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Archives de pédiatrie 15 (2008) 216–222

DU SYMPTÔME AU DIAGNOSTIC
Convulsions et épilepsie de l’enfant : de la crise au
diagnostic
Epileptic seizures in childhood: From seizure type to
diagnosis
M. Milh *, I. Ticus, N. Villeneuve, C. Hugonencq, J. Mancini, B. Chabrol
Service de neurologie pédiatrique, hôpital de La-Timone-Enfants, 265, rue Saint-Pierre, 13005 Marseille, France
Disponible sur Internet le 14 janvier 2008

Résumé
Le diagnostic de crise d’épilepsie n’est pas toujours évident chez l’enfant, car la séméiologie peut être trompeuse. Devant
une première crise d’épilepsie chez l’enfant, l’interrogatoire précis de l’entourage et de l’enfant si possible, l’examen
clinique et les examens complémentaires orientés doivent avant tout rechercher une cause occasionnelle urgente. Le
diagnostic d’épilepsie est classiquement porté devant la répétition de crises non provoquées. L’épilepsie est dite
idiopathique si celle-ci constitue la seule maladie du cerveau et non idiopathique lorsque l’épilepsie n’est qu’une des
conséquences d’un dysfonctionnement ou d’une lésion cérébrale préexistante, retrouvée ou suspectée. Dans tous les cas,
la description la plus précise possible de la ou des crises, l’âge de début de la maladie, l’électroencéphalogramme (EEG)
intercritique et le retentissement des crises sur le développement psychomoteur doivent permettre de poser rapidement
le diagnostic du syndrome épileptique, prérequis et indispensable pour une prise en charge adaptée. Le caractère très
anxiogène des crises, pour l’enfant et son entourage, même dans les formes les plus bénignes, doit toujours être pris en
compte par le pédiatre.
ß 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract
Epileptic seizures can be difficult to recognize in infancy and childhood because the semeiology can be misleading. Already,
in the acute phase, precise assessment of the seizure is required, with active questioning about circumstances of
occurrence, clinical manifestations and postictal symptoms. Laboratory tests and toxicologic screening should only be
performed according to the circumstances and clinical examination in order to distinguish between symptomatic seizure
and epilepsy at the beginning. Epilepsy consists in repetition of several unprovoked epileptic seizure. Assessment of the age
of onset, type of seizures, interictal EEG and the neuropsychological profile are instrumental for both the diagnosis of
epileptic syndrome and the choice of the right treatment. Epileptic seizures cause distress to parents and the fear they
experience of death must always be taken into account.
ß 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Enfants ; Épilepsie ; Convulsions

1. DÉFINITION ÉPIDÉMIOLOGIE

Convulsions et crises d’épilepsie sont deux termes qui


traduisent un même phénomène : une décharge hypersyn-
* Auteur correspondant. chrone et prolongée de larges populations de neurones se
Adresse e-mail : mathieu.milh@ap-hm.fr (M. Milh). propageant au sein du cortex. Ce même phénomène peut avoir

0929-693X/$ – see front matter ß 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.arcped.2007.11.007
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des traductions cliniques très différentes, selon la région du rage pour obtenir une description précise des événements
cortex qui est touchée : si les crises d’épilepsie intéressent les critiques.
régions motrices primaires, elles se traduisent par une
séméiologie motrice élémentaire (clonies, myoclonies) et sont
2. AFFIRMER LE DIAGNOSTIC DE CRISE
souvent appelée convulsions. Si les crises d’épilepsie inté-
D’ÉPILEPSIE
ressent d’autres régions (cortex visuel, temporal, pré-
frontal. . .), la séméiologie motrice est soit inexistante, soit
Le diagnostic de crise d’épilepsie n’est pas toujours facile
beaucoup plus complexe. Le terme de crise d’épilepsie devrait
chez l’enfant, car la séméiologie des crises est très différente en
donc toujours être préféré au terme convulsion, même en cas
fonction de l’âge de survenue et de la localisation de la décharge
de phénomène occasionnel ou isolé.
critique sur le cortex. Par exemple, les crises généralisées
Les crises d’épilepsie sont fréquentes chez l’enfant : 5 %
tonicocloniques, telles qu’elles sont décrites, n’existent pas
environ d’une classe d’âge présente au moins une crise avant
chez l’enfant de moins de six à neuf mois car la myélinisation ne
cinq ans. Dans la plupart des cas, il s’agira d’un épisode unique,
le permet pas encore.
le plus souvent en rapport avec la fièvre. Cependant, c’est aussi
Quel que soit l’âge de l’enfant, la séméiologie peut-être
dans cette tranche d’âge que débute la majorité des épilepsies,
trompeuse et discrète. Dans ce cas, c’est la répétition des
qui se caractérisent par la survenue récurrente et spontanée de
épisodes critiques et leur caractère stéréotypé, qui permet
crises d’épilepsie [1].
d’évoquer le diagnostic.
