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Annales de pathologie (2017) 37, 277—278

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ScienceDirect
www.sciencedirect.com

ÉDITORIAL

Anatomopathologie des MICI : quelles sont


les attentes de cliniciens en 2017 ?
Histopathology of IBD: What clinicians do expect in 2017?

La prise en charge des maladies inflammatoires intestinales a été révolutionnée ces


deux dernières décennies, d’une part, par l’essor des techniques d’imagerie non invasive,
IRM et vidéocapsule endoscopique et, d’autre part, par l’arrivée des biothérapies.
Ces deux avancées ont eu des effets diamétralement opposés sur les attentes des
cliniciens envers le pathologiste.
En effet, alors que les conclusions du pathologiste sont très attendues pour établir le
diagnostic, le pronostic et même la séquence thérapeutique dans de nombreux champs de
la pathologie digestive, il en est tout autrement au cours des MICI. L’apport du pathologiste
est longtemps resté limité au vieux débat nosologique entre maladie de Crohn et recto-
colite hémorragique. Ce dernier a même failli disparaître en partie rendu caduc par la
mise à disposition d’explorations performantes de l’intestin grêle. Il n’est plus rare, en
effet, que la discussion sur la caractérisation d’une colite trouve sa solution dans la mise
en évidence de lésions sur le grêle que les techniques radiologiques traditionnelles avaient
méconnu jusque là. De même, l’usage de marqueurs peu ou pas invasifs et sensibles
d’inflammation comme la calprotectine fécale, la vidéocapsule et l’entéro-IRM permettent
de poser un diagnostic sans refaire une nouvelle exploration endoscopique et donc sans
renouveler les prélèvements biopsiques. Ajoutez à cela l’absence de marqueur
histologique vraiment prédictif de l’évolution de ces pathologies et les attentes du
clinicien à la lecture des comptes rendus se limitaient souvent au diagnostic initial de
la MICI et à guetter la présence d’une dysplasie.
L’arrivée des anti-TNF alpha, chef de file des biothérapies dans les MICI, aurait du
donner le coup de grâce et réduire encore davantage les attentes envers le pathologiste.
En effet, indiqués dans les deux pathologies, la diffusion de l’usage de ces molécules a
rendu la discrimination entre maladie de Crohn et RCH bien moins cruciale que par le
passé.
Or, il n’en a rien été.
Bien au contraire, les anti-TNF alpha ont apporté l’idée nouvelle que les lésions pou-
vaient régresser, qu’il existait une fenêtre d’opportunité pour éviter l’évolution vers les
complications sténoses, fistules ou microrectie. Ainsi, en replaçant les lésions au cœur
de la prise en charge les anti-TNF alpha ont assuré le retour du pathologiste. Le concept
de rémission profonde s’est imposé avec l’objectif d’amener le patient à cet état qui
associe l’absence de symptômes et d’inflammation (protéine C réactive et calprotectine
normalisées) à la cicatrisation de la muqueuse. La cicatrisation des lésions s’est avérée
être une cible thérapeutique pertinente [1]. En effet, la normalisation de la muqueuse
diminue les complications et le recours à la chirurgie, elle améliore la qualité de vie et

