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Les accidents vasculaires cérébraux constituent un problème majeur de santé publique, en particulier
chez la femme, puisqu’en dépit d’une incidence moindre que chez l’homme, la prévalence et la fréquence
des institutionnalisations, des démences vasculaires et des décès sont plus élevées chez la femme en
raison de sa plus grande longévité. La prévention, la prise en charge et le traitement des accidents
vasculaires cérébraux diffèrent peu selon le sexe mais, chez la femme par rapport à l’homme, l’aspirine est
plus efficace en prévention primaire des infarctus cérébraux, le rapport bénéfice/risque de la chirurgie
carotide est moins favorable, la prise en charge est moins satisfaisante à la phase aiguë, mais la
thrombolyse est plus efficace. Chez la femme jeune, deux facteurs de risque sont particulièrement
fréquents : la migraine et la prise de contraceptifs oraux, mais ils ne confèrent qu’un risque absolu faible
cependant potentialisé par les autres facteurs de risque vasculaires, notamment le tabac. Le post-partum
reste une période à risque vasculaire et l’éclampsie demeure la première cause d’accidents vasculaires
cérébraux durant la grossesse. L’hormonothérapie substitutive de la ménopause par voie orale est
associée à une augmentation du risque d’infarctus cérébral. La voie transdermique est préférable en
raison d’un moindre risque thromboembolique veineux. Les constatations effectuées chez l’animal et in
vitro ne permettent pas actuellement d’expliquer les données humaines.
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Mots clés : Accident vasculaire cérébral ; Contraceptifs oraux ; Traitement hormonal substitutif ; Migraine ;
Grossesse
Neurologie 1
17-046-R-20 ¶ Accidents vasculaires cérébraux chez la femme
• il existe des différences liées au sexe dans la prise en charge est sous-estimé car chez la femme après 80 ans, les démences
et les réponses aux traitements, tant en matière de prévention vasculaires sont la première cause de démence mais le diagnos-
qu’à la phase aiguë ; tic est parfois porté de maladie d’Alzheimer ou de démence
• le risque d’AVC est influencé par des conditions spécifiques à mixte.
la femme telles que la grossesse, les contraceptifs oraux ou
l’hormonothérapie substitutive de la ménopause (HTSM) ;
• certaines étiologies ou certains facteurs de risque connaissent
une prépondérance féminine et peuvent justifier des mesures Accident vasculaire cérébral
préventives spécifiques ; chez la femme : épidémie de demain
• il existe de nombreux travaux expérimentaux consacrés aux
relations entre hormones féminines et physiopathologie des Ainsi actuellement, l’AVC tue plus de femmes que d’hommes,
AVC. laisse des séquelles dévastatrices chez plus de femmes que
d’hommes, et constitue une cause de démence chez plus de
femmes que d’hommes. Cette tendance ira vraisemblablement
■ Épidémiologie en s’aggravant en raison du vieillissement de la population,
notamment dans les pays industrialisés, qui laisse présager une
augmentation importante d’incidence et de prévalence de l’AVC
Incidence surtout chez la femme dont l’espérance de vie en 2020 est
estimée à près de 90 ans en Europe et aux États-Unis [18]. Il a
Les études épidémiologiques montrent une incidence d’AVC
ainsi été calculé en Hollande que l’incidence des AVC passerait
globalement deux fois plus élevée chez l’homme que chez la
d’ici 2020 de 2,5 à 2,8/1 000 chez la femme (augmentation de
femme dans tous les pays [6, 7]. Ainsi dans l’étude de l’Organi-
12 %) et la prévalence de 7,2 à 8,9/1 000 (augmentation de
sation mondiale de la santé (OMS) portant sur une population
24 %) [19] . Ces chiffres soulèvent un problème majeur de
de 2,9 millions de sujets dans 27 pays, l’incidence des AVC pour
société : celui de la prise en charge des personnes âgées, en
la tranche d’âge des 35 à 64 ans était chez la femme de 0,61 à
particulier celui des femmes très âgées, vivant le plus souvent
2,94 /1 000 et chez l’homme de 1,41 à 3,44/1 000. L’étude de
seules et restant handicapées ou démentes après un ou plusieurs
Framingham a montré le même type de répartition selon le sexe
AVC.
dans presque toutes les catégories d’âge [8] (Tableau 1), avec chez
la femme comme chez l’homme un doublement de l’incidence
par tranche de 10 ans d’âge. L’incidence des AVC chez la femme
jeune est donc très faible, comprise, selon les études, entre Répartition des types d’accidents vasculaires
0,03 et 0,09 pour 1 000/an [9, 10].
cérébraux
Mortalité Les accidents ischémiques cérébraux représentent environ
80 % de l’ensemble des AVC chez les Caucasiens, les hémorra-
Le taux de mortalité par AVC diffère selon les pays avec une gies cérébrales et méningées environ 20 % dans les deux sexes.
fourchette de 20 à 249/100 000 habitants par an, l’Europe de Chez les sujets de moins de 45 ans, la fréquence des hémorra-
l’Est ayant un taux de mortalité particulièrement élevé [11, 12]. gies atteint environ 30 % et les hémorragies sous-
De nombreux facteurs interviennent dans le taux de mortalité arachnoïdiennes sont un peu plus fréquentes chez la femme.
