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L’accident ischémique transitoire (AIT) est une perte focale et transitoire, d’apparition brutale, d’une
fonction cérébrale ou rétinienne, entièrement régressive. Il nécessite une prise en charge en toute urgence
dans un milieu spécialisé car c’est un marqueur de risque majeur de survenue d’un infarctus cérébral
définitif. Vingt à 30 % des accidents ischémiques constitués (AIC) sont précédés d’AIT et 10 % des AIT
feront un AIC dans les 3 mois. Après confirmation de l’AIT par l’interrogatoire, un examen clinique
rigoureux et une imagerie cérébrale sont nécessaires, car les diagnostics différentiels sont nombreux. Il
faut ensuite rapidement identifier la cause afin de débuter sans délai le traitement adapté. Les examens
complémentaires guidés par la clinique et le terrain, recherchent principalement une source cardiaque ou
aortique d’embolie, une athérosclérose des artères intra- ou extracrâniennes, une dissection, une
artériolopathie cérébrale. Le traitement dépend de la cause de l’AIT, antiagrégants plaquettaires pour les
infarctus liés à l’athérosclérose ou les artériolopathies, anticoagulant pour les embolies d’origine
cardiaque, endartériectomie carotide pour les sténoses de plus de 70 %. Enfin, l’AIT est souvent le témoin
d’une maladie athéroscléreuse généralisée, il faut chercher une coronaropathie, une artériopathie
oblitérante des membres inférieurs et traiter une hypertension artérielle (HTA), un diabète ou une
dyslipidémie associée.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1
L’accident ischémique transitoire est « une perte focale de
fonction cérébrale ou oculaire d’installation brusque, d’origine
¶ Définition 1 ischémique, dont les symptômes durent classiquement moins
Nouvelle définition de l’AIT 2 de 24 heures et régressent sans séquelle ». Il est, avec la présence
¶ Épidémiologie 2 d’une sténose carotide, l’hypertension artérielle et l’antécédent
Risque d’infarctus cérébral 2 d’accident ischémique cérébral, l’un des plus importants facteurs
Mortalité 3 de risque d’infarctus cérébral.
Il est donc essentiel de savoir le reconnaître. Une fois le
¶ Dépistage et diagnostic 3
diagnostic d’AIT posé, il faut en comprendre, en toute urgence,
Durée des symptômes 3 les mécanismes (embolique ou hémodynamique) afin d’en
Signes cliniques 3 trouver la cause et mettre en place un traitement adapté évitant
Imagerie cérébrale 4 la survenue dramatique d’un infarctus constitué.
Diagnostic différentiel 5
¶ Comprendre le mécanisme 5
AIT par occlusion artérielle 5 ■ Définition
AIT par baisse de débit sans occlusion artérielle 6
La définition de l’AIT admise depuis les années 1950-1960
¶ Recherche de la cause : étiologie 6 jusqu’à présent, repose sur la résolution totale des signes
Recherche d’une sténose artérielle 6 cliniques en moins de 24 heures. Ce critère temporel était basé
Recherche d’une embolie d’origine cardiaque 8 sur l’idée que si l’ischémie était transitoire, l’infarctus n’avait
Autres 8 pas le temps de se constituer. Cette limite de 24 heures était
Recherche de facteurs de risques vasculaires systématique arbitraire, reposant sur des données éparses et non pas sur des
(HTA, bilan lipidique et glycémique) 9 arguments physiopathologiques et histologiques. Elle a surtout
été développée dans le but d’homogénéiser les études épidémio-
¶ Traitement 9
logiques et les essais thérapeutiques réalisés chez ces patients.