Devant un premier épisode critique, la conduite à tenir est
Schématiquement, il faut penser à une épilepsie devant tout
centrée sur la confirmation du diagnostic de crise et la
événement récurrent anormal et stéréotypés, avec ou sans
recherche d’une cause occasionnelle urgente, en particulier
altération de la conscience : chutes, myoclonies erratiques ou
d’une infection du système nerveux central.
massives, épisodes de suspension de conscience, mouvements
Devant la récurrence d’épisodes critiques, l’examen clinique
oculaires anormaux, malaises. . .
et le développement psychomoteur, la séméiologie des
épisodes, l’âge de début et l’électroencéphalogramme (EEG)
intercritique et, éventuellement, critique permettent souvent 3. CONDUITE À TENIR DEVANT UNE
de proposer un diagnostic et un traitement antiépileptique PREMIÈRE CRISE
adapté : c’est la démarche syndromique, qui a lieu secondai-
rement, sans urgence et qui est un préalable indispensable pour Compte tenu de la très grande fréquence des convulsions
toute décision thérapeutique. fébriles, la notion de fièvre au cours de l’épisode et la prise de la
Ces deux cas de figure (premier épisode et crises température rectale doivent être systématiques chez le
récurrentes) nécessitent un interrogatoire précis de l’entou- nourrisson et l’enfant de moins de cinq ans. En cas de

Tableau I
Première crise épileptique (état de mal exclu) : conduite à tenir aux urgences
Investigation Anomalie(s) recherchée(s) Indication

Interrogatoire Description de la crise Systématique


Moment dans la journée (veille/sommeil) Diagnostic positif
Signes associés : fièvre, traumatisme, Recherche de cause occasionnelle
vomissements, HTA connue
Facteurs déclenchants : prise de toxique,
stimulation lumineuse, privation de sommeil
Antécédents personnels et familiaux
Examen clinique Général et neurologique Systématique
Tension artérielle
Bilan biologique Hyponatrémie, hypoglycémie, hypocalcémie Avant 6 mois
Intoxication, hypoglycémie, insuffisance rénale, Aucun examen systématique après
trouble hématologique 6 mois si examen clinique normal
Bilan orienté par la clinique
Si troubles de la conscience prolongés, rarement retrouvés
EEG Anomalies paroxystiques Le plus précocement possible mais sans urgence.
Signes d’épilepsie idiopathique
Imagerie TDM : lésion nécessitant une prise en charge urgente Uniquement si examen neurologique anormal
ou troubles de la conscience prolongés
IRM Pas d’indication en urgence
Examen du LCR Recherche d’une infection du SNC Seulement en cas de fièvre.

HTA : hypertension artérielle ; TDM : tomodensitometrie ; IRM : imagerie par résonance magnétique
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température supérieure à 38 8C, la prise en charge est celle des  un déficit neurologique focal ;
convulsions en contexte fébrile [2].  un trouble de la conscience ;
Convulsions fébriles mises à part, l’incidence annuelle  des signes de maladie sous-jacente.
d’un premier épisode critique dans les pays industrialisés est
de 93 à 116 cas pour 100 000 habitants [3]. Ce chiffre 3.3. Place des examens complémentaires
comprend les cas d’épilepsie débutante (environ 50 %) et les
cas de crise occasionnelle, épisode unique, en rapport ou 3.3.1. Biologie-hématologie
non avec une affection aiguë du système nerveux central La recherche systématique d’anomalies métaboliques est
(SNC). peu rentable devant une première crise après six mois [5]. En
Devant une première crise, la prise en charge initiale est pratique, il peut être utile de vérifier que le ionogramme
guidée par la recherche d’une cause occasionnelle rapidement sanguin (natrémie, glycémie, calcémie) et la glycémie sont
curable (Tableau I). Une fois éliminée et en dehors d’une crise normaux avant l’âge d’un an. Il n’y a pas d’indication de bilan
prolongée, la prise en charge est moins urgente et nécessite sanguin systématique après un an, sauf en cas d’histoire
secondairement un avis spécialisé. clinique évocatrice ou de troubles persistants de la
conscience [6].
