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Néphrologie - Urologie

B 137

Syndromes néphrotiques
Physiopathologie, diagnostic, évolution, traitement de la néphrose lipoïdique
PR Bruno MOULIN, DR Marc BOUILLER, PR Thierry HANNEDOUCHE
Service de néphrologie, hôpitaux universitaires de Strasbourg, 67091 Strasbourg Cedex.

Points Forts à comprendre Physiopathologie


Protéinurie
• Un syndrome néphrotique pur traduit
un syndrome d’hyperperméabilité capillaire Le syndrome néphrotique est caractérisé par une protéi-
glomérulaire purement fonctionnel nurie importante liée à un trouble de la perméabilité
sans anomalie visible en microscopie optique. capillaire glomérulaire. Cette protéinurie contient essen-
Il répond en général au tableau de syndrome tiellement de l’albumine ou des protéines de poids
néphrotique à lésions glomérulaires minimes moléculaire supérieur à l’albumine. Elle est responsable
(néphrose lipoïdique). d’une perte d’albumine supérieure aux capacités de
• Le syndrome néphrotique impur traduit synthèse hépatique, provoquant ainsi une hypoalbumi-
une lésion morphologique analysable némie. Le syndrome néphrotique répond à une définition
en microscopie optique. strictement biologique et associe : une protéinurie
• Les principales complications du syndrome supérieure à 3 g/24 h, une hypoprotidémie inférieure à
néphrotique sont : les œdèmes, les anomalies 60 g/L, une hypoalbuminémie inférieure à 30 g/L.
lipidiques, le risque thrombo-embolique, les Il faut noter que dans la littérature anglo-saxonne, le
syndrome néphrotique est plus simplement défini par
complications infectieuses et les modifications
une protéinurie supérieure à 3,5 g/24 h/1m273.
de la cinétique des médicaments.
La symptomatologie clinique est dominée par le
• Le traitement du syndrome œdémateux
syndrome œdémateux.
fait appel au repos, au régime sans sel
L’aspect qualitatif de la protéinurie permet de distinguer
et aux diurétiques de l’anse.
2 types d’altérations de la membrane basale glomérulaire :
• Devant un syndrome néphrotique à lésions soit la protéinurie est constituée essentiellement d’albu-
glomérulaires minimes (néphrose lipoïdique) mine à l’électrophorèse des protéines urinaires et est
chez l’adulte, on doit rechercher une cause qualifiée, dans ce cas, de sélective. Il existe alors une
(médicaments, hémopathie…). altération biochimique du filtre glomérulaire avec
• Le traitement comporte l’administration de notamment une perte des charges anioniques de la mem-
corticostéroïdes (prednisone ou prednisolone) brane basale glomérulaire sans anomalie morphologique
à fortes doses (1 mg/kg/j) pendant une durée observée en microscopie optique ; soit la protéinurie est
de 4 à 12 semaines. dite non sélective et il existe alors, en plus de l’albumine,
• L’évolution se fait vers la rémission complète des protéines de haut poids moléculaire. Des lésions du
dans 80% des cas en 4 à 8 semaines. filtre glomérulaire sont le plus souvent observées en
• L’utilisation de cytostatiques ou de ciclosporine microscopie optique (voir : Pour approfondir 1).
est envisagée en cas de corticorésistance En pratique, la protéinurie est qualifiée de sélective si elle
ou de corticodépendance. contient plus de 85 % d’albumine ou si le rapport clairance
• Dans tous les cas, un avis spécialisé néphro- des IgG/clairance de la transferrine est inférieur à 0,1.
logique est indispensable pour définir
la conduite du traitement et de la surveillance.
Complications observées au cours
du syndrome néphrotique (fig. 1)
1. Œdèmes
• Ils sont mous, blancs et « prennent le godet ». Ils
Le syndrome néphrotique traduit une anomalie prédominent dans les territoires déclives (chevilles,
fonctionnelle ou organique du filtre glomérulaire qui jambes en position debout, lombes chez un sujet en
reconnaît un certain nombre d’aspects histologiques décubitus dorsal) ou les régions où la pression extra-
et étiologiques différents. La néphrose lipoïdique (ou vasculaire est faible (orbite de l’œil).
syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes) • Un épanchement des séreuses (plèvre, péricarde,
ne représente que 15 à 20 % des syndromes néphro- péritoine) peut être observé réalisant un tableau d’ana-
tiques de l’adulte mais est souvent prise comme modèle sarque. L’œdème pulmonaire est exceptionnel en l’ab-
de description de ces affections glomérulaires. sence d’insuffisance cardiaque.

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SYNDROMES NÉPHROTIQUES

perméabilité glomérulaire

Augmentation de la filtration des protéines plasmatiques

Modifications des facteurs de la coagulation du taux d’Ig

Thrombo-embolie des infections

Pertes urinaires de protéines porteuses,


vitamines, hormones

Albuminurie

de la réabsorption tubulaire des protéines Malnutrition

Lésions tubulaires

Dysfonction tubulaire

Hypoalbuminémie

Œdèmes de la synthèse des apolipoprotéines

Hyperlipoprotéinémie

de la liaison des médicaments aux protéines

1 Mécanismes physiopathologiques des complications du syndrome néphrotique.

• Les œdèmes sont liés à une diminution de la pression 3. Anomalies de la coagulation


