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Résumé
En 2018, le National Institute on Aging (NIA) et l’Alzhei- l’International Working Group présente ce que nous
mer’s Association (AA) américains ont proposé que la considérons comme les limites actuelles des biomar-
maladie d’Alzheimer soit définie uniquement sur la base queurs dans le diagnostic de la maladie d’Alzheimer et,
d’une positivité des biomarqueurs. Bien que l’utilisa- sur la base de ces données, nous proposons des recom-
tion prévue de ce cadre soit à des fins de recherche, mandations sur la manière dont les biomarqueurs de-
il a engendré des débats et des défis concernant son vraient et ne devraient pas être utilisés pour le diagnos-
utilisation dans la pratique clinique quotidienne. Par tic de la maladie d’Alzheimer dans un contexte clinique.
exemple, des personnes sans trouble cognitif peuvent Nous recommandons que le diagnostic de la maladie
présenter des biomarqueurs de pathologie β-amyloïde d’Alzheimer soit limité aux personnes qui présentent
et tau, mais ne développeront souvent aucune manifes- des biomarqueurs de pathologie Alzheimer positifs
tation clinique au cours de leur vie. En outre, un profil associés à des phénotypes spécifiques de la maladie
positif de biomarqueurs de pathologie Alzheimer peut d’Alzheimer, tandis que les personnes sans trouble
être observé dans d’autres maladies neurologiques cognitif et présentant des biomarqueurs de pathologie
dans lesquelles la pathologie Alzheimer est présente Alzheimer positifs ne devraient être considérées que
en tant que simple comorbidité. Dans cet article, comme à risque d’évolution vers la maladie d’Alzheimer.
Dossier
Cet article est la traduction par Nicolas Villain en langue française de l’article « Clinical
diagnosis of Alzheimer’s disease: recommendations of the International Working Group » et
publié dans la revue Lancet Neurology en juin 2021 (volume 20, numéro 6, pages : 484-96).
Encadré 1 - Glossaire.
• Démence de la maladie d’Alzheimer : se réfère à la phase de la maladie d’Alzheimer dans laquelle les symptômes
cognitifs sont suffisamment graves pour interférer avec le fonctionnement social et les activités instrumentales de
la vie quotidienne.
• Maladie d’Alzheimer : entité clinico-biologique définie par un phénotype clinique spécifique associé à des signes in
vivo de pathologie Alzheimer.
• Pathologie Alzheimer : lésions neuropathologiques de la maladie d’Alzheimer. Peut être évaluée et définie in vivo
par des biomarqueurs de la pathologie β-amyloïde (faible taux d’Aβ42 dans le LCR ou augmentation du rapport
Aβ40-Aβ42 dans le LCR ; rétention accrue du traceur TEP amyloïde) et des biomarqueurs de la pathologie tau
(augmentation de la tau phosphorylée dans le LCR ; augmentation de la rétention du traceur TEP tau).
• Asymptomatiques à risque : personnes sans trouble cognitif qui présentent des signes in vivo de pathologie
Alzheimer. Certaines personnes peuvent rester stables sur une longue période, tandis que d’autres progresseront.
• Diagnostic biologique : un diagnostic fondé uniquement sur des biomarqueurs.
• Diagnostic clinico-biologique : un diagnostic fondé à la fois sur des résultats cliniques et des biomarqueurs.
• Phénotype commun de la maladie d’Alzheimer : phénotypes dans lesquels la pathologie Alzheimer est la pathologie
principale sous-jacente la plus courante. Ces phénotypes comprennent la forme amnésique, l’aphasie progressive
primaire variante logopénique et l’atrophie corticale postérieure.
• Copathologie : lésions neuropathologiques surajoutées au diagnostic pathologique principal.