3.1. Quels sont les éléments primordiaux de
l’interrogatoire ? 3.3.2. Électroencéphalogramme
L’EEG est un examen indispensable à réaliser. Il permettra
Avant tout, il est important d’avoir une idée précise de la d’orienter le diagnostic syndromique et la prise en charge
durée de l’épisode, qui conditionne la prise en charge aux initiale et à moyen terme.
urgences. Une crise dont la durée est supérieure à 20 min est Fait précocement, il a d’autant plus de chance d’être anormal
considéré comme un état de mal et doit être traitée comme tel. après une première crise [7], mais il peut aussi montrer des
Le diagnostic de crise d’épilepsie nécessite toujours un anomalies transitoires aspécifiques (ralentissement de l’acti-
interrogatoire précis, insistant particulièrement sur les vité).
suivants : En pratique, il est recommandé de réaliser un EEG sans
 les caractéristiques cliniques de la crise ; en insistant sur la urgence mais le plus tôt possible, compte tenu des possibilités,
description des signes initiaux, la recherche d’une perte de dans des conditions d’enregistrement correctes [6]. Mieux vaut
contact, l’hyersalivation, la cyanose, l’amnésie, la confusion donc un bon EEG à 72 heures qu’un EEG réalisé dans de
postcritique. . . ; mauvaises conditions à 12 heures de la crise.
 la relation au sommeil ; L’EEG doit systématiquement comprendre du sommeil
 d’éventuels facteurs favorisants (prise de toxiques ou de avant trois ans et, si possible, quel que soit l’âge chez l’enfant
médicaments abaissant le seuil épileptogène, affection en (choisir des horaires de sieste, chez les grands, faire l’EEG après
cours. . .) ; privation de sommeil).
 antécédents familiaux d’épilepsie ; Un EEG normal n’élimine pas le diagnostic d’épilepsie, il peut
 recherche d’évènements paroxystiques et stéréotypés avant être utile de le répéter à distance.
cette crise, traduisant un début antérieur à l’événement qui a
entrainé une consultation (retrouvé dans près de 50 % des 3.3.3. Imagerie cérébrale
cas) ; Des anomalies morphologiques cérébrales sont retrouvées
 éléments pouvant évoquer le caractère symptomatique d’une dans un tiers des cas après une première crise, adultes compris
crise : [8]. Mais, contrairement aux adultes, les crises chez l’enfant
 traumatisme crânien récent, sont très rarement révélatrices de tumeurs malignes du SNC,
 antécédents médicaux (risque thromboembolique), même lorsqu’elles sont partielles [9].
 signes d’HTIC anciens, En pratique, compte tenu de la difficulté de réalisation en
 développement psychomoteur (retard préexistant, mal- urgence chez l’enfant, une imagerie cérébrale n’est indiquée en
formation cérébrale connue. . .). urgence que si l’interrogatoire retrouve des éléments pouvant
Aucun éléments ne permet d’affirmer ou d’éliminer faire évoquer un caractère symptomatique aigu de la crise ou si
formellement le diagnostic de crise d’épilepsie. Cependant, la l’examen neurologique est anormal (troubles de la conscience
cyanose en cas de mouvements anormaux, ainsi que la persistants ou déficit focal). Le scanner recherchera des
confusion postcritique sont des éléments d’orientation à complications de traumatisme crânien, une hémorragie
rechercher, particulièrement en cas de difficulté diagnostique cérébrale, un œdème cérébral, une accident ischémique ou
[4]. une lésion parenchymateuse avec syndrome de masse.
Compte tenu de la difficulté de l’examen neurologique avant
3.2. Examen clinique : orienter la prise en charge un an et de la fréquence des causes traumatiques des crises
initiale d’épilepsie (hématome sous-dural), les indications d’imagerie
en urgence seront plus larges chez le nourrisson de moins
L’examen clinique recherche des signes devant faire d’un an.
pratiquer des examens complémentaires orientés : Il n’y a pas d’indication à réaliser une IRM en urgence.
