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m i s e a u p o i n t

Diabète de type 2
et insulinothérapie :
“nouveaux schémas,
nouvelles insulines”
■ M. Virally, M. Coupaye, M. Laloi-Michelin,
J.-P. Kevorkian, P.-J. Guillausseau*

... Points forts ...


■ En situations aiguës, les schémas insuliniques doivent couvrir l’ensemble des
24 heures afin de contrôler la totalité des glycémies durant le jour et la nuit.
■ Le protocole “insuline rapide” ne doit plus être utilisé en réanimation et en situa-
tions aiguës.
■ Le schéma insulinique le plus physiologique est appelé, par les diabétologues,
schéma de type “basal-bolus” ; il associe une injection d’insuline basale (ou lente)
à 3 injections d’insuline prandiale (ultrarapide) ou “bolus” d’insuline.
■ Le diabète de type 2 est une maladie évolutive avec un épuisement progressif de la
sécrétion d’insuline. La mise sous insuline d’un diabétique de type 2 est donc sou-
vent nécessaire avec le temps afin de contrôler les glycémies et éviter la survenue
des complications vasculaires.
■ Lorsque l’insuline est débutée chez un diabétique de type 2, les antidiabétiques
oraux peuvent être gardés simultanément.
■ Un des principaux obstacles à l’insulinothérapie définitive du diabète de type 2 est
la réticence psychologique du patient, mais également celle du médecin.
■ Les nouvelles insulines, analogues lent et rapide, ont permis d’améliorer considé-
rablement la maniabilité, la précision et la compréhension des schémas.

es patients diabétiques de type 2 peuvent le(s) traitement(s) et le(s) schéma(s) insuli-

L avoir recours à une insulinothérapie tran-


sitoire ou nécessiter une insulinothérapie
définitive. L’insulinothérapie transitoire est abso-
nique(s) diffèrent.

lument nécessaire dans les situations de stress INSULINOTHÉRAPIE TRANSITOIRE DU DIABÈTE


ou certaines situations aiguës chez des patients DE TYPE 2 : SITUATIONS AIGUËS
diabétiques de type 2. L’insulinothérapie définiti-
ve du diabète de type 2 est une pratique théra- Certaines circonstances aiguës contre-indiquent
peutique assez récente mais nécessaire à moyen la poursuite des antidiabétiques oraux et ren-
terme. Nous n’aborderons pas le traitement du dent le traitement par insuline obligatoire. Tel
diabète de type 1, où l’insuline est délivrée par est le cas d’une infection grave, d’un accident
multi-injections ou par pompe sous-cutanée. cardiovasculaire sévère, d’un séjour en réanima-
* Service de médecine B,
hôpital Lariboisière Chez le patient diabétique de type 2, il faut dis- tion ou de la période péri-opératoire, en chirur-
et université Paris-VII, Paris. tinguer deux situations. Pour chacune d’elle, gie viscérale par exemple.

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Ce qu’il ne faut pas faire d’action de l’insuline rapide est dépassée, et la