• Maladie neurodégénérative de type Alzheimer : diagnostic proposé pour les personnes dont les biomarqueurs
de pathologie Alzheimer ne sont pas présents ou n’ont pas été évalués, et présentant des phénotypes communs
de maladie d’Alzheimer en même temps que des biomarqueurs de neurodégénérescence (par exemple,
hypométabolisme postérieur au TEP ¹⁸F-fluorodésoxyglucose, atrophie hippocampique à l’IRM pondérée en T1 ou
élévation des chaînes légères des neurofilaments dans le LCS).
• Prévention de la maladie d’Alzheimer : la prévention de la maladie d’Alzheimer est un défi majeur. La découverte de
biomarqueurs de pathologie Alzheimer permet de distinguer la prévention primaire, fondée sur des interventions
avant la présence de biomarqueurs, et la prévention secondaire, fondée sur des interventions lorsque les
biomarqueurs positifs sont présents.
• La maladie d’Alzheimer prodromique : la phase symptomatique précoce et prédémentielle de la maladie d’Alzheimer.
• Phénotypes peu communs de la maladie d’Alzheimer : phénotypes dans lesquels la pathologie Alzheimer est moins
souvent la pathologie principale sous-jacente (la pathologie principale sous-jacente la plus courante comprend la
dégénérescence lobaire fronto-temporale-tau, la dégénérescence lobaire fronto-temporale – TDP43). Ces phénotypes
comprennent les variantes comportementales ou dysexécutives, le syndrome corticobasal et les aphasies progressives
primaires variantes sémantique et non fluentes.
Tableau 1 - Détails des critères successifs proposés pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer.
NINCDS-ADRDA
IWG 2007 [3] IWG 2010 [4] NIA-AA 2011 [140, 141]
1984 [2]
Recherche et
Contexte d’utilisation Recherche Recherche Recherche et clinique
clinique
Syndrome amnésique
Asymptomatiques
de type hippocampique
Démence (troubles (recherche)
Variant cortical-
Conditions cliniques de la mémoire, Syndrome amnésique de Troubles cognitifs
postérieur
du diagnostic autres troubles type hippocampique légers (amnésiques, non
Variant logopénique
cognitifs) amnésiques)
Variant frontal-
Démence
comportemental
Biomarqueurs du LCS,
atrophie sur l’IRM, Biomarqueurs Marqueur β-amyloïde (LCS
hypométabolisme TEP physiopathologiques : ou TEP) ou marqueur de
Conditions 18
F-fluorodésoxyglucose, LCS (Aβ42 bas, tau dégénérescence (LCS tau
biologiques du Aucun
TEP amyloïde positive, ou phosphorylée élevée total, tau phosphorylé, TEP
diagnostic
mutation autosomique ou tau totale élevée) ou 18
F-fluorodésoxyglucose et
dominante de la maladie TEP amyloïde positive IRM pondérée en T1)
d’Alzheimer
ADRDA = Alzheimer’s Disease and Related Disorders Association (actuellement l’Alzheimer’s Association-AA) ; IWG = International Working Group. NIA–AA
*Les individus sans trouble cognitif avec des biomarqueurs positifs de pathologie Alzheimer sont considérés comme à risque de maladie d’Alzheimer.
