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Conduite à tenir devant une épilepsie


D. Doukhi, A. Améri

Le diagnostic d’une crise d’épilepsie doit être établi sur des bases formelles anamnestiques et électroen-
céphalographiques. Il précède la recherche étiologique et constitue le volet essentiel de la prévention des
récidives. La prise en charge nécessite, dans un certain nombre de situations, une hospitalisation et la
réalisation d’une imagerie cérébrale, examen indispensable en cas de première crise.
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Mots-clés : Épilepsie ; Crise comitiale ; Convulsion

Plan • au moins deux crises non provoquées (ou réflexes) espacées de


plus de 24 heures ;
■ Introduction 1 • une crise non provoquée (ou réflexe) et une probabilité de sur-
venue de crises ultérieures au cours des dix années suivantes
■ Reconnaître la crise 1 similaire au risque général de récurrence (au moins 60 %)
Crises généralisées 2 observé après deux crises provoquées ;
Crises focales 3 • diagnostic d’un syndrome épileptique.
Crises focales puis bilatérales convulsives 4 Il s’agit d’un problème de pratique courante puisque l’on estime
■ Faire le bilan de la crise 4 qu’entre 3 et 5 % des individus font au moins une crise au cours
Anamnèse 4 de leur vie et que la crise convulsive généralisée représente 3 %
Examen clinique 4 des motifs de consultation des patients examinés dans les services
Examens biologiques 4 d’urgences. Compte tenu des implications médicales et sociopro-
Électroencéphalogramme 4 fessionnelles de l’épilepsie, il convient d’être très prudent dans
Imagerie cérébrale 5 l’établissement de ce diagnostic. Il doit être posé de façon formelle
■ Prévenir la récidive 5 sur la base d’un faisceau d’arguments, cliniques et, si possible,
Pour la pratique 6 électroencéphalographiques, qui permettent de distinguer la crise
Le patient doit être adressé à l’hôpital en urgence 6 d’autres manifestations paroxystiques. Une fois la crise identi-
Le bilan peut être réalisé en ambulatoire 7 fiée se pose la question de sa signification : s’agit-il d’un épisode
unique qui ne se renouvellera pas, survenu à la faveur d’une cir-
constance particulière (crise situationnelle) ? S’agit-il au contraire
du symptôme révélateur d’une maladie neurologique dont elle
 Introduction ne fait que stigmatiser la localisation cérébrale (crise symptoma-
tique) ?
Le mot épilepsie dérive du grec epilambaneim qui signifie sai- Enfin, quelles que soient la certitude diagnostique et l’étiologie
sir, surprendre. Bien que le plus ancien document traitant de suspectée, il est impératif de prendre en compte le risque de réci-
l’épilepsie soit une tablette babylonienne, qui se trouve actuelle- dive à court terme.
ment au British Museum, l’histoire de l’épilepsie commence avec Le problème est donc triple : reconnaître la crise ; chercher la
Hippocrate (médecin grec 460–370 avant J.-C.), qui a essayé de cause ; prévenir la récidive.
démystifier la maladie en affirmant que son origine est dans le
cerveau. C’est à Galien (médecin grec 131–216 après J.-C.) qu’on
doit la notion d’aura, et Jackson (médecin américain 1825–1911)  Reconnaître la crise
formule en 1861 l’hypothèse que l’épilepsie est due aux décharges
occasionnelles, soudaines, excessives et locales, de la matière grise. Souvent, le patient consulte au décours de la crise. Le diag-
La crise épileptique correspond à un dysfonctionnement tran- nostic de l’épilepsie étant avant tout clinique, un interrogatoire
sitoire et réversible du système nerveux central consécutif à une rigoureux du patient et des témoins de la crise est nécessaire.
décharge paroxystique, hypersynchrone et excessive d’une popu- Celui-ci va essayer de préciser les caractéristiques sémiologiques
lation de neurones corticaux. L’épisode aigu est de durée brève et, de la crise, son contexte de survenue, les facteurs déclen-
sur le plan clinique, se manifeste par une altération de la motricité, chants, l’existence d’un éventuel prodrome [1] . Accessoirement,
de la sensibilité, des fonctions cognitives et/ou de la conscience. l’électroencéphalogramme (EEG), éventuellement répété et uti-
L’épilepsie est une maladie cérébrale définie par l’une des mani- lisant des méthodes d’activation telles que l’hyperpnée, la
festations suivantes : stimulation lumineuse intermittente ou le sommeil, peut apporter

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Volume 12 > n◦ 2 > avril 2017
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http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(17)49848-6
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Tableau 1. bilatérales et symétriques. Par opposition, dans les crises focales