L’insuline est encore trop souvent mal utilisée glycémie remonte à des valeurs anormalement
dans ces situations. Elle doit couvrir l’ensemble hautes. De nouveau, de l’insuline rapide est pres-
du nycthémère afin de contrôler la totalité du pro- crite et permet d’abaisser l’hyperglycémie, provo-
fil glycémique des 24 heures. Cependant, les quant parfois une hypoglycémie... Ce type de
schémas proposés utilisent des insulines d’action prescription conduit inévitablement à une alter-
courte et qui sont, de surcroît, prescrites de façon nance hypo-hyperglycémie. Il ne faut plus utiliser
discontinue. Les prescriptions habituellement ce schéma dit “protocole insuline rapide”, quel
rencontrées sont de “contrôler la glycémie capil- que soit le type de diabète et quelle que soit la
laire toutes les 6 heures et de faire une injection situation clinique. Afin de contrôler la totalité des
sous-cutanée d’insuline rapide si la glycémie est glycémies du jour et de la nuit, il faut que le sché-
élevée. Exemple : 6 unités d’insuline rapide si gly- ma insulinique couvre l’ensemble du nycthémère.
cémie > 1,50 g/l, 8 unités si glycémie > 2,00 g/l,
10 unités si glycémie > 2,50 g/l, etc”. Ce type de Ce qu’il faut faire en situation aiguë
prescription consiste uniquement à abaisser l’hy- Le message le plus important à retenir est de
perglycémie, mais ne tient absolument pas compte contrôler l’hyperglycémie. L’hyperglycémie
des besoins insuliniques quotidiens du patient. aiguë est délétère à de multiples égards. Elle
Ainsi, chacun de nous peut observer dans ce cas peut provoquer des désordres hydroélectroly-
des profils glycémiques de type “yoyo” où alter- tiques, des anomalies endothéliales (stress oxy-
nent hypoglycémies et hyperglycémies (figure 1). datif, hyperosmolarité et hyperviscosité), des
L’injection d’insuline rapide abaisse l’hypergly- troubles du rythme cardiaque, une augmenta-
cémie et provoque parfois une hypoglycémie. tion du risque infectieux par diminution des
Après quelques heures (4 à 6 heures), la durée défenses non spécifiques, et une diminution de
l’anabolisme. Ces impacts négatifs de l’hyper-
glycémie aiguë expliquent la surmortalité hospi-
Protocole insuline rapide talière et à long terme (1-4). Aussi, en situation
si 1,5 < G ≤ 2 g/l ➞ 6 U aiguë, le contrôle de l’hyperglycémie nécessite
si 2 < G ≤ 2,5 g/l ➞ 8 U une insulinothérapie intensive par voie intravei-
si G > 2,50 g/l ➞ 10 U
2,00 g
neuse à la seringue électrique. Les objectifs gly-
cémiques sont stricts, et le maintien des glycé-
1,40 g mies entre 0,80 et 1,10 g/l permet de diminuer la
morbimortalité (1-4). Aujourd’hui, les protocoles
0,70 g intensifs, bien codifiés, permettent l’obtention
Profil glycémique d’un bon contrôle glycémique (1).

Ce qu’il faut faire en relais de la situation aiguë


Passée la phase aiguë, l’insuline intraveineuse doit
être relayée par la voie sous-cutanée. Le schéma
insulinique doit alors dans l’idéal reproduire au
mieux le profil physiologique de la sécrétion d’in-
suline. Physiologiquement, il faut distinguer la
période basale des périodes prandiales. L’insuline
Insuline rapide Insuline rapide Insuline rapide “basale” est sécrétée de façon continue toute la
journée afin de contrôler les glycémies basales. Au
moment des repas, les glucides absorbés élèvent
Figure 1. Profil glycémique (courbe bleue) de type “yoyo” d’un patient diabétique de type 2 en situa- la glycémie. Le pancréas riposte et sécrète ponc-
tion aiguë et traité par protocole insuline rapide. L’injection d’insuline rapide (jaune) permet
d’abaisser l’hyperglycémie, avec une remontée secondaire en fin de durée d’action de l’insuline
tuellement de l’insuline, dont la quantité est adap-
rapide. Le profil glycémique témoigne d’une instabilité glycémique avec une alternance d’hypogly- tée à celle des glucides ingérés : c’est le “bolus”
cémies et d’hyperglycémies. d’insuline ou l’insuline “prandiale” (figure 2).