oncotique des protéines intravasculaires qui permet la • Les pertes urinaires de certains facteurs de coagu-
fuite de sel et d’eau vers le liquide interstitiel. lation sont largement compensées par une augmentation
• Cette fuite d’eau et de sel plasmatiques est respon- de la synthèse hépatique des protéines de la coagulation.
sable d’une hypovolémie efficace qui stimule les sys- La fuite urinaire d’un anticoagulant naturel, l’anti-
tèmes participant à la rétention hydrosodée comme le thrombine III est constante.
système rénine-angiotensine-aldostérone et le système • Il existe donc une situation d’hypercoagulabilité
sympathique (voir : Pour approfondir 2). responsable d’une augmentation de la fréquence des
thromboses vasculaires veineuses périphériques chez
2. Hyperlipidémie les patients néphrotiques avec un risque d’embolie
• Elle est de type mixte le plus souvent, l’hypercholes- pulmonaire.
térolémie peut être très importante (> 10 mmol/L). Elle • Une thrombose des veines rénales peut être observée
est liée à une augmentation de la production des lipo- chez les patients ayant un syndrome néphrotique intense
protéines au niveau du foie (VLDL [very low density (albuminémie < 20 g/L), avec un risque élevé d’embolie
lipoprotein] et LDL [low density lipoprotein]) et à une pulmonaire. Cette thrombose est parfois révélée par une
diminution de leur catabolisme. hématurie macroscopique et une douleur de la fosse lom-
• Elle est directement corrélée à l’importance de la baire. Elle est le plus souvent asymptomatique et son dia-
protéinurie et plus précisément à l’augmentation de la gnostic est évoqué devant une détérioration de la fonction
clairance de l’albumine. rénale et une aggravation du syndrome néphrotique.

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4. Réponse immunitaire et risque infectieux • L’examen clinique doit être minutieux, à la recherche
Elle est diminuée au cours du syndrome néphrotique. de signes « extrarénaux » : angine, purpura, arthralgies,
Les taux d’immunoglobulines G et A sont diminués et lésions cutanées, polysérite…
l’immunité cellulaire est modifiée. Conséquence directe • Le caractère pur ou impur du syndrome néphrotique
de la diminution du taux d’IgG chez les patients néphro- doit être établi.
tiques, le risque d’infection par les bactéries encapsulées Le syndrome néphrotique est qualifié de pur s’il n’est
(pneumocoque, Hæmophilus, Klebsiella) est particuliè- accompagné, ni d’hématurie microscopique, ni d’hyper-
rement augmenté. tension artérielle, ni d’insuffisance rénale organique et si
la protéinurie est sélective.
5. Augmentation de la fraction libre Il est qualifié d’impur s’il est associé à un ou plusieurs
plasmatique des médicaments liés à l’albumine des signes précédents.
• La baisse de l’albumine sérique est directement Un syndrome néphrotique pur traduit un syndrome
responsable de l’augmentation de la fraction libre des d’hyperperméabilité capillaire glomérulaire purement
médicaments (notamment des antivitamines K, des anti- fonctionnel sans anomalie visible en microscopie
inflammatoires non stéroïdiens…). Le risque de surdo- optique.
sage et d’effet toxique est augmenté. Le syndrome néphrotique impur traduit une lésion
• Un certain nombre d’anomalies métaboliques sont morphologique analysable en microscopie optique.
observées chez les patients néphrotiques au long cours. La présence d’un sédiment urinaire dit « actif », héma-
Elles sont liées à la baisse de métaux éléments (fer, turie et (ou) leucocyturie, peut traduire un processus pro-
cuivre, zinc), de protéines porteuses (céruloplasmine, lifératif, inflammatoire au sein du glomérule.
transferrine). La malnutrition protidique est fréquemment
observée au cours des syndromes néphrotiques chroniques. Examens biologiques
1. Dans les urines
Diagnostic • La protéinurie, détectée par l’usage de bandelettes
(albustix, multistix) au lit du malade, est confirmée au
Il est en général aisé chez l’adulte et doit être évoqué laboratoire. La protéinurie est permanente et abondante
dans 2 circonstances principales : l’installation explosive (>3 g/24 h).
ou progressive d’un syndrome œdémateux et la décou- • L’électrophorèse des protéines urinaires permet
verte d’une protéinurie abondante lors d’un examen d’apprécier la sélectivité. Une protéinurie est dite
systématique (service militaire, médecine du travail, sélective si elle est constituée à plus de 85 % d’albumine.
médecine scolaire). • L’analyse du sédiment urinaire permet de rechercher
l’association à une hématurie et (ou) une leucocyturie
Tableau clinique microscopique (> 10 H et/ou L/mm3).
• L’examen du culot urinaire recherche des cylindres
• L’interrogatoire doit préciser les modalités d’installation hématiques, évocateurs de l’origine glomérulaire de
et l’ancienneté des œdèmes (quelques jours ou plusieurs l’hématurie ; une infection urinaire confirmée par une
semaines), rechercher un ou des facteur(s) déclen- uroculture.
chant(s) ou la prise de certains médicaments (vaccina- • L’ionogramme urinaire montre une diminution de la
tion, piqûres d’insecte, syndrome infectieux récent, natriurèse (< 20 mEq/24 h), associée à une kaliurèse
prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens). adaptée aux apports, témoignant d’un hyperaldostéro-
• Les œdèmes sont dits superficiels « rénaux », blancs, nisme secondaire.
mous, indolores, prenant le godet, déclives, siégeant le
matin dans les paupières, sur le dos des mains et aux 2. Dans le sang
lombes et le soir aux membres inférieurs. • Il existe une hypoprotidémie à 60 g/L, associée à une
• Des épanchements des séreuses de type transsudatif hypoalbuminémie inférieure à 30 g/L.
peuvent s’associer. • L’analyse de l’électrophorèse des protéines montre
• La prise de poids est constante et permet de chiffrer une modification de la répartition des globulines avec
l’importance de la rétention hydrosodée. une élévation des alpha-2-bêtaglobulines et du fibrino-
• En cas d’installation aiguë, le syndrome œdémateux gène ; une diminution des gammaglobulines.
peut être associé à une oligurie. • L’hyperlipidémie est fréquente avec une élévation des
• L’absence de syndrome œdémateux ne permet pas de taux de cholestérol et de triglycérides.
récuser le diagnostic de syndrome néphrotique, surtout • L’hypoprotidémie est associée à une augmentation de
chez les patients suivant un régime sans sel et (ou) traités la vitesse de sédimentation, une hypocalcémie (par
par diurétiques au préalable. diminution de la fraction liée du calcium aux protéines).
• La pression artérielle est variable et dépend en général • Les concentrations d’urée et de créatinine plasma-
du type de néphropathie glomérulaire responsable du tiques varient en fonction de l’étiologie du syndrome
syndrome néphrotique et de l’association éventuelle à néphrotique et de l’association à une insuffisance rénale
une insuffisance rénale organique. organique ou fonctionnelle.

