Vous êtes sur la page 1sur 24

L’insulinothérapie en milieu

hospitalier
Dr Joseph NYANDWI
Bujumbura, mars 2022
Introduction
• L’insulinothérapie connait le progrès considérable au cours de ces
dernières années par rapport aux ancêtres.
• Cent ans après la découverte de l’insuline par Banting et Best au
Canada (1) ,nous disposons aujourd’hui, grâce aux progrès d’une
recherche scientifique d’excellence, d’un éventail d’insulines «
performantes », tant dans le champ des insulines « basales » que
dans celui des « rapides ».
• Leur utilisation chez les patients diabétiques de type 1 ou 2
permet en effet de tendre vers un « profil » insulinémique proche
de celui observé dans des conditions physiologiques normales (2).
• En d’autres termes, les nouvelles insulines basales, à longue et
très longue durée d’action, miment de mieux en mieux la sécrétion
continue d’insuline par les cellules B du pancréas endocrine au
cours des périodes interprandiales et nocturnes; quant aux
insulines ultrarapides, elles reproduisent davantage les pics
insulinémiques physiologiquement associés aux repas et à ses
apports glucidiques.
Pourquoi traiter l'hyperglycémie en milieu hospitalier?

• Hyperglycémie > 8 mmol/L à l’entrée est liée a l’augmentation de morbi-


mortalité hospitalière
• Un contrôle attentif de l’équilibre glycémique peut réduire l’incidence des
complications, la durée d’hospitalisation, la mortalité et améliorer l’évolution
clinique(3)
• Les cibles glycémiques optimales(4):
 ˂7.8 ( a jeun) et ˂ 10.0 mmol/l( aléatoire), et ce, indépendamment du type de
contexte de soins hospitaliers (soins intensifs ou étage).
 dans un milieu de chirurgie cardiaque (5-10 mmol/l),
 post-AVC, ou les patients stables ayant habituellement un excellent contrôle
glycémique (6.0- 8.0 mmol/l)(5) sans hypoglycémies.
 chez les patients âgés et multimorbides, les cibles glycémiques peuvent être
plus élevées (6.0-12.0 mmol/l) afin de minimiser les risques d’hypoglycémies
Quelles insulines?(5)

INSULINES Début d’action PIC Durée d’action

Insulines prandiales (rapides ou ultrarapides): Début D

Insulines ordinaires humaines 330-60’0-60’ d 2-4 h u5-8 h


• Actrapid®
• Regular®
• Insuman Rapid®
Analogues rapides
’ < 15’ 1-2h 3-5 h
• Humalog® (lispro)
• NovoRapid® (aspart) P
• Apidra® (glulisine)
Analogues ultrarapides
• Fiasp® (fast aspart) < 5-10’ ≤1.5 h 3-5 h
• Lyumjev® (fast lispro) 1-
INSULINES BASALES N 11hhduw7oi4
Insulines humaines à durée d’action intermédiaire 8-16 h
-8 h
• Insulatard® (NPH) 1-2 h
• Humuline® NPH
• Insuman basal® (NPH) plat
-Analogues (1e génération) à longue durée d’action 1-2 h (max.5h) 20-24h
• Lantus® (glargine)
• Abasaglar® (glargine)
• Levemir® (detemir)
Analogues (2e génération) à très longue durée d’action 1-2 h plat 36- 42h
• Toujeo® (glargine 300) (max.5h)c
• Tresiba® (degludec)
Hyperglycémie en phase critique : insuline
intraveineuse
• Indications:
• L’insulinothérapie intraveineuse est indiquée surtout chez des patients instables
et/ou dans les conditions suivantes(6):
– Décompensation acidocétosique (modérée et sévère) et/ou hyperosmolaire
(indication absolue)
– Hyperglycémie non contrôlée persistante malgré une insulinothérapie sous-
cutanée adéquate (indication à rediscuter avec le diabétologue)
– Patients avec diabète de type 1 qui restent à jeun, notamment en
périoperatoire, présentant une labilité glycémique(indication à rediscuter avec
le diabétologue)
– État clinique sévère (p.ex : sepsis)
– Syndrome coronarien aigu
– Femme enceinte dans certaines situations (p.ex : accouchement et
hyperglycémie)
Insuline intraveineuse