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Ainsi, le schéma le plus physiologique de la sécré-
tion nycthémérale d’insuline est appelé par les dia-
bétologues “schéma de type basal-bolus” ; il asso-
cie une injection d’insuline basale et trois injec-
1,40 g tions ou bolus d’insuline préprandiale.
Glycémies prandiales
Quelles insulines ?
1,10 g L’avènement des analogues de l’insuline ultrara-
0,70 g pide et de l’insuline lente a permis d’améliorer
Glycémie basale considérablement la maniabilité et la précision
de ces schémas. Afin de reproduire la sécrétion
d’insuline basale (et donc de contrôler le profil
glycémique basal), il faut privilégier les insulines
Insuline basale
lentes ou semi-lentes. Les propriétés de l’insuline
glargine et détémir permettent une bonne cou-
Insuline prandiale Insuline prandiale Insuline prandiale
verture des besoins en insuline basale. On peut
également proposer deux injections d’insuline
semi-lente (type NPH) matin et soir. Afin de
Figure 2. Profil physiologique des glycémies et insulinémies basales et prandiales. L’insulinémie reproduire la sécrétion d’insuline prandiale, il
“basale” (rose hachuré) permet de contrôler le profil des glycémies basales (rose). L’insuline pran- faut privilégier les analogues ultrarapides (insuli-
diale ou “bolus” d’insuline (bleu hachuré) est adaptée à la quantité de glucides ingérés (blanc) et ne lispro ou Humalog®, insuline asparte ou
permet de contrôler les glycémies prandiales (bleu).
NovoRapid®). Leurs propriétés pharmacociné-
tiques, caractérisées par un délai d’action quasi
immédiat, un pic et une durée d’action courte (2
à 3 heures), permettent un très bon contrôle des
excursions glycémiques prandiales (5-6). Ils
seront de loin préférés à l’insuline rapide, dont le
délai d’action – de 30 à 45 minutes – et la durée
d’action trop longue – d’environ 5-6 heures – ne
permettent de contrôler que moyennement les
1,40 g glycémies postprandiales, et exposent à un
risque d’hypoglycémies tardives (5-6).
1,10 g
0,70 g Et en pratique, comment prescrire ?
Analogue lent : 0,5 U/kg à 22 heures La prescription devient très simple, de une à
Analogue rapide : 8 U au moment des repas quatre injections par jour selon que le patient
mange ou non. Il s’agit d’une injection d’insuline
lente (Lantus® ou Levemir®) par jour, à n’importe
quelle heure. La dose varie selon le poids du
patient. Il n’y a pas de dose maximale à utiliser.
À titre d’exemple, les besoins sont de 0,2, 0,3,
0,4 et 0,5 U/kg pour respectivement 70, 80, 90
et 100 kg (7). Avant chaque repas, faire une
injection d’un analogue rapide de l’insuline
(Humalog® ou NovoRapid®). La dose initiale
varie de 6 à 10 unités, et sera adaptée en fonc-
Figure 3. Schéma d’insulinothérapie intensifié “basal-bolus”. La courbe du haut représente le pro-
fil glycémique des 24 heures (bleu). Les besoins en insuline basale sont couverts par une injection
tion des objectifs prédéfinis pour la glycémie
d’un analogue lent (mauve). Le contrôle des glycémies postprandiales est couvert par une injection postprandiale (2 heures après le début du
d’un analogue rapide (rouge) avant chaque repas. repas) (figure 3).

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Quels objectifs glycémiques ? de la capacité d’insulinosécrétion explique


Il faut donc se fixer des objectifs stricts pour les l’échec du régime seul, puis de la monothérapie,
patients en situation aiguë. Les études montrent de la bithérapie, voire de la trithérapie orale.
clairement un bénéfice en termes de morbimor- Cela veut dire que, si l’on veut maintenir l’équi-
talité (1-4). Les objectifs glycémiques seront libre glycémique au cours du temps, le recours à
d’obtenir les glycémies les plus proches pos- l’insuline devient obligatoire lorsque le traite-
sible de la normale, soit des glycémies basales à ment oral seul ne permet plus l’obtention du
jeun (avant les repas du matin, du midi et du contrôle glycémique. Et finalement, après 10 à
soir) comprises entre 0,80 g/l et 1,10-1,20 g/l et 15 ans d’évolution, les patients diabétiques de
des glycémies postprandiales inférieures à type 2 doivent être traités par insuline.
1,80 g/l (1, 3).
✓ Second enseignement : l’optimisation du
contrôle glycémique permet de prévenir les
INSULINOTHÉRAPIE DÉFINITIVE DU DIABÈTE complications microvasculaires et, dans une
DE TYPE 2 moindre mesure, le risque de macroangiopathie
(8). En d’autres termes, il faut normaliser les gly-
Pourquoi l’insuline devient-elle obligatoire et cémies pour être à l’abri des complications. Le
définitive ? traitement du diabète de type 2 s’inscrit dans
Le diabète de type 2 est une maladie hétérogène une stratégie de prévention des complications
qui associe une insulinorésistance et un déficit vasculaires.
de l’insulinosécrétion. L’étude UKPDS (UK
Prospective Diabetes Study) (8), publiée en 1998, À partir de quels seuils d’HbA 1c ?
nous a apporté deux enseignements majeurs. L’Anaes recommande la mise sous insuline en
cas d’échec du traitement oral maximal défini
✓ Premier enseignement : le diabète de type 2 par des objectifs non atteints sous bithérapie
est une maladie évolutive avec une diminution orale associant sulfamides et metformine à la
progressive et inéluctable de la sécrétion d’insu- posologie maximale tolérée. La mise à disposi-
line par les cellules ß-pancréatiques au fil du tion récente des glitazones (troisième classe
temps (figure 4). Cette diminution progressive thérapeutique d’antidiabétiques oraux) offre la
possibilité de la trithérapie avant l’insulinothé-
rapie. Deux seuils d’intervention ont été fixés
Fonctionnalité des cellules ß (%) selon le taux d’HbA1c. Si l’HbA1c est supérieure à
Diagnostic 8 % à deux reprises, l’insulinothérapie est
100
du diabète recommandée. Si l’HbA1c est comprise entre 6,5
et 8 %, l’indication de l’insulinothérapie est
80
fonction des objectifs thérapeutiques, qui eux-
Insulinothérapie
indispensable mêmes dépendent de l’âge, de l’espérance de
60
vie, du contexte psychosocial, des comorbidités
associées et des complications vasculaires du
40 Intolérance Glycémie diabète (9). D’un point de vue nosologique, le
en glucose à jeun patient devient un diabétique de type 2 “insulino-
20 élevée
traité” ou “insulinorequérant” ou “insulino-
nécessitant”, c’est-à-dire que l’insuline est
0
– 12 – 10 – 8 – 6 –2 0 2 6 10 14 nécessaire au contrôle glycémique. En France,
Années environ 15 % des diabétiques de type 2 sont trai-
tés par insuline. Les données épidémiologiques
Figure 4. Évolution de l’insulinosécrétion au cours du diabète de type 2. Au moment du diagnostic
montrent que, malgré une tendance à l’amélio-
du diabète, l’on constate une perte de 50 % de l’insulinosécrétion, qui ne fait que s’aggraver au ration, encore 30 % des patients n’atteignent
cours du temps. Adapté de l’UKPDS. pas l’objectif glycémique optimal et pourraient

