© Masson, Paris, 2003.
Gastroenterol Clin Biol 2003;27:877-881
Pronostic du malade atteint de cirrhose
en réanimation
René ROBERT, Anne VEINSTEIN
Service de Réanimation Médicale, Hôpital Jean Bernard, Poitiers.
L
a proposition d’admission d’un malade atteint de
cirrhose en réanimation soulève fréquemment de la part
des réanimateurs des réticences dues à la forte probabi-
lité de décès attribuée a priori à ces malades. En effet, plusieurs
études ont montré que la cirrhose était un facteur indépendant
associé à la mortalité au cours de pathologies de réanimation [1,
2]. C’est particulièrement net chez des malades hospitalisés en
réanimation pour une défaillance respiratoire [3, 4]. Dans des
études anciennes, la mortalité du malade cirrhotique hospitalisé
en réanimation était proche de 100 % quand la ventilation
artificielle était nécessaire [5, 6] ou quand il existait un choc
septique [7]. La cirrhose est d’ailleurs intégrée en tant que telle au
calcul du score APACHE (Acute Physiologic, Age and Chronic
Health Evaluation), score d’évaluation de la gravité des malades
très utilisé en réanimation [8].
Dans des études plus récentes de malades cirrhotiques
hospitalisés en réanimation, la mortalité rapportée est moindre et
se situe globalement aux alentours de 50 % [9-13]. Ce chiffre est
encore bien supérieur au chiffre moyen de mortalité en réanima-
tion qui est d’environ 20 % [14]. Plusieurs analyses se sont
attachées à déterminer les facteurs de risque associés à la
mortalité de ces malades [10, 11]. L’utilisation de scores de
gravité « généralistes » comme les scores de Child-Pugh, l’indice
de gravité simplifié (IGS II) ou l’APACHE II ou spécifiques [12, 15]
plus récemment proposés, pourraient aider à identifier les
malades ayant a priori le moins bon pronostic avec l’arrière-
pensée d’identifier ceux ayant la probabilité de décès la plus forte
et de discuter au mieux leurs critères d’admission dans les unités
de réanimation. Alors que la discussion d’admission en réanima-
tion pour d’autres populations à haut risque de mortalité, comme
les malades ayant une hémopathie maligne, a été très étudiée
[16], il existe peu de données spécifiques pour le malade
cirrhotique.
Le but a été d’analyser le devenir des malades cirrhotiques
hospitalisés en réanimation, d’identifier les facteurs prédictifs
éventuels de mortalité et de voir si l’on peut proposer des critères
d’admission ou de non admission en réanimation.
Pourquoi le malade cirrhotique est-il
à haut risque de mortalité ?
Plusieurs facteurs expliquent la particulière fragilité du
malade cirrhotique. Le malade cirrhotique est sensible aux
infections [17-21], les altérations hémodynamiques quand elles
surviennent sont majorées [7], les troubles de la coagulation
favorisent et entretiennent l’hémorragie [22-24], les lésions
Tirés à part : René ROBERT, Service de Réanimation Médicale, Hôpital
Jean Bernard, CHU Poitiers, 86021 Poitiers Cedex.
E-mail : r.robert@chu-poitiers.fr
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pulmonaires sont fréquentes [20] et le risque d’altération de la
fonction rénale est important [25].
De nombreux mécanismes de défense anti-infectieuse sont
altérés chez le malade cirrhotique expliquant sa sensibilité
particulière aux infections : réduction de la fonction phagocytaire
des polynucléaires et de leur chemotactisme, des propriétés
d’opsonisation, diminution des taux de complément et de la
fibronectine [17]. De plus, la circulation collatérale permet un
passage bactérien court-circuitant le système monocyte-
macrophage [17]. Il existe chez le malade cirrhotique ayant une
infection, une hyperproduction de cytokines, en particulier
interleukine (IL)-6 et TNFα [21, 26]. De plus, les taux de cytokines
élevés associés à une infection sont associés à une mortalité
élevée à un an [26]. Le foie joue un rôle important dans la
régulation et la cinétique des cytokines pouvant être impliquées
dans les altérations pulmonaires aiguës. Les conséquences
pulmonaires sur la perméabilité alvéolo-capillaire ou la migra-
tion leucocytaire et la mortalité induite par une endotoxémie
expérimentale chez les animaux ayant une dysfonction hépatique
associées sont plus marquées [18, 19]. Chez les malades ayant
une défaillance hépatique terminale, la fréquence de lésions
pulmonaires aiguës en rapport avec un sepsis est élevée [20]. De
plus, lorsqu’il existe des troubles de conscience en rapport avec
une encéphalopathie hépatique, comme au cours de tout coma,
les troubles de déglutition sont fréquents et peuvent conduire à
l’infection pulmonaire.
