Vous êtes sur la page 1sur 6

Service de Neurologie-Hôpital Razi

LES DÉMENCES
I- DÉFINITION:
La démence est une détérioration progressive du fonctionnement mental entravant
l’autonomie dans la vie quotidienne, en relation avec une affection cérébrale. Cette altération
peut toucher les fonctions cognitives (ou fonctions intellectuelles : mémoire, attention,
langage, gnosies, praxies, raisonnement, jugement…) et les fonctions non cognitives
(personnalité, affects, régulation des conduites sociales…).

II- DIAGNOSTIC POSITIF D’UN SYNDROME DÉMENTIEL:


La détérioration intellectuelle est progressive et peut rester plus ou moins longtemps
méconnue.

1- Les troubles de la mémoire:


L’amnésie des démences porte sur des faits récents (amnésie antérograde) gênant tout
apprentissage, alors que la mémoire des faits anciens, des connaissances didactiques est
relativement résistante.
Cette amnésie antérograde va progressivement gêner le patient dans son activité quotidienne.

2- Les troubles de l’attention:


Le malade n’écoute pas ce que lui dit l’examinateur, se laisse facilement distraire par ce qui se
passe autour de lui, et il faut souvent répéter les consignes.

3- Troubles du jugement et du raisonnement:


Le jugement est constamment altéré:
- le malade apprécie mal les circonstances, les évènements, les opinions, les situations. Sa
propre situation lui échappe et il est inconscient de ses échecs, de la bizarrerie de son
comportement. Il ne critique pas les histoires absurdes.
- De même est-il facile de mettre en évidence les troubles du raisonnement: le malade ne peut
résoudre des problèmes simples.

4- Le langage oral ou écrit est sévèrement perturbé, tant dans son expression que dans
sa compréhension devenant incohérent.

5- Les activités gestuelles sont altérées :


* Une Apraxie constructive
* Une Apraxie d’habillage
* Une Apraxie idéatoire, idéomotrice sont les plus fréquemment rencontrées.
6- les troubles gnosiques : difficultés de reconnaissance des objets et/ou des visages
familiers.
67
Service de Neurologie-Hôpital Razi

7- Les troubles psychologiques et comportementaux sont fréquents.


* Les troubles de l’humeur, gaîté ou tristesse pathologique.
* l’apathie, indifférence.
* les troubles du caractère, agressivité, irritabilité sont la règle.
* les idées délirantes sont également fréquentes.
* les troubles du comportement sont manifestes: négligence physique, agitation,
volontiers nocturnes, fugues.

8- Une évaluation psychométrique de la détérioration intellectuelle complète l’évaluation


clinique grâce à une batterie de tests neuropsychologiques.

9-Examens complémentaires: Les plus utilisés sont:

-Imagerie cérébrale : Tomodensitométrie cérébrale et/ou IRM qui assureront avec les
éléments cliniques les diagnostics tant positifs et étiologiques dans la majorité des cas.
- Ionogramme sanguin, glycémie, urée, créatinine, calcémie, NFS et VS, Sérologie
syphilitique (VDRL-TPHA), bilan hépatique, folates et vit B12, TSH.
- Autres : E.E.G, recherche de la protéine 14.3.3 dans le LCR

III- DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL:


1- La confusion mentale: Certains éléments permettent de faire le diagnostic: Le début brutal,
l’altération de la vigilance, l’évolution fluctuante et le caractère réversible.
2- Le syndrome de Korsakoff peut faire croire à une démence mais raisonnement et jugement
restent intacts.
3- Certains états maniaques
4- Certaines dépressions prennent l’allure d’une détérioration.
5- l'aphasie de Wernicke

IV- DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE:


Le syndrome démentiel reconnu, il faut en préciser l’étiologie en s’acharnant à la recherche
d’une cause curable +++.
1 – Démences potentiellement curables

a- Les tumeurs cérébrales:


Certaines localisations tumorales peuvent volontiers donner un syndrome démentiel (frontales,
temporales de l’hémisphère mineur, 3ème ventricule, thalamus, corps calleux, trigone, fosse
postérieure avec hydrocéphalie) d’autant mieux curables quand elles sont bénignes, ou peu
infiltrantes et superficielles.

b- L’hématome sous dural chronique:

68
Service de Neurologie-Hôpital Razi

On évoque systématiquement le diagnostic chez des sujets particulièrement exposés: sujets


âgés, éthyliques chroniques, traitement anticoagulant...

c- L’Hydrocéphalie à pression normale (HPN)


Décrite en 1964 par Hakim et Adams, 1’HPN résulte d’un trouble de la circulation
intracérébrale du LCR au niveau des Villosités arachnoïdiennes, là où se fait normalement la
résorption du LCR. Cette atteinte peut-être primitive ou faire suite à un traumatisme, une
hémorragie méningée, une méningite. Le tableau clinique comporte :
1/ Une détérioration intellectuelle où domine l’appauvrissement tant des conduites que des
affects.
2/ Des troubles de la marche et de la statique (marche à petits pas, "pieds collés au sol",
départ difficile, demi-tour instable, tendance à la rétro pulsion).

3/ Des troubles sphinctériens à type d’incontinence (il s’agit en fait d’un comportement
d’urination).