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SYNDROMES NÉPHROTIQUES

Diagnostic différentiel non contrôlée, des troubles de la coagulation, la présence


d’un rein unique fonctionnel, des conditions anato-
On évoque une fausse protéinurie à la bandelette réactive miques particulières (splénomégalie, hépatomégalie,
(bandelettes trop anciennes, urines alcalines), une pro- rein en fer à cheval).
téinurie intermittente ou orthostatique. • La distinction entre le caractère primitif ou secon-
Surtout, seront discutées les autres causes d’œdèmes daire du syndrome néphrotique a toutefois ses limites
généralisés (cirrhose, insuffisance cardiaque, péricardite car la négativité de l’enquête étiologique dépend de son
constrictive) qui peuvent également s’accompagner exhaustivité, le caractère idiopathique ou primitif d’une
d’une protéinurie ; ou d’hypoprotidémie (malabsorp- glomérulopathie est directement lié à la limite des
tion, dénutrition...). connaissances médicales et scientifiques, une néphro-
pathie glomérulaire, considérée comme primitive sur
Diagnostic étiologique son aspect, peut en fait précéder le diagnostic d’une
maladie générale, d’un cancer ou d’une infection.
De façon schématique, on distingue les syndromes
néphrotiques primitifs et secondaires.
1. Syndrome néphrotique primitif Néphropathies glomérulaires
ou idiopathique dites primitives
Ce diagnostic est posé si l’enquête étiologique s’avère Le syndrome néphrotique est révélateur de la plupart
négative, en pratique, en l’absence de signes extra- des glomérulopathies primitives. Devant un syndrome
rénaux. Les néphropathies glomérulaires primitives sont néphrotique intense chez l’adulte, d’apparition brutale,
alors définies selon leur type histologique. ne comportant initialement ni hypertension, ni insuffi-
sance rénale, ni hématurie, 4 diagnostics peuvent être
2. Syndrome néphrotique secondaire évoqués : un syndrome néphrotique à lésions glomé-
Ce diagnostic est établi si la néphropathie glomérulaire rulaires minimes (15 à 20 % des cas), une hyalinose seg-
s’intègre dans le cadre d’une maladie générale ou si une mentaire et focale (15 à 20 %), une glomérulonéphrite
cause précise (infectieuse, toxique, tumorale) est mise extramembraneuse (40 % des cas).
en évidence.
Les causes d’un syndrome néphrotique secondaire sont
nombreuses : Glomérulonéphrite à lésions glomérulaires
– maladie générale tel le diabète ; minimes (néphrose lipoïdique)
– maladie systémique comme le lupus, la vascularite
nécrosante, le purpura rhumatoïde, l’amylose AL au 1. Clinique et histologie
cours d’un myélome ou AA secondaire à des maladies Elles représentent 75 % des syndromes néphrotiques de
inflammatoires chroniques ; l’enfant et seulement 15 à 20 % des syndromes néphro-
– infections telles que la glomérulonéphrite aiguë tiques de l’adulte. Le début est volontiers brutal. Le
post-infectieuse (streptocoque, pneumocoque), la glomé- syndrome œdémateux est en général franc et le syndrome
rulopathie secondaire à une infection d’un shunt atrio- néphrotique est pur.
ventriculaire, à une infection par le virus de l’hépatite À l’examen histologique, il n’existe aucune lésion en
B ou de l’hépatite C, le paludisme, la syphilis ; microscopie optique et aucun dépôt en immunofluo-
– cancer avec tumeur solide, hémopathie, gammapathie rescence. L’étude en microscopie électronique, si elle
monoclonale, cryoglobulinémie ; est réalisée, révèle une fusion des pieds des podocytes
– médicaments comme les sels d’or, la D-pénicillamine, (pédicelles).
les anti-inflammatoires non stéroïdiens ; Cette affection glomérulaire est dénommée chez l’adulte
– autres causes telles qu’une transplantation rénale ou « syndrome néphrotique à lésions glomérulaires
une prééclampsie. minimes » et correspond à l’ancienne dénomination de
• L’enquête étiologique doit donc être dictée par « néphrose lipoïdique ».
l’orientation donnée par les antécédents, l’anamnèse et
l’examen clinique. Un certain nombre d’examens bio- 2. Évolution et traitement
logiques de débrouillage peuvent être demandés en La rémission spontanée peut être observée dans 20 à 40 %
fonction de l’orientation : étude du complément et de ses des cas. Toutefois, le traitement est indiqué au moment
composants, anticorps anti-nucléaires, recherche d’une du diagnostic afin d’assurer les meilleures chances de
protéine monoclonale dans le sang et dans les urines, mise en rémission rapide et d’éviter les complications
sérologies des hépatites B et C ainsi que du virus de liées au syndrome néphrotique. Il fait appel à la cortico-
l’immunodéficience humaine. thérapie (1 mg/kg/j chez l’adulte, 2 mg/kg/j chez
• L’examen de référence reste la biopsie rénale qui est l’enfant). Cette posologie élevée est poursuivie pendant
de pratique systématique chez l’adulte après ou au cours 4 à 16 semaines en fonction de la réponse et diminuée de
d’un repérage échographique. Les contre-indications de façon très progressive sur une période de 6 mois. Un
cet examen sont liées à une hypertension artérielle sévère traitement anticoagulant est institué dans certains cas