http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2017.07.001
0242-6498/© 2017 Publié par Elsevier Masson SAS.
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permet d’envisager des pauses thérapeutiques. À ce jour sont localisées et peuvent être réséquées en totalité. La
cette cicatrisation est définie par le seul aspect endosco- réponse du pathologiste a de nouvelles questions comme
pique pour la maladie de Crohn mais pour la rectocolite « peut-on tout réséquer ? » ou encore « ai-je tout réséqué ? »
hémorragique l’ambition d’une muqueuse histologiquement deviennent décisives pour optimiser la prise en charge des
normale se dessine [2]. Le corollaire de ce changement de patients.
paradigme est bien sûr le retour vers l’endoscopie et donc Le dialogue avec le pathologiste s’est renouvelé et les
les biopsies. Atteindre ces nouvelles cibles s’est imposé attentes des cliniciens vont désormais bien au-delà des dis-
dans la pratique par la systématisation du contrôle de la cussions nosologiques. L’étape suivante si on veut se risquer
cicatrisation après l’instauration d’un traitement immuno- à un pronostic sera l’identification de marqueurs tissulaires
suppresseur ou anti-TNF alpha [1]. De même toutes prédictifs d’efficacité des biothérapies. Dans ce domaine
les nouvelles biothérapies (anti-intégrines, anticorps anti- aussi les attentes sur le chemin d’une médecine personnali-
IL12/IL23, inhibiteur des janus kinases) dont les AMM sée sont grandes et les pathologistes très attendus.
viennent ou vont arriver en France ont été évaluées
sur leur capacité à obtenir une cicatrisation des lésions.
De nombreux essais de stratégies d’optimisation comme Déclaration de liens d’intérêts
d’allègement des thérapeutiques se développent sur la
base du suivi lésionnel [3]. Il est donc prévisible que la L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
vague des biopsies réalisées pour le suivi thérapeutique va
s’amplifier. . .
L’autre grand fournisseur de biopsies au cours de la prise Références
en charge des MICI est le dépistage de la dysplasie. Le
risque de cancer au cours de ces pathologies même s’il [1] Peyrin-Biroulet L, Sandborn W, Sands B, et al. Selecting
therapeutic targets in inflammatory bowel disease (STRIDE):
a sûrement été surestimé par le passé reste une préoc-
determining therapeutic goals for treat-to-target. Am J Gas-
cupation constante. Ce dépistage est difficile car comme
troenterology 2015;110:1324—38.
beaucoup d’autres dépistages il rate volontiers sa cible. [2] Zenlea T, Yee EU, Rosenberg L, et al. Histology grade is indepen-
Les patients porteurs des facteurs de risques avérés comme dently associated with relapse risk in patients with ulcerative
les colites anciennes de plus de 8 ans, les colites éten- colitis in clinical remission: a prospective study. Am J Gastroen-
dues, les porteurs de pseudopolypes inflammatoires ou de terol 2016;111:685—90.
sténose ou encore les maladies associées à une cholangite [3] Peyrin-Biroulet L, Bressenot A, Kampman W. Histologic remis-
sclérosante primitive doivent être surveillés [4]. En pra- sion: the ultimate therapeutic goal in ulcerative colitis? Clin
tique quotidienne ils échappent souvent à la surveillance au Gastroenterol Hepatol 2014;12:929—34.e2.
profit des patients les plus anxieux pas toujours les plus à [4] Laine L, Kaltenbach T, Barkun A, et al. SCENIC internatio-
nal consensus statement on surveillance and management
risques et chez lesquels la prévalence de la dysplasie est très
of dysplasia in inflammatory bowel disease. Gastroenterology
faible.
2015;148:639—51.e28.
Toutefois, là encore, les choses ont évolué surtout avec
l’apport des techniques de coloration au bleu de méthylène
Guillaume Savoye ∗
ou à l’indigo carmin qui potentialisent la détection endo- Service d’hépatogastroenterologie, Inserm UMR
scopique des lésions et permettent de réduire le nombre 1073, Normandie université, CHU de Rouen,
des biopsies en les ciblant [4]. La conséquence sur les 76031 Rouen, France
attentes envers le pathologiste a suivi ces évolutions et
∗ Correspondance. Service
l’interaction ne se limite plus à la question « êtes-vous
sûr de présence d’une dysplasie ? ». Désormais les tech- d’hépatogastroenterologie, hôpital C.-Nicolle,
niques d’endoscopie interventionnelle et les mucosectomies 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France.
offrent des alternatives à la colectomie lorsque les lésions Adresse e-mail : guillaume.savoye@chu-rouen.fr

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