En urgence 9
Depuis, de nombreuses études ont montré que la majorité des
Dans les heures et jours suivant l’AIT 9
AIT duraient moins de 60 minutes. Dans la série de Levy, si le
Traitement à long terme 9 déficit durait plus de 1 heure, la chance de récupération en
moins de 24 heures était inférieure à 15 %. [1] L’essai de
thrombolyse du NINDS a confirmé ces résultats puisque, dans
le groupe placebo, les patients dont le déficit neurologique
Neurologie 1
17-046-A-15 ¶ Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire
Encadré 1 Encadré 2
2 Neurologie
Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire ¶ 17-046-A-15
Tableau 1.
Risque et/ou incidence d’un infarctus cérébral et mortalité après un accident ischémique transitoire (AIT).
Type d’étude Auteurs Nombre de patients Suivi moyen Risque d’infarctus cérébral Mortalité
er
Étude de Whisnant 1978 199 1955-1969 8 % le 1 mois
population (Rochester) 5 % par an pendant 3 ans puis 3 % par an
Whisnant 1973 198 1988-1969 risque multiplié par 16,5 b
Dennis et al. 1990 184 3,7 ans risque multiplié par 13 la 1ère année puis 6,3 % par an
(OCSP a) par 7 les 7 années suivantes b risque multiplié par 1,4 b
Études Toole et al. 1978 225 5,5 ans Placebo 19 % (11/56) 82/225 (36,5 %)
hospitalières Traités médicalement 24 % (10/45)
Traités chirurgicalement 18 % (23/124)
Simonsen et al. 1981 243 6 ± 3 ans 17 % à 5 ans
Muuronen et Kaste 1982 314 7,8 ans 4,8 % (15/314) 17,5 % (55/314)
21 % (31/110)
Poole et Russel 1985 110 8 ans 1,8 % par an (15 % attendus)
CMT 13 % à 6 ans (3 % attendus)
Howard et Russel 1987 69 4,5 ans 2,9 % par an 31,4 %
embolie de cholestérol ( 13,5 % attendus)
Essais Fields et Lemak 1976 79 49 mois 15 % 24 %
thérapeutiques 6 % par an pendant 3 ans 1 % la 1re année
puis 2 % par an 6 % la 2e année
CCSP 1978 139 2,5 ans 14,3 % (20/139) 7,2 %
(groupe placebo) 5 % par an 2,5 % par an
UK TIA 1991 814 1979-1985 14,6 % (119/814) 15 % (122/814)
(groupe placebo)
a
Oxfordshire Community Strike Project.
b
Risque relatif par rapport à une population témoin.
Mortalité Tableau 2.
Symptômes d’AIT.
Les AIT réduisent l’espérance de vie (Tableau 1). Le taux
Circulation antérieure
moyen de mortalité annuelle à 10 ans est multiplié par 3 (6 %
Cécité monoculaire transitoire
contre 2 % attendus). Les deux principales causes de mort après Hémiparésie
un AIT sont l’infarctus cérébral dans les 6 premiers mois, Troubles sensitifs unilatéraux
l’infarctus du myocarde à plus long terme. [11, 12] À 5 ans, le Troubles du langage
risque cumulé de décès d’origine cardiaque et d’infarctus du Circulation postérieure
myocarde est d’ailleurs identique à celui d’infarctus cérébral, Hémiparésie (peut changer de côté), tétraparésie
mortel ou non (21 % versus 22,7 %). [13] Paresthésies unilatérales (peuvent changer de côté)
Perte de la vision totale ou partielle, uni- ou bilatérale
Ataxie avec troubles de l’équilibre (sans vertige)
■ Dépistage et diagnostic
C’est un diagnostic qui peut être difficile car le médecin est Tableau 3.
rarement témoin de l’accident. Il s’agit donc le plus souvent Quatre cent quatre-vingt-douze diagnostics d’AIT en médecine générale.
d’un diagnostic d’interrogatoire, et l’on doit se fonder sur les
symptômes que signale le patient. Celui-ci fait cependant AIT confirmés par un neurologue 38 %
.