par AVC, notamment l’incidence, la mortalité à la phase aiguë, Les causes des infarctus cérébraux sont très nombreuses,
le type d’AVC, la mortalité étant plus élevée dans les hémorra- dominées par l’athérosclérose, les embolies d’origine cardiaque
gies cérébrales que dans les infarctus cérébraux. La mortalité par et les maladies des petites artères cérébrales qui représentent
AVC augmente avec l’âge et plus de femmes que d’hommes chacune environ 20 % des étiologies [20]. Seul un faible pour-
meurent d’AVC (respectivement une sur six et un sur 11) centage d’infarctus cérébraux a une autre origine comme par
compte tenu de la plus grande longévité des femmes [1]. Ainsi, exemple une dissection des artères cervicales, une hémopathie,
aux États-Unis, 40 000 femmes de plus que d’hommes meurent une vascularite, ou une thrombose veineuse cérébrale. En
chaque année d’AVC [13]. Alors que les femmes redoutent de revanche, il existe 20 à 40 % des AVC dont la cause est indé-
mourir de cancer du sein, actuellement, on estime qu’une terminée, ce pourcentage variant selon les modalités de sélec-
femme sur six meurt d’AVC et une sur 25 de cancer du sein [14, tion des patients et surtout les critères diagnostiques utilisés. Il
15].
n’existe pas de différence majeure selon le sexe dans la réparti-
tion des grandes causes d’infarctus cérébraux mais néanmoins,
Prévalence et institutionnalisation les accidents liés à l’athérosclérose sont plus fréquents chez
l’homme que chez la femme avant 60 ans et inversement, les
Bien que l’incidence des AVC soit plus élevée chez l’homme, femmes sont plus à risque d’accidents thromboemboliques en
leur prévalence est plus élevée chez la femme en raison de leur présence d’une fibrillation auriculaire (FA) ; ainsi dans la FA, le
plus grande longévité. Ainsi aux États-Unis, la prévalence risque annuel d’accidents emboliques est de 3,5 % chez la
globale des AVC est estimée à 5,4 millions de cas dont 3 mil- femme contre 1,8 % chez l’homme [21] . Il n’existe pas de
lions chez la femme et 2,4 millions chez l’homme [13, 14] . différence connue selon le sexe concernant les maladies des
Compte tenu de cette prévalence plus élevée chez la femme, petites artères cérébrales. En ce qui concerne les variétés plus
plus de femmes que d’hommes sont handicapées du fait d’un rares, il existe une légère prépondérance féminine pour les
AVC [16] et les AVC constituent la première cause d’admission thromboses veineuses cérébrales, et masculine pour les dissec-
dans les structures de suite après 65 ans, environ trois quarts des tions traumatiques des artères cervicales. La prépondérance
sujets étant des femmes [16, 17]. Il est vraisemblable que le taux féminine importante de certaines autres causes sera envisagée
d’institutionnalisation lié aux AVC, notamment chez la femme, plus loin.
Tableau 1.
Incidence des accidents vasculaires cérébraux (AVC) par catégories d’âge (étude Framingham) [8].
2 Neurologie
Accidents vasculaires cérébraux chez la femme ¶ 17-046-R-20
Neurologie 3
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américaine menée sur 75 596 femmes et 36 683 hommes [46]. chez la femme. Pour les sténoses comprises entre 50 et 70 %, le
Selon une autre étude, une consommation régulière de poissons bénéfice est démontré chez l’homme mais pas chez la femme.
est associée à une diminution du risque d’infarctus cérébral chez Pour les sténoses asymptomatiques ≥ à 60 %, l’étude améri-
la femme [47]. caine ACAS a montré un bénéfice statistiquement significatif
uniquement chez l’homme (réduction de risque de 66 %
contrastant avec seulement 17 % chez la femme) [53] . Par
Traitements antithrombotiques ailleurs, le risque chirurgical était 2 fois plus élevé chez la
femme que chez l’homme (respectivement 3,6 % versus 1,7 %).
Anticoagulants oraux En revanche, dans l’étude européenne ACST, le bénéfice de la
chirurgie pour les sténoses carotides asymptomatiques ≥ 70 % à
Toutes les études portant sur les anticoagulants oraux suggè-
l’examen échodoppler était démontré dans les deux sexes [54].
rent qu’ils sont aussi efficaces dans la prévention secondaire des
La méta-analyse de ces deux études [55] ne fait apparaître aucun
infarctus cérébraux liés à une cardiopathie emboligène chez la
bénéfice de la chirurgie dans les sténoses carotides asymptoma-
femme que chez l’homme. Cependant, dans la fibrillation
tiques chez la femme alors que la réduction de risque atteint
auriculaire, l’étude récente ATRIA [21] suggère qu’ils sont même
50 % chez l’homme. La chirurgie des sténoses carotides asymp-
peut-être plus efficaces chez la femme avec une réduction du
tomatiques chez la femme n’a donc que peu d’indications : elle
risque thromboembolique atteignant 60 % contre 40 % chez
ne se discute que si le risque d’infarctus cérébral homolatéral à
l’homme (p = 0,01). Le risque de complication hémorragique
la sténose dépasse 3 à 4 %, en cas par exemple de sténose très
grave, en particulier d’hémorragie cérébrale, est en revanche
serrée (90 %), évolutive, avec un infarctus silencieux en neuro-
identique dans les deux sexes [21].
imagerie, ou avec un retentissement hémodynamique intracrâ-
nien au doppler transcrânien.