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3.3.4. Examen du LCR  il faut aussi savoir éliminer les diagnostics différentiels :
En l’absence de fièvre, l’examen du LCR n’est pas utile en  un phénomène paroxystique non épileptique, fréquent
urgence [6]. dans cette tranche d’âge, de myoclonus bénin du sommeil,
qui est caractérisé par des clonies rythmiques des membres
3.4. Traitement ou de la face, survenant électivement pendant le sommeil
calme, au cours du premier mois de vie ; des trémulations
En cas de crise symptomatique, le traitement de la cause est qui sont observées chez les enfants bien portants mais leur
urgent. fréquence est plus élevée en cas de souffrance périnatale.
Il n’y a pas d’indiction à débuter un traitement anti- Contrairement aux clonies épileptiques, elles cèdent quand
épileptique en urgence avant l’EEG, sauf pour les crises on tient le membre dans la main ; de l’hyperekplexia qui
prolongées (état de mal). comporte des sursauts inépuisables provoqués par les
stimulations tactiles ou auditives, en particulier lors de la
4. DE LA PREMIÈRE CRISE AU DIAGNOSTIC percussion de la pyramide nasale et/ou des accès toniques
D’ÉPILEPSIE en opisthotonos s’accompagnant de cyanose et pouvant
durer plusieurs minutes, voire être létales. La manoeuvre
À quelques rares exceptions, les épilepsies de l’enfant sont de Vigevano, qui consiste à fléchir le tronc, permet
caractérisées par la survenue récurrente et spontanées de d’arrêter ces accès toniques. Ces crises non épileptiques
crises d’épilepsie. Il est souvent difficile de poser le diagnostic sont à distinguer des manifestations chroniques de la
d’épilepsie devant une première crise. Cependant, dans spasticité ou des manifestations dystoniques,
certains cas, le diagnostic du syndrome épileptique peut être  une cause non épileptique à un malaise ;
évoqué rapidement et permettre une prise en charge rapide  il faut rechercher une cause tout en débutant un traitement
des patients. approprié (lire pour revue [11]) ;
Il est important de raisonner par étapes et de ne pas se  deux syndromes épileptiques rares et graves débutent
limiter à l’analyse de la séméiologie de la ou des crises. souvent dans les premiers jours de vie. Dans les deux cas,
Les cinq étapes de l’analyse d’une épilepsie sont les suivantes l’EEG est très pathologique, retrouvant une alternance de
[10] : bouffées paroxystiques et de périodes de silences ; c’est le
 la description de la crise par l’entourage et par le patient lui- tracé de type suppression-burst. Ces deux syndromes
même, si possible. Cette description doit être précise et doit associent plusieurs types de crises et l’examen entre les
utiliser des termes simples et compréhensibles de tous. Il est crises est anormal. L’IRM encéphalique est l’examen de
souvent utile de faire mimer le déroulement de la crise par première intention, il permet de distinguer deux groupes en
l’entourage ; fonction de la présence ou de l’absence malformation
 déterminer secondairement le type de crise : focale ou cérébrale. L’absence de malformation cérébrale doit faire
généralisée. En cas de crise focale, poser des hypothèses sur rechercher une encéphalopathie d’origine métabolique ou
la localisation de la ou des zones épileptogènes ; génétique [11].