rarement la différence avec d’autres événements neurologiques AIT non confirmés 62 %
brefs et transitoires, et nous aurons besoin de critères précis - Migraine - 10 %
pour le diagnostic. - Syncope -9%
- AIT possible -9%
- Épisode bizarre -9%
Durée des symptômes - Vertige isolé -6%
Comme nous l’avons vu, la durée de l’accident ne doit plus - Épilepsie -6%
faire partie des critères diagnostiques. Elle était fixée par - Ictus amnésique -3%
convention à moins de 24 heures, mais elle est en fait de -… -…
quelques secondes à 30 minutes. Environ un quart des AIT dure
moins de 5 minutes, 40 % moins de 15 minutes, 50 % moins Tableau 2 . [16, 18] Cette différence est encore plus élevée pour
de 30 minutes et 60 % moins de 1 heure. ce qui concerne le territoire présumé de l’AIT (carotidien versus
L’AIT peut être unique ou, dans deux tiers des cas, se répéter, vertébrobasilaire) avec un kappa de 0,31. [17]
le plus souvent dans le mois suivant le premier épisode. Les AIT Dans une étude de population réalisée dans tout le comté
qui se répètent de façon rapprochée, à une fréquence allant d’Oxford qui compte 1,5 millions d’habitants, tous les AIT
« crescendo » (plus de 2 en 24 heures ou 3 en 72 heures), diagnostiqués par les médecins généralistes du comté ont été
nécessitent une prise en charge particulièrement urgente. [14] analysés. Après un bilan complet et examen par un neurologue,
sur les 492 cas signalés par les médecins généralistes, seuls 38 %
Signes cliniques ont été retenus comme des AIT, les autres étaient des crises
d’épilepsies focales, des crises de migraines, des hypoglycémies,
Le Ad Hoc Committee for Stroke (1975) a défini des critères des syncopes et de nombreux autres diagnostics dont des
pour le diagnostic des AIT carotidiens et vertébrobasilaires symptômes bizarres, inclassables (Tableau 3). [18]
(Tableau 2). [15] En dépit de ces précautions, la différence Certains éléments permettent d’orienter vers le siège de
interobservateurs pour affirmer la seule existence d’un AIT est l’ischémie : circulation antérieure, postérieure ou lacune
élevée avec un kappa allant de 0,65 à 0,77 si les observateurs (Tableau 2). Mais, nous avons vu que la différence interobser-
utilisent une « check-list », série commune de questions vateurs était très élevée pour ce qui concerne le territoire
exprimées dans un langage simple, plutôt que les critères du présumé de l’AIT.
Neurologie 3
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4 Neurologie
Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire ¶ 17-046-A-15
Neurologie 5
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très vite. Elle a déjà été observée au fond d’œil lors d’amaurose AIT par baisse de débit sans occlusion
fugace. La nature du matériel embolique est variable : agrégats
plaquettaires, thrombus fibrinocruorique, cristaux de
artérielle
cholestérol. [23-25] Le cas le plus fréquent est l’embolie plaquet- La baisse de débit sans occlusion artérielle peut être secon-
taire, matériel friable qui se délite rapidement. Il en résulte une daire à une perturbation hémodynamique, soit générale, soit
occlusion artérielle transitoire et un phénomène ischémique localisée, avec chute sévère de la pression de perfusion artérielle
bref. Les arguments indirects en faveur de ce mécanisme sont : et perte ou dépassement des possibilités de l’autorégulation.
• la constatation de multiples petites occlusions artérielles à
l’angiographie après un AIT carotidien ; [26, 27] Baisse de débit générale
• la fréquence élevée des AIT chez des sujets porteurs de Certains arguments plaident en faveur de ce mécanisme : la
sténoses de la carotide non hémodynamiquement significa- survenue de l’AIT lors du lever chez les patients qui ont une
tive ; hypotension orthostatique et une sténose serrée d’une artère
• la disparition habituelle de ces accidents après occlusion de cérébrale. Ce phénomène paraît plus fréquemment observé dans
la carotide ou après endartériectomie carotide ; le territoire vertébrobasilaire que dans le territoire carotide. [36]
• la fréquence élevée des thrombus muraux, d’ulcération ou de Un autre argument est la survenue (exceptionnelle) d’AIT au
matériel athéromateux friable à l’examen anatomopatho- cours de troubles du rythme cardiaque avec retentissement
logique de sténoses carotides opérées dans le mois qui suit hémodynamique.