Classification clinique des crises d’épilepsie (2010). la décharge paroxystique est limitée à une zone corticale appelée
Crises généralisées Absences : le foyer épileptique. Les manifestations cliniques de la crise per-
- typiques mettent souvent de localiser le foyer épileptique. Parmi les crises
- atypiques focales, on individualise différents types selon les signes accom-
- absences avec caractéristique particulière : pagnateurs et le caractère altéré ou préservé de la conscience, et
absences myocloniques ; absences avec les crises focales secondairement généralisées.
myoclonies palpébrales
Crises myocloniques
- myocloniques Crises généralisées
- myoclonotoniques
- myoclonoatoniques Il existe différents types de crises généralisées : tonicocloniques,
Crises cloniques absences (typiques, atypiques ou associées à des symptômes par-
Crises toniques ticuliers), cloniques, toniques, atoniques et myocloniques.
Crises tonicocloniques Les crises généralisées tonicocloniques sont les crises générali-
Crises atoniques sées les plus fréquentes chez l’adulte. Le déroulement de ces crises
Crises focales Caractérisées par un ou plusieurs symptômes : est stéréotypé et comprend trois phases. Elles débutent par une
- avec aura phase tonique d’une quinzaine de secondes, inaugurée par un cri
- avec signes moteurs avec une perte de connaissance brutale. Lors de cette phase, il
- avec signes végétatifs existe une contraction brusque et soutenue de toute la muscu-
- avec conscience/réponse à la stimulation lature squelettique en flexion puis en extension, associée à des
altérée ou préservée troubles végétatifs importants (tachycardie, hypertension arté-
Crises focales évoluant vers crises bilatérales
rielle, arrêt respiratoire, rougeur du visage, mydriase, hypersécré-
convulsives
tion généralisée, etc.). La contraction des mâchoires occasionne
Inconnues Spasmes épileptiques parfois une morsure de langue ; celle, simultanée, des muscles
Autres abdominaux et de la glotte peut provoquer un cri ; celle du dia-
phragme et des muscles intercostaux bloque la respiration. Cette
Tableau 2. première phase est suivie par une phase clonique, qui dure environ
Classification clinique des crises d’épilepsie (1981). 30 secondes, se traduisant par des secousses bilatérales, brusques,
intenses, généralisées, progressivement ralenties, en rapport avec
Crises généralisées Absences : l’alternance de contractions musculaires en flexion et de relâche-
- typiques ment. La respiration reste abolie et se traduit par une cyanose du
- atypiques visage. Une morsure de langue peut également survenir lors de
Crises myocloniques cette phase. La dernière phase ou phase résolutive est de durée
Crises cloniques variable (de quelques minutes à quelques heures). Le sujet est
Crises toniques
immobile, hypotonique, présentant un relâchement musculaire
Crises tonicocloniques
complet et une obnubilation de la conscience. La respiration
Crises atoniques, astatiques
reprend, ample, bruyante, gênée par l’hypersécrétion muqueuse
Crises partielles Crises partielles simples : sans altération de l’état dite respiration stertoreuse ; une perte d’urine est alors possible.
de conscience Le retour à la conscience est très progressif tandis que la cyanose
- avec signes moteurs
fait place à la pâleur. Après la crise, il existe une amnésie complète
- avec signes somatosensitifs ou sensoriels
de l’épisode, le sujet se plaint de céphalées et de courbatures.
- avec signes végétatifs
Les crises généralisées myocloniques se définissent par la pré-
- avec signes psychiques
Crises partielles complexes :
sence des myoclonies isolées ou en salves intéressant l’axe du
- avec altération de l’état de conscience corps et/ou les quatre membres avec une altération modérée de la
- avec début partiel suivi de troubles de conscience. Il n’y a pas de phase postcritique. Les myoclonies sont
conscience des contractions des muscles agonistes et antagonistes entraînant
- avec troubles de conscience initiaux une secousse musculaire brève de topographie et intensité varia-
Crises partielles secondairement généralisées : bles. Lorsqu’il y a une interruption de la contraction musculaire
- crises partielles simples secondairement entraînant un lâchage postural, on parle de myoclonies négatives.
généralisées Les crises généralisées cloniques surviennent chez les enfants,
- crises partielles complexes secondairement notamment dans un contexte fébrile, et s’accompagnent d’une
généralisées obnubilation postcritique.
- crises partielles simples, puis complexes, puis Les crises généralisées toniques surviennent volontiers en
généralisées salves, pendant la nuit ; elles se caractérisent par une contracture
Crises inclassables musculaire brutale intense diffuse accompagnée d’une apnée, de
troubles végétatifs et d’une altération de la conscience, et peuvent
entraîner des chutes brutales et traumatisantes. La phase postcri-
une aide au diagnostic s’il met en évidence des anomalies paroxys- tique est brève.
tiques (pointes ou pointes-ondes focales ou généralisées). Sa Les crises généralisées atoniques se manifestent par une disso-
normalité, même peu de temps après la crise, n’élimine pas le lution brutale du tonus responsable d’une chute traumatisante ;
diagnostic. Le recours à des EEG vidéo est quelquefois indispen- quelquefois, elles peuvent se limiter à la chute en avant de la tête.
sable dans des cas litigieux pour établir le diagnostic de crise ou Les absences sont rencontrées de façon préférentielle chez
en cas de diagnostic différentiel, mais est rarement envisageable l’enfant. Elles se traduisent par une altération brusque de toutes
lors du bilan initial. les fonctions mentales avec abolition de la capacité à percevoir,
La classification internationale des crises épileptiques de 2010 [2] des fonctions mnésiques et de la réactivité. Elles durent quelques
distingue trois groupes principaux : les crises généralisées, les secondes (une dizaine en moyenne) et s’accompagnent d’un arrêt
crises focales et les crises inclassables. Le Tableau 1 rappelle la des activités en cours. Lorsque cliniquement la symptomatologie
classification internationale des crises d’épilepsie de 2010 qui se résume seulement à la rupture de contact et l’arrêt de l’activité
repose sur leurs caractéristiques sémiologiques (en comparaison en cours, on parle d’absence typique. Les absences associées à des
à l’ancienne classification utilisée datant de 1981) (Tableau 2). symptômes particuliers s’accompagnent de phénomènes moteurs
Dans les crises généralisées, la décharge neuronale paroxystique tels qu’une rétropulsion de la tête et du cou, des myoclonies pal-
intéresse simultanément la totalité du cortex cérébral. Les mani- pébrales, une déviation des yeux, une rotation ou une chute de
festations motrices, lorsqu’elles sont présentes, sont d’emblée la tête. Elles peuvent également s’accompagner d’automatismes

