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Les ischémies cérébrales du sujet jeune diffèrent de celles du sujet âgé par leurs étiologies et leur pronostic.
Selon les séries et l’exhaustivité du bilan étiologique, près d’un tiers des ischémies cérébrales du sujet jeune
ne s’accompagne pas d’une cause clairement authentifiée. Les dissections des artères cervicales sont la
première cause. Le rôle de l’association fréquente foramen ovale perméable et anévrisme du septum
interauriculaire dans la récidive reste incertain. La mortalité, le risque de récidive et le risque d’infarctus
du myocarde sont faibles à court et moyen termes, mais varient selon la cause. Un bilan étiologique
négatif est associé à un risque de récidive faible. Toutefois, malgré un bon pronostic global, l’épilepsie
résiduelle est fréquente ainsi que les troubles neuropsychologiques. Les jeunes femmes qui ont présenté
une ischémie cérébrale ont un faible risque de récidive au cours d’une grossesse ultérieure.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Accident vasculaire cérébral ; Ischémie cérébrale ; Sujet jeune ; Dissection artère cervicale ; Grossesse
Plan Introduction
■ Introduction 1 Dans les pays industrialisés, les accidents vasculaires cérébraux
■ Épidémiologie descriptive 1 (AVC) représentent la deuxième cause de mortalité et de démence
■
et la troisième cause de handicap acquis de l’adulte [1] . Si l’âge
Démarche diagnostique 2
moyen du premier AVC est d’environ 74 ans, près de 5 % sur-
Interrogatoire 2
viennent chez des adultes jeunes, entre 18 et 45 ans [2] , dont la
Examen cutané 2
majorité sont des infarctus cérébraux [3] . Les données actuelles
Examen du fond d’œil 2
concernant les AVC dans cette tranche d’âge sont issues pour
Bilan biologique 2
la plupart d’études de petite taille et hétérogènes en termes
■ Étiologies 3 d’âge limite d’inclusion, de classification étiologique utilisée ou
Complications de l’athérosclérose 3 d’exhaustivité du bilan. Néanmoins, il semble que ces isché-
Cardiopathies emboligènes 3 mies cérébrales se distinguent par la proportion importante de
Occlusions des petits vaisseaux perforants intracérébraux 4 causes indéterminées. La mortalité est faible mais le handicap
Autres causes identifiées 5 et l’épilepsie grèvent la qualité de vie. Les AVC du sujet jeune
Ischémies cérébrales de cause indéterminées et inconnues 9 représentent donc un enjeu de santé publique compte tenu des
■ Facteurs de risque 9 conséquences socioéconomiques du handicap fonctionnel.
Facteurs de risque majeurs d’ischémie cérébrale : hypertension L’objectif de cet article est d’actualiser les données concernant
artérielle, tabagisme, hypercholestérolémie, diabète 9 l’épidémiologie, les facteurs de risque et les étiologies de ces isché-
Contraception orale 9 mies cérébrales. Nous nous limitons aux ischémies cérébrales
Migraine 9 d’origine artérielle. La présentation clinique et la prise en charge
Infection par le virus de l’immunodéficience humaine 9 à la phase aiguë n’ont pas de spécificité liée à l’âge et ne sont pas
Grossesse 9 abordées, sauf en ce qui concerne deux spécificités du jeune : la
Toxiques 9 prise en charge de l’infarctus malin et le traitement de la femme
■ Pronostic 10 enceinte.
Mortalité 10
Risques de récidive d’accident vasculaire cérébral et d’infarctus
du myocarde 10 Épidémiologie descriptive
Épilepsie 10
Qualité de vie et conséquences sociales tardives 10 L’incidence des ischémies cérébrales augmente avec l’âge, y
Grossesses ultérieures 10 compris chez le sujet jeune, où la plupart des patients ont entre
■
40 et 45 ans [3, 4] . Leur incidence est de 3 à 23 nouveaux cas par an
Traitements 10
pour 100 000 habitants [3, 5–9] . Cette incidence est plus élevée chez
■ Conclusion 10 les hommes [3] , les sujets noirs ou hispaniques [7] et dans les pays
non industrialisés [10, 11] .