 la classification syndromique, qui tient aussi compte de l’âge
de début et de l’EEG intercritique (et critique parfois) ; 5.2. Chez le nourrisson de moins d’un an
 la recherche éventuelle d’une cause sous-jacente à
l’épilepsie : lésion du SNC, maladie générale, maladie 5.2.1. Syndrome de West : spasmes en salve et
neurologique. . . ; régression psychomotrice
 prévoir les handicaps associés à l’épilepsie. Un des syndromes épileptiques les plus sévères débute au
Ces cinq étapes permettent d’avoir une démarche cours de la première année : il s’agit du syndrome de West, qui
thérapeutique cohérente. On distingue schématiquement les associe les suivants :
épilepsie focales des épilepsies généralisées et les épilepsies  des crises épileptiques : spasmes. Les spasmes sont
idiopathiques des épilepsies symptomatiques. caractérisés par la contraction brusque de la musculature
axiale, le plus souvent en flexion, avec abduction des deux
5. PRINCIPAUX SYNDROMES ÉPILEPTIQUES À membres supérieurs, révulsion oculaire. Cette contraction
ÉVOQUER DÈS LES PREMIÈRES CRISES, EN est soudaine et souvent suivie d’un pleur. Elle est brève, mais
FONCTION DE L’ÂGE plus prolongée qu’une myoclonie (1 s environ). Ils sont quasi
systématiquement groupées en salves de dix à 40 épisodes,
5.1. Chez le nouveau-né : crises souvent qui surviennent le plus souvent au réveil. Les spasmes sont
pluriquotidiennes ou malaise souvent interprété par les parents comme des accès
douloureux abdominaux, ce qui peu retarder le diagnostic ;
Le diagnostic de crise d’épilepsie n’est jamais facile chez le  un tracé EEG intercritique très perturbé : hypsarythmique :
nouveau-né. Quelques règles de prise en charges sont utiles : tracé très ample, associant des ondes lentes et des pointes
 il faut savoir y penser devant toute manifestation paroxys- multifocales et asynchrones ;
tique avec ou sans composante motrice et devant tout  une régression psychomotrice, qui porte particulièrement
malaise ; sur les fonctions de communication, comme la préhension
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volontaire et le sourire réponse. Au tout début de la maladie, nécessitent un traitement et un suivi en milieu spécialisé : le
la régression peut être absente ou discrète, surtout en cas syndrome de Doose ou le syndrome de Lennox-Gastaut.
d’anomalie du développement préexistant, alors qu’en cas de
retard diagnostique, la régression peut être beaucoup plus 5.3.1.1. L’épilepsie myoclonoastatique (syndrome de Doose) :
importante, avec une perte de la tenue de tête et du contact orage de crises cloniques brèves, myoclonies, chutes
oculaire. myoclonoasthatiques et absences. Il s’agit d’une épilepsie rare
Les étiologies du syndrome de West sont nombreuses, les qui débute vers 2–3 ans, par un orage de crises généralisées
plus fréquentes sont les lésions du SNC, en rapport soit avec tonicocloniques ou cloniques. Dans la phase d’état, les
une pathologie séquellaire (séquelles d’anoxo-ischémie per- ou nourrissons présentent des crises généralisées, des myoclonies
anténatale, de méningite néonatale, d’hématome sous- massives ou parcellaires, des chutes et des absences. L’EEG est
dural. . .), soit constitutionnelle (agénésie du corps calleux, peu altéré, avec des pointes ondes pendant le sommeil et un
polymicrogyrie, dysplasie corticale. . .). La sclérose tubéreuse aspect un peu ralenti sur les deux régions centrales. Il est
de Bourneville est une cause fréquente du syndrome de West surtout utile pour enregistrer les myoclonies, qui sont
et la présence de tâches achromiques doit être systématique- fréquentes sans traitement. Initialement, le pronostic est
ment recherchée [12]. difficile à préciser : certains enfants guérissent en quelques
L’IRM encéphalique est systématique dans le cadre du bilan années avec peu de troubles cognitifs, d’autres gardent une
étiologique, mais son obtention ne doit pas retarder la mise en épilepsie généralisées pharmacorésistante et de troubles
route du traitement. cognitifs. La présence de crise toniques vibratoires semble
Le traitement doit être instauré rapidement, en pratique, être associée à un pronostic défavorable [15].
après avoir confirmé le diagnostic par un EEG avec sommeil et
enregistrement des deux deltoı̈des, car le pronostic est lié au 5.3.1.2. Le syndrome de Lennox-Gastaut : crises généralisées et
délai de sa mise en route [13]. Le traitement de première focales, absences atypiques, chutes toniques et atoniques. Il s’agit
intention est le Sabril1, à la dose de 100, puis 150 mg/kg/j. La d’une épilepsie sévère qui débute vers 3–5 ans et qui associe
persistance d’anomalies sur l’EEG de veille ou de sommeil 15 j des crises toniques avec chutes traumatisantes, des crises
après l’instauration du Sabril1, doit être considéré comme un généralisées tonicocloniqies, des absences atypiques, des crises
échec du traitement et doit faire instaurer un traitement par toniques nocturnes. L’EEG est, en règle, très altéré, avec des
hydrocortisone à forte dose en milieu spécialisé. anomalies intercritiques, bifrontales et nombreuses, des
pointes ondes généralisées et des aplatissements asymptoma-
5.2.2. Syndrome de Dravet : crise(s) clonique(s) tiques ou concommittents d’une crise tonique.
prolongée(s) généralisée(s) ou hémicorporelle(s), Environ 30 % des syndromes de Lennox-Gastaut survien-
en contexte fébrile ou non, avant 12 mois nent chez des enfants sans antécédent neurologique, avec un
Le syndrome de Dravet est un syndrome épileptique rare développement antérieur normal, mais la plupart surviennent
qui débute, la première année, par des crises en contexte chez des enfants ayant des lésions cérébrales acquises ou
fébrile qui survient avec les particularités suivantes : constitutionnelles, retrouvées ou suspectées. Quarante pour
 trop tôt (avant neuf mois) ; cent font suite à des spasmes infantiles. Le devenir cognitif et
 avec une fièvre peu élevée ; psychiatrique est sévère.