Les altérations hémodynamiques du malade cirrhotique sont
majorées en cas de syndrome septique. Il existe chez le malade
cirrhotique une hyporéactivité vasculaire qui se traduit par une
diminution des résistances vasculaires systémiques et une aug-
mentation du débit cardiaque. De plus, on note une inadéquation
entre les besoins en oxygène et la disponibilité tissulaire de
l’oxygène [7]. Des anomalies hémodynamiques similaires sont
constatées au cours du choc septique. Dans les situations de
sepsis chez le malade cirrhotique, les altérations hémodynami-
ques sont majorées et les résistances artérielles systémiques
particulièrement abaissées [7]. Ceci s’accompagne d’une éléva-
tion importante de la lactatémie traduisant une hypoxie tissulaire
plus marquée [7].
Les troubles de la coagulation chez le malade cirrhotique en
rapport avec la thrombopénie, la dysfonction plaquettaire et
l’altération de la production des facteurs de coagulation sont des
sources de complications hémorragiques en réanimation. Ainsi
les complications hémorragiques sont-elles plus fréquentes au
cours de la chirurgie chez de tels malades [22, 23].
Enfin, la fonction rénale est fréquemment altérée. Cette
altération est en rapport avec les modifications hémodynamiques
observées au cours de la cirrhose. La vasodilatation splanchnique
joue un rôle déterminant dans l’altération de la fonction rénale
chez le malade cirrhotique. La baisse de la perfusion rénale
survient malgré l’activation du système rénine-angiotensine et
une intense vasoconstriction rénale [25]. Un déséquilibre de la
 R. Robert, A. Veinstein

balance entre les médiateurs vaso-constricteurs et vasodilateurs
est également impliqué dans ces modifications profondes de la
réactivité vasculaire rénale. Il est important de souligner la
sensibilité particulière du rein, dans cette situation, aux agents
néphrotoxiques en particulier aminosides et anti-inflammatoires
non-stéroidiens.
d’élément spécifique chez le malade cirrhotique concernant les
limitations ou arrêts de thérapeutiques. Seule une étude rapporte
la fréquence des « prescriptions » de ne pas réanimer (DNR
orders) de 34/117 (29 %) [27].

Le motif d’admission influence-t-il

Mortalité du malade cirrhotique
en réanimation
La mortalité des malades cirrhotiques admis en réanimation
évaluée à partir d’une dizaine d’études [5, 6, 9-13, 15, 27, 28]
(tableau I) correspondant au total à 1 786 malades est de 49 % à
l’issue du séjour en réanimation, avec des extrêmes allant de 21
à 89 %. Dans 3 de ces études, la mortalité hospitalière était
également analysée, rajoutant une mortalité d’environ 10 % aux
chiffres obtenus à la sortie de réanimation. Cependant les
populations considérées ne sont pas comparables et la gravité
des malades diffère d’une étude à l’autre, comme en témoigne le
pourcentage variable des malades de score Child C admis en
réanimation. La variation de 10,7 à 26,1 de la valeur du score
APACHE II, reflet de la gravité du malade [8] calculé à son
admission en réanimation traduit également l’hétérogénéité de la
gravité des malades dans ces études.
Néanmoins, on note une tendance à une diminution de la
mortalité des malades cirrhotiques admis en réanimation dans les
études récentes, par rapport aux études anciennes (tableau I).