EMC - Neurologie 1
Volume 9 > n◦ 3 > juillet 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(12)57603-7
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Examen du fond d’œil (CRP), le bilan de coagulation (temps de Quick, temps de cépha-
line activé [TCA], fibrinogène), la troponine, le bilan lipidique à
Il permet d’identifier le cas échéant une rétinopathie hyper-
jeun (triglycérides, cholestérol total, high density lipoprotein [HDL]
tensive, des embolies de cholestérol, une rétinite périvasculaire
et low density lipoprotein [LDL]), la fonction rénale, le bilan hépa-
(syndrome d’Eales), des ischémies rétiniennes multiples (syn-
tique. Les beta-human chorionic gonadotrophin (ß-hCG) sont dosées
drome de Susac), des plaques multifocales jaunâtres rétiniennes
chez toutes les femmes.
(épithéliomatose pigmentaire en plaques multifocales posté-
En seconde intention, d’autres examens peuvent être néces-
rieures et aiguës) ou des tortuosités artérielles rétiniennes
saires en fonction du contexte clinique et des premiers résultats
(pathologies liées au gène COL4A1).
biologiques. Le dosage de l’hémoglobine glyquée est réalisé chez
les patients diabétiques, et des hémocultures en cas de fièvre. Une
Bilan biologique ponction lombaire doit être réalisée lorsqu’une étiologie infec-
tieuse ou inflammatoire est suspectée. En fonction de l’exposition
Le bilan biologique de base nécessaire dans toute ischémie céré- aux risques, les sérologies du virus de l’immunodéficience
brale comprend la formule sanguine, la numération plaquettaire, humaine (VIH) et syphilitique sont proposées. Un bilan immu-
la glycémie à jeun, le bilan électrolytique, la C reactive protein nologique est réalisé sur des arguments cliniques ou biologiques
2 EMC - Neurologie
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d’orientation (dosage des anticorps antinucléaires, complément, cardiopathie considéré comme emboligène [4, 21, 22, 24, 31] . En effet,
facteur rhumatoïde, cryoglobulines, électrophorèse des protéines l’imputabilité de certaines étiologies cardioemboliques comme
sanguines et urinaires, immunoélectrophorèse des protéines l’association FOP-anévrisme du septum interauriculaire (ASIA) et
sériques, anticorps anti-SSA, anticorps anti-SSB, anticorps anti- le prolapsus mitral est discutée.
Sm, anticorps anticytoplasme des polynucléaires (c-ANCA et Les principales causes cardiaques d’ischémie cérébrale du sujet
p-ANCA), enzyme de conversion de l’angiotensine, sérologies jeune sont présentées. Certaines nécessitent une mention parti-
des hépatites B et C, VIH et sérologie Borrelia burgdorferi). Le culière.
dosage des D-dimères est effectué pour rechercher une coagu-
lation intravasculaire disséminée (CIVD) ou une néoplasie. La
recherche d’un syndrome des antiphospholipides (SAP) repose
sur la recherche d’anticorps anticardiolipine, d’anticoagulant
circulant lupique et d’anticorps anti-ß2-glycoprotéine 1 (GP1).