Antiplaquettaires En résumé, dans les sténoses athéromateuses de l’origine de
la carotide interne, le bénéfice de l’endartérectomie est plus
Depuis la découverte de l’effet préventif de l’aspirine sur les
important chez l’homme que chez la femme, qu’il s’agisse de
accidents athérothrombotiques, il y a toujours eu des discus-
sténose symptomatique ou asymptomatique. Le bénéfice chez la
sions quant à son efficacité selon le sexe, ce qui n’est pas le cas
femme reste non démontré pour les sténoses symptomatiques
des autres antiplaquettaires tels que la ticlopidine, le clopidogrel
comprises entre 50 et 70 % et pour les sténoses asymptomati-
ou le dipyridamole. En effet, l’étude canadienne CCSG, la
ques. Il semble bien que cette différence selon le sexe soit réelle
première à avoir établi l’efficacité de l’aspirine dans la préven-
et ne s’explique pas uniquement par le plus faible nombre de
tion secondaire des infarctus cérébraux, avait conclu que
femmes recrutées (30 % environ) dans les essais consacrés à la
l’aspirine n’était efficace que chez l’homme [48] . Quelques
chirurgie des sténoses carotides. Ce bénéfice moindre chez la
années plus tard, une étude française montrait en revanche que
femme pourrait relever à la fois d’un risque spontané d’infarctus
l’aspirine était aussi efficace chez la femme que chez l’homme,
cérébral plus faible que chez l’homme et d’un risque chirurgical
ce qui a été amplement confirmé depuis [49, 50].
légèrement plus élevé.
En prévention primaire, la grande étude des 22 071 médecins
De nombreuses études ont été consacrées à l’angioplastie
américains (tous des hommes) avait montré une réduction de
carotide et jusqu’à maintenant, aucune différence significative
risque d’infarctus du myocarde de 44 % sous aspirine (325 mg,
selon le sexe n’a été signalée tant en matière d’efficacité que de
1 jour sur 2) [3] mais pas de diminution du risque d’AVC et
tolérance [56] . De grandes études de phase III comparant
même une élévation non significative du risque d’hémorragie
angioplastie et endartérectomie sont en cours et permettront de
cérébrale. L’autre grande étude de prévention primaire effectuée
savoir si la différence, selon le sexe, observée pour l’endartérec-
en Angleterre avait également concerné des médecins hommes
tomie carotide est également présente pour l’angioplastie.
et avait également montré une réduction du risque d’infarctus
du myocarde mais pas d’infarctus cérébral [4].
Très curieusement, des résultats presque inverses viennent
d’être rapportés chez la femme dans une très grande étude de ■ Prise en charge et pronostic
prévention primaire WHS [5] effectuée chez 39 876 femmes de
plus de 45 ans, en bonne santé, traitées par aspirine 100 mg
de l’accident vasculaire cérébral
1 jour sur deux ou placebo et suivies pendant 10 ans. Il n’a pas à la phase aiguë
été observé, sous aspirine, de diminution du risque d’infarctus
du myocarde, hormis chez les femmes de plus de 65 ans. En Unités neurovasculaires et mesures
revanche, une diminution significative de 19 % a été notée
pour l’ensemble des AVC (p = 0,04) atteignant 24 % pour les générales
infarctus cérébraux (p = 0,09). Il existait aussi une augmentation
L’hospitalisation en urgence dans une unité neurovasculaire
non significative (p = 0,31) des hémorragies cérébrales mais très
(UNV) constitue un facteur favorable essentiel du pronostic des
significative (augmentation de 40 %, p = 0,02) des hémorragies
AVC à la phase aiguë. Ces unités, qui sont encore trop peu
digestives nécessitant une transfusion.
nombreuses en France, permettent de répondre au mieux aux
La méta-analyse de toutes les études de prévention pri-
besoins diagnostiques et thérapeutiques, et leur bénéfice, tant
maire [5] confirme cette curieuse différence d’efficacité de
sur la dépendance que sur la mortalité, a été démontré dans
l’aspirine selon le sexe avec un effet préventif sur l’infarctus du
plusieurs études, avec une réduction de 22 % par rapport à une
myocarde chez l’homme mais pas chez la femme et un effet
hospitalisation en service classique d’après une méta-analyse
préventif sur l’infarctus cérébral chez la femme mais pas chez
récente [57]. Le bénéfice de la prise en charge en UNV existe
l’homme. Cette différence pourrait s’expliquer en partie par les
quels que soient le sexe et l’âge du patient ou le type d’AVC.
différences d’âge de survenue : les accidents cardiaques survien-
Cependant, dans une grande étude canadienne [58], il a été
nent 10 ans plus tôt chez l’homme que chez la femme et la
constaté que les femmes étaient hospitalisées moins souvent en
prévalence est plus élevée chez l’homme pour l’infarctus du
UNV que les hommes mais il semblerait que ceci soit davantage
myocarde mais chez la femme pour l’infarctus cérébral.
lié à l’âge qu’au sexe lui-même. Plusieurs autres études ont
néanmoins montré des différences non liées à l’âge dans la prise
Chirurgie des sténoses carotides en charge des AVC, avec chez la femme, une attente plus
longue en service d’urgence [59] et des explorations étiologiques,
Les grandes études NASCET [51] et ECST [52] ont montré le cardiaques notamment, moins complètes [60]. En revanche, il
bénéfice très important de la chirurgie dans les sténoses n’a pas été signalé de différences notables selon le sexe en ce
carotides symptomatiques ≥ 70 % chez la femme et chez qui concerne les mesures générales à prendre à la phase aiguë
l’homme mais le bénéfice est plus marqué chez l’homme que des AVC : maintien de la liberté des voies aériennes, correction
4 Neurologie
Accidents vasculaires cérébraux chez la femme ¶ 17-046-R-20
Neurologie 5
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Tableau 3.
Études cas-témoins de la migraine et des accidents vasculaires cérébraux (AVC) chez la femme jeune [68].