l’AIT ; [28]
• la rareté de la survenue simultanée au cours d’un AIT de Baisse de débit localisée
symptômes d’ischémie rétinienne et d’ischémie cérébrale ; La perturbation hémodynamique peut être dans d’autres
• et l’efficacité des antiplaquettaires dans la prévention d’un circonstances localisée. L’exemple le plus remarquable est celui
nouvel AIT ou d’un infarctus cérébral. du vol sous-clavier. [37, 38] En présence d’une sténose de l’artère
La cécité monoculaire transitoire (CMT) d’origine embolique, sous-clavière en amont de l’origine de l’artère vertébrale, le
est généralement décrite par le patient comme un « trou noir », courant sanguin de l’artère vertébrale du même côté peut
ou comme un rideau qui descend devant l’œil. En revanche, la s’inverser pour alimenter l’artère sous-clavière et le bras, en aval
CMT d’origine hémodynamique (liée à une sténose très serrée de la sténose artérielle. Ce faisant, une partie du flux sanguin
de la carotide interne) donne plutôt une vision en damier ou destiné au tronc basilaire venu de l’artère vertébrale controlaté-
l’impression de regarder à travers une vitre embuée. Ces rale est détournée au profit du bras, ce qui peut, en théorie,
symptômes peuvent être déclenchés lors du passage brutal de occasionner des symptômes, notamment lors d’un effort
l’obscurité à une lumière vive ou par une lumière éblouissante. musculaire intense du bras. Cependant, depuis l’avènement du
Le fond d’œil peut alors montrer une hypoperfusion des doppler on s’est aperçu que les vols sous-claviers, bien que
artérioles rétiniennes qui pulsent et se collabent en diastole fréquents, n’étaient qu’exceptionnellement symptomatiques
quand on appuie légèrement sur le globe oculaire. Dans les cas (1 pour 65 pour Harrison [36]). D’autres symptômes de vol ont
les plus sévères, il peut y avoir une rétinopathie ischémique de été décrits. Ainsi, des AIT vertébrobasilaires pourraient survenir
bas débit (dilatation veineuse, microanévrismes périphériques et en l’absence de lésion artérielle vertébrobasilaire mais en
microhémorragies). présence de sténose serrée de l’artère carotide par effet de vol
carotidobasilaire. [39, 40]
Occlusions artérielles non emboliques
Les occlusions artérielles non emboliques font intervenir de ■ Recherche de la cause : étiologie
nombreux mécanismes : spasme, état d’hypercoagulabilité ou
angiopathie non athéroscléreuse (artériopathies inflammatoires, Les causes des AIT sont résumées dans le Tableau 6 et la
infectieuses, ou toxiques, dysplasie artérielle, dissection, etc…). Figure 2. Les causes les plus fréquentes sont l’athérosclérose,
Un spasme des artères rétiniennes a été observé lors d’épiso- l’artériolopathie cérébrale (Fig. 3) et les embolies d’origine
des de cécité monoculaire transitoire isolés [29] ou associés à un cardiaque. Leur fréquence varie selon les études et dépend de la
AIT hémisphérique au cours d’une poussée hypertensive. [30] Le population étudiée (âge, étude en population ou patients
spasme joue un rôle incontesté dans l’hémorragie méningée et hospitalisés dans des unités spécialisées ou pas, critères diagnos-
très vraisemblablement dans la migraine. Il pourrait aussi être tiques). Dans une étude récente portant sur 1 040 patients
impliqué dans les AIT survenant au cours de coronarogra- hospitalisés en unité de neurologie vasculaire l’AIT était dû dans
phies, [31] dans certaines angiopathies après prises de sympatho- 24,7 % des cas à une artériolopathie cérébrale, dans 15 % des
mimétiques ou de cocaïne. [32] Il n’a jamais été observé lors cas à une athérosclérose des gros troncs, dans 14,7 % des cas à
d’un AIT lié à l’athérosclérose. une embolie d’origine cardiaque. La cause n’était pas retrouvée
dans 43,2 % des cas. [41]
Le mécanisme des AIT précédant les lacunes demeure mal
Différents examens doivent être pratiqués pour identifier au
connu. Plusieurs facteurs sont susceptibles d’intervenir dans
plus vite la cause de l’AIC et mettre en place un traitement
l’occlusion non athéroscléreuse de ces artérioles de moins de
préventif adapté.