• Comment?
Utilisation exclusive: Actrapid ou
Novorapid(IR OU IO)
Dilution : concentration de 1UI/ml
Doses:
0,1UI/kg en
bolus IVD/IM
0,1UI/kg/h
Matériel: PSE/Pompe a
perfusion
Glycémies /1heure
Schéma d’adaptation du débit d’Insuline
IVSE
Glycémies
2,2 3,3 5,0 6,0 10,0 14 16,5 mmo/l
Initiatio Bolus 0 0 0 0 3UI 4UI 6UI
n IVSE IVD
Débit 0 0 0 1UI/h pr DT1 2UI/h 3UI/h 4UI/h
IVSE 0UI/h pr DT2
Fréquence des 15 min 30min 1h 1h 2h 1h 1h 1h
glycémies
Adaptation du Arrêt Arrêt -1UI/h -1UI/h Idem +1UI/h +2UI/h Bolus 6UI
débit de l’insuline Reprise à ½ débit quand Prévenir
IVSE —glyc. > 5 mmol/L chez
le
DT1
—glyc. > 10 mmol/L chez
médecin
DT2

G30% 2 1amp(3 0
amp(6g) g)
Transition en sous-cutanée(7)
• Indications:
 Patient transférable dans un contexte de soins non intensifs et/ou
 Patient recommençant à s’alimenter et
 Doses stables d’insuline iv avec glycémies bien contrôlées
 Pour une décompensation acido-cétosique :Glycémie ≤ 11 mmol/l et
deux parmi les critères suivants :
• pH veineux > 7.
• Bicarbonates ≥ 15 mEq/l
• Trou anionique [(Na++K+)-(Cl-+HCO3-)] ≤ 12.0 (OU cétonémie
plasmatique < 0.6 mmol/l)
 Pour une décompensation hyperosmolaire : Osmolalité normale et état
de conscience normal
Comment faire la transition? (7)
• Calculer le débit horaire moyen des dernières 6h, et le multiplier x
24 = dose totale journalière (DTJ).
• L’insuline basale correspond env. au 60-80% de la DTJ (sous
réserve d’adaptations ultérieures lors de la reprise de
l’alimentation) chez les type 2 et 40-50% chez les type 1.
• L’insuline prandiale pour chaque repas, correspond au 10% de la
DTJ (par repas)
• Après avoir débuté l’insuline basale sous-cutanée : arrêter la
perfusion continue 2-3h après avoir effectué l’injection d’insuline
basale sc (ou éventuellement 1h après l’insuline ultrarapide sc
lorsque le patient mange)
Insuline en sous-cutanée
• Traiter l’hyperglycémie = couvrir les
besoins en insuline :

Besoin lié à
l’alimentation

Besoin basal
Matin midi soir
Patient qui s’alimente normalement

But : schéma correspondant aux


besoins physiologiques attendus
Schéma Basal-Bolus

Calcul des doses


Dose quotidienne totale=0,6-1,0UI/kg/24h
Basal: 40% DQT, en 1 ou 2 injections
Bolus : 60% DQT: 1/3 avant les principaux repas
Bolus de correction: cfr tableau d’après
Patient qui s’alimente normalement
Patient maintenu a jeun
Schéma = 1 ou 2 injections d’insuline
basale

NPH

G
08 22 08
Heures Injections
08 12 18 22 02 08

Calcul des doses initiales:


Heures Glycémies
Basale:Insuline glargine (IL) 0,3UI-0,4UI/kg: 1 injection/24h
Insulatard U/24H: 0,3-0,4UI, reparti en 2/ 3 a 8.00 et 1/3 a 22.00
Schéma de correction: tableau d’après
Patient sous nutrition entérale
Patient sous nutrition parentérale
Chez tout patient avec alimentation parentérale surveiller la
glycémie aux 4-6h pendant 48
heures :
• Si ≤ 7.8 mmol/L pendant 24-48h et pas d'antécédent de
diabète : pas de mesure
spécifique.
• Si confirmation > 7.8 mmol/L : débuter un traitement.
• La dose d’insuline à administrer
s’élève au 80% de la dose requise d'insuline. Il est également
possible d’ajouter de l’insuline IV « ultrarapide » au sac
d'alimentation. Dans ce cas, il faudra veiller à bien les mélanger.
• En général, la dose quotidienne totale d’insuline est de 0.5-
0.8 U/kg, répartie de façon égale entre la basale et les
insulines prandiales
Patient gavé(par sonde nasogastrique)
• Schéma:
– 1 ou 2 injection d’insuline basale
– Insuline prandiale (ultrarapide) avant chaque gavage
• Calcul des doses:
– Insuline basale: 80% de la DTQ
– Insuline prandiale: DTQ*0,15, repartie en autant de
gavages.
Patient chirurgical – phase péri-opératoire
• Cible glycémique : 5 – 10.0 mmol/L.
• Il faudra en outre veiller à :
– Favoriser une opération le matin en début de programme et minimiser la période de jeûne
– Surveiller la glycémie toutes les 1-2 heures en per et post-opératoire
– Maintenir la volémie avec des apports liquidiens IV + glucose
– Arrêter les antidiabétiques oraux (ADO) et passer en règle générale à l’insuline sous-cutanée
pour une chirurgie mineure ou IV pour une chirurgie majeure ou chez tout patient avec
diabète de type 1.
• Gestion de l’insuline :
• (ISL)NPH : réduire de 20% (=donner 80% de la dose totale) le matin de l’opération.
• IL(glargine): même dosage, ou réduction de 10-20% (dès le matin même ou la veille si injection le
soir)
• IUL(Degludec) : réduction de 25% (48h-) 72h avant l’opération
• Ultrarapide : uniquement pour correction de l’hyperglycémie chez les patients à jeun.
Patient sous glucocorticoïdes(8)
• Une altération du profil glycémique est attendue lors d’un traitement
par glucocorticoïdes.
• Dans ce cas une surveillance de la glycémie durant 48 heures est
indiquée chez tout patient recevant des corticoïdes indépendemment
de la présence ou non d’un diabète préalable.
• Si ≤ 7.8 mmol/L sans insuline, arrêter la surveillance de la glycémie
(sauf si profil à risque).
• Si > 7.8 mmol/L, débuter un traitement, en fonction des valeurs du
profil glycémique, soit de l’insuline sous-cutanée, soit un/des
antidiabétiques oraux.
• En cas d’hyperglycémie sévère et persistante malgré l’insuline sous-
cutanée à hautes doses, passer à une insuline IV.
Patient sous glucocorticoïdes(8)
• Il ne faut pas oublier d’ajuster l’insuline lorsqu'on adapte le
dosage de corticoïdes. Selon le type de corticoïdes, préférer
différents types d’insuline :
– Dexamethasone : préférer une insuline basale (ultra)lente comme la
glargine, la detemir ou la degludec (ou éventuellement NPH 2x/j).
– Prednisone : préférer de la NPH 1x/j le matin et suivre le schéma
suivant :
 BMI > 30 kg/m2 ou corticothérapie équiv. prednisone 10-40 mg/j : doses d’insuline
basale/NPH x 1.3
 Sepsis (CRP > 100mg/l) ou corticothérapie équiv. prednisone > 40 mg/j): dose d’insuline
basale /NPH x 1.5
 Diabétique insulino-tt : maintien doses habituelles d’insuline basale (ou augmentation si
hyperglycémie)
Adaptation du traitement(9)

• Objectifs thérapeutiques : balance entre efficacité et


sécurité !
• 1er objectif : Objectifs glycémiques en début
d’hospitalisation :
< 7.8 mmol/l à jeun ou en pré-prandial
< 10.0 mmol/l à 2 heures post-prandiales
2ème objectif prioritaire : prévention des hypoglycémies !
Cela peut représenter une limite à la marge de manœuvre
pour l’adaptation du traitement
Adaptation du traitement(9)
Situation/changement Insuline basale Insuline prandiale Schéma de correction
Glycémies pré-prandiales trop ↑/↓doses de inchangée nouvelle
hautes ou trop basses 10 à 30% dose basale
Glycémies post-prandiales trop inchangée ↑/↓doses de inchangé
hautes ou trop basses 10 à 30%