 avec une durée trop longue, souvent supérieure à 15 min ;
 avec une composante partielle hémiclonique possible. 5.3.2. L’épilepsie à pointes centrotemporales :
L’EEG est initialement normal, mais la reconnaissance crises focales intéressant la sphère oropharyngée,
précoce du diagnostic est importante car les enfants sont à haut survenant à l’endormissement ou au réveil
risque d’état de mal au cours des deux premières années [14]. Il s’agit d’une épilepsie bénigne idiopathique, sans rapport
Il s’agit d’une épilepsie sévère et pharmacorésistante. Avec avec une lésion du SNC, fréquente. Elle débute à l’âge scolaire
le temps, d’autres types de crises apparaissent (crises (cinq ans en moyenne).
tonicoclonique généralisée, absence, myoclonies) et un trouble Les crises ont typiquement lieu à l’endormissement ou au
du développement s’instale vers 2–3 ans avec retard de langage réveil ; elles intéressent la sphère oropharyngée : bruits de
puis déficience mentale globale. gorges, clonies de l’hémiface, troubles arthritiques, parfois
précédés de paresthésies de la langue, des lèvres et des
5.3. Chez l’enfant joues. Les crises peuvent se propager aux membre supérieur
et inférieur ipsilatéral. Le contact est, en règle, préservé mais
5.3.1. Crises généralisées fréquentes : évoquer un une rupture de contact est possible, surtout chez l’enfant de
syndrome de Doose ou syndrome de Lennox- moins de cinq ans, chez qui les crises peuvent être plus
Gastaut longue et hémicloniques. Une généralisation secondaire est
Devant la survenue de crises d’allure généralisée sans fièvre possible.
après deux ans, il est indispensable de rechercher d’autres L’EEG de veille peut-être normal. Il peut aussi montrer des
types de crises, moins évidentes et de demander un EEG de pointes typiques, de localisation centrotemporale, triphasiques
veille et de sommeil, afin de reconnaı̂tre précocement deux et de grande amplitude, survenant de façon isolée ou en bouffée
syndromes qui comportent des crises généralisées et qui de 3–5 pointes. Les anomalies sont toujours renforcées au
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cours des phases d’endormissement. Le tracé EEG est, par dans les régions antérieures. Le rythme de fond est normal. La
ailleurs, normal et bien organisé. stimulation lumineuse intermittente favorise leur survenue. En
Cette épilepsie se caractérise par sa grande fréquence (21 % cas de doute ou de normalité de l’EEG intercritique, l’EEG de
des enfants d’âge scolaire débutant une épilepsie), la rareté des sieste est utile car il est constamment anormal au réveil. Le
crises — dont la fréquence ne va jamais crescendo, même sans pronostic est bon avec une bonne réponse au traitement, qui
traitement — leur disparition spontanée en 1–3 ans et par doit cependant être poursuivi très longtemps, même en cas de
l’absence de complication, même en cas de crise prolongée. rémission complète.