phénotype clinique, la maladie est Plusieurs études (Encadré 2) indiquent retrouvées chez les personnes
assimilée aux modifications neuro- que la présence d’une positivité à la atteintes d’autres maladies neu-
pathologiques de la maladie fois de biomarqueurs de pathologie rodégénératives, le cas le plus
d’Alzheimer (= pathologie Alzhei- β-amyloïde et tau est insuffisante emblématique étant la démence
mer). Ceci, alors qu’en 2012, les pour prédire avec fiabilité l’appa- à corps de Lewy où de 60 à 80 %
neuropathologistes ont déclaré
: rition ultérieure de symptômes des patients présentent une co-
« Il existe un consensus pour dis- (trouble cognitif léger ou démence) pathologie Alzheimer [12]. Les
socier le terme clinicopathologique chez les sujets asymptomatiques. exemples de copathologies de la
“maladie d’Alzheimer” des modi- démence à corps de Lewy créent
fications neuropathologiques [de Présence d’autres pathologies une confusion potentielle pour les
la maladie d’Alzheimer] » [11]. En Un autre défi lié à l’utilisation d’un personnes recevant un diagnostic
conséquence, le terme de maladie diagnostic de la maladie d’Alzhei- basé sur les biomarqueurs dans de
d’Alzheimer comprend un conti- mer fondé uniquement sur les bio- telles circonstances. Par exemple,
nuum qui va des personnes sans marqueurs est que la présence in on pourrait poser un diagnostic de
trouble cognitif aux personnes at- vivo de biomarqueurs de patholo- démence à corps de Lewy en raison
teintes de démence sévère. gie Alzheimer pourrait faussement de signes cliniques (par exemple,
certifier la maladie d’Alzheimer hallucination, syndrome de Par-
Faible prédiction comme la pathologie prédominante kinson) ou de biomarqueurs indi-
d’une évolution clinique (diagnostic primaire). rects (par exemple, dénervation au
L’une des principales limites d’une DATSCAN®). Dans le même temps
définition purement biologique de >>Exemple de la démence et chez le même patient, les bio-
la maladie d’Alzheimer est sa faible à corps de Lewy marqueurs de pathologie Alzheimer
valeur prédictive positive quant En effet, les lésions de maladie reviendraient positifs. Ceci crée
à l’apparition des symptômes. d’Alzheimer sont couramment une confusion certaine : quel est le
IWG 2014 [142] IWG-AA 2016 [7] NIA-AA 2018 [1] IWG 2021
Marqueurs de
LCS β-amyloïde et tau (total pathologie amyloïde Marqueurs de pathologie
Marqueurs de pathologie amyloïde (LCS ou
et/ou phosphorylé) positifs (LCS ou TEP) et de amyloïde (LCS ou TEP) et de
TEP) et de pathologie tau (LCS ou TEP)
ou TEP amyloïde positive pathologie tau (LCS pathologie tau (LCS ou TEP)
ou TEP)
A = US National Institute on Aging and Alzheimer’s Association ; NINCDS = US National Institute of Neurological and Communicative Disorders and Stroke.
diagnostic final - maladie d’Alzhei- principal, elle peut être associée à (en particulier la maladie des grains
mer ou démence à corps de Lewy ? d’autres pathologies. Une maladie argyrophiles [argyrophilic grain di-
Selon le NIA-AA 2018 [1], il s’agit d’Alzheimer « pure » (c’est-à- sease, AGD] et la tauopathie astro-
d’une maladie d’Alzheimer, mais dire sans copathologie) est l’excep- gliale liée au vieillissement [aging-
selon McKeith 2017 et ses collègues tion plutôt que la règle (retrouvée related tau astrogliopathy, ARTAG]),
[13], il s’agit d’une démence à corps dans 3 à 30 % des séries neuro- - et les protéinopathies TDP-43 (en
de Lewy. Le patient est-il atteint des pathologiques de personnes at- particulier la neurodégénérescence
deux maladies et les deux diagnos- teintes de démence de type Alzhei- limbique liée à l’âge et à la protéine
tics doivent-ils lui être attribués ? Le mer, selon l’âge [12]) à l’examen post- TDP-43 [limbic-predominant age-
patient pourrait-il être inclus dans mortem. La maladie d’Alzheimer related TDP-43 encephalopathy,
un essai thérapeutique concernant dans sa forme dite pure est un mo- LATE]) [12, 14–17].
