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SYNDROME NEPHROTIQUE DE L’ENFANT

Pr Simon J. ATEGBO
Département de Pédiatrie – Faculté de Médecine - Libreville

Objectifs :
1- Définir le syndrome néphrotique (SN) de l’enfant
2- Décrire les signes cliniques de la néphrose lipoïdique
3- Décrire les signes biologiques de la néphrose lipoïdique
4- Citer 3 complications du SN
5- Enoncer les principes du traitement
I-Généralités
1- Définition :
On définit le syndrome néphrotique par l’association d’une protéinurie massive supérieure à 50
mg/kg/j et d’une protidémie inférieure à 60 g/l avec une albuminémie inférieure à 30 g/l.
Ces 3 critères sont nécessaires et suffisants pour définir le syndrome néphrotique. Un syndrome
néphrotique signe l’existence d’une atteinte glomérulaire, cependant cette atteinte est
polymorphe et correspond à une hétérogénicité clinique évolutive et étiologique.
2- Intérêt
• Epidémiologique : affection rare en pratique médicale courante, c’est la
néphropathie la plus fréquente chez l’enfant. En France son incidence est de 2 à
3/ 100 000 enfants de moins de 15 ans. Il touche les enfants âgés en moyenne de
4 à 6 ans avec une prédominance masculine. Bourquia au Maroc, Adonis-Koffy
en Côte d’ivoire dans leurs séries respectives confirment ces données
épidémiologiques et que la grande majorité des enfants va présenter une forme
impure.
• Diagnostique : il convient de rattacher le syndrome œdémateux à son origine
rénale, ceci permettra une approche biologique de confirmation.
• Thérapeutique : la corticothérapie a amélioré la survie de ses enfants mais la
non-observance ou la corticorésistance encore fréquente dans notre contexte,
pose des problèmes de prise en charge
• Pronostique : lié à l’avenir fonctionnel du rein, qui peut évoluer dans certains
cas vers une insuffisance rénale terminale
3- Physiopathologie
Un facteur plasmatique altère les podocytes et modifie la perméabilité glomérulaire, ce qui
entraine une protéinurie

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Protéinurie

Hypo protéinémie

Perte de la
FOIE Lipoprotéine lipase
Pression
Fuite des Immunoglobulines oncotique
synthèse Lipoprotéines

Œdème
Dénutrition
Infection
Hyperlipidémie

Hypovolémie
ADH

Aldostérone

Hypokaliémie
Alcalose
Hypercoagulabilité
- Augmentation du fibrinogène par synthèse hépatique
- Augmentation des facteurs II, V, VII, VII, et X
- Diminution de l’activité fibrinolytique
- Baisse des inhibiteurs de la coagulation : protéine C, S, et anti-thrombine III
L’hyperlipidémie associée à l’hypovolémie et l’hypercoagulabilité expliquent les
complications thromboemboliques.
II- SIGNES
1-TDD : néphrose lipoïdique chez un enfant de 5 ans
a/ circonstance de découverte
Il s’agit d’un enfant amené en consultation pour :
- Bouffissure du visage
- Œdème des membres inférieurs
- Prise excessive de poids
Le début est brutal ou rapidement évolutif chez un enfant apparemment sain.
Examen clinique

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- Signes généraux : Prise du poids, taille, tension artérielle (normale aux 2 bras), FC,
Diurèse, état des conjonctives
- Signes physiques
✓ Œdèmes francs déclives, prédominant aux paupières au réveil et aux chevilles
en fin de journée. Ces œdèmes sont symétriques, indolores et prenant le godet.
✓ Examen clinique complet notamment pleuropulmonaire à la recherche d’un
syndrome d’épanchement pleural, et digestif à la recherche d’une ascite ;
l’examen ORL à la recherche d’une otite ou une rhinopharyngite
La bandelette urinaire permet d’objectiver la présence de protéine et l’absence d’hématurie.
- Examens paracliniques
✓ Protéinurie des 24h : massive > 50 mg/kg/j
✓ Protidémie : hypoprotidémie < 60 g/l
✓ Albuminémie : hypoalbuminemie < 30 g/l
✓ Electrophorèse des protéines urinaires (80% d’Albumine) : protéinurie sélective
✓ HLM : pas d’hématurie microscopique
✓ Fonction rénale : urée = normale Créatininémie = normale Ionogramme
sanguin = normal
✓ Electrophorèse des protides sanguins : hyper α2-globulines,
hypogammaglobulines
✓ Hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie, augmentation du LDL Cholestérol
✓ Anomalies de l’hémostase : augmentation du taux de fibrogène (>6 g/l),
augmentation des facteurs V, VII, VIII, diminution de l’anti-thrombine III,
Thrombocytose (≥ 1000 000 / mm3)
✓ Baisse de la fraction C3 du complément
Au terme de ce bilan clinique et biologique, on distingue :
- Le syndrome néphrotique pur : isolé, pas d’hématurie, pas d’insuffisance rénale, pas
d’HTA
- Le Syndrome néphrotique impur qui ajoute aux éléments de la définition, une hématurie
macroscopique, une insuffisance rénale et une HTA.
Evolution :
Eléments de surveillance
- Cliniques : Poids , TA, Diurèse (1 fois /j), œdèmes
- Paracliniques : courbe de la protéinurie, Protidémie, Albuminémie, fonction rénale,
bilan lipidique, NFS, Ionogramme sanguin
L’évolution du syndrome néphrotique ne se conçoit que sous traitement : la corticothérapie. On
note cependant 2 à 3% de rémission spontanée.
Dans la néphrose cortico-sensible, le pronostic rénal est bon, la guérison s’observe lentement
au bout de quelques jours. Des rechutes peuvent s’observer en cas de mauvaise observance.
Dans la néphrose cortico-résistante, l’évolution est péjorative du fait des risques de
complications.