“ Point fort
Le diagnostic de SAP n’est définitivement retenu qu’après une
Principales causes cardiaques d’ischémie cérébrale
deuxième analyse à 12 semaines du premier diagnostic biolo-
du sujet jeune
gique. L’électrophorèse de l’hémoglobine est réalisée devant des
• Cardiopathies à haut risque embolique
facteurs ethniques prédisposants ou des anomalies biologiques
évocatrices [17] . ◦ fibrillation auriculaire sur cardiopathie, ou avec fac-
Il n’y a pas d’indication à réaliser de manière systématique un teur de risque vasculaire, ou en présence d’un
bilan de thrombophilie constitutionnelle (protéine C, protéine S, antécédent embolique
antithrombine III, mutation prothrombine et mutation Leiden du ◦ rétrécissement mitral
facteur V), sauf en cas d’antécédent personnel ou familial throm- ◦ prothèse valvulaire mécanique
botique artériel ou veineux ou d’avortements spontanés, ou en ◦ endocardite bactérienne
cas de foramen ovale perméable (FOP) [18] . ◦ endocardite marastique
◦ thrombus intracavitaire
◦ infarctus du myocarde en phase aiguë
Étiologies ◦ anévrisme ventriculaire gauche ou zone d’hypo-
kinésie
Il existe de grandes différences dans la répartition des étiolo-
gies selon les pays et les centres [4, 8, 10, 11, 19–40] , d’autant plus que ◦ cardiomyopathies dilatées
ces études n’ont pas toutes utilisé la même classification diagnos- ◦ tumeurs intracardiaques (myxome, fibroélastome
tique, ni les mêmes examens paracliniques. Malgré un inventaire papillaire)
diagnostique approfondi, l’étiologie reste inconnue ou incertaine ◦ embolie paradoxale via un FOP ou une communica-
dans près d’un tiers des cas, ce chiffre allant de 10 % à 60 % des tion interauriculaire
cas pour les études ayant utilisé la classification Trial of Org 10172 ◦ cardiopathies congénitales cyanogènes
in Acute Stroke Treatment (TOAST) [4, 10, 21, 22, 24–26, 29–31, 33–35] . Toute- ◦ anévrisme du septum interauriculaire associé à un
fois, même dans des centres spécialisés, il arrive que la négativité FOP
du bilan étiologique soit expliquée par son caractère incomplet ◦ complication des cathétérismes et de la chirurgie car-
ou trop tardif.
diaque
Comme à tout âge, les causes d’ischémie cérébrale se
• Cardiopathies à moyen risque embolique
répartissent en complications de l’athérosclérose, cardiopathies
emboligènes, occlusions des petits vaisseaux intracérébraux, ◦ fibrillation auriculaire isolée sur cœur sain
autres causes identifiées et causes inconnues [41] . C’est la fréquence ◦ prolapsus valvulaire mitral
respective des différentes étiologies qui diffère du sujet plus âgé, ◦ calcification mitrale
avec une prédominance de « causes inconnues » et « d’autres ◦ bioprothèse valvulaire
causes identifiées » [30] . Dans les pays industrialisés, l’étiologie ◦ rétrécissement aortique
principale des ischémies cérébrales du sujet jeune est représen- ◦ bicuspidie aortique
tée par les dissections artérielles cervicales, mais la fréquence de ◦ excroissance de Lambl
l’athérosclérose des gros vaisseaux augmente après 40 ans [4, 31] . ◦ anévrisme du septum interauriculaire isolé
Dans les pays non industrialisés, les principales étiologies sont
◦ FOP isolé
les cardiopathies emboligènes, en particulier les valvulopathies
rhumatismales et les complications infectieuses.
EMC - Neurologie 3
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Myxome intracardiaque
C’est la plus fréquente des tumeurs intracardiaques primitives
(dix cas par million d’habitants) mais il reste une cause rare
d’ischémie cérébrale. Le siège habituel est l’oreillette gauche. Il
s’insère par un pédicule long sur le septum interauriculaire.
Il se manifeste la plupart du temps via trois mécanismes : une
obstruction valvulaire (dyspnée d’effort ou positionnelle, souffle,
variations tensionnelles), des emboles systémiques de fragments
tumoraux (périphériques ou cérébraux) ou des signes généraux
(asthénie, amaigrissement, fièvre, syndrome inflammatoire) [47] .
Certains sont asymptomatiques au plan cardiaque et révélés par
une ischémie cérébrale. La présence d’une lentiginose faciale
(macules de couleur marron ou noire au niveau des paupières ou
des lèvres) chez un patient ayant une ischémie cérébrale doit faire
rechercher une association possible au myxome cardiaque dans le
Figure 1. Échographie transœsophagienne mettant en évidence un cadre du syndrome de Carney. Il s’agit d’une affection rare, auto-
foramen ovale perméable et un anévrisme du septum interauriculaire. somale dominante associant une lentiginose, des myxomes et une
hyperactivité endocrinienne.