la maladie d’Alzheimer, ou la dé- dèle qui a peu de chances de s’appli-
mence à corps de Lewy, ou les deux ? quer à la plupart des cas de maladie On estime que 50 à 60 % du phéno-
Cet exemple montre la confusion d’Alzheimer, notamment ceux des type de démence de type Alzheimer
qu’entraîne l’utilisation d’un personnes atteintes de démence sont imputables à ces copatho-
diagnostic par biomarqueur de tardive, chez qui les protéinopathies logies [18]. Malheureusement, il
pathologie Alzheimer, en l’ab- multiples sont plus fréquentes [14]. n’existe actuellement pas de bio-
sence d’un biomarqueur spécifique Tant la trajectoire clinique que les marqueurs pour les protéinopa-
pour les autres protéinopathies. phénotypes de la maladie d’Alzhei- thies non Alzheimer, et la distinc-
mer peuvent être affectés par des tion entre la maladie d’Alzheimer
>>Protéinopathies multiples copathologies, notamment : et les autres maladies neurodé-
Inversement, même lorsque la - l’α-synucléinopathie, génératives continue de dépendre
maladie d’Alzheimer a été définie - la pathologie vasculaire, du phénotype ou de l’examen
post-mortem comme le diagnostic - les tauopathies non Alzheimer post-mortem.
Encadré 2 - Données démontrant les limites de la capacité des lésions β-amyloïdes et tau à prédire le déclin
cognitif ultérieur chez les personnes sans trouble cognitif.
Données transversales 6 ans (HR 2,27, IC 95 % 1,17-4,35 ; p = 0,0145 pour la progression
Il existe un chevauchement important entre les lésions clinique vers un trouble cognitif léger ou une démence chez les
neuropathologiques de la maladie d’Alzheimer chez les personnes participants β-amyloïdes-positifs par rapport aux participants
ne souffrant pas de troubles cognitifs et chez les patients atteints β-amyloïdes-négatifs) [106].
de démence de la maladie d’Alzheimer. • Le risque de développer une démence de la maladie d’Alzheimer
de leur vivant pour les personnes β-amyloïdes positives sans
trouble cognitif varie entre 5 et 42 % selon l’âge et le sexe,
Post-mortem d’après les données regroupées de 13 cohortes aux États-Unis et
• De nombreuses personnes sans trouble cognitif et des en Europe [28].
personnes atteintes de démence présentent une charge La présence conjointe d’une positivité des biomarqueurs de
lésionnelle similaire de lésions neuropathologiques de la maladie pathologies amyloïdes et tau chez les personnes sans trouble
d’Alzheimer, ce qui a été confirmé par de grandes cohortes cognitif (β-amyloïdes positives et tau positives) augmente
post-mortem utilisant des méthodes de quantification et de modérément le risque d’évolution à moyen terme vers une
neuropathologie numérique [100,101]. maladie d’Alzheimer prodromique ou une démence de la maladie
• Les lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer (lésions d’Alzheimer, par rapport aux personnes sans trouble cognitif dont
conjointes β-amyloïdes et tau) sont retrouvées chez deux tiers les biomarqueurs sont négatifs (amyloïdes et tau) §
des personnes de plus de 70 ans lors d’un examen post-mortem • Six (35 %) des 17 personnes sans trouble cognitif (âge moyen de
systématique, indépendamment de leur état clinique [21], ce qui 74,4 ans) ayant des biomarqueurs β-amyloïdes et tau positifs
dépasse de loin la prévalence attendue (30 %) [102] des troubles ont évolué vers un trouble cognitif léger ou une démence de la
cognitifs. maladie d’Alzheimer après 7 ans de suivi dans une étude TEP
• Les dégénérescences neurofibrillaires dans les régions longitudinale [112] ¶.
temporales médianes sont retrouvées chez la quasi-totalité des • Le double statut amyloïde-positif et tau-positif augmente
individus de plus de 70 ans sans trouble cognitif [21, 45] *. modérément le risque à 5 ans de progression clinique vers un
stade prodromique (44,4 % vs 10,7 %, HR ajusté = 2,79, IC 95 %
Cohortes de neuro-imagerie moléculaire 1,14-6,9 ; p = 0,03) [91, 92], encore plus chez les personnes
• De nombreux individus sans trouble cognitif et des personnes présentant un déclin cognitif subjectif [60].