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Tableau 3. Tableau 4.
Arguments en faveur d’une crise comitiale devant une perte de Éléments du diagnostic différentiel entre une crise tonicoclonique et une
connaissance. syncope.
Cliniques Début et fin brutaux Crise généralisée Syncope
Retour progressif à la conscience tonicoclonique
Courbatures au décours de la crise
Prodrome Absent Présent
Durée de quelques minutes
Morsure latérale de langue Perte de connaissance Brutale Précédée de
Stéréotypie des épisodes prodrome en
Chute traumatisante général
Biologiques Augmentation des créatine-phosphokinases Aspect du patient Normal, voire cyanose Pâleur, voire
Acidose cyanose
Durée Supérieure à 1–2 min Inférieure à 1 min
À noter que l’existence d’une perte d’urine signifie seulement qu’il y a eu une
perte de connaissance suffisamment prolongée pour entraîner un relâchement Tonus Hypertonie initiale Hypotonie
sphinctérien. Clonies Présentes Si présentes,
irrégulières
oraux ou gestuels (se lécher les lèvres, avaler, se frotter les mains,
etc.) et de signes végétatifs (modifications du rythme cardiaque, Morsure de langue Plus souvent latérale Exceptionnellement
respiratoire, pâleur, etc.). Après l’absence, le sujet reprend norma- latérale
lement son activité, sans se souvenir de la crise. Perte d’urine Possible Possible
En pratique, la survenue d’une crise généralisée pose le Confusion postcritique Présente, parfois Absente ou brève
problème de l’orientation diagnostique devant une perte de longue
connaissance avec chute, ce d’autant qu’il est souvent difficile
d’obtenir une description précise de la crise. Certains éléments
orientent vers une étiologie comitiale (Tableau 3). Les manifestations psychiatriques paroxystiques constituent
Le terme de crise, dans le sens purement descriptif, correspond probablement la plus grande source d’erreur diagnostique. Les
à un changement brutal du comportement de durée variable dont arguments en faveur de ce diagnostic sont : le début progressif, des
le sujet a ou non connaissance. On distingue des diagnostics dif- manifestations motrices polymorphes, anarchiques, non stéréoty-
férentiels de plusieurs origines : pées, ne s’organisant selon aucune séquence logique, une durée de
• neurologique, crise non épileptique : migraine avec aura ; acci- la crise trop longue, l’existence de bénéfices secondaires évidents
dent vasculaire transitoire ; ictus amnésique ; parasomnies ; et/ou d’une pathologie psychiatrique préexistante. On se méfie
mouvements anormaux ; de l’association entre des manifestations psychiatriques paroxys-
• cardiovasculaires : syncopes (vasoplégique, cardioplégique, tiques et d’authentiques crises comitiales. Lorsque les pseudocrises
réflexe) ; épileptiques sont associées aux crises épileptiques authentiques,
• métabolique : hypoglycémie ; la prise en charge de ces patients doit être pluridisciplinaire : neu-
• psychiatrique : crise pseudoépileptique ; attaque de panique ; rologue, psychiatre.
troubles du comportement d’origine toxique. L’hypoglycémie est habituellement de diagnostic aisé grâce aux
La syncope est un épisode paroxystique caractérisé par une perte signes associés (pâleur, hypersudation) et au contexte (sujet dia-
de connaissance et du tonus en rapport avec une diminution de bétique, survenue à distance d’un repas). Il est à noter qu’une
la perfusion artérielle cérébrale. Elle peut survenir brutalement hypoglycémie sévère peut être à l’origine d’authentiques crises
ou être précédée d’une lipothymie qui dure quelques secondes d’épilepsie.
sous la forme d’une sensation vertigineuse avec phosphènes, flé-
chissement intellectuel et signes végétatifs (pâleur, sueurs, nausée,
hypersialorrhée). En fonction du mécanisme physiopathologique, Crises focales
on distingue les syncopes vasovagales ou vasoplégiques, et les syn-
copes cardioplégiques. Les syncopes réflexes ont probablement un On distingue plusieurs types de crises focales :
mécanisme mixte, vaso- et cardioplégique, elles sont dues à un • associées à une aura ;
facteur spécifique de provocation : hyperexcitabilité sinocaroti- • associées à des signes moteurs (contraction tonique et/ou
dienne (lors du rasage, col serré, rotation de la tête), ictus laryngé, secousses cloniques d’une partie plus ou moins étendue d’un
mictionnel (pendant ou après la miction), hydrocution. Le diag- hémicorps, déviation conjuguée de la tête et des yeux, modifica-
nostic différentiel avec les crises généralisées peut être difficile si tion brutale de la position du corps, impossibilité de prononcer
la durée de la syncope est supérieure à 20 secondes, et lorsqu’elles un son ou répétition d’une voyelle, d’un mot ou d’une phrase) ;
s’accompagnent de quelques clonies irrégulières et d’une morsure • associées à des signes végétatifs (hypersalivation, nausées, pal-
de langue. Le Tableau 4 résume les principaux éléments de diag- pitation, rubéfaction) ;
nostic différentiel des crises convulsives tonicocloniques et des • avec altération ou préservation de la conscience et de la réponse
syncopes. à la stimulation ;
La syncope vasovagale, manifestation bénigne, est en rapport • suivie d’une crise bilatérale convulsive (anciennement crise par-
avec une diminution progressive des résistances artérielles péri- tielle secondairement généralisée).
phériques due à l’exacerbation du réflexe parasympathique. Elle Quoique leur sémiologie soit très variable, ces crises focales ont
survient typiquement chez le sujet jeune, neurotonique, à la des caractéristiques communes, qui peuvent aider à les recon-
faveur d’un événement déclenchant (douleur, émotion, chaleur, naître : une durée habituelle de quelques secondes à quelques
confinement) et est caractérisée par une phase prodromique pro- minutes, un début et une fin brusques, une présentation stéréoty-
longée, une perte de conscience progressive, contemporaine de la pée chez un sujet donné, qui est à rechercher car le sujet consulte
baisse de la pression artérielle, à l’origine d’une chute non trau- rarement à la première crise de ce type. Il est à noter que les
matisante, avec une phase d’inconscience durant moins d’une crises focales peuvent être suivies d’un déficit neurologique focal
minute et une pâleur caractéristique. Le retour à un état de consci- postictal dont la nature et la topographie sont fonction du type
ence normal est immédiat à l’issue de la syncope. Lorsque la perte de la crise. Le principal diagnostic différentiel à évoquer est un
de connaissance est incomplète ou très brève, on parle de lipothy- accident ischémique transitoire dont la durée est habituellement
mie. Des tests de provocation tels que le tilt test si l’examen cardio- supérieure. Selon le type de crise, on peut également être amené
logique et l’ECG sont normaux peuvent être utiles au diagnostic. à considérer les diagnostics de mouvements anormaux involon-
Les syncopes cardiaques surviennent typiquement chez un sujet taires (dyskinésies, dystonies, tics) ou de migraine accompagnée.
âgé ayant des antécédents cardiologiques, en dehors de tout Dans les crises focales avec altération de la conscience, il y a
contexte favorisant. La phase prodromique est brève ou absente, une amnésie de la crise qui est plus ou moins complète selon
et le retour à une conscience normale est également très rapide. que l’altération de la conscience est initiale ou secondaire. Dans