Les causes de décès
La cause directe du décès d’un malade est souvent difficile à
établir. Ceci a été peu étudié chez le malade cirrhotique admis en
réanimation. A partir de l’analyse de 88 malades cirrhotiques
décédés en réanimation [10], il a été rapporté que ce décès était
lié à une infection dans 33 % des cas. L’insuffisance hépatique et
l’hémorragie digestive étaient directement responsables du décès
dans 24 et 20 % des cas respectivement et l’insuffisance rénale
aiguë dans 7 % des cas. La prépondérance des causes de décès
d’origine infectieuse n’a pas été trouvée dans d’autres études
[13].
La fréquence avec laquelle le décès fait suite à une limitation
ou un arrêt de thérapeutiques n’est pas précisée. Il n’y a pas
la mortalité ?
Les circonstances les plus fréquentes de l’admission en
réanimation des malades cirrhotiques sont l’hémorragie diges-
tive, le sepsis, les troubles de conscience en rapport avec une
encéphalopathie, la détresse respiratoire aiguë ou l’insuffisance
rénale aiguë.
Dans les études où l’hémorragie digestive constitue le mode
d’admission le plus fréquent, la mortalité apparaît le plus souvent
plus basse par rapport aux autres séries [10, 28]. Toutefois, dans
une étude plus ancienne [6] où l’hémorragie digestive représente
66 % des admissions, la mortalité est élevée (54 %). La seule
étude analysant l’impact du motif d’admission sur la mortalité est
celle de Castera et al., qui rapporte une mortalité en réanimation
significativement plus basse quand le motif d’admission était une
hémorragie digestive en comparaison aux autres motifs d’admis-
sion [10]. Cependant, les structures d’admission pour les mala-
des cirrhotiques ayant une hémorragie digestive sont variables,
ce qui rend difficile la comparaison des chiffres de mortalité
observés. Il peut s’agir d’unités de surveillance continue
d’hépato-gastro-entérologie ou de services de réanimation.
A l’opposé d’autres circonstances d’admission en réanima-
tion chez des malades cirrhotiques ont été associées à une
mortalité plus élevée, tel que le sepsis [15], ou l’insuffisance
rénale [9], mais ces données ne sont pas homogènes d’une étude
à l’autre.
Les facteurs associés à la mortalité
L’impact du degré d’insuffisance hépatocellulaire sur le
pronostic du malade cirrhotique a été largement établi [24,
29-31]. Le rôle direct de l’insuffisance hépatocellulaire sur la
mortalité des malades atteints de cirrhose hospitalisés en réani-
mation apparaît moins individualisé, sauf dans l’étude de
Castera et al. où le taux de prothrombine est un des 4 facteurs liés

Tableau I. − Mortalité des malades cirrhotiques admis en réanimation.

Mortality in cirrhotic patients admitted in intensive care units.

Références Année Nombre de Âge Child C Mortalité Mortalité

malades moyen (%) réanimation hospitalière
(%) (%)

Goldfarb et al. [5] 1983 100 53 — 89 —

Shellman et al. [6] 1985 74 51 53 61 —
Castera et al. [10] 1996 243 56 — 36 —
Zauner et al. [9] 1996 198 51 89 52 —
Zimmerman et al. [24] 1996 117 53 — — 63
Singh et al. [11] 1998 54 48 — 43 —
Afessa et al. [25] 2000 111 49 41 21 —
Zauner et al. [12] 2000 196 51 89 52 —
70 52 86 43 57
Aggarwal. et al. [13] 2001 480 55 — 37 49
Wehler et al. [15] 2001 143 53 68 36 46

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à la mortalité dans l’analyse multivariée [10]. Toutefois, le score
de Child-Pugh, clairement corrélé à la mortalité, intègre des
paramètres traduisant l’importance de l’insuffisance hépatocellu-
laire. Au cours de l’hémorragie digestive, la valeur du taux de
prothrombine est un facteur indépendant de mortalité [24]. Dans
la plupart des études, les facteurs associés à la mortalité de façon
indépendante sont les suivants : nécessité de ventilation artifi-
cielle, utilisation de vasopresseurs ou état de choc, insuffisance
rénale, existence d’une encéphalopathie et scores de gravité.