300 µm de diamètre : l’épaississement de la paroi elle-même
(lipohyalinose), un thrombus local surajouté, voire un spasme
localisé. Recherche d’une sténose artérielle
Un autre mécanisme d’occlusion artérielle pourrait être un L’échographie-doppler couleur des artères extracrâniennes
collapsus artériel systolique en aval d’une sténose ≥ 70 % (Fig. 4)A) cherche une sténose de l’origine de l’artère carotide
comme cela a été montré expérimentalement, [33] ce qui interne, précise son degré, apprécie son retentissement hémo-
pourrait fournir une explication théorique à la plus grande dynamique (inversion du flux de l’ophtalmique), cherche
fréquence des AIT et infarctus cérébraux dans les sténoses d’autres localisations de l’athérosclérose (artères carotide
carotides les plus serrées. primitive, vertébrale ou sous-clavière). Elle recherche également
L’occlusion d’une artère proximale par compression peut en une dissection carotide ou vertébrale.
théorie donner une ischémie transitoire par chute de l’hémody- Le doppler transcrânien apprécie le retentissement hémody-
namique locale en aval. Il faut pour cela que les anastomoses namique en aval d’une sténose extracrânienne ou du siphon
soient déficientes et que les mécanismes d’autorégulation de la carotide (amortissement du flux de la sylvienne) et la qualité du
microcirculation, qui en temps ordinaire protègent remarqua- polygone de Willis (Fig. 4B). Il permet de rechercher une
blement le cerveau, soient dépassés. À titre exceptionnel, la sténose du siphon carotide, de l’artère cérébrale moyenne, des
compression directe d’une artère carotide fortement sténo- artères vertébrales intracrâniennes ou du tronc basilaire.
sée, [34] ou d’une artère vertébrale dans son segment intratrans- L’ARM complète l’échographie-doppler artérielle. Elle étudie
versaire [35] peut occasionner des AIT. les artères intra- (Fig. 5 et extracrâniennes (Fig. 6) (en TOF [time
6 Neurologie
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1 5
Neurologie 7
17-046-A-15 ¶ Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire
Autres
Le fond d’œil cherche une embolie de cholestérol (Fig. 10),
un infarctus rétinien, une occlusion d’une artère rétinienne ou
encore des signes de retentissement d’une HTA.
Numération et formule sanguine, et vitesse de sédimentation
complètent les explorations initiales. En l’absence de cause
trouvée avec ces premières explorations, d’autres examens sont
pratiqués selon les cas : ponction lombaire, tests immunologi-
ques, examen de l’hémostase. Figure 10. Fond d’œil. Embolie de cholestérol (flèche).
8 Neurologie
Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire ¶ 17-046-A-15
Recherche de facteurs de risques vasculaires côté que la sténose à 3 ans (recommandation grade 1A). Les
sténoses comprises entre 30 et 70 % (50 % NASCET) ne sont, à
systématique (HTA, bilan lipidique l’heure actuelle, pas des indications à un traitement chirurgical
et glycémique) (recommandations grade 1 B).