les deux oreillettes, qui devient fonctionnelle en cas d’inversion
du gradient de pression (embolie pulmonaire, manœuvre de Val-
Fibroélastome papillaire
salva). Le diagnostic de FOP se fait sur l’échocardiographie (Fig. 1), C’est la deuxième cause de tumeur cardiaque après le myxome
idéalement transœsophagienne, ou un Doppler transcrânien avec de l’oreillette. Il s’agit d’une tumeur bénigne de l’endocarde, pédi-
épreuve de contraste intraveineux. Dans l’hypothèse d’une rela- culée et mobile, siégeant généralement sur une valve [48] .
tion de cause à effet, les mécanismes évoqués sont une embolie
paradoxale (nécessitant un thrombus veineux, une hypertension Cardiomyopathies du péripartum
artérielle pulmonaire par embolie pulmonaire et une ischémie
Elles sont exceptionnelles dans les pays industrialisés, de l’ordre
cérébrale sans autre cause identifiée), un thrombus au sein du
d’un cas pour 3 000 à 4 000 délivrances, mais sont plus fréquentes
FOP (hypothèse la plus probable mais rarement prouvée en pra-
dans les pays non industrialisés. La présentation clinique est une
tique), un trouble du rythme paroxystique ou une association à
insuffisance cardiaque dilatée survenant lors du dernier mois de
une autre cause d’infarctus non encore identifiée. Ces mécanismes
grossesse et jusqu’au cinquième mois de post-partum, en l’absence
sont encore débattus et de par sa fréquence élevée en popula-
d’autre pathologie cardiaque et pouvant se compliquer d’une
tion générale, il faut considérer que la présence d’un tiers des FOP
embolie cérébrale dans 5 % des cas. Les facteurs de risque retrouvés
découvert dans le bilan d’AVC cryptogénique est dû au hasard [43]
sont la multiparité, un âge maternel élevé, les grossesses multiples,
et ne bénéficierait donc pas de sa fermeture. La présence d’un FOP
la prééclampsie et l’hypertension gravidique. Cette affection est
isolé est une constatation assez banale en pratique et le risque de
multifactorielle et s’accompagne d’une mortalité élevée. Elle peut
récidive est identique à celui des patients n’ayant pas de FOP [44] .
récidiver lors de grossesses ultérieures [49] .
Un antiagrégant plaquettaire est recommandé après une ischémie
cérébrale chez les patients avec un FOP isolé.
Occlusions des petits vaisseaux perforants
Anévrisme du septum interauriculaire
intracérébraux
C’est une protrusion du septum interauriculaire dans l’une ou
l’autre oreillette, rare en l’absence de FOP, estimée à 2 % à 3 % Les infarctus lacunaires sont de petites cavités se développant
de la population. Les critères de diagnostic sont, en échographie après résorption d’un infarctus de petite taille (< 15 mm) situées
transœsophagienne, une excursion d’au moins 10 mm durant le dans la substance blanche ou les noyaux gris centraux, consécu-
cycle cardiaque, et une base d’implantation d’au moins 15 mm. tives à l’occlusion d’une artère perforante de petit calibre (50 à
Les ASIA sont plus fréquents chez les sujets jeunes ayant présenté 400 m). Ces artères perforantes terminales, dépourvues de col-
une ischémie cérébrale de cause inconnue [43] , mais la présence latérales, sont particulièrement sensibles à l’ischémie. Certaines
d’un ASIA n’est pas un marqueur d’un risque augmenté de réci- présentations (hémiplégie motrice pure, hémisyndrome sensitif
dive [44] . Un trouble du rythme ou une thrombose dans l’ASIA sont pur, hémiplégie ataxique ou hémiplégie sensitivomotrice) sont
les deux mécanismes les plus probables d’ischémie cérébrale. évocatrices d’infarctus lacunaires, mais elles ne sont pas spé-
cifiques. Leur pronostic immédiat est bon, mais le risque de
Association foramen ovale perméable démence est élevé à long terme [50] .