Dans une étude portant sur 480 malades cirrhotiques admis en
réanimation dont la mortalité était de 36,6 %, 3 facteurs
indépendants étaient associés à la mortalité : un score APACHE
III supérieur à 90, la nécessité d’un traitement vasopresseur et le
recours à la ventilation artificielle. Dans cette étude, le cumul de
ces trois paramètres était associé à une mortalité de 84 % [13].
La nécessité de recourir à la ventilation artificielle est
clairement associée à une surmortalité. Cette mortalité est
particulièrement élevée, environ 90 %, dans certaines études [5,
6, 32]. La majorité de ces malades décèdent sans avoir pu être
sevrés du respirateur [5]. Dans les études plus récentes, la
mortalité des malades cirrhotiques ventilés artificiellement est un
peu moins élevée, 53 % dans l’étude de Afessa et al. [28] et 63 %
dans celle de Zimmerman et al. [27]. L’existence d’une
défaillance respiratoire n’est d’ailleurs pas toujours associée à
une surmortalité [15]. Cette relative baisse de mortalité peut
correspondre à une meilleure prise en charge ou à une certaine
sélection pour l’admission de ces malades.
La présence d’une défaillance hémodynamique à l’admis-
sion, se traduisant soit par une hypotension artérielle soit par la
nécessité de recourir à l’utilisation de vasopresseurs, est égale-
ment fréquemment associée à un risque de mortalité [6, 10].
L’altération de la fonction rénale est fréquemment isolée
comme facteur de mortalité en analyse multivariée [6, 10, 28].
Ainsi, dans l’étude de Castera et al. [10], la créatininémie à
l’admission est plus élevée (191 ± 146 µol/L) chez les malades
qui vont décéder que chez ceux qui vont survivre (96 ± 53
µmol/L). De même, dans une autre étude, même après ajuste-
ment sur la gravité globale, l’existence d’une insuffisance rénale
avec ou sans recours à la dialyse était clairement associée à la
mortalité [11]. De façon générale, le mauvais pronostic de la
dysfonction rénale chez le malade cirrhotique est bien connu
[33].
La présence simultanée d’au moins 2 facteurs associés à la
mortalité augmente encore la probabilité de décès [10, 11, 13].
L’encéphalopathie hépatique, motif fréquent d’admission en
réanimation, est associée à une surmortalité à moyen ou long
terme [34]. Cependant, elle n’est le plus souvent pas associée à
une surmortalité en réanimation [11].
Les scores de gravité
La gravité de la cirrhose a été initialement établie par les
scores de Child-Turcotte [35] modifiés par Pugh [36]. Ce score
permettait de classer les malades cirrhotiques en 3 groupes en
fonction du risque postopératoire, essentiellement pour la mise en
place de dérivations porto-systémiques [37]. Dans certaines
études, le score de Child-Pugh n’est pas associé de façon
indépendante à la mortalité [11, 13] et n’est pas le meilleur
indicateur prédictif de mortalité [11, 27, 38]. En effet, ce score ne
prend pas en compte d’autres facteurs non liés directement à la
fonction hépatique, mais pouvant avoir un impact important sur
le pronostic comme la fonction rénale, les données hémodynami-
ques et l’altération respiratoire.
Des scores généralistes sont couramment utilisés en réanima-
tion : indice de gravité simplifié (IGS II) [39] ou acute physiology,
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Cirrhose et réanimation
age and chronic health evaluation (APACHE II) [8]. Ils sont
calculés à la 24e heure après l’admission du malade en
réanimation à partir de 12 variables cliniques et biologiques
faciles à recueillir. Des points sont ajoutés en fonction de l’âge, de
l’existence de certaines pathologies sous-jacentes et du mode
d’admission en réanimation. Il est intéressant de noter que la
cirrhose fait partie des maladies qui ajoutent des points au score
APACHE II. Ces scores ne sont validés que pour des malades
admis en réanimation. Ils sont corrélés à la mortalité des malades
en réanimation et le risque de décès hospitalier théorique se
calcule aisément à partir d’une formule mathématique. Ces
scores permettent de comparer des groupes de malades entre
eux et de comparer les mortalités observées aux mortalités
théoriques. Cependant leur utilisation isolée pour un malade n’est
pas recommandée comme aide à la décision d’admission en
réanimation [40]. Le score APACHE III est plus sophistiqué. Il est
calculé à partir de variables plus nombreuses et hiérarchisées
[41]. C’est un système lourd dans sa mise en œuvre et coûteux. Il
est peu utilisé en France.
