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Corticoïdes en anesthésie-réanimation
Y Blanloeil1, Y Le Teurnier1, D Demeure2
POINTS ESSENTIELS
· Les effets anti-inflammatoires non spécifiques des corticoïdes sont recherchés dans les
situations aiguës d'anesthésie-réanimation où les corticoïdes sont utilisés.
· Le bénéfice des effets anti-inflammatoires des corticoïdes doit être bien mis en balance avec
les risques potentiels, en particulier infectieux.
· Des affections respiratoires sont des indications soit privilégiées des corticoïdes (asthme
aigu, hyper-réactivité des BPCO, préparation à l'anesthésie de ces deux derniers cas,
pneumopathie à Pneumocystis carinii ) soit possibles (phase tardive du SDRA).
· Les corticoïdes ne doivent pas être utilisés avant extubation en anesthésie et en réanimation.
· La méthylprednisolone est discutée mais possible dans les 8 heures suivant un traumatisme
médullaire isolé.
· Les corticoïdes ne sont pas retenus pour le traitement des infections graves, à l'exception de
certaines méningites purulentes communautaires de l'enfant.
· Il n'existe pas d'argument à l'utilisation des corticoïdes par voie générale ou péridurale pour
l'analgésie postopératoire.
L'objectif de cet exposé est de réévaluer l'intérêt potentiel des corticoïdes dans certaines
situations pathologiques, concernant typiquement l'anesthésie et la réanimation.
CORTICOÏDES
Généralités
Les corticoïdes, hormones sécrétées par les corticosurrénales, recouvrent sous un seul terme
deux groupes de substances différenciées par leurs propriétés physiologiques prédominantes :
les minéralocorticoïdes, dont la fonction essentielle est la rétention de sodium, et les
glucocorticoïdes ainsi nommés car ils stimulent la néoglucogenèse [1] . Pour cette revue, le
terme corticoïde sera retenu à la place de glucocorticoïde. De plus, il ne sera jamais fait
référence aux minéralocorticoïdes.
IM IV : 25,
hydrocortisone Hydrocortisone, 1 20 8 - 12
100, 125,
500 et
1 000 mg
cp : 1,5 et
prednisone Cortancyl® 4 5 12 - 36
20 mg
cp : 5 et
prednisolone Solupred® 4 5 12 - 36
20 mg
Hydrocortancyl sol buv :
®
1 mg · mL-1
cp : 4 et
16 mg
Médrol®
IV : 20, 40,
méthylprednisolon
Solu-Médrol® 120 et 5 4 12 - 36
e
500 mg
Dépomédrol®
IM : 20 et
40 mg
triamcinolone Kénacort® IM : 40 et 5 4 12 - 36
80 mg
®
paraméthasone Dilar IM : 40 mg 10 2 36 - 54
cp : 0,5 et
bêtaméthasone Célestène® 30 0,6 - 0,75 36 - 54
1 mg
sol buv :
0,5 mg · mL-
1
Betnésol®
IV IM :
4 mg
Décadron®
cp : 5 mg
®
dexaméthasone Soludécadron 30 0,75 36 - 54
IV : 4,20 mg
Dectancyl®
NB : les corticoïdes d'administration ou d'application locale sont exclus.
Les effets pharmacologiques des corticoïdes de synthèse ne sont que la caricature des effets
physiologiques du cortisol. Le cortisol exerce directement ou indirectement sur de nombreux
tissus de l'organisme des effets multiples et complexes. Ces effets concernent le métabolisme
énergétique avec stimulation des voies de la néoglucogenèse et stimulation du métabolisme
hydrominéral. Les corticoïdes exercent aussi une action sur les organes lymphoïdes et les
phénomènes inflammatoires. Ces actions sont de type permissif, c'est-à-dire qu'elles stimulent
des voies métaboliques préexistantes. Les effets pharmacologiques comportent des effets
recherchés pour leur bénéfice thérapeutique et des effets indésirables dont les principaux
dépendent des effets métaboliques des corticoïdes. Les effets bénéfiques des actions anti-
inflammatoires et surtout immunosuppressives s'accompagnent aussi d'effets négatifs comme
celui sur la formation du tissu fibreux pouvant jouer sur la cicatrisation et celui sur les
défenses immunitaires contre les infections.
Dans cet exposé, nous nous intéresserons uniquement aux propriétés anti-inflammatoires qui
conditionnent les effets recherchés dans toutes les situations aiguës observées en anesthésie et
en réanimation. Les effets immunosuppresseurs très importants qui peuvent parfois justifier la
prescription de corticoïdes en réanimation (transplantations d'organes, maladies de système...)
ne concernent qu'indirectement l'anesthésie et la réanimation.