et anévrisme du septum interauriculaire (Fig. 1)
Lipohyalinose des artères perforantes
Chez des sujets de moins de 55 ans ayant présenté une ischémie
cérébrale de cause inconnue, elle présentait un risque plus élevé de L’hypertension artérielle en est le principal facteur de risque
récidive sous antiagrégant plaquettaire dans une seule étude [45] . avec le diabète, mais cette pathologie est exceptionnelle avant
Toutefois, il n’y a pas suffisamment de preuves actuellement 45 ans. Il apparaît un épaississement progressif de la média par
pour recommander la fermeture du FOP. Les mesures préven- lipohyalinose, source de rupture (hémorragies profondes) ou
tives telles que l’antiagrégation plaquettaire, l’anticoagulation ou d’oblitération (infarctus lacunaires).
la fermeture du FOP sont actuellement évaluées dans des essais
randomisés. « Cerebral autosomal dominant arteriopathy with
subcortical infarcts and leukoencephalopathy »
Prolapsus de la valve mitrale C’est une affection des petits vaisseaux intracérébraux, iden-
C’est une protrusion d’une ou de deux valves mitrales dans tifiée sur des critères cliniques, IRM et génétiques. Elle est due
l’oreillette gauche. Il se rencontre dans 2 % à 6 % de la popu- à une mutation du gène Notch3 sur le chromosome 19 entraî-
lation [46] mais ses critères de diagnostic sont imprécis et sa nant une accumulation dans la paroi de petits vaisseaux d’une
4 EMC - Neurologie
Accidents ischémiques cérébraux du sujet jeune 17-046-B-13
substance encore inconnue aboutissant à des occlusions arté- fréquente de dissections simultanées de plusieurs artères cervi-
rielles. Elle serait responsable de 11 % des infarctus lacunaires cales chez un même individu [55] . Les récidives sont rares et dans
du sujet de moins de 50 ans. Le phénotype clinique varie selon l’ensemble, les dissections artérielles cervicales sont bénignes une
les familles atteintes mais cinq symptômes principaux sont ren- fois passée la phase aiguë. Les méthodes non invasives de diagnos-
contrés : une migraine avec aura, des infarctus sous-corticaux tic et de suivi, comme l’échodoppler cervical et l’ARM, permettent
lacunaires récidivants, des troubles de l’humeur, une apathie et la mise en évidence de l’hématome de la paroi artérielle, élément
des troubles cognitifs. Il entraîne progressivement une démence pathognomonique du diagnostic [56] .
avec paralysie pseudobulbaire. Les premiers signes surviennent Le mécanisme de l’infarctus est embolique, c’est pourquoi un
pendant la troisième décennie, et le décès survient généralement traitement par anticoagulant est le plus souvent prescrit en pra-
vers 50 ans [51] . Les anomalies de la substance blanche sont tou- tique, même si cela ne repose pas sur des données issues d’essais
jours sévères et associées à des lacunes : elles sont la marque randomisés. La thrombolyse intraveineuse est indiquée chez ces
de l’affection et peuvent être présentes en IRM bien avant les patients même s’ils semblent avoir un plus mauvais pronostic
premiers symptômes cliniques. L’atteinte de la capsule externe fonctionnel que les patients n’ayant pas de DAC.
et de la partie antérieure du lobe temporal est très évocatrice.
D’autres anomalies sont également fréquemment rencontrées Dissections intracrâniennes
comme des dilatations des espaces périventriculaires et des micro- Elles sont beaucoup plus rares que les dissections cervicales et
saignements. surtout d’un diagnostic plus difficile. Elles se rencontrent plus
chez l’enfant et se manifestent par une ischémie cérébrale de mau-
Pathologies liées au gène COL4A1 vais pronostic. Elles exposent au risque d’hémorragie méningée, à
Elles ont été récemment décrites. COL4A1 est un gène qui code cause de l’absence de limitante élastique externe d’une part et de
la sous-unité alpha 1 du collagène de type 4, qui compose les mem- couches musculaires et adventitielles plus fines qu’en extracrânien
branes basales de nombreux tissus dont l’endothélium vasculaire, d’autre part. Certains centres pratiquent une ponction lombaire
l’épithélium de la cornée, la conjonctive de l’œil, les glomérules systématique pour la rechercher. Les anticoagulants sont habituel-
et les tubules rénaux. Des mutations du gène COL4A1 ont été lement contre-indiqués.