souffrant de troubles cognitifs présentent une charge lésionnelle • Des études TEP tau longitudinales n’ont montré aucune
amyloïde et tau mesurée en TEP similaire [103, 104]. accélération, ou seulement une accélération minime, de la
• De la pathologie amyloïde et tau diffuse (c’est-à-dire en dehors captation du traceur tau au cours des 1 ou 2 années suivantes
du lobe temporal médian) a été retrouvée dans une cohorte de chez des personnes âgées sans trouble cognitif qui étaient
576 personnes âgées sans trouble cognitif (âge moyen de 71 ans) β-amyloïdes-positives (âge médian de 80 ans) par rapport aux
chez 140 individus (24 %) [105] †. β-amyloïdes-négatives (âge médian de 66 ans) [113] ||.
* La tauopathie primaire liée à l’âge est considérée comme une occurrence normale
Données longitudinales de neuro-imagerie de tauopathie avec le vieillissement en l’absence, ou avec une faible étendue, de
moléculaire pathologie β-amyloïde (phase Thal ≤ 2) [114]. Le déclin cognitif de ces patients
(qui pourraient être considérés comme positifs pour la protéine tau et positifs ou
Ces données sont insuffisantes pour prédire l’apparition invariable négatifs pour la β-amyloïde selon des méthodes sensibles de détection in vivo de
des symptômes de la maladie. biomarqueurs [84]) est significativement plus lent que celui des patients atteints de
la maladie d’Alzheimer [85, 115], un résultat notable indiquant qu’une faible quantité de
La positivité des biomarqueurs β-amyloïdes est associée pathologie amyloïde β (i.e., phase Thal ≤ 2) associée à la présence de pathologie tau
statistiquement à un déclin cognitif plus marqué sur des n’entraîne pas nécessairement un déclin cognitif accéléré.
† Probable degré intermédiaire ou élevé de pathologie Alzheimer selon les critères
moyennes de groupes, bien qu’une majorité de personnes neuropathologiques [11].
β-amyloïdes positives restent cognitivement stables dans le ‡ Cette constatation au niveau du groupe pourrait résulter du mélange au sein du
groupe de sujets β-amyloïdes positifs de sujets présentant un déclin de sujets ne
temps, même après plusieurs années [46, 60, 91, 92, 106–111] ‡. présentant pas de déclin.
• Étude INSIGHT : 73 (83 %) des 88 personnes β-amyloïdes- § Une proportion substantielle de personnes reste cognitivement stable pendant
positives (âgées en moyenne de 77 ans à l’entrée dans l’essai) quelques années, ce qui limite toute prédiction du moment ou de l’éventualité d’une
telle progression chez un individu donné.
n’ont présenté aucun déclin cognitif, comportemental ou de ¶ Dans cette étude, il n’y avait pas de différence significative au départ dans le degré
neuro-imagerie par rapport à l’inclusion ou par rapport aux de rétention du traceur TEP tau entre les sujets β-amyloïdes positifs qui ont ensuite
progressé vers une maladie d’Alzheimer symptomatique vs ceux qui sont restés
personnes β-amyloïdes-négatives après un suivi de 5 ans [108]. stables, ce qui indique que le dépôt tau au départ n’était pas un facteur prédictif fort
• Étude AIBL : 111 (81 %) des 137 participants sans trouble cognitif de la progression clinique.
|| En contradiction apparente avec le modèle physiopathologique largement
β-amyloïdes-positifs (âgés en moyenne de 75 ans au début de accepté dans lequel l’accumulation de lésions β-amyloïdes cérébrales déclenche la
l’étude) n’ont pas présenté de déclin cognitif après un suivi de propagation rapide des lésions tau en dehors des lobes temporaux médians [116].