Effets anti-inflammatoires
Au total, les corticoïdes, en interférant avec la plupart des médiateurs impliqués dans la
réaction inflammatoire (tableau II) , modifient l'activité des cellules phagocytaires et la
production de radicaux libres dérivés de l'oxygène.
Cette action anti-inflammatoire non spécifique n'est qu'un effet suspensif, l'arrêt de la
corticothérapie étant suivi d'une rechute, voire d'un rebond, à moins que la maladie ne soit
arrivée à son terme naturel. Ceci explique le bénéfice souvent important observé dans les
situations aiguës d'anesthésie et de réanimation. En effet, dans ces situations il est très rare
d'observer un état de cortico-dépendance ou à l'inverse de cortico-résistance attribuée à une
réduction ou à la disparition des récepteurs spécifiques dans les cellules pathologiques,
comme c'est le cas dans les affections inflammatoires chroniques.
Il comporte deux effets principaux génomiques et non génomiques [1] [2] [3] [4] .
Effets génomiques
Effets secondaires
Dans les situations pathologiques où les corticoïdes sont utilisés en réanimation, les effets
anti-inflammatoires immédiats sont souvent brillants, mais ils ne devront pas faire oublier les
risques éventuels de cette thérapeutique, en particulier infectieux. Les fortes doses de
corticoïdes n'ont souvent pas d'inconvénients néfastes, parfois elles doivent être suivies d'une
corticothérapie à dose modérée qui, en l'absence de contre-indications classiques aux
glucocorticoïdes, ont peu de chance d'entraîner des complications si la durée de prescription
est limitée à 3 à 5 jours. En pratique, il n'y a pas, sauf en cas d'ulcère digestif en poussée,
d'obstacle majeur à une corticothérapie courte de 3 à 5 jours. Néanmoins, en présence d'une
infection il y a intérêt à obtenir un diagnostic de responsabilité de l'agent infectieux avant la
mise en route des corticoïdes pour pouvoir assurer un traitement anti-infectieux efficace.
INDICATIONS
Pneumologie
L'évolution du syndrome de détresse respiratoire de l'adulte (SDRA) se fait vers le décès dans
plus de 50 % des cas malgré une réanimation bien conduite, et ceci pour deux raisons
principales : l'infection pulmonaire nosocomiale et la fibrose pulmonaire [5] [6] [7] . La
fibrose est caractérisée par la prolifération de myofibroblastes et de collagène intra-alvéolaire
et interstitiel, due à la transformation de l'exsudat riche en protéines en un tissu de
granulation. Les corticoïdes peuvent théoriquement jouer sur les mécanismes
physiopathologiques des 2 phases, la période initiale marquée par une réaction inflammatoire
majeure et la deuxième par la fibrose secondaire. Sur différents modèles expérimentaux
d'agression pulmonaire (microembole, inhalation, endotoxine...) l'administration précoce de
corticoïdes semble améliorer l'évolution respiratoire [8] . Ces résultats ont encouragé la
réalisation de plusieurs études évaluant l'effet préventif des corticoïdes chez des patients à
risque de développer un SDRA, essentiellement au cours d'états septiques graves [9] [10]
[11] [12] . Ces travaux n'ont jamais pu démontrer l'intérêt des corticoïdes. Une seule étude
évalue l'effet d'une dose forte, 30 mg · kg-1 les premières 24 heures, de méthylprednisolone à
la phase initiale du SDRA [8] . Aucun effet bénéfique jugé sur la mortalité et l'évolution du
SDRA n'est constaté. De plus, dans le sous-groupe des patients qui présentent un sepsis,
l'évolution du SDRA est plus mauvaise : 9 % d'évolution favorable dans le groupe
méthylprednisolone versus 56 % dans le groupe placebo. Cette évolution péjorative confirme
le résultat de l'étude de Bone et al sur l'effet préventif des corticoïdes : l'évolution défavorable
du SDRA lorsqu'il se déclare est plus fréquente (69 %) dans le groupe méthylprednisolone
que dans le groupe placebo (39 %) [11] .
En conclusion, reprenant les recommandations de Kollef et Schuster, nous pouvons dire qu'il
n'existe aucune indication à l'utilisation des corticoïdes à la phase de début du SDRA [18] .
En revanche, bien qu'il n'existe aucune étude contrôlée prouvant leur bénéfice à la phase
tardive, ils peuvent être essayés entre le 7e et 15e jour si l'évolution se fait sans amélioration
de l'oxygénation, alors que tous les moyens optimisés du traitement ont été utilisés, et à
condition d'éliminer ou de traiter toute infection. Le schéma proposé est 2 à 4 mg · kg-1 de
prednisone ou équivalent pendant au moins une à deux semaines [18] .