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Figure 1. Conduite à tenir devant une première crise comi-


1ère crise tiale. En fonction du contexte, on peut être amené à prescrire
un traitement de couverture par benzodiazépines en attendant
l’avis du neurologue, par exemple : clobazam 5 mg matin et
soir. EEG : électroencéphalogramme ; IRM : imagerie par réso-
Crise provoquéea Crise non nance magnétique.
(aiguë, situationnelle) provoquée a Crise provoquée : aiguë (exemple : iatrogène, fièvre, désordre

métabolique, etc.). Pas de risque de récidive après correction


du facteur déclenchant.

Pas de traitement Unique Récidive Unique


antiépileptique IRM normale (crise non IRM/EEG anormaux
au long EEG normal situationnelle) Facteurs de risque

Traitement
antiépileptique

les deux cas, l’altération de la conscience peut s’accompagner • Existe-t-il une maladie générale ou neurologique préexistante
d’automatismes, c’est-à-dire de manifestations motrices involon- pouvant rendre compte de la survenue d’une crise ?
taires, sans but, eupraxiques ou dyspraxiques. On décrit : les • Existe-t-il des antécédents familiaux de comitialité ?
automatismes oroalimentaires (mâchonnements, pourléchage, • Quelles furent les modalités de naissance du patient (anoxie
déglutition, etc.), les automatismes gestuels simples (se frotter néonatale) ?
les mains, se gratter, etc.), les automatismes gestuels complexes • Y a-t-il une grossesse en cours ?
(fouiller dans ses poches, déplacer des objets, se boutonner, se
déboutonner), les automatismes verbaux (exclamations, chan-
tonnement, petites phrases stéréotypées) et les automatismes
Examen clinique
ambulatoires. Le diagnostic différentiel peut parfois se poser avec Il recherche avant tout un déficit neurologique focal postcri-
une absence, un ictus amnésique ou une manifestation psychia- tique, des signes neurologiques associés et des éléments pouvant
trique paroxystique (attaque de panique, crise d’agitation, état orienter vers une pathologie causale (Tableau 5). Une glycémie
crépusculaire). capillaire est systématiquement pratiquée à la recherche d’une
hypoglycémie, ainsi qu’une prise de température.
Crises focales puis bilatérales convulsives
Examens biologiques
Toutes les crises focales peuvent potentiellement donner lieu
à une généralisation secondaire tonique, clonique ou tonico- On demande un ionogramme sanguin, une calcémie, une glycé-
clonique. La phase focale précessive peut être fugitive et passer mie, une urémie, une créatininémie à la recherche d’un désordre
inaperçue. Compte tenu des implications pour la démarche métabolique. Selon le contexte, on peut également demander une
diagnostique et thérapeutique, il convient de faire preuve numération-formule sanguine, une vitesse de sédimentation et
d’opiniâtreté pour rechercher un début partiel devant une crise une protéine C réactive, un dosage des toxiques dans le sang et
à l’évidence généralisée. les urines, un dosage des antiépileptiques (en cas de doute sur
l’observance chez un épileptique traité) et un bilan thyroïdien
(en cas de signes cliniques évocateurs). Un état d’acidose est habi-
 Faire le bilan de la crise tuel après une crise convulsive. Le dosage de créatine kinase, élevé
après une crise convulsive généralisée, peut être utile aux urgences
pour le diagnostic différentiel d’un évanouissement. Bien sûr, des
Devant une crise d’épilepsie, il est un certain nombre de cir- valeurs élevées sont retrouvées après toute souffrance musculaire
constances qui nécessitent une hospitalisation en urgence, que ce comme celle d’une compression prolongée.
soit pour des raisons de prise en charge thérapeutique ou parce
qu’il est indispensable de réaliser une surveillance rapprochée,
des examens paracliniques, et d’obtenir un avis spécialisé dans les Électroencéphalogramme
meilleurs délais : crises répétées ; température supérieure à 38 ◦ C ; L’électroencéphalogramme intercritique peut apporter des
confusion persistante ; déficit postcritique ; éthylisme chronique ; arguments pour le diagnostic positif d’épilepsie, mais il ne faut