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à risque de thrombose (hypoalbuminémie sévère, Hyalinose segmentaire et focale


antécédents de thrombose). La hyalinose segmentaire et focale représente 10 à 15 %
• Les éléments de surveillance comportent la mesure des syndromes néphrotiques de l’enfant et 15 à 20 % des
de la pression artérielle et la recherche des effets secon- syndromes néphrotiques de l’adulte notamment chez
daires liés à la corticothérapie (prise de poids, faciès l’homme.
cushingoïde, acné, hypertension, hypokaliémie…) qui
sont indispensables ; les dosages de la créatininémie, de la 1. Clinique
protéinurie des 24 h, de l’albuminémie et de la kaliémie La protéinurie est massive, non sélective, le syndrome
doivent être pratiqués régulièrement tous les 15 j au néphrotique peut être absent. Il peut dans certains cas
début du traitement. Après mise en rémission, la simple être associé à une hématurie microscopique, une hyper-
utilisation de bandelettes urinaires peut être suffisante tension artérielle, voire une insuffisance rénale.
pour détecter une rechute.
• La rémission est définie par la disparition de la 2. Histologie
protéinurie. La correction de l’hypoalbuminémie est • En microscopie optique, il existe des dépôts hyalins
observée parallèlement. et de sclérose focale (sur certains glomérules) et segmen-
• La corticorésistance est définie par l’absence de taire (seulement une partie du glomérule est touchée) pré-
réponse sur la protéinurie (> 3 g/j) après 3 à 4 mois de dominant au début sur les glomérules du cortex profond.
traitement par corticoïdes à fortes doses. • En immunofluorescence, on note la présence de
• La corticodépendance correspond chez un malade dépôts d’IgM et de C3 mésangiaux.
corticosensible à la nécessité de maintenir une cortico- • La microscopie électronique montre des lésions
thérapie à posologie plus ou moins élevée pour éviter comparables au syndrome néphrotique à lésions glomé-
les rechutes. rulaires minimes.
La rémission survient dans 90 % des cas chez l’enfant
3. Évolution
dans les 4 premières semaines et chez 80 % des adultes
en 4 à 8 semaines. L’évolution est péjorative avec survenue d’une insuf-
• La guérison n’est obtenue que dans 30 % des cas fisance rénale chronique progressive chez 25 % des
chez l’adulte car des rechutes sont possibles avec pos- enfants et 70 % des adultes ; l’évolution vers l’insuffi-
sibilité de guérison après 2 à 3 poussées. Les rechutes sance rénale terminale se fait en 5 à 20 ans. La présence
peuvent être fréquentes, voire corticodépendantes dans d’un syndrome néphrotique constitue un élément de
40 % des cas. mauvais pronostic.
Dans 10 % des cas, il existe une corticorésistance. Le risque de récidive de la maladie sur le transplant
rénal est élevé (environ 40 %).
3. Autres traitements de la néphrose lipoïdique
4. Diagnostic étiologique
Ils sont proposés en cas de corticorésistance ou de cortico-
dépendance. Cette néphropathie peut être secondaire à un sida, une
• Le cyclophosphamide (Endoxan) peut être utilisé hémopathie ou un traitement chronique par le lithium.
pendant une période de 2 à 6 mois à une posologie de
1,5 à 2 mg/kg. Outre ses effets immunosuppresseurs, il Glomérulonéphrite extramembraneuse
présente l’inconvénient d’une gonadotoxicité, notam-
ment chez la femme. La glomérulonéphrite extramembraneuse est la forme
• La ciclosporine A (Néoral) est utilisée en cas de la plus fréquente de glomérulopathie responsable de
corticodépendance afin d’obtenir un effet d’épargne en syndrome néphrotique chez l’adulte. Elle est observée
stéroïdes. Les patients deviennent souvent dépendants dans moins de 5 % des cas chez l’enfant et dans 25 à
de la ciclosporine. Le principal effet secondaire de la 40 % des syndromes néphrotiques de l’adulte. Sa fré-
ciclosporine est lié à sa néphrotoxicité (surveillance de quence augmente avec l’âge.
la créatininémie indispensable).
Il existe des formes histologiques proches du syndrome 1. Clinique
néphrotique à lésions glomérulaires minimes : la forme Il s’agit le plus souvent d’un syndrome néphrotique avec
associée à une prolifération mésangiale, la forme avec protéinurie non sélective.
dépôts mésangiaux d’IgM et de complément, la forme Il peut s’associer à une hématurie microscopique. Au
avec dépôts mésangiaux de la fraction C1q du complément. début, la pression artérielle et la fonction rénale sont le
plus souvent encore normales.
4. Diagnostic étiologique
Chez l’adulte, un syndrome néphrotique à lésions 2. Histologie
glomérulaires minimes, avant d’être qualifié de primitif, • En microscopie optique (fig. 2), on note des parois
doit faire évoquer soit la prise d’un toxique (anti- des capillaires glomérulaires épaissies sans prolifération
inflammatoires non stéroïdiens, lithium), soit une hémo- cellulaire. Les colorations à l’argent permettent de
pathie (en particulier une maladie de Hodgkin). souligner la membrane basale glomérulaire et mettent
en évidence des dépôts extramembraneux situés sur le