questions conceptuelles, plusieurs l’utilisation de seuils binaires de tau très précoces (c’est-à-dire les
aspects pratiques pourraient limi- la mesure du TEP amyloïde a long- stades I-II de Braak), avec des tra-
ter l’utilisation des biomarqueurs temps limité la mesure du dépôt de ceurs TEP tau de deuxième généra-
pour le diagnostic purement bio- β-amyloïde à des charges lésion- tion ou par la détection d’autres es-
logique de la maladie d’Alzheimer, nelles intermédiaires et élevées pèces phosphorylées de la protéine
notamment les seuils, la générali- [39]. L’utilisation de différents tra- tau, comme la tau 217 phosphorylée
sation, les performances métriques ceurs TEP amyloïde est également dans le LCS ou le plasma [49].
et l’accessibilité. une cause connue de variabilité
des mesures, bien que l’approche >>En pratique clinique
Seuils des biomarqueurs de quantification centiloïde aide à En pratique clinique, une telle ex-
Un diagnostic purement biologique diminuer son effet [40]. Les études tension à des seuils plus précoces
de la maladie d’Alzheimer néces- utilisant l’échelle centiloïde ou la pour les biomarqueurs de patholo-
site de définir avec certitude des TEP amyloïde longitudinale ont gie β-amyloïde ou tau pourrait al-
seuils de positivité des biomar- ouvert la possibilité d’identifier les longer la durée des stades asympto-
queurs : toute modification de ces stades précoces de l’accumulation matiques et diminuer la probabilité
seuils affecterait substantiellement β-amyloïde [41, 42]. Dans le LCS, de progression clinique au cours de
tant le diagnostic que les stades de une mesure β-amyloïde positive la vie. Les seuils des biomarqueurs
la maladie. Or la séparation nette malgré une TEP amyloïde négative dépendent également de l’usage au-
entre patients négatifs et positifs ou l’utilisation de nouveaux bio- quel ils sont destinés (par exemple,
par rapport à un biomarqueur donné marqueurs (par exemple, le rapport pour identifier les premiers signes
est quelque peu artificielle et diffère Aβ 34/42 dans le LCR [43]) pour- de la pathologie β-amyloïde, ou
selon les sites et les études. Les fac- raient également se révéler être des pour prédire l’apparition de symp-
teurs qui contribuent à cette incer- biomarqueurs fiables de pathologie tômes cliniques) et aucun consen-
titude sont notamment les spécifi- β-amyloïde précoce [43, 44]. sus sur le contexte d’utilisation
cités du biomarqueur utilisé et la (par exemple, chez les personnes
détermination du seuil. Surtout, ce >>Biomarqueurs de pathologie tau asymptomatiques par rapport aux
seuil binaire ne reflète pas la réalité En ce qui concerne les biomar- personnes symptomatiques ; chez
de la pathologie β-amyloïde et tau, queurs de pathologie tau, il existe les personnes qui se plaignent d’un
qui est continue et présente à un de- également une forte divergence déclin cognitif subjectif par rapport
gré minimal chez presque toutes les entre l’identification neuropa- aux personnes qui ne se plaignent
personnes âgées de plus de 70 ans thologique (dans les séries post- pas) n’est actuellement disponible
[21], avec des discordances impor- mortem, la présence de patholo- [1].