intoxication ; désordre métabolique ; maladie générale ; grossesse ; jamais perdre de vue le fait que de nombreux épileptiques authen-
traumatisme crânien (Fig. 1). Dans toutes ces circonstances, on tiques n’ont aucune anomalie électrique en dehors des crises. De
parle de crise « accompagnée » dont le bilan étiologique et la sur- même, des sujets n’ayant jamais fait de crise peuvent présenter des
veillance se font en hospitalisation. Dans les autres cas, il peut être anomalies évoquant une comitialité. La démarche diagnostique
réalisé en ambulatoire dans la semaine qui suit la crise. L’EM est s’appuie donc en premier lieu sur les données cliniques avant
à part, car sa prise en charge ne se conçoit qu’en unité de soins de considérer les anomalies éventuelles de l’enregistrement élec-
intensifs. troencéphalographique. On recherche avant tout des anomalies
paroxystiques qui peuvent être généralisées (pointes, pointes-
Anamnèse ondes ou polypointes-ondes) ou focales (pointes, pointes-ondes
ou pointes lentes), mais également des foyers de souffrance
L’interrogatoire du patient et de son entourage, en plus d’une cérébrale sous la forme d’ondes lentes focalisées bien qu’ils ne
description précise de la crise, cherche à répondre à un certain soient pas pathognomoniques d’une crise épileptique. L’EEG de
nombre de questions : repos peut être sensibilisé par l’hyperpnée, la stimulation lumi-
• S’agit-il de la première crise ou y a-t-il une épilepsie connue ? neuse intermittente ou le sommeil qui favorisent la survenue de
• Y a-t-il des circonstances favorisantes : privation de sommeil, paroxysmes chez certains patients. En plus des arguments de diag-
libation ou sevrage alcoolique, prise ou arrêt d’un médicament, nostic positif qu’il peut apporter, l’EEG oriente parfois d’emblée
prise de toxiques, stress, surmenage, etc. ? vers un groupe étiologique et pathogénique, ou même un syn-
• Y a-t-il eu un traumatisme crânien avant ou pendant la crise ? drome épileptique particulier.

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Tableau 5.
Liste indicative des étiologies des épilepsies symptomatiques.
Maladies génétiques Anomalies chromosomiques (syndrome de l’X fragile, trisomie 21)
Épilepsies myocloniques progressives (maladie de Lafora, mitochondriopathies)
Phacomatoses (maladie de Recklinghausen, maladie de Sturge-Weber, maladie de Bourneville)
Maladies métaboliques diverses (glycogénoses, aminoaciduries, lipidoses)
Dysembryoplasies cérébrales héréditaires (syndrome d’Aicardi)
Facteurs prénataux et néonataux Dysembryogenèse cérébrale acquise
Facteurs anténataux (infections, toxiques, anoxie)
Facteurs périnataux (traumatisme obstétrical, hypoxie, infection)
Maladies infectieuses Méningoencéphalite
Abcès épiduraux, sous-duraux ou parenchymateux
Encéphalite
Maladie de Creutzfeldt-Jakob
Facteurs toxiques Substances non organiques (CO)
Substances métalliques (plomb, mercure)
Substances organiques (alcool)
Drogues et sevrage
Nombreux médicaments (antidépresseurs tricycliques, pénicilline, isoniazide)
Maladies allergiques (injection ou ingestion de protéines étrangères)
Traumatismes ou agents physiques Plaies craniocérébrales
Hématomes et épanchements sous-duraux ou épiduraux
Cicatrice méningocérébrale post-traumatique ou postopératoire
Anoxie ou hypoxie
Pathologies vasculaires Hémorragie méningée
Thrombose veineuse cérébrale
Cicatrice d’accident vasculaire cérébral
Encéphalopathie hypertensive
Syncope
Facteurs métaboliques et nutritionnels acquis Déséquilibre hydroélectrolytique (hyponatrémie, hypocalcémie, déshydratation)
Hypoglycémie, hyperglycémie, hyperosmolarité
Encéphalopathie urémique ou hépatique
Déficit ou dépendance vitaminique (dépendance en pyridoxine)
Processus expansifs Tumeurs primitives intracrâniennes (gliomes, méningiomes)
Métastases (sein, poumon, mélanome)
Hémopathies malignes (lymphome, leucémie)
Tumeurs vasculaires et malformations vasculaires (cavernomes)
Causes diverses Maladies auto-immunes (lupus)
Maladie d’Alzheimer
Sclérose en plaques