* Références in [68]. MA : migraine avec aura ; MSA : migraine sans aura ; IC : infarctus cérébral ; AIT : accident ischémique transitoire. IHS : International Headache Society.
tation de risque reste obscur : un lien causal direct semble peu sous contraceptifs oraux. Les principales caractéristiques de cette
probable puisque la migraine n’est pas plus fréquente dans les augmentation de risque peuvent se résumer de la façon sui-
infarctus cryptogéniques que dans ceux qui ont une cause vante :
connue et qu’il existe une forte interaction avec les risques liés • les fortes doses d’œstrogènes (≥ 50 µg) augmentent tous les
au tabac et à la contraception orale. L’augmentation de risque types d’AVC (infarctus, hémorragies cérébrales, hémorragies
est vraisemblablement multifactorielle, les facteurs incriminés sous-arachnoïdiennes) par un facteur d’environ 4 ;
impliquant la coagulation, le cœur, ou une dysfonction de la • les faibles doses d’œstrogènes doublent le risque d’infarctus
paroi vasculaire sans qu’aucun puisse réellement expliquer cérébral, même après ajustement sur les autres facteurs de
pourquoi l’infarctus cérébral est plus fréquent chez la jeune risque vasculaires ;
femme migraineuse que non migraineuse [68].
• le risque d’infarctus cérébral est accru par la présence des
Malgré l’augmentation du risque relatif, le risque absolu
autres facteurs de risque, le risque relatif atteignant dans une
d’infarctus cérébral chez la jeune femme migraineuse reste
étude [82] 4,4 en association avec le tabac, 4,6 avec l’obésité,
extrêmement faible (18 pour 100 000 par an), ce qui ne justifie
5,3 avec le diabète, 7,6 avec l’hypertension et 10,8 avec
pas la contre-indication, prônée par certains, des œstroproges-
l’hypercholestérolémie. Le risque est également augmenté en
tatifs chez la jeune migraineuse, du moins en l’absence de
migraine avec aura ou d’autre facteur de risque vasculaire. En cas de thrombophilie congénitale, multiplié par 11 chez les
revanche, l’arrêt du tabac et le choix d’une pilule faiblement femmes porteuses d’une mutation du facteur V Leiden, alors
dosée en œstrogènes sont vivement recommandés. En cas de que curieusement, dans la même étude, la mutation de la
migraine avec aura ou d’autres facteurs de risque vasculaires, un prothrombine ne paraît conférer de risque supplémen-
progestatif pur est recommandé, bien qu’il n’y ait pas de taire [85] ;
donnée prouvant l’innocuité des progestatifs en matière de • l’association des œstrogènes et des progestatifs de deuxième
risque thrombotique [72]. et de troisième génération paraît comporter un risque plus
faible [82, 83] ;
• les progestatifs purs ont été étudiés mais ne semblent pas
Causes et facteurs de risque spécifiques augmenter le risque d’infarctus cérébral [74, 79] ;
• le doublement du risque d’infarctus cérébral lié aux œstro-
Contraception orale [73-85] progestatifs à faible teneur en œstrogènes correspond à un
risque absolu faible de quatre infarctus cérébraux additionnels
En l’absence d’étude randomisée, l’analyse de relation entre pour 100 000 femmes par an en l’absence de tabac et
contraceptifs oraux et AVC est parsemée de difficultés métho-
d’hypertension artérielle ;
dologiques liées à un certain nombre de facteurs tels que :
• le risque de thrombose veineuse cérébrale, comme celui de
• le biais de sélection quasi inéluctable dans les études cas-
thrombose veineuse des membres inférieurs, est significative-
témoins et de cohorte ;
ment augmenté avec un risque relatif d’environ 3 par les
• l’utilisation de différents œstrogènes et progestatifs, et à des
doses variées ; contraceptifs œstroprogestatifs et il est accru de façon
• l’emploi de critères variables de définition de l’utilisation des considérable en présence d’une thrombophilie congénitale
contraceptifs : la plupart des études n’utilise que deux quel qu’en soit le type, avec une multiplication du risque par
catégories : consommation présente ou absente, et inclut la environ 30 [86, 87].
consommation passée tantôt avec l’une, tantôt avec l’autre ; En pratique, bien que le risque absolu d’infarctus cérébral et
• prise en compte inconstante des facteurs de risque vasculai- de thrombose veineuse cérébrale lié aux contraceptifs oraux
res : âge, tabac, hypertension, migraine... qui peuvent eux- œstroprogestatifs soit très faible, la plus grande vigilance
mêmes être évolutifs ; s’impose quant aux autres facteurs associés, en particulier le
• classification variable des AVC, certaines études regroupant tabagisme, si fréquent chez la femme jeune. La survenue d’un
tous les AVC, d’autres séparant hémorragies et infarctus et AVC sous contraceptifs oraux, qu’il y ait ou non une autre
très peu détaillant les différents types d’infarctus cérébraux ; cause, oblige à l’arrêt de la contraception œstroprogestative et à
• l’utilisation de populations témoins différentes, par exemple son éventuel remplacement par une autre méthode : le stérilet
en population générale ou bien en milieu hospitalier. est en général contre-indiqué par la prise d’un antithrombotique
En dépit de quelques résultats discordants, la plupart des en prévention secondaire mais le recours aux progestatifs purs
études [73-82] et deux méta-analyses [83, 84] suggèrent une peut être autorisé en dépit des données très fragmentaires qui
augmentation du risque vasculaire cérébral chez la femme jeune existent sur leur éventuel risque thrombotique. Enfin, il est
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Tableau 4.
Risque d’accident vasculaire cérébral durant la grossesse et le post-partum dans l’étude Baltimore Washington [92].