Quelle que soit l'indication du traitement par corticoïdes et même lorsque l'objectif est la
bronchodilatation, le mécanisme d'action concerne avant tout les cellules de l'inflammation
[19] [20] . Les corticoïdes s'opposent à la formation de médiateurs pro-inflammatoires à
partir de l'acide arachidonique, et l'action prédomine sur la phase tardive de la réaction
asthmatique survenant 6 à 8 heures après une provocation allergénique ou parfois un exercice
physique. En outre, c'est l'effet anti-inflammatoire qui pourrait diminuer l'hyper-réactivité
bronchique. Les corticoïdes auraient aussi une action pulmonaire spécifique, car les
pneumocytes de type II ont des récepteurs pour les corticoïdes et ces derniers sont capables de
favoriser la maturation du surfactant. Les corticoïdes semblent aussi diminuer l'hypersécrétion
de mucus bronchique. Il est capital de rappeler que la prednisone renforce l'effet des
sympathomimétiques sur le muscle bronchique par une augmentation du nombre des
récepteurs bêta-adrénergiques et par une potentialisation liée à l'activation de l'adényl-cyclase.
Au total, les corticoïdes renforcent ou restaurent l'efficacité des bronchodilatateurs.
Finalement, il faut souligner que l'effet des corticoïdes nécessite un minimum de 6 à 12 heures
pour provoquer une amélioration très nette de la mécanique ventilatoire en particulier au cours
de la maladie asthmatique.
Plusieurs études ont essayé de déterminer la dose nécessaire. Il semble que les faibles doses
soient souvent insuffisantes [21] [22] , mais la dose précise reste à déterminer. Celle
actuellement recommandée est de 10 à 15 mg · kg-1 · j-1 d'hydrocortisone ou d'équivalent, soit
600 à 900 mg d'hydrocortisone, 150 à 225 mg de prednisolone ou 120 à 180 mg de
méthylprednisolone par jour. En pratique, 40 mg de méthylprednisolone sont administrés par
voie intraveineuse toutes les 6 heures ou 60 mg de prednisone toutes les 6-8 heures. Ces doses
doivent être maintenues pendant 36 à 48 heures en fonction de l'état respiratoire du patient.
Ensuite la diminution progressive doit être effectuée. Il est suggéré de passer à 60 mg de
prednisolone/jour quand le VEMS approche 50 % de la valeur prédite. Cette dose est
maintenue pendant 4 jours et ensuite, la dose est réduite ou arrêtée définitivement en 4 jours.
Les corticoïdes inhalés doivent être utilisés le plus vite possible, au plus tard entre la 36e et la
48e heure [22] .
En ce qui concerne la préparation anesthésique des patients asthmatiques ou ayant une hyper-
réactivité bronchique, les corticoïdes semblent avoir une place intéressante toujours
recommandée bien qu'elle ne soit pas bien validée [23] . En effet, la seule justification est
tirée d'une étude expérimentale de la meilleure équipe travaillant sur le sujet mais qui n'a fait
l'objet que d'un abstract [24] . Sur un modèle expérimental, l'administration de
méthylpredisolone réduit dès la 24e heure la réactivité bronchique à la stimulation par l'acide
citrique, l'effet étant particulièrement net à partir de la 48e heure. Aussi, quand le patient se
présente avec une maladie asthmatique sévère ou que le traitement inclus des corticoïdes en
inhalation, une corticothérapie orale ou parentérale peut être proposée pour encadrer la
chirurgie.
Les corticoïdes semblent moins fréquemment nécessaires chez les patients atteints d'une
bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Seulement 30 % de ceux-ci peuvent
être améliorés par une corticothérapie chronique orale. De nombreuses études sont en cours
pour évaluer l'intérêt des corticoïdes par inhalation qui semble être la solution la plus
intéressante. A priori, chez un patient ayant une hyper-réactivité bronchique sévère ou avec
bronchoconstriction aiguë, les recommandations précédemment vues pour la maladie
asthmatique peuvent être appliquées [25] .
Plusieurs études contrôlées ont clairement établi que la corticothérapie adjuvante, instituée à
la phase initiale du traitement, améliore le délai de guérison et la survie des patients infectés
par le virus du VIH et souffrant d'une pneumocystose aiguë [26] [27] .