Imagerie cérébrale Le recours immédiat à une thérapeutique médicamenteuse spé-


cifique destinée à prévenir la récidive à court terme n’est pas
Outre le bilan biologique, une première crise comitiale est systématique et est à discuter en fonction du contexte. Les élé-
une indication à la réalisation d’un bilan morphologique pour ments à prendre en compte pour la décision sont le risque de
rechercher des éléments étiologiques évocateur d’une crise récidive (en fonction de la cause présumée), difficile à évaluer
symptomatique. Il en va de même lorsque l’on observe une après une première crise, et l’angoisse du patient par rapport à
recrudescence ou une modification sémiologique des crises chez ce risque. Le cas échéant, on prescrit un traitement par benzo-
un épileptique connu. Il s’agit de rechercher une lésion céré- ®
diazépine, par exemple clobazam (Urbanyl ) 5 mg toutes les huit
brale responsable de la crise qui est alors symptomatique. On heures pour une durée limitée. Le risque de récurrence diminue
est d’autant plus prompt à la réaliser qu’il existe des signes avec le temps, après deux ans, et il est discutable d’envisager un
évocateurs d’une lésion focale (crise focale, déficit postcritique, traitement antiépileptique lorsque la deuxième crise survient plus
anomalies paroxystiques focales à l’EEG). La neuro-imagerie et de cinq ans après la première. On a identifié certains facteurs de
notamment l’imagerie par résonance magnétique (IRM) repré- risque de récidive :
sentent aujourd’hui l’examen de référence pour détecter des • facteurs EEG : la présence d’anomalies épileptiques caractéris-
anomalies cérébrales épileptogènes. La sensibilité est nettement tiques sur l’EEG, surtout chez les enfants ;
supérieure au scanner cérébral, elle est d’environ 80 %. Quoique • facteurs étiologiques : le risque est plus élevé devant une pre-
plus sensible, l’IRM cérébrale pose actuellement le problème de mière crise symptomatique ; certaines étiologies sont plus à
son accessibilité, de sorte que l’on est souvent amené à demander risque comme les malformations du développement cortical,
un scanner avant de la discuter dans un second temps. la sclérose hippocampique, les malformations vasculaires, les
tumeurs cérébrales ;
• horaire de survenue de la crise : les crises nocturnes chez l’adulte
 Prévenir la récidive sont plus à risque de récidive que les crises diurnes.
Un traitement antiépileptique au long cours est instauré lorsque
Dans la prise en charge d’une épilepsie nouvellement diagnos- la nature épileptique de la crise est bien établie (clinique, présence
tiquée, quelques questions doivent être prises en compte : d’anomalies à l’IRM en relation possible avec la crise, EEG patho-
• S’agit-il bien d’une épilepsie ? logique avec des anomalies épileptiques) [3] , après une deuxième
• Quels sont les risques de récurrence de crises et leurs conséquen- crise ou après une première lorsqu’il y a un risque de récurrence
ces ? ou forte anxiété du patient. Chez le sujet âgé, l’instauration d’un
• Quel médicament antiépileptique choisir ? traitement antiépileptique après une première crise est moins dis-
• Quel suivi pour le patient nouvellement diagnostiqué ? cutable que chez les jeunes. À l’heure actuelle, on dispose d’un
• Quels conseils donner au patient ? éventail de choix assez large de médicaments antiépileptiques.

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5-1115  Conduite à tenir devant une épilepsie

“ Point important
État de mal épileptique
L’état de mal épileptique (EM) est défini comme « une condition épileptique fixe et durable ». En pratique, compte tenu du fait qu’il
existe un risque de lésion cérébrale irréversible au-delà de 30 minutes de crise continue et que l’état de mal est d’autant plus difficile
à contrôler qu’il se prolonge, il paraît raisonnable de considérer comme un état de mal généralisé convulsif toute situation définie
par la répétition à bref délai de crises épileptiques récurrentes avec persistance, pendant la phase intercritique, d’une altération de la
conscience et/ou des signes neurologiques traduisant un épuisement neuronal des régions corticales impliquées dans les décharges
épileptiques.
Cliniquement, il correspond à la survenue d’une crise généralisée tonicoclonique durant plus de cinq minutes ou de deux crises
généralisées tonicocloniques durant plus de cinq minutes sans reprise de conscience ou, enfin, pour les autres types de crises, à une
durée prolongée au-delà de 30 minutes.
Le terme de « crises subintrantes » est synonyme d’EM, tandis que le terme de « crises sérielles » définit plutôt des crises successives
avec un retour à l’état de vigilance normal entre les crises (on en rapproche également les convulsions en série ou « syndrome de
menace »).
Plusieurs classifications des EM ont été proposées sans qu’aucune ne soit réellement satisfaisante : classification à partir de la clas-
sification des crises épileptiques (EM généralisé, ou partiel), classification à partir de la classification syndromique des épilepsies ou
classification opératoire des EM. Dans ce dernier cas, on considère que les EM présentent des formes convulsives de diagnostic facile
mais de pronostic réservé, ou non convulsives de diagnostic difficile mais de meilleur pronostic. Ces dernières se classent en formes
confusionnelles ou non confusionnelles.
Les EM partiels posent surtout le problème difficile du diagnostic, notamment lorsqu’ils se présentent sous la forme d’un syndrome
confusionnel ; l’EEG peut alors être d’un grand secours.
La prise en charge d’un EM convulsif ne se conçoit qu’en unité de soins intensifs. Néanmoins, la rapidité des premières décisions
diagnostiques et thérapeutiques conditionne le pronostic ultérieur.
La prise en charge initiale s’organise selon le schéma suivant :
• contacter le service d’aide médicale urgente (Samu) pour un transfert urgent en unité de soins intensifs ;
• protéger le malade des traumatismes en évitant les contentions ;
• placer le malade en décubitus latéral avec la tête en déclive (pour éviter les fausses routes) ;
• ablation des prothèses dentaires et mise en place d’une canule souple ;
• faire une injection intraveineuse lente de benzodiazépine (exemple, diazépam 10 mg ou clonazépam 1 mg en 1 à 2 minutes au
moins) à renouveler au bout de cinq minutes en cas de persistance de la crise ;
• débuter si possible simultanément la fosphénytoïne (monitoring cardiaque obligatoire) ou le phénobarbital (au prix d’une sédation
ou dépression respiratoire) ;
• en cas d’échec, envisager l’intubation (au bout de 20 minutes pour le phénobarbital et 30 minutes pour la fosphénytoïne), le
switch d’un médicament pour l’autre n’étant envisagé que dans des situations particulières ;
• si l’EM est secondaire à un sevrage en antiépileptique, la réadministration du produit arrêté est conseillée et bénéfique ;
• les EM généralisés convulsifs réfractaires vont faire appel à l’anesthésie générale par thiopental, midazolam ou propofol.