Post-partum
< 6 semaines 7,9 (5,0 – 12,7) 18,2 (8,7 – 38,1) 5,4 (2,9 – 10,0)
après accouchement 12,7 (7,8 – 20,7) 28,3 (13,0 – 61,4) 8,7 (4,6 – 16,7)
après avortement 1,8 (0,4 – 7,2) 4,5 (0,6 – 33,1) 1,1 (0,2 – 7,9)
Grossesse et post-partum 2,4 (1,6 – 3,6) 5,6 (3,0 – 10,5) 1,6 (1,0 – 2,7)
IC : intervalle de confiance.
justifié de rechercher une thrombophilie congénitale chez les crises comitiales, une agitation, des troubles visuels pouvant
femmes jeunes ayant, sous contraceptifs oraux, un infarctus aller jusqu’à la cécité corticale, et des troubles de conscience. En
cérébral de cause indéterminée. l’absence d’AVC, l’IRM montre en séquence T2 des hypersi-
gnaux diffus de la substance blanche, sans baisse de coefficient
Syndrome d’hyperstimulation ovarienne apparent de diffusion et en rapport avec un œdème vasogéni-
Les traitements hormonaux d’induction de l’ovulation avant que réversible si l’éclampsie est traitée à temps. À côté de ces
fécondation in vitro sont réalisés de plus en plus fréquemment formes réversibles peuvent survenir des hémorragies et des
et peuvent parfois se compliquer d’un syndrome d’hyperstimu- infarctus cérébraux, en particulier lorsque l’éclampsie se
lation ovarienne qui aboutit à l’hospitalisation dans environ complique d’un syndrome HELLP [96].
2 % des cas [88-91]. Ce syndrome est caractérisé par la production L’angiopathie du post-partum [97-100] n’a de spécifique que sa
de substances vasoactives qui entraînent une augmentation de survenue durant le post-partum. Elle fait partie du vaste
la perméabilité capillaire et du volume des ovaires. Les signes syndrome d’angiopathie cérébrale aiguë réversible, syndrome
précoces en sont des nausées, des vomissements, une diarrhée, clinicoradiologique caractérisé par l’association d’une céphalée
des douleurs pelviennes, un ballonnement abdominal puis aiguë, éventuellement accompagnée d’autres signes neurologi-
peuvent survenir des épanchements pleuraux, péricardiques, ou ques, et d’une vasoconstriction segmentaire spontanément
une ascite. Dans les cas sévères, se produit une hémoconcentra- réversible des artères cérébrales. Cette vasoconstriction réversible
tion avec hypovolémie, oligurie, et hypercoagulabilité. Des a été rattachée à de multiples facteurs : prise de sympathomi-
thromboses artérielles et veineuses de localisation diverse métiques, vasoconstricteurs nasaux, cocaïne et autres drogues,
peuvent alors survenir. Il existe environ 25 cas publiés d’AVC, dérivés ergotés, phéochromocytome, antidépresseurs inhibiteurs
artériels le plus souvent, avec notamment plusieurs observations de la recapture de la sérotonine, etc. Le post-partum est l’une
d’occlusion sylvienne [89, 91] , mais aussi veineux avec en des circonstances de survenue les plus fréquentes, en particulier
particulier des thromboses de la veine jugulaire [90]. Ces formes en association avec une éclampsie ou après un traitement par
sévères requièrent un traitement spécifique urgent visant à
bromocriptine ou dérivés ergotés [97-100] . La céphalée est
restaurer l’équilibre hydroélectrolytique et protéique et à
constante, habituellement brutale, sévère, diffuse, permanente
évacuer les divers épanchements. L’héparine a été proposée à
mais volontiers fluctuante. Parfois, elle est caractéristique car
titre préventif en cas d’antécédent de thrombose ou dans les
elle évolue par crises répétitives de céphalées en « coup de
syndromes d’hyperstimulation ovarienne sévères [89, 90].
tonnerre » durant 1 heure ou 2 et se répétant parfois plusieurs
Grossesse et post-partum fois par jour pendant 1 à 2 semaines. Elle est très souvent
associée à des nausées, des vomissements, une photophobie et
La grossesse a longtemps été considérée comme une période parfois à des crises d’épilepsie ou des déficits focaux de tous
à haut risque d’AVC chez la femme jeune et ceci est malheu- types, voire des troubles de conscience. Le scanner est le plus
reusement toujours le cas dans les pays pauvres, essentiellement souvent normal mais l’IRM peut montrer des hypersignaux non
à cause des grossesses multiples et de l’éclampsie encore spécifiques en T2 et en fluid attenuated inversion recovery (FLAIR)
responsable d’une importante surmortalité maternelle [92]. En mais aussi des infarctus cérébraux, un aspect de leu-
revanche, plusieurs études effectuées dans les pays riches ont coencéphalopathie postérieure [98] ou parfois même hémorragie
montré qu’il n’y avait pas d’augmentation significative du sous-arachnoïdienne ou des hémorragies cérébrales [100]. Le
risque d’AVC pendant la grossesse, qu’il s’agisse des infarctus, liquide cérébrospinal est généralement normal mais une discrète
des hémorragies, ou des thromboses veineuses cérébrales, mais
pléiocytose, une hyperprotéinorachie et la présence de sang ont
que le risque était considérablement accru pendant les 6 semai-
été rapportées. L’angiographie (par résonance magnétique, voire
nes qui suivent l’accouchement avec un risque relatif de
conventionnelle) est l’examen clé montrant typiquement de
12 pour l’ensemble des AVC, allant de 8 pour les infarctus
multiples rétrécissements segmentaires parfois séparés par des
cérébraux à 28 pour les hémorragies cérébrales [93, 94]
segments dilatés, sur les artères de gros et moyen calibre dans
(Tableau 4). Cette augmentation de risque durant le post-
partum ne se retrouve pas après avortement [93]. les territoires carotidiens et vertébrobasilaires. L’évolution de ce
Parmi les causes spécifiques d’AVC pendant la grossesse, syndrome est en règle spontanément favorable en 2 semaines à
certaines comme le choriocarcinome, les embolies de liquide 4 mois. Le traitement de l’angiopathie du post-partum repose
amniotique et la cardiomyopathie gravidique sont exception- sur l’arrêt de la bromocriptine et sur la prescription d’antalgi-
nelles. Ceci n’est pas le cas de l’éclampsie qui demeure la cause ques (paracétamol injectable), de nimodipine en intraveineux,
principale d’AVC pendant la grossesse et le post-partum, et éventuellement d’antiépileptiques et d’antihypertenseurs.