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2- Autres formes cliniques
2-1 : formes selon l’âge
- Syndrome néphrotique congénital rare, évoquée devant des œdèmes superficiels plus ou
moins importants avec ou sans ascite et/ou épanchement pleural. Ils peuvent être
primitifs dans le cadre d’une maladie kystique du rein, familiale ou secondaire à une
syphilis congénitale ou la thrombose des veines du rein. L’évolution est souvent
mortelle dans un délai variable. La survie ne dépasse pas 4 ans.
- Après 12 ans, la néphrose lipoïdique n’est plus la première cause des syndromes
néphrotiques et justifie une biopsie rénale pour le diagnostic anatomopathologique. A
cet âge se pose le problème de la corticothérapie au long cours chez l’adolescent et son
interférence avec la puberté
2-2 : formes compliquées
- Choc hypovolémique, lié au syndrome œdémateux et à la rapidité de son installation ;
il est accru si les diurétiques sont manipulés de façon intempestive.
- Infections ; essentiellement à pneumocoque à type de péritonite, pneumopathie,
méningites, septicémie. Les infections virales sont plus rares, elles s’observent en cas
d’utilisation de drogues immunosuppressives.
- Malnutrition due à la perte protidique urinaire est parfois aggravée par des troubles
digestifs (diarrhée, vomissement, anorexie) chez le petit enfant. La protéinurie
chronique entraine une fuite d’hormone de croissance GH, IGF61, hormones
thyroïdiennes et de la transferrine (anémie)
- Des douleurs abdominales aigues qui peuvent être prises à tort pour une appendicite
- Thromboses veineuses profondes (rénale, iléo-sacrée, embolie pulmonaire, thrombose
des vaisseaux cérébraux ou mésentérique.
2.3 : formes anatomopathologiques
Histologiquement, la néphrose est caractérisée par la présence de glomérules normaux en
microscopie optique, l’absence de dépôts d’immunoglobulines et de compléments et
immunofluorescence.
En microscopie électronique on distingue :
- des lésions glomérulaires minimes (LGM) dans 80à 90% des cas
- la hyalinose segmentaire et focale (HSF) dans 10 à 20% des cas
- la prolifération mésangiale modérée et diffuse
- la sclérose mésangiale diffuse
2-4 : formes symptomatiques
- syndrome néphrotique pur
- Sydrome néphrotique impur (Cf)
2-5 : Formes associées
III- DAGNOSTIC
1- Positif

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Orienté par l’âge de l’enfant > 1 an et < 12 ans, le syndrome œdémateux (œdèmes de
types rénaux)
Confirmé par la protéinurie > 50 mg /kg /j, l’hypoprotidémie < 60 g/l et une
hypoalbuminémie < 30 g/l
2- Différentiel
Il est fonction de la symptomatologie
✓ Devant les œdèmes
- La malnutrition protéino-énergétique qui survient souvent au décours du sevrage ?
L’interrogatoire oriente vers un trouble nutritionnel et dans le kwashiorkor, il s’y associe
des lésions cutanées et muqueuses et des troubles psychomoteurs. La protéinurie est
négative
- Origine cardiaque notamment en cas d’insuffisance cardiaque globale orientés par les
signes d’auscultation, l’hépatomégalie ferme, le reflux hépato-jugulaire. La protidémie
est normale et la protéinurie est nulle.
✓ Devant l’Hématurie, il faut éliminer les autres causes urologiques des
hématuries : tumorales, lithiases, uropathies malformatives, cystites
infectieuses. Intérêt de l’échographie ± IUV, ECBU. Pas de Protéinurie et la
protidémie est normale.
3- Etiologique
3.1- Syndromes néphrotiques primitifs
Pas de facteurs étiologiques bien définis
✓ La néphrose lipoïdique
✓ Le syndrome néphrotique type finlandais, maladie génétique
✓ La prolifération mésangiale diffuse d’évolution rapide vers une insuffisance
rénale terminale