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justifier d’une mise sous insuline plus précoce ciation insuline + metformine en cas d’excès pon-
Glu H3N Phe Val
5807 Val Asn (10). La mise sous insuline d’un patient diabé- déral, car la prise de poids et la fréquence des
chaîne B Ala Leu Gla
Arg Glo Gly Cys
Leu tique de type 2 est souvent nécessaire afin d’ob- hypoglycémies sont moindres et l’équilibre glycé-
Val Tyr His His
Gly Leu Ser Gly Cys Leu tenir les objectifs glycémiques recommandés. mique est meilleur avec cette association, et l’as-
S
Phe S H N Gly Ile S Les modalités de l’insulinothérapie du diabète sociation insulinosécrétagogues-insuline en cas
Phe OOC Asn Cys 3 Val S
de type 2 sont variables et tiennent compte du de poids normal (12, 13).
Tyr Tyr Glu Gln Cys Cys
S Ala degré d’insulinopénie.
Thr Asn chaîne A
Pro Glu
S Ser ● En pratique, comment prescrire ?
Lys Leu Gln Tyr Leu Ser Cys Ser Première étape – Il faut choisir une insuline dont la durée d’action
Thr COO
Insuline
Instauration de l’insuline : une injection par jour est d’au moins 12 heures (type NPH). L’insuline
La mise sous insuline doit être précédée par l’ap- glargine (Lantus®) peut également être envisa-
prentissage de l’autocontrôle glycémique quand gée dans la mise en route de l’insulinothérapie.
le patient est sous antidiabétiques oraux. Ses propriétés pharmacocinétiques ont l’avantage
L’insulinothérapie en une seule injection le soir de limiter le nombre d’hypoglycémies (14, 15).
au coucher associée au traitement antidiabétique L’utilisation de ces insulines est très simple :
oral représente une première étape (figure 5) (11, une injection par jour au coucher en maintenant
12). Ce schéma, appelé “bedtime” pour insuline à le traitement antidiabétique oral (figure 5).
“l’heure du coucher”, est une bonne transition et
facilite l’acceptation de l’insuline. L’insuline injec- ● Adaptation de la dose d’insuline
tée le soir diminue la production hépatique de Le traitement par insuline doit permettre l’ob-
glucose nocturne et permet de contrôler la glycé- tention d’un contrôle glycémique strict. Il est
mie du réveil. Il est préférable de garder les anti- donc absolument nécessaire d’apprendre aux
diabétiques oraux associés à l’injection d’insuline, patients à adapter la dose d’insuline du coucher.
car ils permettent de réduire les besoins en insu- Les objectifs glycémiques à jeun sont fixés par le
line de 20 à 60 % (11). Il faudra privilégier l’asso- médecin ; ils sont le plus souvent stricts, car il
existe une corrélation très claire entre la glycé-
mie du réveil et le taux d’HbA1c. Une valeur
d’HbA1c inférieure à 7 % correspond à une glycé-
mie à jeun avoisinant 1,00 g/l (5 mmol/l) (13).
Tant que cet objectif n’est pas atteint, il faut aug-
menter la dose d’insuline du coucher ; l’adapta-
1,40 g tion doit se faire par titration progressive. La
prescription des doses est souvent insuffisante
1,10 g dans la crainte d’une prise de poids, ou plutôt
du retour au poids antérieur au déséquilibre gly-
0,70 g
cémique, et d’hypoglycémies nocturnes.
Analogue lent : 0,5 U/kg à 22 heures Comme pour les situations aiguës, il n’y a pas de
Poursuite du traitement oral limite supérieure à utiliser ; la dose moyenne
d’insuline varie selon le poids des patients (7).