L'utilisation préventive des corticoïdes a été proposée et considérée comme une attitude tout à
fait acceptable. Expérimentalement, les corticoïdes prescrits au moment de l'extubation
diminuent la dilatation capillaire et la perméabilité aussi bien que la formation d'oedème et
l'infiltration par des cellules inflammatoires. Les quatre études disponibles étudiant de
manière prospective et randomisée l'utilisation de corticoïdes en prévention de l'oedème
laryngé après extubation, quelles que soient les modalités de prescription des corticoïdes, ne
montrent pas de différences de fréquence avec ou sans prescription de corticoïdes [28] [30]
[31] [32] . Les conclusions sont valables aussi bien chez l'enfant que chez l'adulte. Chez les
patients qui sont réintubés après un épisode de dyspnée laryngée, la récidive de l'oedème est
très rare après un traitement curatif conduit pendant au moins 48 heures à une dose de l'ordre
de 2 mg · kg-1 de méthylprednisolone.
En conclusion, les corticoïdes ne doivent pas être utilisés systématiquement avant extubation
en anesthésie, comme en réanimation, quelle que soit la durée de l'intubation. Cependant,
après oedème laryngé nécessitant une réintubation, une corticothérapie de 48 heures devient
obligatoire avant de tenter à nouveau l'extubation.
Chirurgie orale
Chirurgie de la face
Dans la chirurgie orthognatique avec ostéotomie, les corticoïdes prescrits environ 48 heures
réduisent considérablement l'oedème, surtout dans les 24 premières heures postopératoires
[38] [39] .
Dans la chirurgie faciale plastique et craniofaciale, Habal et al [40] regroupent 398 patients
qui reçoivent 1 g de méthylprednisolone IV en période postopératoire immédiate. Cette étude,
qui ne comprend pas d'étude statistique et reste très subjective, conclut à une nette diminution
de l'oedème qui, lorsqu'il est présent, reste modéré. Aucune complication, en particulier
infectieuse, n'est rapportée.
Au total, il semble que l'impact de la corticothérapie sur l'oedème postopératoire se limite aux
48 premières heures.
Chirurgie ORL
Les corticoïdes sont largement utilisés en ORL sur un mode plus empirique que bien étayé par
des travaux randomisés. Ils sont aussi utilisés en nébulisation, en particulier dans les
affections laryngées. Les justifications sont celles déjà citées à propos de la chirurgie
maxillofaciale, le maintien de la liberté des voies aériennes supérieures étant bien sûr au
premier plan de la justification thérapeutique. Les indications générales sont la chirurgie
laryngée, en particulier carcinologique et du rétrécissement, l'uvulopalatopharyngoplastie,
l'amygdalectomie et le nettoyage des sinus (la corticothérapie en association à
l'antibiothérapie précède l'acte chirurgical) [41] [42] .
Infectiologie
Deux méta-analyses viennent d'être publiées pour déterminer l'effet des corticoïdes sur la
mortalité et la morbidité des patients souffrant d'infections sévères et/ou d'un sepsis. Les
auteurs des analyses ont sélectionné initialement 124 études dans un cas [43] et 49 dans
l'autre [44] pour ne finalement retenir que 9 et 10 travaux de qualité suffisante, regroupant
respectivement 1 232 et 1 329 patients. À l'exception d'une étude, celles retenues sont
identiques dans les deux méta-analyses, et les deux grandes études multicentriques
américaines regroupent plus de la moitié des patients à elles seules [45] [46] . Ces deux
méta-analyses montrent l'absence de bénéfice des corticoïdes sur la mortalité. L'évolution
sous corticoïdes des 413 patients souffrant d'une infection à bacille à Gram négatif semble
meilleure [44] , mais il serait très discutable de tenir compte de cette tendance. Dans six
études, un sous-groupe de 713 patients en choc septique a pu être individualisé ; la mortalité
est identique avec ou sans corticoïdes [43] . Même s'il existe une relative hétérogénéité dans
le recrutement des différentes études (problème de définition de la gravité de l'infection) et sur
les modalités thérapeutiques (doses de corticoïdes de 300 mg à 42 g d'hydrocortisone ou
équivalent les premières 24 heures), il est néanmoins clair que les corticoïdes n'ont pas de
place évidente dans le traitement d'un état septique grave à la phase précoce. En revanche, il
est difficile d'avoir une opinion objective sur les effets secondaires de la corticothérapie dans
ce contexte. En effet, ceux-ci ne sont pas différents avec ou sans corticoïdes pour Lefering et
Neugebauer [44] , alors que Cronin et al [43] les trouvent plus fréquents avec la
corticothérapie. Mais, ces derniers auteurs utilisent les conclusions de sous-analyses d'une
même étude pour donner leurs conclusions [11] [47] .