présente chez 14 à 44 % des hémorragies cérébrales et 24 à À côté de ces variétés d’AVC spécifiques à la grossesse et au
47 % des infarctus cérébraux dans des études américaines et post-partum, toutes les causes d’AVC du sujet jeune peuvent
françaises [93, 94]. L’éclampsie apparaît en fin de grossesse à survenir durant cette période, telles que les hémorragies sous-
partir de la 20e semaine mais elle peut aussi survenir dans les arachnoïdiennes par rupture d’anévrisme qui ont un pic de
2 semaines qui suivent l’accouchement et être alors de diagnos- survenue entre 30 et 34 semaines d’aménorrhée [101] , les
tic plus difficile [95]. La symptomatologie associe une hyperten- hémorragies sous-arachnoïdiennes ou cérébrales par rupture de
sion artérielle, une protéinurie, des œdèmes, des céphalées, des malformation artérioveineuse [102], les infarctus par embolie
Neurologie 7
17-046-R-20 ¶ Accidents vasculaires cérébraux chez la femme
d’origine cardiaque ou les dissections carotides ou vertébrales par les résultats de très nombreuses études cas-témoins et de
qui peuvent se produire lors du travail ou en post-partum cohortes conduites avec l’HTSM [2, 107, 108]. Celles-ci avaient en
immédiat. effet montré une réduction du risque d’infarctus du myocarde
Les thromboses veineuses cérébrales (TVC) [103, 104] gravido- et d’AVC mortels d’environ 50 %. La situation était beaucoup
puerpérales rendent compte de la prépondérance de cette plus confuse en matière d’AVC non mortels avec un risque
affection chez la femme jeune, en particulier dans certains pays relatif qui allait de 0,4 dans l’étude de Walnut Creek à 2,27 dans
comme l’Inde ou le Mexique où elles représentent près de la l’étude de Framingham, la majorité des études se situant aux
moitié des TVC. Le sinus sagittal supérieur est touché avec alentours de 1 et donc n’indiquant ni risque, ni bénéfice [2, 107,
prédilection et le pronostic est habituellement bon, à condition 108] . Malgré ces résultats mitigés, l’HTSM jouissait jusqu’en
d’un diagnostic et d’un traitement précoces. Le diagnostic doit 1998 d’une réputation de traitement efficace en prévention
donc être évoqué de principe devant toute céphalée ou crise primaire du risque cardiovasculaire. Ces études étaient cepen-
d’épilepsie, tout déficit focal ou trouble de conscience survenant
dant entachées des mêmes difficultés et biais méthodologiques
dans les jours qui suivent l’accouchement. L’IRM avec veino-
que celles consacrées aux contraceptifs oraux : biais de sélection,
gramme par résonance magnétique (VRM) est l’examen clé pour
utilisation de différents œstrogènes et progestatifs, de différentes
le diagnostic, et l’héparine le traitement de choix.
doses, définition variable de l’utilisation actuelle et passée,
En pratique, la démarche diagnostique à la phase aiguë d’un
AVC doit être conduite avec la même logique chez la femme variabilité de prise en compte des facteurs de risque vasculaires,
enceinte qu’en dehors de la grossesse. Le rapport bénéfice/ et des différents types d’AVC, etc. Surtout, ces études compa-
risque de chaque examen doit être soigneusement évalué et, raient des populations non comparables, les femmes prenant
lorsque l’imagerie est nécessaire, il est préférable de recourir en une HTSM étant en bien meilleure santé que celles qui n’en
première intention à l’IRM sans injection et aux explorations prenaient pas (healthy woman bias). À partir de 1998 ont été
ultrasonores. Si le diagnostic nécessite impérativement une publiés les résultats de plusieurs grandes études randomisées
injection de gadolinium, voire une artériographie, celles-ci américaines qui ont montré non seulement que l’HTSM ne
peuvent néanmoins être effectuées. En ce qui concerne le conférait pas de protection mais même qu’elle augmentait le
traitement, hormis la thrombolyse qui est formellement contre- risque cardiovasculaire.