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SYNDROMES NÉPHROTIQUES

Glomérulonéphrite membrano-
proliférative (GNMP)
Elle est devenue rare en France (5 % des syndromes
néphrotiques).
1. Clinique
Elle se révèle par un syndrome néphrotique impur voire
un syndrome néphritique aigu associé à des signes de
consommation du complément (voie alterne, présence
d’un facteur néphritique C3 nef dans le type II).
2. Histologie
• Le type I est caractérisé par des dépôts sous-endothé-
liaux et mésangiaux d’IgG et de complément, ayant un
aspect de double contour de la membrane basale glomé-
rulaire.
2 Glomérulopathie extramembraneuse. • Le type II est caractérisé par des dépôts denses au sein
Flèche rouge = « massues » (dépôts d’immunoglobulines) de la membrane basale glomérulaire.
vues à la coloration argentaffine.
3. Évolution
versant épithélial de la membrane basale glomérulaire. Trente à 50 % des malades évoluent vers l’insuffisance
• En immunofluorescence, ces dépôts contiennent de rénale chronique terminale en 5 à 10 ans, avec un risque
l’IgG, éventuellement du C3. élevé de récidive après transplantation.
3. Évolution 4. Étiologie
Les formes idiopathiques sont les plus fréquentes et leur Les formes idiopathiques sont fréquentes. Les causes
évolution est imprévisible. Schématiquement, un tiers identifiées de la glomérulonéphrite membrano-prolifé-
des malades évolue vers la guérison, un tiers conserve rative sont :
une protéinurie sans évolution vers l’insuffisance rénale – les maladies systémiques (cryoglobulinémies, déficit
et le dernier tiers évolue vers l’insuffisance rénale en complément) ;
chronique terminale en 10 à 20 ans. – les infections bactériennes avec suppuration profonde,
Les facteurs de mauvais pronostic sont l’existence d’un néphrite de shunt, endocardites ;
syndrome néphrotique, d’une hypertension artérielle et – les infections virales comme le virus de l’hépatite B
d’une insuffisance rénale débutant au moment du (VHB), de l’hépatite C (VHC), de l’immunodéficience
diagnostic. humaine (VIH), les hémopathies malignes telles que
les lymphomes ou la leucémie lymphoïde chronique.
4. Étiologie Le type II peut être associé à une lipodystrophie.
Les glomérulonéphrites extramembraneuses ont souvent Plus rarement, le syndrome néphrotique peut révéler ou
une cause et sont alors qualifiées de secondaires à celle-ci. compliquer l’évolution d’une glomérulonéphrite à
• Des médicaments tels que les sels d’or (Allochrysine), dépôts mésangiaux d’IgA ou d’une glomérulonéphrite
la D-pénicillamine (Trolovol, Acadione), la phénindione extracapillaire.
(Pindione), le fluindione (Préviscan), les anti-inflamma-
toires non stéroïdiens peuvent être en cause.
• Parmi les néoplasies, les plus fréquentes sont le Néphropathies glomérulaires
cancer du côlon et les cancers digestifs. Un bilan de ces secondaires
appareils s’impose chez tout sujet adulte ayant notamment
des antécédents de tabagisme et chez lequel un diagnostic Diabète
de glomérulonéphrite extramembraneuse est porté.
• Les infections en cause sont les hépatites B ou C, la La glomérulosclérose diabétique peut survenir quel que
syphilis, le paludisme, la lèpre, la filariose, la schisto- soit le type de diabète.
somiase et la leishmaniose.
• Des maladies systémiques peuvent aussi être incrimi- 1. Diabète de type 1
nées : en premier lieu le lupus, mais aussi la sarcoïdose, • La néphropathie du diabète de type 1 survient après
le syndrome de Sjögren, la thyroïdite auto-immune ou la 5 à 15 ans d’évolution d’un diabète en général mal
polyarthrite rhumatoïde. équilibré. Le syndrome néphrotique est précédé par une
• D’autres causes diverses telles que les transplan- phase plus ou moins longue de « micro-albuminurie »
tations rénales (glomérulonéphrite extramembraneuse puis par une période où la protéinurie est qualifiée de
de novo), la drépanocytose ou le diabète peuvent être macroprotéinurie (300 mg/j). L’atteinte rénale est en
incriminées. général associée à d’autres lésions dégénératives du

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Cinq types de lésions sont décrits selon la classification


de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) :
– type I : lésions glomérulaires minimes ;
– type II : prolifération mésangiale discrète ;
– type III : glomérulonéphrite proliférative focale ;
– type IV: glomérulonéphrite proliférative diffuse ;
– type V: glomérulonéphrite extramembraneuse.
Selon la sévérité des lésions définies par un index d’ac-
tivité, un traitement par corticostéroïdes et éventuellement
immunosuppresseurs est entrepris. Des lésions de sclérose
cicatricielle peuvent persister après le traitement et être
responsable de l’évolution vers l’insuffisance rénale
terminale.

Amyloses
3 Glomérulosclérose diabétique : augmentation de l’épais- Les amyloses sont un ensemble de maladies caractérisées
seur de la membrane basale glomérulaire, accumulation par le dépôt localisé au rein ou le plus souvent diffus,
dans le mésangium d’une substance hyaline, membranoïde, d’une substance amorphe constituée de protéines inso-
constitution d’une glomérulosclérose diffuse ou nodulaire lubles ayant une conformation fibrillaire.
plus typique. Elles sont fréquemment révélées par un syndrome
néphrotique intense, sans hématurie ni hypertension
diabète notamment oculaires (rétinopathie) rendant la artérielle, persistant malgré l’insuffisance rénale, avec
biopsie rénale souvent inutile. présence de 2 gros reins et d’une acidose tubulaire, associé
• Les lésions rénales sont caractéristiques avec une à d’autres localisations de la maladie (hépatomégalie,
glomérulosclérose nodulaire (fig. 3) de type Kimmelstiel macroglossie, multinévrite, diarrhée).
et Wilson. • On distingue :
• L’évolution se fait en quelques mois à quelques – les amyloses AA (dérivées de la protéine A), compli-
années vers l’insuffisance rénale terminale. quant des phénomènes inflammatoires chroniques tels
• Le traitement fait appel au contrôle rigoureux de que la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn,
l’hypertension artérielle associée à l’administration la rectocolite hémorragique, le cancer (rein), les
d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion dont l’effet infections prolongées (ostéomyélite) ;
antiprotéinurique et bénéfique sur la progression des – les amyloses AL (dérivées de chaînes légères d’immuno-
lésions rénales a été démontré dans la néphropathie globulines, principalement lambda) ;
diabétique. – les amyloses héréditaires, en particulier la maladie
périodique ou fièvre méditerranéenne familiale et les
2. Diabète de type 2 neuropathies amyloïdes.
Il est actuellement le plus grand pourvoyeur de néphro- • Le diagnostic est confirmé par l’étude histologique
pathies glomérulaires et d’insuffisance rénale chronique (fig. 4) qui met en évidence des dépôts amyloïdes extra-
terminale. Le syndrome néphrotique est inconstant et cellulaires par la coloration au rouge Congo (biopsie
survient tardivement alors que d’autres lésions secon- digestive ou rénale). L’étude en immunohistochimie
daires à la macroangiopathie diabétique sont présentes permet de préciser la nature de l’amylose (AA ou AL).
(artérite, coronaropathie, accident vasculaire cérébral).
Les lésions rénales peuvent être similaires à celle du dia-
bète de type 1. Les lésions vasculaires rénales associées
sont particulièrement fréquentes.