Neurologie et neurotraumatologie
La morbidité et la mortalité des tumeurs cérébrales est en partie liée à l'oedème péritumoral à
l'origine d'une hypertension intracrânienne. Cet oedème de type vasogénique est caractérisé
par l'augmentation du contenu en eau et en sodium entraînant une augmentation du volume du
tissu cérébral. Il est riche en protéines et prédomine dans la substance blanche. Bien que son
mécanisme ne soit pas encore tout à fait bien compris, il semble qu'il existe une rupture de la
barrière hématoencéphalique avec extravasation plasmatique dans le secteur interstitiel.
Depuis plus de trente ans les corticoïdes font régulièrement la preuve de leur efficacité [52] .
Cependant, toutes les tumeurs ne sont pas sensibles à ce traitement. Le résultat est bon en cas
de métastases ou de gliome de grade intermédiaire ou élevé, inconstant en cas de
méningiome. Ainsi, une équipe utilise le temps de relaxation à l'IRM pour quantifier l'oedème
péritumoral, car il existe une relation entre le contenu en eau et ce paramètre. Ils étudient
l'action de 0,3-0,6 mg · kg-1 de dexaméthasone sur trois types de tumeurs : métastases,
méningiomes et glioblastomes. La résorption de l'oedème est importante dans les métastases
et les glioblastomes, mais pas dans les méningiomes [53] . Enfin, chez les patients ayant un
gliome cérébral, la corticothérapie est généralement utilisée par voie parentérale ou entérale,
au cours de la période périopératoire incluant la radiothérapie. Son efficacité est moindre
lorsque les patients deviennent corticodépendants pendant la radiothérapie postopératoire
[54] .
Le mécanisme de l'action des corticoïdes sur les tumeurs cérébrales et l'oedème péritumoral
n'est pas connu. La présence de récepteurs sensibles aux corticoïdes au niveau des cellules
tumorales est montré. Les corticoïdes par le biais de ceux-ci pourraient entraîner une
régulation de l'expression génique. Les récepteurs sont plus nombreux au niveau des tumeurs
métastatiques et des gliomes qu'au niveau des méningiomes. Cependant, il n'est pas trouvé de
corrélation entre le nombre de récepteurs et la réponse aux corticoïdes. Sur un modèle de
tumeurs induites chez le rat, une équipe japonaise compare à un placebo les effets sur
l'extravasation capillaire d'une corticothérapie et d'une chimiothérapie. Les corticoïdes
permettent une réduction nette de l'extravasation de l'albumine, mais n'affectent pas la taille
de la masse tumorale [55] . Cette action pourrait dépendre de l'effet des corticoïdes sur le
métabolisme des prostaglandines cérébrales [56] . En effet, l'oedème cérébral pourrait être
favorisé par les prostaglandines vasodilatatrices qui entraînent une rupture de la barrière
hématoencéphalique. Au total, l'action des corticoïdes dépendrait de la présence de récepteurs
au niveau du tissu tumoral et/ou de l'action sur les prostaglandines cérébrales. L'effet sur l'un
et/ou l'autre de ces mécanismes dépendrait du type de la tumeur et expliquerait l'action
inconstante des corticoïdes dans les méningiomes par rapport aux métastases ou aux gliomes
[56] .
Si les corticoïdes sont intéressants pour réduire la mortalité et la morbidité des patients
atteints de tumeurs cérébrales, il apparaît que leur intérêt pourrait être réduit par leurs effets
secondaires. Pour cette raison des auteurs étudient les corticoïdes en application locale sur des
tumeurs induites [57] . Des lapins sont répartis en trois groupes : sans traitement, corticoïdes
par voie générale et corticoïdes en administration locale. Ce dernier mode permet de réduire le
volume tumoral, autant que l'administration par voie générale, et surtout augmente
significativement le taux de survie. L'application pratique de ce travail reste à évaluer.
Traumatismes médullaires
Depuis l'étude NASCIS II [59] , la méthylprednisolone occupait une place importante dans le
traitement des traumatismes médullaires. Cette étude prospective randomisée, conduite chez
487 traumatisés rachidiens à la phase aiguë et atteints de lésions médullaires complètes ou
incomplètes, met en évidence une amélioration peu importante mais significative des
fonctions sensitives et motrices, en cas d'administration de méthylprednisolone (bolus de
30 mg · kg-1 sur une heure, suivie d'une perfusion continue de 5,4 mg · kg-1 · h-1 pendant les
23 heures suivantes) dans les huit heures suivant le traumatisme [59] , cet effet persistant un
an après [60] . Les effets secondaires observés, tels que l'hémorragie et l'infection sont
comparables entre les groupes méthylprednisolone, naloxone et témoin. En fait, une
récupération neurologique significativement meilleure est notée si la méthylprednisolone est
administrée avant la 8e heure, à l'inverse elle est moins bonne si elle est administrée après.