Dans la plupart des études où ils ont été relevés, les scores de
Child-Pugh, APACHE II et APACHE III sont corrélés de façon
indépendante à la mortalité des malades cirrhotiques [6, 9, 15,
42]. La sensibilité et la spécificité de ces scores appréciées par les
courbes ROC (receiver operating characteristics) varient entre
0,68 et 0,74 pour le Child-Pugh et 0,70 et 0,80 pour le score
APACHE II [42]. Les résultats obtenus avec le score APACHE III
n’améliorent pas de façon nette la prédictibilité de décès [9].
Plus récemment l’utilisation d’un score de défaillance
d’organe, le score SOFA [Sequential Organ Failure Assessment)
a apporté des données intéressantes [43]. Le score SOFA est
calculé dans les 24 premières heures d’admission en réanimation
à partir des valeurs les plus anormales de 6 paramètres
traduisant chacun une défaillance d’organe (tableau II) [43].
Dans une étude comportant 143 malades cirrhotiques hospitali-
sés en réanimation, la prédiction de mortalité était obtenue au
mieux par le score SOFA. L’aire sous la courbe ROC était à 0,94
ce qui était nettement meilleur que celle des scores APACHE II
(0,79) et Child-Pugh (0,74). Les défaillances associées au décès
étaient essentiellement cardio-vasculaire, neurologique, rénale et
à un moindre degré hépatique. La mortalité des malades ayant
au moins 3 défaillances d’organe (n = 30) définies par le score
SOFA était de 96 % [15].
Les scores plus spécifiques
Pour essayer d’être plus pertinent sur la prédiction de la
mortalité du malade cirrhotique en réanimation, des scores plus
spécifiques ont été établis. Ces scores, comme le Mayo Risk Score
utilisé pour évaluer le pronostic des malades atteints de cirrhose
biliaire primitive [44] ou le Composite Clinical and Laboratory
Index (CCLI) [45] intègrent dans leur calcul des indices biologi-
ques dépendant de la fonction hépatique. Le calcul du CCLI est
fonction du nombre d’anomalies cliniques et biologiques tradui-
sant une dysfonction hépatique. Cependant ces scores n’appor-
tent pas de meilleure évaluation pronostique que les scores
généralistes comme l’APACHE II ou III [9].
Récemment, à partir de l’analyse en régression logistique de
13 paramètres associés à la mortalité de malades cirrhotiques, la
lactatémie, la cholestérolémie, bilirubinémie et clairance de la
créatinine ont été trouvés comme ayant la valeur pronostique la
plus forte [12]. Ces paramètres ont permis d’établir un score : le
score Intensive Care Cirrhosis Outcome (ICCO). Ainsi, ICCO =
0,3707 + 0.0773 × bilirubinémie (mg/dl) – 0,00849 × choles-
térolémie (mg/dl) – 0,0155 × clearance de la créatinine (ml/min)
+ 0,1351 × lactatémie (mmol/l). Ce score a été établi à partir
 R. Robert, A. Veinstein
Tableau II. − Score SOFA.
SOFA score.