L’établissement du score de risque cardiovasculaire absolu Les autres sièges de sténose athéroscléreuse n’ont pas fait
(RCVA) permet une estimation du risque cardiaque et cérébral à l’objet d’essai thérapeutique et il n’y a donc pas encore de
10 ans. Cette démarche permet d’informer le patient et de le preuve d’un effet préventif de la chirurgie pour l’artère verté-
responsabiliser, de lui fixer des objectifs de prévention. brale proximale ou des thérapeutiques endovasculaires pour les
sténoses des troncs supra-aortiques proximaux et des artères
cérébrales intracrâniennes. Les indications sont donc fondées
■ Traitement sur le « cas par cas ».
Les progrès incontestables des techniques chirurgicales et des
L’AIT doit être considéré comme le principal symptôme thérapeutiques endovasculaires permettent désormais d’envisa-
annonciateur d’un infarctus cérébral. La prise en charge diffère ger de traiter certains patients à très haut risque de récidive ou
dans les premières heures suivant la cause de l’AIT. d’infarctus cérébral définitif. La décision est toujours extrême-
ment délicate à prendre et requiert un consensus au sein de
l’équipe médicale spécialisée. Ceci bien entendu en attendant le
En urgence résultat des futures études randomisées qui élèveront le niveau
Au domicile du patient ou dans le cabinet de consultation, de preuve de l’efficacité et de la tolérance de ces gestes, qui
donner 300 mg d’aspirine per os ou 500 mg d’aspirine par voie restent de nos jours, à haut risque.
intraveineuse. Il n’y a pas d’urgence à faire baisser la pression En cas de sténose symptomatique d’une artère carotide
artérielle, même si elle paraît très élevée, car cela risquerait interne sous-pétreuse, intrapétreuse du siphon ou de sa termi-
d’entraîner une hémiplégie définitive, au moins jusqu’à ce que naison, ou encore du segment M1 de l’artère cérébrale
le bilan ultrasonographique (écho-doppler et doppler transcrâ- moyenne, d’une artère vertébrale en V3 ou intracrânienne (en
nien) et/ou l’ARM ait éliminé une sténose serrée ou une V4) ou du tronc basilaire, seules les sténoses récidivantes sous
occlusion d’une artère cérébrale. traitement médical maximal feront l’objet d’une discussion au
cas par cas d’une revascularisation (rapport bénéfice/risque
insuffisamment évalué – recommandation de grade 2C).
Dans les heures et jours suivant l’AIT Une sténose serrée de l’origine de l’artère vertébrale ou de
l’artère sous-clavière prévertébrale symptomatique peut être
AIT liés à l’athérosclérose traitée chirurgicalement (par réimplantation du bout distal de
En plus du traitement de fond par aspirine (recommandation l’artère dans l’artère carotide primitive du même côté, chirurgie
grade 1A) (Tableau 7), lorsqu’on suspecte une source artérielle dont la morbidité est réputée très faible) ou par voie endovas-
d’embolie, c’est-à-dire un thrombus développé sur l’ulcération culaire lorsque la plaque d’athérosclérose touche à la fois,
d’une plaque d’athérosclérose, le traitement anticoagulant est comme c’est le cas le plus fréquent, l’origine de l’artère verté-
souvent utilisé dans le but d’éviter l’extension du thrombus et brale et l’artère sous-clavière prévertébrale (rapport bénéfice/
la récidive d’embolie à partir du thrombus. Aucune étude n’a risque insuffisamment évalué – recommandation de grade 2C).