indiquée, il ne diffère pas à la phase aiguë de celui qui est
appliqué chez le sujet jeune en dehors de la grossesse. HERS
Chez une femme ayant eu un AVC gravidopuerpéral, la
question se pose du risque de récidive. Il ne semble pas que les L’étude HERS [109] est une étude randomisée conduite en
récidives soient plus fréquentes pendant la grossesse elle-même double aveugle qui a comparé les œstroprogestatifs au placebo
mais elles sont, comme les AVC incidents, plus fréquentes chez 2 763 femmes ménopausées ayant un antécédent corona-
durant le post-partum [105]. La décision concernant une gros- rien et suivies pendant 4,1 ans. Malgré une baisse du low density
sesse ultérieure est à discuter au cas par cas et, si elle est prise, lipoprotein (LDL) cholestérol et une augmentation du high density
elle soulève la question du traitement antithrombotique lipoprotein (HDL), aucune différence n’a été observée en ce qui
pendant la grossesse. La prophylaxie par aspirine peut être concerne l’infarctus du myocarde et l’AVC et il a même été noté
continuée, sauf tout à fait en fin de grossesse, et elle est même
une augmentation des infarctus du myocarde au terme de la
recommandée en cas de prééclampsie ou de syndrome des
première année de traitement. L’étude a été poursuivie en
antiphospholipides [106]. Chez les femmes recevant des antivita-
ouvert [110] avec un suivi de 6,8 ans et a confirmé l’absence de
mines K (AVK) au long cours, par exemple pour une valve
différence significative quant au nombre d’infarctus du myo-
cardiaque mécanique, et envisageant une grossesse, il est
carde et d’AVC. HERS a ainsi été la première étude à conclure
préférable de remplacer les AVK par une héparine de bas poids
moléculaire (HBPM) quand la grossesse est débutée et de qu’il n’y avait pas d’indication de l’HTSM dans la prévention
poursuivre ce traitement à doses ajustées pendant toute la secondaire des accidents coronariens.
grossesse. Chez une femme ayant eu une TVC durant le post-
partum, en l’absence de thrombophilie sous-jacente, une ESPRIT
prophylaxie par HBPM est recommandée pendant le post-
partum alors qu’en présence d’une thrombophilie, la prophy- L’étude ESPRIT est également une étude randomisée conduite
laxie est recommandée durant toute la grossesse et le en aveugle comparant cette fois le valérate d’estradiol (2 mg per
post-partum [106]. os) au placebo chez 1 017 femmes ménopausées âgées de 50 à
69 ans ayant eu un premier infarctus du myocarde récent [111].
Après un suivi de 2 ans, il n’y avait pas non plus de différence
■ Accident vasculaire cérébral pour le critère combiné infarctus du myocarde, décès de cause
cardiaque et AVC. Il n’y avait pas d’augmentation du risque
chez la femme après la ménopause d’infarctus du myocarde dans les 6 premiers mois contrairement
à l’étude HERS.
L’incidence des AVC augmente très rapidement chez la
femme après la ménopause mais reste toutefois inférieure à celle
observée chez l’homme alors que la prévalence, on l’a vu, est WEST
supérieure en raison de la plus grande longévité de la femme.
L’étude WEST est une étude randomisée conduite en double
Dans cette tranche d’âge, les causes sont dominées par l’athéro-
aveugle dans 21 centres américains comparant l’effet des
sclérose, cependant un peu moins fréquente que chez l’homme,
œstrogènes seuls (17 bêta-œstradiol 1 mg/j) au placebo chez
et les embolies d’origine cardiaque, à l’inverse, un peu plus
664 femmes ménopausées âgées de plus de 44 ans ayant eu un
fréquente. Les deux aspects spécifiques concernant les AVC chez
accident ischémique cérébral datant de moins de 90 jours [112].
les femmes après la ménopause ont trait à l’HTSM et au rôle de
l’hystérectomie. Après un suivi moyen de 2,8 ans, aucune différence significative
n’a été constatée sur le taux de décès, le taux d’AVC, et le taux
d’infarctus du myocarde. Il y avait même une augmentation du
Hormonothérapie substitutive nombre d’AVC mortels (risque relatif de 2,9) et une augmenta-
de la ménopause tion significative du nombre d’AVC pendant les 6 premiers mois
(risque relatif 2,3). Cette étude concluait, comme l’avait fait
La rareté des affections cardiovasculaires avant la ménopause HERS pour l’infarctus du myocarde, que l’HTSM ne devait pas
a longtemps conduit à penser que les œstrogènes possédaient être prescrite dans la prévention secondaire des infarctus
un effet protecteur vasculaire, et cette opinion a été confortée cérébraux.
8 Neurologie
Accidents vasculaires cérébraux chez la femme ¶ 17-046-R-20
Tableau 6.
Hormonothérapie substitutive de la ménopause (HTSM) et accident vasculaire cérébral (AVC). Méta-analyse [115].
Neurologie 9
17-046-R-20 ¶ Accidents vasculaires cérébraux chez la femme
rapport bénéfice/risque du traitement. Notre attitude est de associée ou non, etc. Ces études suggèrent de nombreux effets
conseiller fortement l’arrêt de l’HTSM en précisant toutefois que bénéfiques et quelques effets délétères des œstrogènes résumés
cet arrêt n’est pas irréversible et que la reprise pourrait être dans le Tableau 7. Ces effets concernent les cellules cérébrales
envisagée selon les symptômes, leur intensité, la qualité de vie, (neurones, astrocytes, microglie), l’endothélium, l’hémostase,
la présence d’une ostéoporose majeure, etc. D’autres études sont l’inflammation et les marqueurs de l’athérosclérose [107, 121].
clairement nécessaires pour permettre de cibler au mieux la • Au niveau neuronal, les œstrogènes ont une action protec-
prescription de l’HTSM. L’étude Kronos Early Estrogen Preven- trice résultant de nombreux mécanismes : effet antioxydant,
tion Study (KEEPS) devrait inclure 900 femmes âgées de 40 à effet antiapoptotique, blocage des substances excitotoxiques,
55 ans et traitées en aveugle par HTSM orale transdermique ou préservation des fonctions mitochondriales, augmentation de
placebo. la concentration du guanosine monophosphate (GMP)
cyclique, etc. [107, 108]..