3.2- Syndrome néphrotiques secondaires


✓ Purpura rhumatoïde : race, lésions cutanées, douleurs abdominales. Facteur
Rhumatoïde : présent
✓ Amylose
✓ Lupus érythémateux systémique
✓ Diabète (macroangiopathie)
✓ Maladies familiales héréditaires : drépanocytoses homozygote, maladie de
Fabry (maladie de surcharge due à un déficit en α- galactosidase Lysosomiale
✓ Syndrome d’Alport qui associe syndrome néphrotique chronique, une surdité de
perception et des manifestations oculaires (cataracte inconstante). C’est une
maladie héréditaire à transmission autosomique dominant
✓ Causes toxiques : sels d’où, D- pénicillamine

IV- TRAITEMENT
1- But
Supprimer la fuite protéique urinaire
Prévenir et traiter les complications
2- Moyens
a- Symptomatiques

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✓ Mesures hygiéno-diététiques : repos, tout en maintenant une activité motrice
pour prévenir les accidents thrombo-emboliques, restriction hydrosodée,
régime alimentaire normo-calorique, riche en protéine
✓ Diurétiques
Furosémide : 1-3 mg/kg/j (risque d’hyponatrémie)
Spironolactone : 1-5 mg/kg/j
✓ Antibiothérapie (pas systématique)
Ceftriaxone : 100 mg/kg/j
Aminoside : 3 mg/kg/j (risque de néphrotoxicité)
b- Corticothérapie
Préalables : déparasitage contre l’anguillulose (Albendazole pendant 3 jours)
Eradication des foyers infectieux
Prednisone ; 2 mg/kg/j ou 60 mg/m2/j sans dépasser 80 mg/j
Méthylprednisone 1g/1,73 m2 SC
Traitement adjuvant : sels de calcium, Vitamine D, Potassium, limitation des sucres
rapides
c- Immunosuppresseurs
Agents alkylants : Cyclophosphamide (Endoxan®) : 2 mgKg/j per os
chlorambucil (chloraminophène) : 0,2 mg/kg/j
toxicité gonadique +++ et medullaire
Ciclosporine (Néoral®)
Effets secondaires : HTA, néphrotoxicité, hypertrophie
gingivale, hypertrichose
Mycophénolate mofétil (Cellcept®)
Lévamisol (Ergamisol®) 2,5 mg/kg/2j
Pas de néphrotoxicité ; pas d’hypertrichose
Effets secondaires : neutropénie, thrombopénie
d- Dialyse
e- Transplantation rénale
3- Indication
✓ Mesures hygiéno-diététiques la
✓ Corticosensibilité : donner de la prednisone pendant 4 semaines. En cas de
corticosensibilité la protéinurie disparait en 4 semaines et procède à la
décroissance progressive des doses de 15 mg/m2 tous les 15 jours. La
poussée de la corticothérapie au cours de la première poussée est de 4
mois1/2
✓ Corticodépendance : définit la réapparition du SN lors de la dégression de la
corticothérapie (la dose de réapparition du SN est appelée la dose seuil) ou
à l’arrêt du traitement. Dans ce cas il faut reprendre la corticothérapie à la
dose initiale de 60 mg/m2/j jusqu’à 7 jours après la disparition de la
protéinurie puis diminuer 15 mg/m2/15j jusqu’à la dose à laquelle la
protéinurie a commencé à réapparaître à laquelle on ajoute 7,5 mg/m2. Cette
dose plancher sera maintenue pendant 18 – 24 mois 1 j/2. Si cette dose
plancher est élevée on y ajoute des immunosuppresseurs
✓ Corticorésistance

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3 bolus de méthylprednisolone 1g/1,73 m2 toutes les 48 hures. Si persistance
de la protéinurie, on passe aux immunosuppresseurs.
✓ En cas d’insuffisance rénale terminale
Dialyse péritonéale / hémodialyse
Transplantation rénale
4- Surveillance
Elle concerne l’observance thérapeutique ‘traitement au long cours), la croissance,
apparition de syndromes infectieux, troubles digestifs, effets secondaires à long terme
des immunosuppresseurs

5- Pronostic
Il est bon dans la néphrose lipoïdique
Il est plus péjoratif dans les SN impurs ou révélant une maladie générale

CONCLUSION
Le SN est une affection relativement rare dans notre contexte. Son diagnostic est
essentiellement biologique. Sa prise en charge repose sur la corticothérapie. La réponse de cette
corticothérapie va conditionner le pronostic et la valeur fonctionnelle du rein.

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