Lupus
Le lupus érythémateux disséminé est une affection de la
femme jeune. L’atteinte rénale est fréquente parfois
inaugurale. En cas de syndrome néphrotique, le dia-
gnostic est évoqué devant l’association à des signes
« extra-rénaux »: érythème cutané « en loup » du visage,
arthralgies, pleuropéricardite, altération de l’état
général, leucopénie, anémie hémolytique, thrombopénie et
surtout anticorps anti-nucléaires et anti-DNA natifs.
La biopsie rénale est indispensable. Elle permet de préciser
le diagnostic et d’orienter les indications thérapeutiques. 4 Dépôts amyloïdes glomérulaires au rouge Congo.

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SYNDROMES NÉPHROTIQUES

Dyscrasies lympho-plasmocytaires sodium), un repos relatif au lit (pour éviter la stimula-


et maladie de Hodgkin tion du système rénine-angiotensine-aldostérone) et la
Un syndrome néphrotique peut être observé au cours prescription éventuelle de diurétiques de l’anse comme
des proliférations monoclonales des lymphocytes B le furosémide (Lasilix) ou le bumétanide (Burinex)
(lymphomes B, leucémies lymphoïdes chroniques B) ou [voir : Pour approfondir 3]. Dans tous les cas, l’obtention
des plasmocytes (myélome, gammapathie monoclonale d’une réponse natriurétique doit être progressive pour
« bénigne ») et révéler des atteintes rénales diverses : éviter l’aggravation de l’hypovolémie et les risques de
maladie de dépôts de fragments d’immunoglobulines, thromboses veineuses (dues à l’hémoconcentration).
rein de cryoglobuline, glomérulopathie à dépôts organisés 2. Hyperlipidémie du syndrome néphrotique
monotypiques, fibrillaires.
Le diagnostic est suspecté sur la microscopie optique et Celle-ci n’est envisagée que dans le cas de syndromes
confirmé par l’étude immunohistochimique et l’étude néphrotiques résistant à toute thérapeutique (par
ultrastructurale (microscopie électronique). exemple : hyalinose segmentaire et focale, glomérulo-
La maladie de Hodgkin peut être révélée par un syndrome pathie extra-membraneuse). L’hyperlipidémie sévère du
néphrotique à lésions glomérulaires minimes. syndrome néphrotique aggrave le risque cardiovasculaire
et peut participer à la progression des lésions rénales.
Affections malignes Son traitement reste mal codifié et fait appel au régime
Les cancers épithéliaux (bronchiques et digestifs) peuvent et à l’utilisation des statines sous contrôle strict des créa-
être responsables de véritables syndromes paranéopla- tines phosphokinases (CPK) [risque de rhabdomyolyse].
siques avec un syndrome néphrotique (glomérulopathie
extramembraneuse) évoluant parallèlement au cancer. 3. Anomalies de la coagulation
Un bilan à la recherche d’un cancer (notamment du poumon) • Un traitement par héparine de bas poids moléculaire
doit être effectué devant tout syndrome néphrotique de est recommandé chez les patients ayant un syndrome
l’adulte révélant une glomérulonéphrite extramembraneuse. néphrotique sévère – en pratique lorsque l’albuminémie
est inférieure à 20 g/L voire 25 g/L en cas d’antécédents
Infections de thrombose ou de facteurs de risque associés.
Les infections peuvent être à l’origine d’atteintes • Un relais de l’héparine par les antivitamines K est
glomérulaires : infections bactériennes à pyogènes entrepris dès que possible en tenant compte de l’hypo-
(endocardites [abaissement du complément sérique], albuminémie qui modifie leur pharmacocinétique
suppurations profondes chroniques, virales) (virus des (médicaments liés à l’albumine).
hépatites B et C, de l’immunodéficience humaine) ou
parasitaires (schistosomiase, paludisme, filariose). Réduction symptomatique de la protéinurie
Médicaments Une protéinurie abondante et persistante constitue le
Le syndrome néphrotique est en général isolé, sans principal signe annonciateur d’une progression rapide
insuffisance rénale. Les formes histologiques corres- vers l’insuffisance rénale terminale. Le passage des
pondent le plus souvent à une glomérulopathie extra- protéines de haut poids moléculaire à travers le filtre
membraneuse ou à un syndrome néphrotique à lésions glomérulaire et leur réabsorption tubulaire aggravent les
glomérulaires minimes. De nombreux médicaments ont lésions rénales. La réduction de la protéinurie constitue
été incriminés : sels d’or, D-pénicillamine, anti-inflam- donc en soi un objectif thérapeutique.
matoires non stéroïdiens, lithium… • Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion permettent
de réduire la protéinurie et sont indiqués même chez des
Autres syndromes néphrotiques patients normotendus. Il existe une dissociation chrono-
Au cours de la grossesse, les formes graves de pré- logique entre les effets hémodynamiques et antiprotéi-
éclampsie peuvent se compliquer de syndrome néphro- nuriques des inhibiteurs de l’enzyme de conversion.
tique. Le pronostic fœtal est en général péjoratif. Chez L’effet antiprotéinurique peut mettre plusieurs semaines
le transplanté cardiaque, un syndrome néphrotique à se manifester et il est donc plus tardif que l’effet hypo-
évoque la récidive de la maladie initiale, une glomérulo- tenseur. Surtout, l’effet antiprotéinurique dépend de la
pathie de novo ou un rejet chronique. balance sodée et peut être augmenté par un régime sans
Les principales maladies rénales responsables de syn- sel ou un traitement diurétique et, semble-t-il, par un
dromes néphrotiques sont mentionnées dans le tableau régime modérément restreint en protéines.
ci-contre. Les vascularites rénales sont traitées dans des • Les anti-inflammatoires non stéroïdiens permettent
questions spécifiques. de réduire la protéinurie de façon proportionnellement
plus importante qu’ils n’abaissent la filtration glomé-
Traitement rulaire. En raison des effets indésirables considérables
sur l’aggravation de la fonction rénale et la tolérance
Complications du syndrome néphrotique gastro-intestinale, cette approche n’est pas recommandée.
• Les régimes restreints en protéines ne permettent pas
1. Syndrome œdémateux d’obtenir une réduction importante et constante de la
Le traitement du syndrome œdémateux est basé sur la protéinurie par opposition aux inhibiteurs de l’enzyme de
restriction sodée (< 3g de NaCl/j soit 50 mEq de conversion. La dénutrition est le risque principal de ces