tantes entre la charge des lésions gie tau aux stades I-II de Braak est
pathologiques et les symptômes cli- presque constante après l’âge de >>Biomarqueurs cognitifs
niques lorsque la pathologie Alzhei- 70 ans) [21, 45] et les mesures in vivo L’évaluation des troubles cognitifs
mer est à des degrés intermédiaires des agrégats de tau sur la TEP (36 % et la détermination des stades de
(Encadré 2). Les critères neuropatho- des individus sont tau positifs après la maladie d’Alzheimer (c’est-à-
logiques de la maladie d’Alzheimer l’âge de 70 ans [46]). La détection dire les troubles cognitifs objectifs :
ne fournissent d’ailleurs aucun seuil actuelle in vivo de la positivité tau trouble cognitif léger ou démence)
pour établir le diagnostic de la ma- à l’aide de la TEP au 18F-flortaucipir soulèvent également des questions
ladie d’Alzheimer, mais définissent semble correspondre uniquement de seuil. L’émergence de seuils
seulement des niveaux faibles, à une pathologie tau étendue dans plus bas dans les tests cognitifs,
intermédiaires ou élevés de modi- le cerveau (c’est-à-dire aux stades pour définir les troubles cognitifs
fications neuropathologiques de la ≥ IV de Braak) [47], alors que l’éléva- objectifs et “subtils”, permet aussi
maladie d’Alzheimer [11]. tion de la protéine tau phosphorylée d’étendre les stades cliniques des
dans le LCS peut refléter des stades maladies neurodégénératives,
>>Biomarqueurs plus précoces de la tauopathie [48]. avant l’apparition d’un trouble
de pathologie β-amyloïde Dans un avenir proche, les mesures cognitif léger [5]. Cependant, cette
En ce qui concerne les biomar- in vivo de la protéine tau pourraient sensibilité accrue dans la détec-
queurs de pathologie β-amyloïde, permettre de détecter les dépôts de tion du déclin cognitif se fait au
du statut APOE, ou souhaitent simple- sur la base de biomarqueurs est un d’Alzheimer est clinico-biologique.
ment préserver leur mémoire et leurs défi éthique, étant donné que la tra- Il requiert la présence à la fois d’un
capacités cognitives. Ces personnes jectoire clinique vers les stades pro- phénotype clinique spécifique de la
cherchent à comprendre leur risque dromiques de la maladie d’Alzhei- maladie d’Alzheimer et d’une posi-
et leur avenir, représentent jusqu’à mer ou la démence de la maladie tivité de biomarqueurs de patholo-
20-30 % des nouveaux patients dans d’Alzheimer est incertaine, et qu’il gie Alzheimer (β-amyloïde positif et
certaines consultations mémoire n’existe aucun moyen de prévenir le tau positif).
[64–66], et peuvent avoir bénéficié développement des symptômes en 2. Les phénotypes cliniques spéci-
de recherches de biomarqueurs de l’absence de facteurs de risque mo- fiques couramment associés à la pa-
pathologie Alzheimer. difiables ou de thérapies spécifiques thologie Alzheimer (= phénotypes
[69]. La divulgation des résultats communs de la maladie d’Alzhei-
Difficultés de prédiction des biomarqueurs et du profil de mer) sont :
individuelle risque associé à des sujets asymp- - le syndrome amnésique de type
Chez ces patients, le recours à un dia- tomatiques doit être considérée hippocampique [71] (encore ap-
gnostic fondé uniquement sur les bio- comme différente de la divulgation pelé forme typique de maladie
marqueurs nécessiterait des preuves du diagnostic de la maladie. Au sein d’Alzheimer),
fiables d’un lien entre la positivité de la communauté non médicale, la -
l’atrophie corticale postérieure
des biomarqueurs et une probabi- maladie d’Alzheimer fait partie des [72]
lité extrêmement élevée d’expression maladies les plus redoutées, compte - et l’aphasie progressive primaire
ultérieure de symptômes cliniques. tenu de ses conséquences, notam- variante logopénique [73, 74] (Fig. 1).