L’imagerie cérébrale confirme le diagnostic en mettant en évidence l’hydrocéphalie.


Le traitement est simple: il repose sur la mise en place d’une dérivation ventriculaire. Il est
d’autant plus favorable qu’il est précoce.

d- La neurosyphilis:
La détérioration intellectuelle est précoce, rapide, globale. S’y associent diversement:
- un délire mégalomaniaque ou un syndrome dépressif
- un tremblement caractéristique de la langue, des lèvres et des doigts.
- un signe d’Argyll-Robertson (abolition du réflexe photomoteur direct et consensuel alors que
le réflexe d’accommodation-convergence est conservé.
Le diagnostic repose sur:
* PL: ramenant un liquide inflammatoire (discrète hyperalbuminorachie et réaction
lymphocytaire)
* Sérologie syphilitique: (BW, TPHA, VDRL) positive dans le sang et le LCR.
Le traitement se résume à une pénicillinothérapie à fortes doses (20 à 30 Millions/j en IV
pendant 30 jours)

2- Autres démences secondaires:


a) Carences vitaminées (Vit Bl - Vit B12 - Ac Folique)
b) Intoxications (Co – Manganese - Al)
c) Endocrinopathies (Cushing, Addison, Myxoedème)
d) Désordres métaboliques:

69
Service de Neurologie-Hôpital Razi

- Hypercalcémie
- Hyponatrémie
- Hypoglycémie
- Hyperammoniémie
e) Maladies inflammatoires (Horton, LED, Dysglobulinémies)
f) Démences alcooliques

g) La maladie de Creutzfeldt-Jacob:
Encéphalopathie spongiforme (lésions de spongiose cérébrale) dont l’origine virale a été
prouvée par sa transmissibilité. Elle appartient au groupe des affections à virus lents. Au plan
clinique, s’associe au syndrome démentiel:
1/ des signes neurologiques divers:
* signes pyramidaux et signes d’atteinte de la corne antérieure
*signes cérébelleux
2/ myoclonies très évocatrices
L’EEG est essentiel au diagnostic en révélant des anomalies lentes ou des pointes
paroxystiques, périodiques.
L’évolution est mortelle en moins d’un an. Le diagnostic affirmé ou suspecté, impose une série
de mesures pour éviter la contamination +++.

3- Démences vasculaires
Les lésions vasculaires cérébrales sont responsables de 10 à 20% des démences du sujet âgé.
Le syndrome démentiel se caractérise par un certain nombre d’éléments, qui constituent
autant de critères diagnostiqués:
- Antécédents d’HTA, d’AVC
- Athérosclérose systémique
- Début brutal
- Aggravation par à coups
- Evolution fluctuante
- Signes neurologiques focaux: signes pyramidaux, syndrome pseudo-bulbaire...

4- Les démences dégénératives:

a- La maladie d’Alzheimer:

1- Les lésions anatomiques


- Elles frappent le cortex cérébral, aboutissant à une atrophie corticale diffuse, prédominant
dans les régions pariétooccipitales et les premières circonvolutions temporales.
- Les lésions histologiques qui prédominent aussi dans ces régions, sont:

70
Service de Neurologie-Hôpital Razi

* plaques séniles
* dégénérescence neurofibrillaire
- La neurotransmission est globalement réduite avec diminution de la synthèse et de la
libération des neurotransmetteurs qui prédomine cependant dans les systèmes
acétylcholinergiques et dopaminergiques.

2- Les signes cliniques:


a) Le début est marqué par les troubles amnésiques, la désorientation temporo-spatiale, les
troubles des fonctions symboliques (manque du mot, apraxie constructive).
b) A la phase d'état, le syndrome aphaso-aproxo-agnosique est constant:
Aphasie de Wernicke
Apraxie à tous les modes
Agnosie visuelle,
S’y associent:
- l’atteinte majeure de toutes les fonctions intellectuelles,
- des idées délirantes, de préjudice et de persécution,
- un état dépressif.
Les examens complémentaires sont surtout utiles au diagnostic différentiel.
L’imagerie cérébrale atteste de l’atrophie corticale à prédominance temporale interne et sous
corticale.
L’aggravation est inexorable et la mort survient en quelques années.

b- La démence fronto-temporale:
Elle est rare. Elle s’installe entre 50 et 60 ans. L’atrophie corticale prédomine aux régions
frontales. Cliniquement, une sémiologie frontale domine:
• Réduction des activités
• Troubles du comportement (boulimie, urination)
• Phénomènes de préhension pathologique
Evolution également inexorable vers la mort entre 3 à 5 ans

d- La Chorée de Huntington:
Définie par un syndrome démentiel associé à:
1/ Transmission génétique sur le mode autosomique dominant.
2/ Syndrome choréique.

71
Service de Neurologie-Hôpital Razi

Le traitement est purement symptomatique (neuroleptiques efficaces) mais n’empêche pas


l’évolution inexorable du syndrome démentiel.
g- Autres démences dégénératives:
 Démence de la maladie de Parkinson
 Démence à corps de Lewy
 Dégénérescence cortico-basale
 Paralysie supra-nucléaire progressive

72

Vous aimerez peut-être aussi