1 2
Respiration < 400
PaO2/FiO2 (mmHg)
Coagulation < 150 000
Plaquettes (nb/mm3)
Pression artérielle < 70
moyenne (mmHg)
Catécholamine ou
vasopresseurs*
Bilirubinémie 20-32
(µmol/l)
Score de Glasgow 13-14
Fonction rénale 110-170
Créatininémie (µmol/l)
Diurèse ml/24 h
VM : ventilation mécanique ; vasopresseur : dose exprimée en *µg/kg/min.
d’une population de 196 malades cirrhotiques. Son intérêt a été
confirmé par une étude ayant inclus de façon prospective 70
malades. La valeur de l’aire sous la courbe de la courbe ROC
était de 0,83 pour la mortalité en réanimation et de 0,90 pour la
prédiction de mortalité hospitalière. Ce qui était supérieur aux
valeurs obtenues par le score APACHE III. Tous les malades ayant
un score ICCO > 2,6 décédaient, que ce soit en phase d’élabo-
ration ou en phase de validation du score. Ce score semble donc
avoir la meilleure valeur prédictive, mais il n’a pas été utilisé par
d’autres équipes et son utilisation en pratique ne peut encore être
recommandée.
Cirrhose et non-admissions en réanimation
La très forte probabilité de décès à court terme, la qualité de
vie antérieure médiocre ou la qualité de vie au terme de
l’hospitalisation en réanimation jugée médiocre sont les critères
classiquement utilisés pour décider de ne pas admettre en
réanimation un malade ayant une ou plusieurs défaillances
vitales [40]. Seules les situations où la mortalité prédite est proche
de 100 % pourraient constituer des critères de non-admission.
Ainsi, l’existence d’un score SOFA intégrant au moins 3
défaillances d’organe ou un score ICCO > 2,6 pourraient être
des indicateurs forts de non admission en réanimation. Cepen-
dant l’utilisation prospective de ces scores doit être confirmée.
Étant donné l’incertitude concernant la réponse au traitement,
même dans des situations qui paraissent compromises, certains
ont proposé une admission systématique des malades ayant un
pronostic péjoratif et une réévaluation clinique après 2 à 4 jours,
pouvant alors aboutir à des limitations thérapeutiques [46].
La persistance de l’intoxication alcoolique est souvent ressen-
tie par le médecin comme un facteur de mauvaise compliance à
la thérapeutique, pouvant influencer la décision de ne pas
admettre le malade en réanimation. Mais ceci est discuté et n’a
pas été évalué de façon spécifique.
Dans la population générale de réanimation, plusieurs
progrès récents ont été faits dans la prise en charge thérapeuti-
que permettant de réduire la mortalité des malades de réanima-
tion : utilisation d’un remplissage important dans les premières
heures du choc septique [47], contrôle plus strict de la glycémie
[48] ou utilisation de la protéine C activée en cas de choc
septique [49]. Ces mesures n’ont pas été évaluées chez le malade
cirrhotique et pourraient permettre d’en réduire également la
mortalité en cas d’agression sévère.
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3 4
< 300 < 200 et VM < 100 et VM
< 100 000 < 50 000 < 20 000
dopamine < 5 dopamine > 5 dopamine > 15
ou dobutamine ou Adrénaline ou Adrénaline
ou Noradrénaline ou Noradrénaline
< 0,1 > 0,1
33-101 102-204 > 204
10-12 6-9 <6
171-299 300-440 ou < 500 > 440 ou < 200
Conclusion
L’admission en réanimation de malades cirrhotiques ayant
peu ou pas d’insuffisance hépatique paraît justifiée, même si leur
mortalité est plus élevée que celle de la population générale
admise en réanimation. A l’inverse, la réanimation n’est a priori
pas indiquée chez des malades ayant une insuffisance hépatique
sévère et présentant des défaillances viscérales multiples
d’emblée étant donné une probabilité de décès proche de 100 %.
Cependant, les indications de transfert doivent être élargies chez
les malades pour lesquels une transplantation hépatique est
programmée. Dans les situations intermédiaires, la décision doit
se faire au cas par cas car il existe peu d’outils pertinents validés
pouvant être utilisés pour décider d’une admission ou au
contraire d’une non admission en réanimation. La nature de la
complication, le profil évolutif de la maladie sous-jacente et la
confrontation entre réanimateur et hépatologue doivent aider à
la prise de décision. D’autres études utilisant des scores tels que le
score ICCO doivent être réalisées pour en valider l’intérêt
pratique. L’application de stratégies thérapeutiques nouvelles de
réanimation sont à évaluer chez le malade cirrhotique.
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