L’expérience de l’étude de Sokrates ment un handicap profond et l’at- D’autres phénotypes, dont la va-
[67] souligne certaines des incerti- teinte à l’intégrité individuelle [70]. riante comportementale ou dysexé-
tudes (par exemple, l’incapacité de Pour les médecins, selon les critères cutive [75, 76], le syndrome cortico-
faire une prédiction précise à court ou du NIA-AA, la maladie d’Alzhei- basal [77, 78] et les autres variantes
moyen terme du déclin cognitif d’un mer est synonyme de lésions neu- d’aphasie progressive primaire [74,
individu) inhérentes à la révélation ropathologiques, alors que pour les 79] (Fig. 1), sont moins souvent liés
des résultats de la TEP amyloïde seule patients, la maladie d’Alzheimer est à la pathologie Alzheimer (= phé-
à des individus cognitivement nor- synonyme de démence, de dépen- notypes peu communs de la mala-
maux. Cette question s’applique éga- dance et de décès. Cette profonde die d’Alzheimer). Ces phénotypes
lement aux patients qui subissent une différence dans l’utilisation et la peuvent ou non retentir sur les acti-
investigation pour d’autres conditions compréhension du terme peut avoir vités de la vie quotidienne.
médicales dans laquelle des biomar- un effet négatif sur l’alliance thé- 3. Chez les personnes qui pré-
queurs de pathologie Alzheimer sont rapeutique [9]. À l’avenir, le fait de sentent ces phénotypes communs
inclus en l’absence de contexte cli- dire que l’on est à risque de progres- de maladie d’Alzheimer, la positi-
nique, et qui reviennent positifs [68]. sion, plutôt qu’au stade préclinique vité des biomarqueurs β-amyloïde
de la maladie d’Alzheimer, pourrait et tau permet d’établir un diagnos-
Dans l’ensemble, les preuves de faciliter les discussions avec les pa- tic de maladie d’Alzheimer (Tab. 2).
l’utilisation des biomarqueurs de tients sur la balance bénéfice/risque La positivité des deux biomarqueurs
pathologie Alzheimer dans la pra- concernant un potentiel futur trai- de pathologie β-amyloïde et tau
tique clinique restent très contes- tement et ses effets secondaires. est nécessaire, car un phénotype
tées et souffrent d’un manque de amnésique avec une positivité uni-
données factuelles permettant quement β-amyloïde n’est pas suf-
de recommander l’évaluation des Recommandations fisamment spécifique de la maladie
biomarqueurs pour les personnes de l’IWG pour le diagnostic d’Alzheimer et peut être observé
sans trouble cognitif objectif. clinique de la maladie dans d’autres maladies neuro-
d’Alzheimer dégénératives avec copathologie
Préoccupations éthiques Sur la base de la revue de la littéra- β-amyloïde (par exemple, LATE et
Informer des personnes sans ture listée ci-avant, l’IWG propose démence à corps de Lewy [1, 16, 80,
trouble cognitif qu’elles sont at- les recommandations suivantes : 81]) ou chez les patients atteints
teintes d’une maladie irréversible 1. Le diagnostic de la maladie d’angiopathie amyloïde cérébrale
Autres phénotypes (par exemple démence à corps de Lewy, syndrome de Richardson, maladie de Huntington, sclérose
latérale amyotrophique…)
β-amyloïde positif et/ou tau positif Peu probable Bilan étiologique complet*
Hautement
β-amyloïde négatif et tau inconnu Bilan étiologique complet*
improbable / Exclue
Hautement
β-amyloïde inconnu et tau négatif Bilan étiologique complet*
improbable / Exclue
Hautement
β-amyloïde négatif et tau négatif Bilan étiologique complet*
improbable / Exclue
Hautement
β-amyloïde inconnu et tau inconnu Bilan étiologique complet*
improbable / Exclue
* Le bilan étiologique complet dépend du phénotype clinique spécifique et peut comporter, par exemple, la TEP au ¹8F-fluorodésoxyglucose,
l’imagerie de la dopamine, le dosage sérique de la progranuline, l’analyse génétique, les enregistrements des mouvements oculomoteurs ou
l’électroneuromyographie.
† N’envisager une nouvelle recherche de biomarqueurs de pathologie Alzheimer que s’il existe un doute raisonnable sur la validité des résultats du
biomarqueur.
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