Bien que cette épilepsie soit considérée comme bénigne et ne
nécessite pas de traitement médicamenteux la plupart du 5.5. Les épilepsies focales non idiopathiques
temps, l’annonce de ce diagnostic implique de prendre en peuvent commencer à tout âge
compte :
 l’angoisse des parents face à la possible récidive des crises. Il Les anomalies de développement cortical, les séquelles
est important de rassurer les parents afin qu’ils acceptent les d’accident vasculaire cérébral (AVC), les tumeurs germinales
choix thérapeutiques proposés, en particulier l’abstention du SNC, les séquelles d’infection. . . peuvent être à l’origine
thérapeutique qui doit être privilégiée ; d’épilepsie focale symptomatique. En règle, cette épilepsie se
 la possibilité non exceptionnelle de retentissement de caractérise par la survenue des crises focales stéréotypées,
l’épilepsie (en particulier des anomalies intercritiques) sur c’est-à-dire n’intéressant qu’une partie du cerveau. La
les résultats scolaires. Donner cette information est séméiologie des crises dépend de la région où se produit
indispensable pour pouvoir dépister précocement la sur- la décharge épileptique. L’analyse de cette séméiologie est
venue de troubles spécifiques des apprentissages nécessitant très utile pour poser des hypothèses quant à la localisation de
une prise en charge adaptée. la lésion causale. Par exemple, des clonies unilatérales
En cas de nécessité (crises fréquentes, anomalies abondan- reflètent souvent une décharge centrale controlatérale ;
tes à l’EEG associées à des déficits cognitifs spécifiques), le des occuloclonies une décharge du cortex occipital ; un accès
traitement choisi doit être efficace sur les crises sans aggraver tonique asymétrique une décharge frontale. . . Certains signes
l’EEG intercritique [16]. critiques peuvent être discrets : pause respiratoire, change-
ment de coloration cutanée, mâchonnements. . . Devant des
5.3.3. Épilepsie absence de l’enfant signes peu spécifiques, leur caractère stéréotypé doit faire
Ce type d’épilepsie représente environ 5–10 % des penser au diagnostic d’épilepsie partielle. L’EEG peut-être
épilepsies de l’enfant. Elle débute vers 5–7 ans et disparaı̂t normal, il faut savoir le répéter et demander un enregis-
généralement à l’adolescence. Elle se manifeste cliniquement trement de sommeil, plus sensible. L’IRM est utile, à la
par des ruptures de contact qui durent quelques secondes et recherche de lésion corticale, acquise ou constitutionnelle.
qui sont pluriquotidiennes. Ces ruptures de contact sont Une IRM normale n’élimine pas le diagnostic d’épilepsie
accompagnées sur l’EEG par des bouffées de pointes ondes focale, car un nombre important de troubles du développe-
bilatérales, synchrones à trois cycles par secondes de début et ment cortical (dysplasies corticales focales, par exemple) sont
fin brutales. Ces absences sont favorisées par l’hyperpnée ; on trop discrètes pour être vues en IRM. En cas de
peut donc en provoquer une consultation en cas de doute pharmacorésitance, il peut être utile d’enregistrer les crises
diagnostic. Le pronostic est généralement bon. en vidéo-EEG, prérequis indispensable avant toute chirurgie
de l’épilepsie.
5.4. Chez l’adolescent : épilepsie myoclonique
juvénile : crises généralisées et myocloniques RÉFÉRENCES
matinales
1. HauserWA, Annegers JF, Kurland LT. Incidence of epilepsy and
C’est une épilepsie fréquente et bénigne de l’adolescent. unprovoked seizures in Rochester, Minnesota: 1935–1984. Epilepsia
1993;34:453–68.
Des antécédents familiaux d’épilepsie sont fréquemment
2. Pedepsan L. Convulsions hyperthermiques. Arch pediatr 2007;14:394–8.
retrouvés. Elle comprend trois types de crises : 3. Annegers JF, Hauser WA, Lee JR, et al. Secular trends and birth cohort
 les myoclonies surviennent surtout au réveil, elles sont effect in unprovoked seizures: Rochester, Minnesota 1935–1984. Epilepsia
favorisées par le manque de sommeil et la prise d’alcool ; il 1995;36:575–9.
faut les rechercher en demandant si l’adolescent est 4. Hoefnagels WA, Padberg GW, Overweg J, et al. Transient loss of
maladroit le matin, s’il fait tomber des objets. Elles consciousness: the value of the history for distinguishing seizure from
syncope. J Neurol 1991;238:39–43.
prédominent aux membres supérieur ; 5. Turnbull TL, Vanden Hoek TL, Howes DS, et al. Utility of laboratory studies
 les crises généralisées tonicocloniques matinales, qui sont in the emergency department patient with a new-onset seizure. Ann Emerg
souvent précédées d’une augmentation des myoclonies en Med 1990;19:373–7.
nombre, en fréquence et en intensité ; 6. Beghi E, De Maria G, Gobbi G, et al. Diagnosis and treatement of the first
 les absences typiques sont moins fréquentes que dans epileptic seizure: guidelines of the italian League against Epilepsy.. Epilepsia
2006;S5:2–8.
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