Une monothérapie doit être privilégiée en première intention. Le Le patient doit être adressé à l’hôpital
choix de la molécule est guidé par le type syndromique et le ter-
rain sous-jacent (âge, désir de grossesse, médicaments associés, en urgence
etc.). Toutes les molécules disponibles sont utilisables en cas de Dans un certain nombre de situations, le bilan diagnostique
crise partielle avec un recours préférentiel à certaines : carbama- et/ou la prise en charge thérapeutique de la crise requièrent une
®
zépine (Tegretol ) et surtout les molécules de nouvelle génération hospitalisation en urgence.
® ®
telles lévétiracétam (Keppra ), oxcarbamazépine (Trileptal ), topi- Lorsque la crise survient en contexte fébrile, l’hospitalisation
® ®
ramate (Epitomax ), gabapentine (Neurontin ) dont la tolérance est requise afin de discuter la réalisation d’une ponction lombaire
® ®
est meilleure, ou zonisamide (Zonegran ) et lacosamide (Vimpat ) en urgence à la recherche d’une méningoencéphalite, même en
les deux dernières arrivées sur le marché qui ne sont pour l’instant l’absence de syndrome méningé, et de mettre en route immédia-
®
utilisées qu’en association. Le valproate de sodium (Dépakine ), la tement la thérapeutique adaptée le cas échéant.
® ®
lamotrigine (Lamictal ), le topiramate (Epitomax ) ou le lévétira- Lorsque l’examen neurologique au décours de la crise n’est
®
cétam (Keppra ) sont les traitements de première intention dans pas normal ou lorsqu’il est modifié chez un patient ayant une
les épilepsies généralisées. Le valproate de sodium est cependant pathologie neurologique connue, on parle de déficit postcritique.
déconseillé chez la femme enceinte ou en âge de procréer. Ce déficit signe l’existence d’une lésion corticale potentiellement
Chez le sujet âgé, il faut privilégier les molécules non sédatives évolutive dont la crise est le symptôme. On retient notamment la
® ®
telles que la phénytoïne (Dihydan ), la lamotrigine (Lamictal ) ou possibilité d’une lésion tumorale, infectieuse, vasculaire ou trau-
®
la gabapentine (Neurontin ). matique (le traumatisme causal ayant pu passer inaperçu ou avoir
été oublié). Dans ce contexte, la gravité et le potentiel évolutif de
la lésion responsable de la crise nécessitent l’hospitalisation en
Pour la pratique urgence.
Une confusion postcritique persistant plus de six heures doit
La diversité des situations cliniques correspondant à la survenue faire redouter en premier lieu un état de mal non convulsivant,
d’une crise d’épilepsie fait qu’il est difficile de proposer un schéma mais aussi un trouble métabolique ou un hématome intracrâ-
de prise en charge préétabli permettant d’y répondre. On essaie nien. Le bilan diagnostique et la mise en route des mesures
cependant de proposer dans cet article, au travers de deux grands thérapeutiques adaptées nécessitent également l’hospitalisation
cadres, un guide pratique dont le but est de faire face au plus grand en urgence. Il en va de même en cas de traumatisme crânien,
nombre de cas de figure rencontrés (Fig. 1) [4–8] . d’intoxication, de signes cliniques associés faisant évoquer un

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Conduite à tenir devant une épilepsie  5-1115