Deuxième étape – Multi-injections


Du fait de l’aggravation progressive de l’insulino-
sécrétion, le schéma “bedtime” va perdre son
efficacité en quelques mois ou années. Il est
alors nécessaire de proposer un schéma renforcé
avec des injections multiples. Le passage à deux
Figure 5. Schéma d’insulinothérapie “bedtime”. La courbe du haut représente le profil glycémique injections d’insuline semi-lente ou biphasique ne
des 24 heures (bleu). L’insuline “bedtime” consiste à faire une injection au coucher d’une insuline semble pas apporter de bénéfice en termes de
semi-lente de type NPH ou d’un analogue lent (en mauve). Les antidiabétiques oraux sont poursuivis. contrôle glycémique comparé à l’insuline au cou-

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cher (11). Dans ce contexte, le passage aux multi- patients traités par insuline (36 % et 2,3 % res-
injections est plus approprié. Les antidiabétiques pectivement) comparé à celui des patients trai-
oraux sont arrêtés et le schéma insulinique doit tés par sulfamides (11-17 % et 0,5 % respective-
dans l’idéal reproduire au mieux le profil physio- ment) (UKPDS 33) (8). L’association à la metfor-
logique de la sécrétion d’insuline. Le schéma mine et l’utilisation de l’insuline glargine dimi-
“basal-bolus” sera privilégié en utilisant les ana- nuent le risque d’hypoglycémies (7, 13, 15). Les
logues de l’insuline ultrarapide et lente (figure 3). hypoglycémies sont le plus souvent modérées,
Ce type de schéma intensifié multi-injections (au bien ressenties et facilement resucrables.
moins quatre injections par jour) permet égale-
ment l’élargissement et la libéralisation du régi- Prise de poids
me alimentaire par la méthode de l’insulinothé- La prise de poids varie de 3 à 6 kilogrammes en
rapie fonctionnelle. Le principe de cette méthode moyenne. Elle est en fait le retour au poids anté-
consiste à adapter la dose d’insuline du repas rieur au déséquilibre glycémique. Elle est corré-
(analogue rapide) à la quantité de glucides ingé- lée à la dose d’insuline, à l’importance du désé-
rés. Cette méthode offre l’avantage considérable quilibre glycémique ou plutôt à l’importance de
d’une totale liberté alimentaire. Il faudra cepen- la correction glycémique. Chaque diminution de
dant rester prudent dans les indications, notam- 1 % d’HbA1c entraîne une prise de poids de 2 kg
ment chez les diabétiques de type 2 obèses (7). Elle est plus marquée dans les schémas avec
(80 % des cas !) ou avec troubles du comporte- multi-injections (7, 13). L’association à la metfor-
ment alimentaire (16). mine semble être le schéma où la prise de poids
est la plus modérée (7, 13). Le principal méca-
Obstacles nisme impliqué est l’augmentation de l’apport
Un des principaux obstacles à l’insulinothérapie calorique liée à la disparition de la glycosurie et
définitive du diabète de type 2 est la réticence à l’effet anabolisant de l’insuline sur les méta-
psychologique du patient, mais également celle bolismes protidique et lipidique (7, 13).
du médecin. Il faut préparer, informer, rassurer
et écouter nos patients. Aux représentations
négatives du patient et du médecin (signe de CONCLUSION
gravité, d’irréversibilité, crainte irrationnelle de
la dépendance, contrainte de l’autosurveillance, Le diabète de type 2 est une maladie chronique
douleurs de l’injection, prise de poids, etc.) doi- et évolutive. Certaines situations aiguës pour-
vent succéder des messages convaincants et ront rendre l’insuline transitoirement nécessaire.
rassurants, comme le meilleur contrôle de la Dans les situations très aiguës de réanimation
maladie, l’efficacité du traitement, l’améliora- ou chirurgicales, il est nécessaire de contrôler
tion de la forme physique, un espoir de préven- les glycémies pour diminuer la mortalité, et
tion des complications et de vie. l’insuline doit être administrée par voie intravei-
neuse à la seringue électrique. Ensuite, et dans
Le risque d’hypoglycémies des situations moins aiguës, l’insuline sera
Le risque d’hypoglycémies chez les diabétiques administrée par voie sous-cutanée en respec-
de type 1 et de type 2 est inversement propor- tant un schéma qui couvre la totalité du nycthé-
tionnel au contrôle glycémique (7). Le risque est mère. Par ailleurs, l’évolution du diabète de
nettement plus faible chez les diabétiques de type 2 est caractérisée par une perte progressive
type 2 traités par insuline comparé à celui des de la sécrétion d’insuline, et rend ainsi l’insuline
diabétiques de type 1 traités par insuline, en rai- définitivement nécessaire à moyen terme. La
son de la persistance d’une insulinosécrétion mise sous insuline d’un patient diabétique de
endogène résiduelle modulable et de l’existence type 2 est inéluctable avec le temps afin de
d’une insulinorésistance périphérique (7). Mais contrôler les glycémies et de prévenir la surve-
le risque d’hypoglycémies modérées et d’hypo- nue des complications vasculaires du diabète.
glycémies sévères est supérieur chez les Les nouveaux schémas insuliniques sont