1814 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Néphrologie - Urologie

régimes restreints en protéines. Elle représente l’un des – arrêt du médicament (anti-inflammatoires non stéroï-
prédicteurs de risque les plus importants de mortalité au diens, lithium…) responsable de syndrome néphrotique ;
cours de l’insuffisance rénale terminale. Ces régimes res- – chimiothérapie ou exérèse de tumeur au cours de syn-
trictifs sont peu utilisés et ne peuvent se faire qu’en milieu drome néphrotique associé aux cancers ou aux lym-
spécialisé sous surveillance nutritionnelle rigoureuse. phomes ;
– traitement par corticostéroïdes et (ou) immuno-
Interventions spécifiques suppresseurs au cours du lupus ;
Dans certains cas, des interventions thérapeutiques spé- – traitement par la colchicine pour prévenir la pro-
cifiques permettent de guérir la glomérulonéphrite gression de l’atteinte rénale amyloïde des patients
parallèlement à la maladie causale : ayant une fièvre familiale méditerranéenne.
– traitement d’une infection bactérienne (endocardite, Dans tous les autres cas un traitement immunosuppresseur
suppuration profonde, néphrite de shunt) ; non spécifique reste la seule option disponible sauf si la
– traitement d’une infection virale : interféron α pour fonction rénale est sévèrement altérée (clairance de la
le syndrome néphrotique associé à l’hépatite B, la créatinine inférieure à 30 mL/min) auquel cas le traitement
glomérulonéphrite membrano-proliférative associée immunosuppresseur comporte un risque de toxicité trop
à l’hépatite C et la cryoglobulinémie associée à important (voir : Pour approfondir 4). ■
l’hépatite C ;
TABLEAU
Principales causes de syndrome néphrotique et éléments cliniques
ou biologiques d’orientation en fonction des formes histologiques

Formes histologiques Clinique et biologie Causes

Syndrome néphrotique Syndrome néphrotique pur ; enfant (80 %) Maladie de Hodgkin, médicaments
à lésions glomérulaires minimes (anti-inflammatoires non stéroïdiens, lithium)
Hyalinose segmentaire et focale Syndrome néphrotique pur ou impur (évolue Idem à syndrome néphrotique,
vers hypertension artérielle et insuffisance à lésions glomérulaires minimes + virus
rénale chronique, résistance aux corticoïdes) de l’immunodéficience humaine
Glomérulopathie Syndrome néphrotique impur Cancers (poumon, tube digestif…)
extramembraneuse (hématurie microscopique) Lymphomes. Médicaments (anti-
Rémission spontanée (30 %) inflammatoires non stéroïdiens)
Infections virales (virus de l’hépatite B,
virus de l’hépatite C), parasitaires. Maladies
systémique (lupus), thyroïdite auto-immumne
Glomérulonéphrite Syndrome néphrotique impur, syndrome néphritique Infections (bactériennes : néphrite de shunt ;
membrano-proliférative Signes extrarénaux (cryoglobulinémie mixte) : virales : virus de l’hépatite C,
arthralgies, purpura, Raynaud, hémoptysie ; virus de l’immunodéficience humaine)
cryoglobulinémie, facteur rhumatoïde, Cryoglobulinémies (± associées à leucémie
complément (C3) abaissé, anticorps anti-virus lymphoïde chronique ou lymphomes ou virus
de l’hépatite C de l’hépatite C)
Glomérulonéphrite rapidement
progressive à croissants
Glomérulonéphrite à anticorps anti-membrane Syndrome néphrotique impur (rare), insuffisance
basale glomérulaire (syndrome de Goodpasture) rénale rapidement progressive, hémoptysie ;
Anticorps antimembrane basale glomérulaire (MBG)
Micropolyangéite rénale microscopique Syndrome néphrotique impur (rare), signes
extrarénaux : arthralgies, hémoptysie,
anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires
neutrophiles, anti-myéloperoxydase (++)
ou anti-PR3 (±)
Granulomatose de Wegener Signes extrarénaux : sinusite, hémoptysie ;
anticorps anticytoplasme des polynucléaires
neutrophiles : anti-PR3 (++)
Diabète Diab. de type 1 ou 2 évoluant depuis 5 à 15 ans
Autres signes de microangiopathie (rétinopathie…)
Lupus Signes extrarénaux ; facteurs anti-nucléaires,
anti-DNA, complément sérique abaissé
Purpura rhumatoïde Syndrome néphrotique rare, parfois associé
à glomérulonéphrite à croissants. Purpura,
arthralgies, douleurs abdominales
Dépôts mésangiaux d’IgA

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SYNDROMES NÉPHROTIQUES

POUR APPROFONDIR

1 / Physiopathologie de la protéinurie 4 / Indications du traitement immunosuppresseur