identifiées, avec une transmission autosomique dominante. Elles
peuvent être symptomatiques ou totalement asymptomatiques, et Artériopathies radiques
l’âge de début des manifestations cliniques est très variable, allant Elles sont rarement des complications de la radiothérapie de
de la période fœtale jusqu’à l’âge adulte. Le spectre clinique inclut cancer des voies aérodigestives supérieures, mais de lymphomes.
une maladie des petites artères de sévérité variable parfois associée Il existe une radiodermite et les rayons interviennent comme fac-
à des anévrismes cérébraux, des dolichoartères et une poren- teur local d’athérome. Les lésions touchent aussi des territoires
céphalie ; des atteintes ophtalmiques (tortuosités rétiniennes et habituellement respectés par l’athérome (carotide primitive ou
anomalies d’Axenfeld-Rieger : cataracte congénitale, microcornée, externe).
décollement de rétine, excavation du nerf optique et hypertension
intraoculaire) et rénales (insuffisance rénale, crampes musculaires, Dysplasie fibromusculaire (DFM)
syndrome de Raynaud et arythmies cardiaques) [52] . On distingue Elle regroupe des pathologies artérielles non athéromateuses et
trois phénotypes différents : non inflammatoires, multifocales mais touchant essentiellement
• la porencéphalie familiale autosomique dominante ; les artères rénales et cervicocéphaliques. C’est une pathologie rare,
• la maladie des petites artères avec hémorragie autosomique touchant plus souvent des femmes de plus de 40 ans. La physio-
dominante ; pathologie est mal connue mais différents facteurs hormonaux,
• le syndrome hereditary angiopathy with nephropathy, aneurysm, mécaniques ou génétiques, ont été évoqués. Dans 80 % des cas, il
and muscle cramps (HANAC) [53] . s’agit d’une atteinte de la média et l’aspect est celui d’un « collier
La plupart des lésions vasculaires siègent dans le territoire de perles » ou d’une « pile d’assiettes » traduisant les sténoses
profond (noyaux gris centraux, substance blanche) associées à multifocales. La DFM cervicoencéphalique expose sans doute à
une leucoencéphalopathie diffuse périventriculaire, et parfois à un risque très faible d’ischémie cérébrale, sauf quand elle fait le lit
des microhémorragies et/ou des espaces périvasculaires dilatés d’une dissection artérielle ou peut être associée à des anévrismes
(Virchow-Robin) témoignant d’une microangiopathie cérébrale cérébraux exposant à un risque d’hémorragie méningée. Dans de
diffuse. nombreux cas, il s’agit d’une découverte fortuite et en présence
d’une ischémie cérébrale, l’imputabilité est douteuse. Elle peut
Vasculopathies rétiniennes autosomiques être isolée ou associée à d’autres localisations, en particulier aux
dominantes avec leucodystrophie artères rénales, et est parfois associée à une phacomatose, telle
Elles sont associées avec des mutations du gène TREX 1. Le la maladie de Recklinghausen, ou un hamartome (nævus épider-
phénotype peut comporter une expression neurologique avec des mique), ou une maladie du tissu élastique (Ehlers-Danlos type IV,
symptômes psychiatriques, cognitifs, des infarctus sous-corticaux maladie de Marfan, pseudoxanthome élastique). L’atteinte rénale
et une leucoencéphalopathie, ainsi que des symptômes ophtal- peut se compliquer d’une hypertension artérielle rénovasculaire
mologiques avec une baisse d’acuité visuelle en rapport avec une et doit être recherchée [57] .
vasculopathie rétinienne ou rénale inconstante et le plus souvent
discrète [54] . Syndrome moya-moya
C’est une vasculopathie provoquant une sténose progressive
de l’artère carotide interne intracrânienne et de ses branches
Autres causes identifiées proximales (artères cérébrales antérieure et moyenne), asso-
ciée au développement d’un réseau d’artères collatérales. Elle
Pathologies artérielles
est responsable de deux types de symptômes : des manifesta-
Dissections des artères cervicales (DAC) tions secondaires à une ischémie cérébrale (infarctus, accident
Elles sont la première cause d’ischémie cérébrale du sujet ischémique transitoire ou crise convulsive) ou aux mécanismes
jeune dans les pays industrialisés, depuis la quasi-disparition des compensateurs de l’ischémie chronique (hémorragies des vais-
valvulopathies rhumatismales à cet âge. L’hypothèse pathophy- seaux collatéraux). Elle est reconnue sur une angiographie qui
siologique des DAC fait intervenir une altération intrinsèque révèle des télangiectasies profondes associées à une sténose serrée
préalable de la paroi artérielle en partie génétiquement déter- ou à une occlusion d’une ou des artères carotides intracrâniennes
minée, favorisée par un facteur environnemental infectieux ou au niveau de leur bifurcation.