démontré le bien-fondé de cette attitude, aussi doit-on l’utiliser
avec la plus grande prudence (aucune recommandation ne peut AIT par embolie d’origine cardiaque
être donnée). En cas de source cardiaque d’embolie avérée (rétrécissement
Le repos au lit est indiqué, la tête plus basse que les pieds mitral, prothèse valvulaire mécanique, infarctus du myocarde
lorsqu’il existe des signes cliniques posturaux avec un amortis- avec thrombus mural, thrombus intra-auriculaire avec fibrilla-
sement important des vitesses des artères intracrâniennes au tion auriculaire, cardiomyopathie dilatée) le traitement par
doppler transcrânien (recommandation grade 2C). héparine n’est utilisé qu’après avoir vérifié la normalité du
Lorsque l’AIT révèle une sténose de l’origine de l’artère scanner cérébral. L’héparine est perfusée à la seringue électrique
carotide du côté opposé aux symptômes, une endartériectomie en visant un allongement du temps de céphaline activaté (TCA)
carotide est envisagée si la sténose est égale ou supérieure à de 1,5 à 2 fois celui du témoin (ou héparine de bas poids
70 % réduisant le risque d’infarctus cérébral de 65 à 80 % [42] moléculaire, pour un anti-Xa entre 0,5 et 1). Le relais est
(recommandation grade 1A). Une sténose inférieure à 30 % immédiatement pris par les anticoagulants par voie orale en
n’est pas une indication à l’endartériectomie car le risque visant un INR entre 3 et 4,5 (recommandation de grade 2C+ ).
chirurgical est supérieur au risque d’infarctus cérébral du même En cas de fibrillation auriculaire non valvulaire, le traitement
antivitamine K (Coumadine® ou Previscan®) à faible dose en
visant un INR à 2,5 (entre 2 et 3) réduit le risque de récidive de
Tableau 7.
60 % environ (recommandation de grade 1A). L’aspirine réduit
Niveau de recommandations.
le risque de 20 % de façon non significative. Le traitement
1 - Rapport bénéfice/risque 2 - Rapport bénéfice/risque anticoagulant oral est donc le traitement de choix, mais
établi non établi l’aspirine ou une association d’antiplaquettaires est utilisée en
A - Essais randomisés sans limite méthodologique cas de contre-indication du traitement antivitamine K.
(Recommandations fortes s’appliquant sans réserve à la plupart des
patients et dans la plupart des circonstances) Traitement spécifique des autres causes
B - Essais randomisés avec méthodologie ou résultats discutables* Dissection carotide ou vertébrale : anticoagulation pendant
(Recommandations fortes pouvant s’appliquer à la plupart des patients) quelques semaines (recommandation de grade 2C) ; thrombocy-
témie : antiplaquettaire et chimiothérapie ; polyglobulie :
C+ Absence d’essai randomisé mais les résultats des essais cliniques
saignée, etc…
peuvent être extrapolés sans équivoque ou études d’observation
concordantes suffisant à établir le rapport bénéfice/risque (consensus
professionnel) Traitement à long terme
(Recommandations fortes pouvant s’appliquer à la plupart des patients
dans la plupart des circonstances) AIT lié à l’athérosclérose
C - Études d’observation seulement Le traitement médical préventif est indiqué pour tous :
(Recommandations intermédiaires 1C, ou faibles, voire très faibles 2C) traitement des facteurs de risque (HTA, tabac, cholestérol,
* Absence d’aveugle, critères de jugement subjectifs, risque de biais élevé dans la
obésité, diabète), et traitement antithrombotique antiplaquet-
mesure du critère de jugement, essais randomisés avec beaucoup de patients taire (aspirine à la plus petite dose disponible, 75 mg/j - recom-
perdus de vue. mandation de grade 1A - et jusqu’à 300 mg/j pour d’autres, ou
Neurologie 9
17-046-A-15 ¶ Accident ischémique cérébral et rétinien transitoire
clopidogrel 75 mg/j ou l’association aspirine 50 mg/j- Prise en charge du risque cardiovasculaire absolu
dipyridamole à libération prolongée).