Le passage de protéines plasmatiques de poids moléculaire supérieur Chez l’adulte, la biopsie rénale est une étape indispensable avant
à 70 kD à travers la paroi capillaire glomérulaire est normalement d’envisager tout traitement immunosuppresseur. La biopsie rénale
restreint par une barrière sélective de charge ainsi qu’une barrière avec guidage échographique est un geste relativement sûr dans des
sélective de taille. La barrière sélective de charge est liée à la présence mains entraînées. Cet examen confirme le diagnostic et apporte des
d’un revêtement polyanionique de la membrane basale glomérulaire informations pronostiques importantes par la présence ou non d’une
et des cellules avoisinantes qui restreint le passage de protéines fibrose tubulo-interstitielle.
plasmatiques polyanioniques de taille moyenne (environ 70 kD),
Il n’y a pas de consensus concernant le traitement des différentes
principalement l’albumine. La barrière sélective de taille qui résulte de
variétés de syndrome néphrotique de glomérulopathies primitives.
la présence de pores dans la membrane basale glomérulaire et dans
Chez l’adulte, avec un syndrome néphrotique à lésions glomérulaires
les diaphragmes de fente épithéliale assure la restriction au passage
minimes, un traitement par corticoïdes sur la base de prednisolone
des protéines plasmatiques de plus gros poids moléculaire au-dessus
1 mg/kg/j est généralement entrepris pendant au moins 8 semaines et
de 80 kD.
parfois plus longtemps chez certains patients. En l’absence de répon-
Le syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes est se ou en cas de récidive fréquente ou de dépendance vis-à-vis des
dû principalement à une perte de la sélectivité de charge alors corticoïdes, l’utilisation de cyclophosphamide 1 à 2 mg/kg/j pendant
que les autres glomérulonéphrites, par exemple extramembraneuses, une période de 3 à 6 mois peut être proposée notamment si le patient
résultent essentiellement d’une perte de la sélectivité de taille. est symptomatique ou présente des facteurs de risque de progression
rénale (homme, hypertension, tabac, insuffisance rénale, protéinurie
Le mécanisme de l’altération glomérulaire aboutissant à l’anomalie massive ou fibrose interstitielle). Une surveillance rigoureuse, notam-
de perméabilité capillaire glomérulaire est variable. Chez les patients ment du compte leucocytaire et des plaquettes doit être effectuée et
ayant une hyalinose segmentaire et focale récidivante après une contraception efficace doit être assurée chez la femme.
transplantation rénale, des interventions thérapeutiques qui permet-
Pour les patients avec une hyalinose segmentaire et focale, une
tent d’adsorber les immunoglobulines, comme le passage sur des
approche thérapeutique analogue peut être envisagée mais avec un
colonnes d’immuno-adsorption ou de protéines A, entraînent
taux de réponse nettement inférieur. Pour les patients qui ne répondent
une réduction considérable de la protéinurie. Un facteur plasmatique
pas à ces premiers traitements, la ciclosporine peut être prescrite à
présumé produit par des lymphocytes augmente l’excrétion urinaire
condition de ne pas dépasser des doses de 5 mg/kg et de surveiller les
d’albumine chez des rats de rein perfusé. Ce facteur augmente la
concentrations plasmatiques résiduelles. La ciclosporine doit être
perméabilité à l’albumine de glomérules isolés et sa présence est
évitée lorsqu’il existe une insuffisance rénale et (ou) une fibrose
associée à un taux important de récidive de la maladie après
interstitielle importante sur la biopsie rénale en raison du risque
transplantation rénale.
d’aggravation lié à la toxicité rénale propre de ce médicament. En
l’absence de réponse thérapeutique au cours des 3 premiers mois de
traitement, le traitement est inefficace et doit être interrompu.
Chez les patients avec une glomérulonéphrite extramembraneuse
2 / Physiopathologie de la rétention sodée pour laquelle une cause secondaire a été exclue, qui est sympto-
du syndrome néphrotique matique et à haut risque de progression, un traitement immuno-
suppresseur peut être tenté. Une combinaison de corticoïdes et d’un
En fait, la vue classique attribuant la rétention sodée du syndrome cytotoxique, cyclophosphamide ou chlorambucil peut être tentée
néphrotique à la seule hypovolémie secondaire à l’hypoalbuminémie pendant une période ne dépassant pas 6 mois.
a été remise en question par le résultat d’études montrant un état
d’euvolémie ou d’hypervolémie chez des patients atteints de syndrome
néphrotique. Toutefois, le facteur « primitif » responsable de l’avidité Points Forts à retenir
rénale pour le sodium reste encore inconnu.

• Le syndrome néphrotique répond


à une définition strictement biologique
et associe une protéinurie supérieure à 3 g/24 h,
3 / Diurétiques dans le traitement une hypoprotidémie inférieure à 60 g/L
du syndrome œdémateux et une hypoalbuminémie inférieure à 30 g/L.
• Le syndrome néphrotique est qualifié
Les diurétiques doivent être prescrits à posologie progressivement de pur s’il n’est accompagné ni d’hématurie
croissante 2 à 3 fois par jour compte tenu de leur courte durée d’action microscopique, ni d’hypertension artérielle,
(6 à 8 h). En cas de résistance au traitement, la voie intraveineuse sous ni d’insuffisance rénale organique
forme de bolus ou en continu est utilisée. L’adjonction de diurétiques et si la protéinurie est sélective.
thiazidiques (hydrochlorothiazide) et de diurétiques distaux
• Le syndrome néphrotique est qualifié
(Modamide, anti-aldostérones) peut s’avérer utile pour potentialiser
l’effet des diurétiques de l’anse. La perfusion d’albumine à but d’ex-
d’impur s’il est associé à un ou plusieurs
pansion volémique ne doit être utilisée que dans les cas exceptionnels des signes précédents.
d’hypotension symptomatique.

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