation du système immunitaire peuvent contribuer à l'auto-immunité,
à la santé ou au développement du cancer. Une diminution des populations de cellules
régulatrices comme les Tregs, les Bregs, les macrophages M2 et les MDSC conduit à
l’apparition d’une maladie auto-immune. Cependant, une augmentation des mêmes sous-
ensembles de cellules est associée au développement et à la progression du cancer.
Les molécules effectrices impliquées dans l’induction de la tolérance immunitaire
sont régulées négativement dans l’auto-immunité mais surexprimées dans le cancer. Les
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molécules les plus importantes mentionnées dans le texte sont répertoriées. AIRE, régulateur
auto-immun ; CTLA-4, antigène 4 des lymphocytes T cytotoxiques ; PD-1, récepteur 1 de
mort cellulaire programmée ; PD-L1, ligand de mort cellulaire programmée 1 ; BTLA,
atténuateur de lymphocytes B et T ; TIM-3, immuno-récepteur des lymphocytes T avec
immunoglobuline et domaine ITIM ; TIGIT, immunoglobuline des lymphocytes T et
domaine ITIM ; TGF-bêta, facteur de croissance transformant bêta ; IL, interleukine; ARG-I,
arginase I; IDO, indoleamine-pyrrole 2,3-dioxygénase; PNT, peroxynitrite; LAG-3, gène 3
d'activation des lymphocytes
L'inflammation chronique et les lésions tissulaires induites par l'auto-immunité
peuvent produire des cytokines et des chimiokines qui stimulent le développement de
tumeurs malignes par le biais de multiples mécanismes, notamment les dommages à l'ADN,
l'inactivation des gènes suppresseurs de tumeurs, la stimulation de la croissance et de la
survie cellulaire, le déclenchement de l'angiogenèse et l'augmentation de l'invasion. Dans de
tels cas, l’inflammation, qui favorise le cancer, est induite et existe bien avant le
développement de la tumeur. Il a été démontré que plusieurs médiateurs inflammatoires, à
savoir le facteur de nécrose tumorale (TNF)-α, l'interleukine (IL)-6, le facteur de croissance
tumorale (TGF)-β et l'IL-10, participent à la fois à l'initiation et à la progression du cancer.
En ce qui concerne la sclérodermie, plusieurs auteurs ont montré une association entre
la présence d’anticorps anti-RNA polymérase III et la survenue d’un cancer, qui semble alors
être synchrone avec la sclérodermie. Les cancers les plus souvent rapportés sont les tumeurs
bronchiques et plus particulièrement l’adénocarcinome et le carcinome bronchiolo-alvéolaire.
Cependant, l’interprétation des études reste difficile, d’une part, car certains facteurs
environnementaux sont impliqués dans la genèse des deux pathologies comme c'est le cas de
la silice et d’autre part, en raison du lien entre pathologie pulmonaire interstitielle chronique
et cancer bronchique.
Lors d’une première étude rétrospective récente portant sur89 patients avec syndrome
des anti synthétases anti-Jo1 positifs une comparaison des données cliniques et paracliniques
était réalisée en fonction de la présence d’anticorps anti-Ro-52 (SSA). La présence
d’anticorpsanti-Ro-52 était associée à une atteinte respiratoire et articulaire plus sévère mais
surtout à une fréquence de cancers nettement supérieure (19 % versus 5,4 % ; p = 0,02) avec
diminution de la survie. Il s’agissait dans tous les cas de cancers diagnostiqués dans les ±
trois ans, cancers du côlon (50 %) et cancers gynécologiques (37,5 %). Cette étude ne
comparait pas les données à la population générale, et même si les fréquences de néoplasie
sont élevées, l’échantillon de patients est petit et ne permet pas de conclure à une incidence
supérieure à celle de la population générale
La même équipe a comparé les atteintes musculaires et articulaires ainsi que le risque
de néoplasie dans un groupe de 95 patients avec syndrome des anti synthétases en fonction
du type d’anticorps présents (anti-PL7/PL12 ou anti-Jo1). Les atteintes musculaires et
articulaires étaient plus sévères chez les patients avec anticorps anti-Jo1. Une augmentation
du risque de néoplasie était également notée chez les patients avec anticorps anti-Jo1 (13,3 %
versus 5 %) avec la même prédominance pour les cancers digestifs (50 % des cas) et
gynécologiques (40 %). En revanche, l’atteinte pulmonaire semblait plus fréquente et plus
sévère dans le groupe ayant des anticorpsanti-PL7/PL12 comparativement au groupe avec
anticorps anti-Jo1.
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Conclusion

En conclusion, étant donné le lien établi entre les connectivites mixtes et le cancer, il
devient impératif d'instaurer un dépistage systématique de celui-ci. Cette démarche proactive
contribuera à une détection précoce, ouvrant ainsi la voie à une prise en charge préventive et
ciblée. En agissant de la sorte, nous renforçons notre capacité à intervenir de manière
anticipée et à améliorer significativement les perspectives de traitement et de survie pour les
individus atteints de connectivités mixtes.
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Références bibliographiques

 Smedby KE, Hjalgrim H, Askling J, et al. Autoimmune and chronic inflammatory


disorders and risk of non-Hodgkin’s lymphoma by subtype. J Natl Cancer Inst.
2006;98:51–60.

 Zhang W, Feng S, Ya S, et al. Incidence of malignancy in primary Sjogren’s


syndrome in a Chinese cohort. Rheumatology (Oxford). 2010;49:571–577.

 SHARP G. C. : Mixed connective tissue disease. Bull. Rheum.

 AI.ARCON-SEGOVIA D., RUIZ-ARGUELt.ES A. : Suppressor cell loss and


dysfunction in mixed connective tissue disease. Arthrilis Rheunl., 1980, 23, 314-318.
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