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simples de maniement et de compréhension, et 6. Rosenfalck AM, Thorsby P, Kjems L et al. Improved post-
permettent d’obtenir un bon contrôle glycé- prandial glycaemic control with insulin aspart in type 2 diabe-
tic patients treated with insulin. Acta Diabetol 2000;37:41-6.
mique. En France, le traitement par insuline est
sous-utilisé chez les diabétiques de type 2 qui 7. Yki-Jarvinen H. Combination therapies with insulin in type
2 diabetes. Diabetes Care 2001;24:758-67.
n’atteignent pas les objectifs fixés par l’Anaes.
8. UKPDS 33. Intensive blood glucose control with sulfonylu-
La poursuite des campagnes d’information reste reas or insulin compared with conventional treatment and risk
fondamentale afin de ne pas retarder l’instaura- of complications in patients with type 2 diabetes. Lancet 1998;
tion d’un traitement par insuline devenu néces- 352:837-53.
saire chez les patients diabétiques de type 2. 9. Stratégie de prise en charge du patient diabétique de type 2
à l’exclusion de la prise en charge des complications.
Recommandations de l’ANAES, mars 2000.
10. Vexiau P, Eschwege E, Raccah D et al. Contrôle glycé-
mique des diabétiques de type 2 traités en monothérapie orale.
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cemia and hypoglycemia in patients with non insulin depen- L’insulinothérapie fonctionnelle : de la théorie à la pratique.
dent diabetes mellitus. Multicenter Lispro Study Group. Arch Médecine Clinique Endocrinologie & Diabète 2004;
Intern Med 1997;157:1249-55. (Suppl. 1):23-7.

•••••••••• Bloc-notes ••••••••••

THÈMES
es
10 • Séances plénières :
- HTA & cerveau
- Coagulopathies
Journées de la Société française • Ateliers :
neuro-vasculaire - Imagerie
- Thromboses veineuses cérébrales
• Pratiques professionnelles :
jeudi 24, vendredi 25 novembre 2005 les filières AVC

PARIS, à l’UIC • Actualités neurovasculaires en 2005


• Controverses
Secrétariat des journées (Union internationale des chemins de fer)
• Communications orales et affichées
COLLOQUIUM-SFNV 2005 16, rue Jean-Rey • Essais institutionnels
12, rue de la Croix-Faubin 75015 Paris
75011 PARIS • Symposiums
Tél. : 01 44 64 15 15 - Fax : 01 44 64 15 16 Métro : Bir Hakeim • Session paramédicale
E-mail : sfnv@colloquium.fr (au pied de la Tour Eiffel) • Réunion Grand Public

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