Lorsque l’AIT fait découvrir une sténose carotide serrée L’AIT doit aussi être considéré comme un marqueur d’athé-
asymptomatique (c’est-à-dire non responsable de l’AIT), l’endar- rosclérose. À ce titre, il doit faire envisager une prise en charge
tériectomie carotide n’est indiquée qu’en cas de sténose serrée globale de la maladie athéroscléreuse du patient, avec en
> 70 % chez un patient (plutôt un homme) ayant une espé- particulier un dépistage de la maladie coronarienne, d’une
rance de vie supérieure à 5 ans (recommandation de grade 1B) artérite des membres inférieurs et d’une HTA.
et d’autant plus qu’il existe un retentissement hémodynamique Le calcul du RCVA est désormais une étape majeure et
au doppler transcrânien, ou à l’angiographie par résonance indispensable de l’évaluation de ces patients (Fig. 11). Il permet
magnétique en TOF du cercle de Willis, ou un cercle de Willis pour chaque tranche d’âge d’estimer le risque vasculaire
incomplet, ou encore une sténose qui progresse à deux examens coronaire et cérébral à 10 ans, et d’ainsi fixer des objectifs de
ultrasonores séparés de quelques mois. prévention au patient, qui doit se les « approprier ». Par
exemple, la réduction systématique de la pression artérielle
AIT dans les infarctus de cause inconnue du sujet systolique de 10 mmHg et de la pression artérielle diastolique
« jeune » de 5 mmHg réduit le risque de récidive à 4 ans de 40 % [44] y
compris chez les sujets qui ont une pression artérielle « nor-
Les AIT survenant chez les sujets de moins de 55 ans associés male », c’est-à-dire selon l’OMS inférieure à 140/90. La réduc-
à un foramen ovale perméable ont un risque de récidive faible tion du LDL cholestérol par une statine diminue le risque d’AVC
sous traitement par 300 mg d’aspirine par jour (1 % par an), à 3 ans de 25 % et d’infarctus du myocarde de 30 % chez les
équivalent aux patients qui n’ont pas d’anomalie du septum sujets hypertendus non hypercholestérolémiques (c’est-à-dire
interauriculaire, après ajustement sur les facteurs de risque LDL < 1,60 g/l ou < 3,9 mmol/l). [45]
vasculaire. [43] Chez ces patients, comme chez ceux qui n’ont
qu’un anévrisme du septum interauriculaire (risque très faible
sous aspirine, voisin de 0), le traitement par aspirine seul peut
être recommandé en première intention s’il n’y a pas d’autres ■ Références
facteurs surajoutés (recommandation de grade 2C), en attendant
[1] Levy DE. How transient are transient ischemic attacks? Neurology
les résultats d’essais randomisés. En cas d’association de foramen
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ovale perméable avec un anévrisme du septum interauriculaire [2] Marler JR, Tilley BC, Lu M, Brott TG, Lyden PC, Grotta JC, et al. Early
(risque de 4 % par an [43]), ou avec un état d’hypercoagulabilité, stroke treatment associated with better outcome: the NINDS rt-PA
un antécédent d’infarctus cérébral ou d’AIT inexpliqué, une stroke study. Neurology 2000;55:1649-55.
phlébite profonde, les données sont insuffisantes pour émettre [3] Kidwell CS, Alger JR, Di Salle F, Starkman S, Villablanca P, Bentson J,
une recommandation ferme, et les différentes options thérapeu- et al. Diffusion MRI in patients with transient ischemic attacks. Stroke
tiques envisagées sont alors un traitement antiplaquettaire au 1999;30:1174-80.
long cours (seul ou association d’antiplaquettaires) ou un [4] Engelter St. Provenzale JM, Petrella JR, Alberts MJ. Diffusion MR
traitement anticoagulant oral (avec un risque de saignement de imaging and transient ischemic attacks. Stroke 1999;30:2762-3.
1 à 2 % par an), ou la fermeture endovasculaire du foramen [5] Albers GW, Caplan RL, Easton JD, Fayad PB, Mohr JP, Saver JL, et al.
ovale perméable. Ces options devront être évaluées dans des Transient ischemic attack-proposal for a new definition. N Eng J Med
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Neurologie 11