L'action du médicament n'aurait rien à voir avec son effet anti-inflammatoire, mais il agirait
comme antioxydant en diminuant la peroxydation des lipides polyinsaturés membranaires. De
plus, à partir d'études expérimentales, il semble que cet effet ne se produirait qu'avec ce seul
corticoïde et qu'à une posologie précise [61] . Même si cette étude est considérée aux USA
comme incontournable dans le traitement des traumatisés médullaires, il faut noter que sa
méthodologie peut être discutée (analyse statistique critiquable, amélioration motrice difficile
à percevoir en raison de la méthodologie d'évaluation), que les blessés étudiés ne sont atteints
que d'un traumatisme médullaire isolé, excluant donc les polytraumatisés. De même les
complications du traitement, bien que statistiquement non différentes, sont relativement
élevées. D'ailleurs, des pneumopathies sont rapportées avec les corticoïdes lors de lésions
médullaires hautes dans d'autres études [58] . Aussi faut-il être prudent lors de
polytraumatisme avec traumatisme thoracique (rachis dorsal) s'il existe une suspicion de
contusion pulmonaire. Le rapport bénéfice/risque global semble peut-être en faveur de
l'utilisation de méthylprednisolone chaque fois que possible, selon le protocole original, ce qui
nécessite une large coordination ainsi qu'un effort de formation, afin que les patients reçoivent
le traitement avant la 8e heure après le traumatisme. Mais, ce traitement ne fait pas l'unanimité
des spécialistes, au point que les études européennes récentes se font toujours contre un
placebo.
Traumatismes craniocérébraux
L'observation de la diminution de la sécrétion de LCR par les corticoïdes chez le chien a fait
proposer cette thérapeutique dans l'hypertension intracrânienne après traumatisme crânien.
Compte tenu des résultats des 6 études disponibles, randomisées avec groupe contrôle,
l'administration de forts bolus de corticoïdes n'a pas d'indication. En effet, aucune activité des
corticoïdes jusqu'à des doses de 500 mg · j-1 de dexaméthasone et de 4 g · j-1 de
méthylprednisolone n'est démontrée, aussi bien sur la pression intracrânienne que sur le
pronostic [62] .
Six études évaluent l'effet de 120 à 480 mg de dexaméthasone sur 10 à 15 jours [62] . Même
si les études sont différentes par le type de l'accident vasculaire (ischémique isolé ou associé à
une hémorragie), les effectifs variables et la gravité différente des patients, les conclusions
peuvent être acceptées. Aucune amélioration n'est démontrée aussi bien sur le plan
fonctionnel que sur la mortalité. Enfin, deux études se sont consacrées plus spécifiquement à
l'effet des corticoïdes dans les accidents hémorragiques, sans montrer d'effet favorable [62] .
La seule étude disponible ne montre aucun intérêt aux corticoïdes. Cependant, ce travail est
largement critiquable : rétrospectif, sous-analyse d'une étude destinée à vérifier l'intérêt du
thiopental, différents corticoïdes, doses variables. Néanmoins, les résultats négatifs des études
expérimentales sur l'ischémie postanoxique et des études cliniques sur l'ischémie d'origine
vasculaire n'encouragent pas l'utilisation des corticoïdes [63] .
Hémorragies sous-arachnoïdiennes
À propos de deux observations, Ashbaugh et Petty ont proposé l'utilisation de la cortisone lors
de l'insuffisance respiratoire aiguë, associée à une embolie graisseuse [66] . Dans le modèle
d'embolie pulmonaire d'acide oléique chez le rat, les corticoïdes abaissent la mortalité de 47 à
5 % [67] . L'effet anti-inflammatoire des corticoïdes semble principalement expliquer cette
action bénéfique [67] . Deux études randomisées en double aveugle démontrent l'effet
préventif positif de fortes doses de méthylprednisolone [68] [69] . Cependant, pour proposer
systématiquement cette thérapeutique chez des polytraumatisés comportant au moins
2 fractures d'os longs et/ou du bassin, il serait souhaitable d'établir un diagnostic prédictif de
sévérité de l'embolie graisseuse. En l'absence de contre-indications à la corticothérapie,
l'apparition de pétéchies, associées avec un score élevé d'embolie graisseuse, pourrait être la
condition d'utilisation des corticoïdes [69] . La présence d'inclusions lipidiques dans le lavage
broncho-alvéolaire des traumatisés avec atteinte respiratoire pourrait aussi constituer un
argument pour leur usage, mais ceci reste à démontrer [70] . Dans l'attente d'études
complémentaires, le traitement symptomatique de l'atteinte respiratoire et l'immobilisation-
fixation précoce des foyers de fractures reste le traitement de référence.