traumatique. En faveur d’une altération préalable de la paroi arté- On distingue la maladie moya-moya lorsqu’elle est isolée, du
rielle plaident l’association à des maladies héréditaires du tissu syndrome moya-moya qui est associé à de multiples pathologies :
conjonctif, en particulier la malade d’Ehlers-Danlos de type IV, drépanocytose, neurofibromatose de type 1, radiothérapie, vascu-
des anévrismes intracrâniens, les formes familiales et la survenue larite postinfectieuse, trisomie 21 [58, 59] .
EMC - Neurologie 5
17-046-B-13 Accidents ischémiques cérébraux du sujet jeune
“ Point fort cellules géantes, non infectieuses, limitées aux artères lep-
toméningées et cérébrales, sans affection systémique [65, 66] .
L’incidence est très faible (0,5 cas par an par million
Principales causes d’angéites cérébrales [61] d’habitants). Elles touchent les deux sexes, vers 40 ans, et
• Angéites primitives débutent souvent par des céphalées précédant les signes focaux.
Les déficits neurologiques se répètent de façon subaiguë, sont
◦ Gros vaisseaux constitués ou transitoires et sont en rapport avec des infarc-
– Maladie de Horton tus de petite taille, dont certains sont corticaux et peuvent
– Maladie de Takayasu s’accompagner d’hémorragies. Des crises convulsives sont fré-
◦ Vaisseaux de taille moyenne quentes, ainsi que des paralysies de nerfs crâniens. Une fièvre
– Périartérite noueuse est possible. L’évolution vers une démence est habituelle. Il
– Maladie de Kawasaki n’y a pas toujours de syndrome inflammatoire biologique et
– Maladie de Buerger il n’y a pas de marqueur biologique. Le liquide cérébrospi-
◦ Petits vaisseaux nal (LCS) peut être normal mais il est plus fréquent qu’il
– Vascularites associées à la présence d’ANCA : Churg mette en évidence une hypercytose lymphocytaire, voire des
bandes oligoclonales. L’imagerie cérébrale peut suggérer le
et Strauss, Wegener, polyangéite microscopique
diagnostic d’angéite face à des infarctus de petite taille dans
– Vascularites associées à des dépôts de complexes des territoires vasculaires différents. L’imagerie artérielle n’est
immuns pas spécifique et met en évidence des rétrécissements arté-
◦ Autres riels diffus en « chapelet de saucisses » avec parfois alternances
– Maladie de Behçet de dilatations et de sténoses sur les artères intracrâniennes
– Angéites primitives du système nerveux central extracérébrales. Le diagnostic de certitude repose sur la biopsie
(SNC) leptoméningée orientée par l’artériographie, car le prélève-
• Angéites secondaires ment d’un vaisseau sain expose à une biopsie négative.
◦ Associées aux collagénoses : lupus érythémateux Le pronostic est sévère et la mortalité élevée. Une straté-
disséminé, syndrome de Gougerot-Sjögren, scléro- gie associant corticoïdes et éventuellement cyclophosphamide
en phase d’induction puis un traitement immunosuppres-
dermie, polyarthrite rhumatoïde
seur en phase d’entretien pendant au moins 1 an après la
◦ Associées aux maladies inflammatoires systémiques : rémission a permis une évolution favorable chez quelques
sarcoïdose, maladie de Crohn ou néoplasies patients [66] .
◦ Maladie d’Eales Angéites secondaires.
◦ Épithéliomatose pigmentaire en plaques multifocales • Associées à des collagénoses : lupus érythémateux aigu
postérieures et aiguës disséminé, syndrome de Gougerot-Sjögren, sclérodermies,
◦ Papulomatose maligne atrophiante (maladie de polyarthrite rhumatoïde.