Hystérectomie • Au niveau endothélial, les œstrogènes ont un effet vasodila-
tateur avec augmentation de la vasodilatation endothélium-
Le rôle de l’hystérectomie - avec ou sans ovariectomie - dépendante [125], augmentation du rapport monoxyde d’azote
comme facteur de risque vasculaire a été longtemps contro- (NO)/endothéline [126], amplification de la voie de signalisa-
versé [119, 120]. La grande étude WHI vient probablement de tion endothéliale du NO et de la cyclo-oxygénase. Il est à
mettre fin à la controverse qui existe à ce sujet [119] . Une noter toutefois que cet effet vasodilatateur bénéfique est
analyse des taux d’hystérectomie et des caractéristiques de base atténué par la présence de facteurs de risque vasculaires tels
et notamment des facteurs de risque vasculaires a été effectuée que le diabète [127].
chez 89 214 femmes incluses dans l’étude d’observation WHI. Il • En ce qui concerne l’hémostase, l’augmentation du risque de
a été effectivement constaté que la mortalité cardiovasculaire et thromboses veineuses observée sous œstrogènes suggère un
le risque coronarien étaient plus élevés chez les femmes ayant effet prothrombotique qui pourrait être sous-tendu par de
eu une hystérectomie avec ou sans ovariectomie (risque relatif nombreuses actions : activation de la thrombine [127], dimi-
1,26, p < 0,001). Toutefois, après ajustement sur les variables nution de l’antithrombine III et augmentation des
démographiques et sur les facteurs de risque cardiovasculaires, D-dimères [128], activation plaquettaire avec augmentation du
l’effet de l’hystérectomie était réduit et devenait non significatif. thromboxane B 2 plasmatique [129] . Les œstrogènes ont à
Cette étude suggère donc que les femmes qui ont subi une l’inverse des effets bénéfiques tels qu’une activation de la
hystérectomie ont un profil de risque vasculaire péjoratif et une thrombolyse. Ces modifications de l’hémostase sont particu-
prévalence et incidence d’affections cardiovasculaires plus lièrement influencées par l’association ou non à un progesta-
élevées que les femmes qui n’ont pas d’hystérectomie. Le risque tif, l’activation plaquettaire n’étant pas observée sous
vasculaire accru serait donc dû aux facteurs de risque et non pas œstrogènes seuls [129] , par la voie d’administration, les
à l’hystérectomie elle-même. œstrogènes transdermiques n’induisant pas l’activation de la
thrombine [117], et par le patrimoine génétique : présence ou
non d’une thrombophilie congénitale, polymorphismes divers
■ Œstrogènes et risque vasculaire tels que ceux du récepteur des œstrogènes alpha [130] ou de la
glycoprotéine plaquettaire IIIa [131].
cérébral : mécanisme • Les œstrogènes per os à fortes doses ont un effet pro-
inflammatoire avec augmentation de la C reactive protein
De très nombreuses études ont été conduites chez l’animal et
in vitro pour tenter de préciser le mécanisme des relations entre (CRP) [132] mais ceci n’est pas observé à très faibles doses [133],
hormones féminines et physiopathologie des AVC [107, 121]. Tout ni par voie transdermique [134]. Les études chez l’homme sont
d’abord dans une étude menée sur des rats hypertendus à haut particulièrement contradictoires en ce qui concerne les effets
risque d’AVC, l’espérance de vie des femelles a été significative- des œstrogènes sur la paroi artérielle : compliance et disten-
ment plus longue que celle des mâles [122], ce qui est concor- sibilité de la carotide augmentées dans certaines études et
dant avec l’espèce humaine. Par ailleurs, plusieurs études ont abaissées dans d’autres [107, 130], progression de l’épaisseur
montré que les infarctus sylviens étaient plus petits chez la intima-média de la carotide non modifiée dans certaines
souris femelle ou ovariectomisée et substituée que chez la souris études [135, 136], ralentie dans d’autres, notamment en
mâle ou ovariectomisée mais non substituée [123, 124] . Ces l’absence d’hypolipémiant associé [137] et avec œstrogènes
résultats vont dans le sens d’un effet protecteur des œstrogènes seuls [138].
sur l’infarctus cérébral, ce qui est concordant avec la rareté dans En résumé, il est actuellement impossible de rendre compte
l’espèce humaine des infarctus cérébraux chez la femme non des données observées chez la femme par les constatations
ménopausée, mais discordant avec l’augmentation de risque effectuées chez l’animal et in vitro. L’hypothèse a été soule-
observée sous HTSM. Les études effectuées chez l’animal et in vée [130] que l’effet protecteur des œstrogènes et/ou de l’HTSM
vitro souffrent en grande partie des mêmes types de biais et serait d’autant plus marqué que la paroi artérielle est saine et
difficultés méthodologiques que les études des contraceptifs « répond » bien aux œstrogènes. À l’inverse, les œstrogènes
oraux et de l’HTSM : utilisation d’hormones différentes, à doses deviendraient délétères en présence d’une dysfonction endothé-
différentes, espèces animales différentes, hypertension artérielle liale et/ou de plaques instables, a fortiori par voie orale puisqu’il
Tableau 7.
Actions neurovasculaires des œstrogènes (d’après Bushnell [107]).
10 Neurologie
Accidents vasculaires cérébraux chez la femme ¶ 17-046-R-20
semble bien que l’effet de premier passage hépatique soit [12] Asplund K. What MONICA told us about stroke. Lancet Neurol 2005;
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qu’en l’absence de ces facteurs.
1648-55.
• La recherche d’une thrombophilie congénitale est [20] Adams Jr. HP, Bendixen BH, Kappelle LJ, Biller J, Love BB,
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Arnold M., Bousser M.-G. Accidents vasculaires cérébraux chez la femme. EMC (Elsevier SAS, Paris),
Neurologie, 17-046-R-20, 2006.
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