Intro alim normale / pat à jeun inchangée Bolus repas = inchangé


3x25% basale
Mise à jeun / pat alim normale ↓à 80% en susp inchangé
Intro alim sonde / pat à jeun ↑à 150% Bolus au nouvelle
démarrage dose basale
Mise à jeun / pat alim sonde ↓à 50% en susp nouvelle
dose basale
intro corticothérapie bas dosage matin ↑à 130% inchangée au nouvelle
(~ prednisone < 1 mg/kg*) 22h ↓à 70% départ dose basale

intro corticothérapie haut dosage matin ↑à 150% ↑à 130% nouvelle


(~ prednisone > 1 mg/kg*) 22h↑ à 130% dose basale
Schéma de correction de l’hyperglycémie(10)
Selon la dose d’insuline basale prescrite /24h (U/24h)
˂10 11 – 20 21 – 30 31 – 50 > 50

Paliers Dose d’IR(Actrapid ou Novorapid) selon les glycémies


glycémiques(mmol/L)
10 – 11.9 1U 1U 2U 2U 3U
12 – 13.9 1U 2U 3U 3U 4U
14 – 15.9 2U 2U 3U 4U 5U
16 – 17.9 2U 3U 4U 5U 7U
18 – 19.9 3U 4U 5U 7U 9U
> 20 3U 5U 7U 9U 12 U

• Calcul : selon dose insuline basale et glycémie du moment


• Alimentation normale : U de correction s’ajoutent aux doses des repas. Pas
d’injections supplémentaires ni corrections après les repas.
• Pat. à jeun ou alimenté par sonde : U de correction selon le tableau, au
maximum toutes les 3 heures
A ne pas faire!
• Jamais de schéma isolé (seul) d’Actrapid®, Novorapid® : Inapte à
couvrir les besoins physiologiques en insuline. Facteur de
déséquilibre glycémique iatrogène !
• Diabétiques de type 1 : Ne jamais interrompre l’insuline basale
(même à jeun): Risque d’acidocétose iatrogène en quelques
heures !
• Tout patient porteur de pompe et/ou diabétique de type 1 devrait
être discuté avec l’équipe de diabétologie
• Pas de traitement initial de l’hyperglycémie par antidiabétiques
oraux en phase aiguë : Impact glycémique souvent insuffisant en
soins aigus (glucotoxicité et lipotoxicité)
Bibliographie
1. Hegele RA, Maltman GM. Insulin’s centenary: the birth of an idea. Lancet Diabetes
Endocrinol. 2020 Dec;8(12): 971-977. doi: 10.1016/S2213-8587(20)30337-5.
2. Hirsch I, Juneja R, Beals J, Antalys C, Wright E. The evolution of insulin and how it informs
therapy and treatment choices. Endocrine Reviews.2020;41:733-735
3. Inzucchi et al, N Engl J Med 2006; 355:1903-1911
4. American Diabetes Association (ADA)
5. Martin Buysschaert, Vanessa Preumont, Dominique Maiter, Insulinothérapie en 2021.
Cliniques universitaires Saint-Luc, service d’Endocrinologie et Nutrition, B-1200 Bruxelles
6. Clement S, et al, American Diabetes Association Diabetes in Hospitals Writing Committee:
Management of diabetes and hyperglycemia in hospitals. Diabetes Care 27:553–591, 2004.
7. Kitabchi et al, Diabetes Care, 2009, 32:1335-1343
8. Clore J, Thurby-Hay L. « Glucocortico-induced hyperglycemia », Endocrine Practice 15
(2009)
9. Mini-Guide gestion insuline sc., v2.2a., 03.09.2009. M. Egli, D. Sofra, J. Puder, S. Masmont
Berwart, J. Ruiz. Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme, CHUV 1011
Lausann
10. Jacques Philippe, G.Gastaldi, service de diabétologie ; Arnaud Perrier, direction médicale ;
Marie-José Roulin, directrice adjointe des soins ; Groupe transversalité diabète, HUG

Vous aimerez peut-être aussi