Plusieurs essais ont été conduits au cours de l'insuffisance hépatocellulaire fulminante, dont
l'atteinte cérébrale terminale est liée à un oedème cérébral. Lorsque les résultats des quatre
études, soit 149 patients, qui comparent l'hydrocortisone à un placebo sont regroupés, il existe
une tendance à l'augmentation de la mortalité avec les corticoïdes [71] . Dans une autre étude
comparative sur l'oedème cérébral, la mortalité n'est pas influencée par la prescription de
dexaméthasone [72] . En revanche, le mannitol réduit significativement l'oedème cérébral et
la mortalité des patients qui en ont reçu. En pratique, il n'existe pas d'indication des
corticoïdes pour la prise en charge de l'oedème cérébral de l'insuffisance hépatocellulaire
fulminante [73] .
Immunologie
Choc anaphylactoïde
L'action anti-allergique des corticoïdes est quasiment inexistante en ce qui concerne les
réactions d'anaphylaxie médiées par les anticorps. À court terme, ils atténuent la réaction
locale et systémique en inhibant la synthèse d'histamine par les mastocytes. L'essentiel de
l'action anti-allergique est situé au niveau de l'immunité cellulaire avec suppression des
réactions d'hypersensibilité retardée, par diminution entre autres de la sécrétion des
lymphokines médiateurs de cette hypersensibilité. Les corticoïdes sont donc théoriquement
inefficaces à la phase précoce des réactions allergiques anaphylactiques ou anaphylactoïdes
[74] . Il est parfois suggéré de les utiliser si les manifestations respiratoires sont majeures ou
prédominantes [75] . Pourtant, la pratique prouve qu'ils sont incapables de corriger le
bronchospasme [76] . L'adrénaline, voire des bêta 2 mimétiques par inhalation, constituent
les médicaments les plus appropriés. Les corticoïdes auraient peut-être un intérêt lors d'un
prurit intense [76] . En revanche, en bloquant la synthèse des lipocortines, en conséquence les
phospholipases [77] , les corticoïdes inhiberaient la composante tardive des réactions
anaphylactiques [78] . Enfin, ils pourraient diminuer l'expression des récepteurs aux IgE [79]
. Ainsi, ils pourraient être proposés pour le traitement de certains chocs qui se prolongent
[74] [80] . Dans ce cas, les corticoïdes sans conservateur sont préférés, hydrocortisone ou
méthylprednisolone (500 mg à 1 g avec réinjection respectivement de 100 mg/2 à 4 heures ou
de 1 à 2 mg · kg-1/6 heures). La dexaméthasone (conservateurs : paraben et sulfite) et la
bêtaméthasone (conservateur : métabisulfite) sont évitées.
Transplantations d'organes
Les corticoïdes ont été proposés dans le syndrome de Lyell pour inhiber la cytotoxicité
médiée par les anticorps. Mais il n'existe pas d'étude randomisée concernant sa prise en
charge. La seule étude prospective non randomisée n'encourage pas leur usage, car la
mortalité est deux fois plus grande avec les corticoïdes [83] . Le risque infectieux est 5 fois
plus important lorsque les corticoïdes sont utilisés plus de 48 heures. Le traitement de ces
malades doit donc être identique à celui des brûlés graves et effectué de préférence dans un
centre de brûlés. Si on souhaite utiliser les corticoïdes, ils ne doivent pas être prescrits plus de
48 heures, uniquement en période érythrodermique [84] .
Les deux antiagrégants les plus puissants, l'aspirine et la ticlopidine, induisent des
modifications permanentes des plaquettes et peuvent augmenter le risque hémorragique
opératoire. Ce risque est surtout établi avec l'aspirine associée à l'héparine en chirurgie
cardiaque. En ce qui concerne la ticlopidine aucune étude n'a été effectuée, car le risque
semblait trop important. Ces antiagrégants augmentent le temps de saignement. Les
corticoïdes le diminuent chez les patients ayant un allongement isolé et inexpliqué du temps
de saignement [85] . Chez le volontaire sain 20 mg IV de méthylprednisolone réduisent de
moitié l'allongement du temps de saignement provoqué par sept jours de traitement par
ticlopidine ; l'agrégation plaquettaire n'est pas modifiée [86] . L'hypothèse retenue pour
expliquer cette action serait une vasoconstriction par blocage de la libération vasculaire de
prostacycline, sans altération du métabolisme des prostaglandines plaquettaires. Dans ces
conditions, les corticoïdes ne seraient pas efficaces en cas d'allongement du temps de
saignement provoqué par l'aspirine, car cet antiagrégant inhibe la production de prostacycline.