désordre métabolique ou s’il existe une maladie générale pré- paraît raisonnable et qu’il bénéficie d’un entourage familial suffi-
existante susceptible d’être à l’origine d’une lésion cérébrale samment présent, on peut proposer que la réalisation du bilan
épileptogène (exemple : virus de l’immunodéficience humaine, s’effectue en ambulatoire dans la semaine qui suit la crise. Il
cancer, vascularite). débouche en règle générale sur une consultation auprès d’un neu-
Une crise chez une femme enceinte nécessite également une rologue. En attendant cette consultation, certaines précautions
hospitalisation en urgence, à la fois pour évaluer le retentissement doivent être prises : arrêt de travail ; repos avec respect des besoins
sur le fœtus, et pour prévenir de façon optimale la survenue d’une en sommeil ; éviter les prises d’alcool et d’autres substances épi-
nouvelle crise. Dans ce contexte, il faut toujours considérer la pos- leptogènes ; interdiction de conduite automobile et des activités
sibilité d’une éclampsie, et au moindre doute orienter la patiente qui pourraient mettre en jeu le pronostic vital en cas de crise
vers une unité de soins spécialisés. (exemple : natation, plongée, alpinisme, équitation, etc.). Dans
Dans le cas d’une crise chez un patient éthylique chronique, certains cas particuliers, on peut surseoir à la consultation en
qu’il s’agisse d’une crise survenant dans un contexte de sevrage, de neurologie : lorsqu’il s’agit d’un patient épileptique connu qui
libation ou d’imprégnation alcoolique habituelle, il convient en a présenté une crise ayant les caractéristiques cliniques de ses
règle d’adresser le patient aux urgences de l’hôpital dans la mesure crises habituelles et que l’on peut la rapporter à une mauvaise
où une cause surajoutée est à redouter sur ce terrain, notamment observance du traitement (reprendre alors le traitement habituel) ;
un hématome intracrânien. Cette attitude est modulable en fonc- lorsqu’il s’agit d’une première crise, que le bilan biologique, l’EEG
tion du contexte lorsque l’examen neurologique au décours de la intercritique et l’imagerie cérébrale sont normaux, et que l’on
crise est strictement normal. retrouve un facteur déclenchant (exemple : privation de sommeil).
L’excès de boisson est un facteur classique de déclenchement Dans ce dernier cas, la crise est très probablement « occasionnelle »
de crises chez un épileptique connu, mais la prise d’une grande chez un patient ayant un seuil épileptogène bas et ne se reproduira
quantité d’alcool peut à elle seule entraîner une crise (ivresse pas, pour peu qu’il ne reproduise pas les conditions de survenue
convulsivante) en dehors de toute maladie épileptique. Dans ce de la crise.
dernier cas, aucun traitement n’est nécessaire, mais le patient doit
être surveillé pendant les heures qui suivent la crise. Le sevrage en
alcool, qu’il soit relatif ou absolu, chez un éthylique chronique, Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
peut également être à l’origine de crises. Le traitement est alors d’intérêts en relation avec cet article.
celui du syndrome de sevrage (hydratation, vitaminothérapie et
benzodiazépine per os). Enfin, l’éthylisme chronique prolongé
peut causer une épilepsie-maladie, dite épilepsie alcoolique, en
dehors d’une situation d’intoxication aiguë ou de sevrage.
 Références
Dans toutes ces situations, l’essentiel est la prise en charge de [1] Banerjee PN, Filippi D, Hauser WA. The descriptive epidemiology of
l’alcoolisme en milieu spécialisé et l’obtention d’un sevrage défi- epilepsy: a review. Epilepsy Res 2009;85:31–45.
nitif. En effet, les traitements antiépileptiques au long cours sont [2] Beghi E, Carpio A, Forsgren L, Hesdorffer DC, Malmgren K, San-
contre-indiqués chez un patient non abstinent qui continue à der JW, et al. Recommendation for a definition of acute symptomatic
présenter des crises, car l’interruption brutale du traitement par seizure. Epilepsia 2010;51:671–5.
le patient comporte un risque important d’EM convulsif et les [3] Duncan JS, Sander JW, Sisodiya SM, Walker MC. Adult epilepsy.
traitements antiépileptiques sont incompatibles avec le maintien Lancet 2006;367:1087–100.
d’une consommation alcoolique (interactions). [4] Berg AT, Berkovic SF, Brodie MJ, Buchhalter J, Cross JH, van
Les crises répétées sont à considérer comme une situation à Emde Boas W, et al. Revised terminology and concepts for organi-
risque pouvant précéder un EM et nécessitant donc une hospi- zation of seizures and epilepsies: report of the ILAE Commission
talisation en urgence. Toutefois, chez certains patients atteints on Classification and Terminology, 2005-2009. Epilepsia 2010;51:
d’épilepsie focale pharmacorésistante, on peut tolérer la surve- 676–85.
nue de crises relativement fréquentes. Les signes d’alarme qui [5] Meierkord H, Holtkamp M. Non-convulsive status epilepticus
guident la décision d’hospitalisation urgente dans ce contexte in adults: clinical forms and treatment. Lancet Neurol 2007;6:
sont la notion d’une recrudescence des crises ou d’une modifica- 329–39.
tion de leur symptomatologie. En cas d’hésitation, l’avis immédiat [6] Legriel S, Bruneel F, Troche G, Bedos JP. Actualités sur les
états de mal épileptiques de l’adulte. Reanimation 2007;16:
d’un neurologue paraît souhaitable.
472–84.
[7] Haute Autorité de santé (HAS). Épilepsies graves. http://www.has-
Le bilan peut être réalisé en ambulatoire sante.fr/portail/jcms/c 586170/fr/ald-n9-epilepsies-graves.
[8] Société française de neurologie (SFN). Prise en charge d’une pre-
Lorsque le réveil après la crise a été parfait, que l’examen cli- mière crise d’épilepsie de l’adulte. http://www.sf-neuro.org/sites/sfn.
nique est normal ou identique à l’examen antérieur, que le patient prod/files/files/recommandations.pdf.

D. Doukhi, Interne des hôpitaux de Paris.


A. Améri, Praticien hospitalier (a-ameri@ch-meaux.fr).
Service de neurologie, Centre hospitalier de Meaux, 6-8, rue Saint-Fiacre, BP 218, 77104 Meaux cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Doukhi D, Améri A. Conduite à tenir devant une épilepsie. EMC - Traité de Médecine Akos 2017;12(2):1-7
[Article 5-1115].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

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