Il n'a jamais été démontré que l'utilisation des corticoïdes chez un opéré, prenant en période
préopératoire de la ticlopidine, réduisait le risque hémorragique. Ils ne peuvent être
recommandés.
Analgésie postopératoire
Nous avons vu qu'en chirurgie maxillofaciale, la réduction de l'oedème par les corticoïdes
s'accompagne d'une diminution de la douleur postopératoire. La méthylprednisolone
diminuerait aussi le besoin de bupivacaïne par voie péridurale après cholécystectomie. Mais la
méthodologie de l'étude, qui prétend le démontrer, est très discutable [87] .
Depuis 1960, les corticoïdes sont largement utilisés par voie périmédullaire pour traiter les
syndromes douloureux chroniques rachidiens [88] . La neurotoxicité du polyéthylène glycol,
solvant de la méthylprednisolone, est démontrée, et pour cette raison son usage par voie
intrathécale est contre-indiqué [88] . En dépit d'un doute sur son innocuité par voie
péridurale, car les accidents décrits ne pourraient être que la conséquence d'une injection
intrathécale accidentelle chez des patients, dont l'espace péridural serait remanié après de
multiples injections péridurales, l'injection péridurale de méthylprednisolone reste très
utilisée. En revanche, chez l'animal aucune toxicité médullaire n'est décrite récemment avec la
triamcinolone [89] . Le mécanisme de l'action analgésique est la réduction de l'inflammation
et de l'oedème des racines nerveuses affectées. Depuis quelques années, il est montré que les
prostaglandines médullaires joueraient un rôle dans l'hyperalgésie secondaire.
Expérimentalement, les AINS par voie intrathécale semblent pouvoir bloquer ce mécanisme
d'entretien de la douleur aiguë. Cependant, sur le même modèle, la méthylprednisolone et la
triamcinolone n'ont aucun effet [89] . En conséquence, il n'est pas recommandable d'utiliser
les corticoïdes par voie péridurale, en association par exemple avec les morphiniques, pour
traiter la douleur postopératoire.
L'intérêt des corticoïdes pour les hypercalcémies, observées le plus souvent en réanimation,
est extrêmement restreint [90] . En effet les patients atteints d'affection cancéreuse non
hématologique et ceux ayant une hyperparathyroïdie ne répondent pas aux corticoïdes. En
revanche, ceux-ci sont particulièrement efficaces dans les syndromes lymphoprolifératifs et le
myélome. L'action dépend de plusieurs mécanismes : effet antitumoral direct par inhibition de
la croissance des tissus lymphoïdes néoplasiques, diminution de la résorption osseuse et de
l'absorption intestinale de calcium. Le traitement consiste en 1 à 2 mg · kg-1 · j-1 de
prednisolone ou de méthylprednisolone, la voie intraveineuse étant préférable pendant 3 à
5 jours. Mais la réponse au traitement est différée parfois jusqu'à une semaine.
CONCLUSION
Au total, parmi les indications potentielles (tableau IV) , les meilleures et les mieux validées
sont constituées par les affections respiratoires, à l'exception du SDRA à sa phase débutante.
Cependant, dans cette dernière indication comme dans les états septiques graves il persiste un
doute sur l'intérêt des corticoïdes inhérent aux difficultés à démontrer cet intérêt en clinique.
Malheureusement, les exigences méthodologiques pour les futures études apparaissent à la
limite de l'insurmontable [91] . Cette situation ne semble donc pas présager un grand avenir
aux corticoïdes. Pourtant, une meilleure compréhension physiopathologique du sepsis pourrait
les remettre au premier plan. La grande capacité des corticoïdes et de l'interleukine 6 (IL) à
inhiber la sécrétion du TNF alpha ( tumor necrosis factor ) et de l'IL1, importantes cytokines
participant à la gravité du sepsis, pousserait à une association IL6 recombinant-corticoïdes
pour contrôler le choc septique [3] .
Choc septique ( R )
Traumatisme médullaire ( D )
5. Traumatologie
Embolie graisseuse ( P )
6. Hépatologie
Choc anaphylactoïde ( P )
Transplantations d'organes ( A )
8. Dermatologie
Syndrome de Lyell ( R )
9. Hématologie
RÉFÉRENCES
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