Degos) • Associées à d’autres maladies inflammatoires systémiques : sar-
◦ Syndrome de Susac coïdose, rectocolite hémorragique et maladie de Crohn ou à des
◦ Angéites infectieuses néoplasies (hémopathie ou tumeurs solides).
• La maladie d’Eales est la conséquence d’une angéite inflam-
matoire isolée aux vaisseaux rétiniens, mais des cas d’ischémie
cérébrale, d’imputabilité incertaine, ont été rapportés.
Angéite primitive. • L’épithéliomatose pigmentaire en plaques multifocales pos-
Gros vaisseaux. térieures et aiguës est une uvéonévraxite : l’atteinte oculaire
• La maladie de Horton ou artérite à cellule géante [62] . Les bilatérale peut exceptionnellement s’accompagner d’angéite
complications ischémiques sont rares et souvent dans le ter- cérébrale. Le tableau est celui d’une vision trouble survenant
ritoire vertébrobasilaire. après un épisode grippal, précédant l’ischémie cérébrale. Le
• La maladie de Takayasu est une artériopathie chronique inflam- diagnostic repose sur la mise en évidence de lésions au fond
matoire progressive de l’aorte et des artères brachiocéphaliques. d’œil et d’un LCS inflammatoire. Un traitement immunosup-
Elle a une prédilection pour les femmes de moins de 45 ans et est presseur est nécessaire.
plus fréquente chez les sujets asiatiques. Les infarctus cérébraux • La papulose maligne atrophiante (maladie de Degos) est une
peuvent être liés à une sténose progressive ou à une occlusion angéite systémique touchant toujours la peau (papulose atro-
de l’arc aortique et de l’origine des artères cervicales [63] . phiante) et dont la gravité est liée au risque d’atteinte de
Vaisseaux de taille moyenne. l’intestin (perforations) ou des vaisseaux cérébraux (angéite
• La périartérite noueuse est une vascularite nécrosante affectant inflammatoire).
souvent le muscle et le rein. L’artériographie peut montrer la • Le syndrome de Susac (ou syndrome small infarction of cochlear,
présence d’anévrismes associés qui sont évocateurs. retinal and encephalic tissue [SICRET]) associe une triade classique
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Traitements
Risques de récidive d’accident vasculaire
Les seules spécificités du traitement de la phase aiguë de l’AVC
cérébral et d’infarctus du myocarde du sujet jeune concernent la prise en charge de l’infarctus malin
Ils sont globalement faibles, mais varient selon la cause. Le avec l’hémicrâniectomie et le traitement des infarctus pendant la
risque moyen annuel de récidive d’infarctus cérébral est de 0,3 % grossesse.
à 1,7 % dans les séries hospitalières [22, 24, 29, 87] et de 1,1 % dans une • Au cours d’un infarctus malin, la constitution d’un œdème
étude de population [95] . Une DAC ou un bilan étiologique négatif expose à un risque de décès par engagement temporal de 80 %.
sont associés à un risque de récidive faible. Le risque de mortalité Aucun traitement médical n’a prouvé son efficacité pour dimi-
et celui de récidive sont augmentés par la présence de facteurs de nuer l’œdème ischémique, qui est maximal entre le deuxième
risque vasculaires [29, 87, 91, 95] . Le risque d’infarctus du myocarde est et le quatrième jour. Le risque de survenue d’un infarctus
environ de 1 % par an [87] . malin peut être prédit par des critères cliniques et radiolo-
giques (volume de diffusion > 145 cm3 ). Chez des patients de
moins de 60 ans, l’hémicrâniectomie décompressive, lorsqu’elle
Épilepsie est réalisée précocement (< 48 h) avant l’apparition des signes
d’engagement temporal, réduit de 50 % le nombre de décès et
Elle est en revanche plus fréquente, avec un risque de 6,6 % augmente d’environ un quart celui de patients survivant avec
après 3 ans, jusqu’à 10 % après 12 ans de suivi [22, 24] , débutant au un handicap modéré (score de Rankin modifié ≤ 3) [54] .
cours de la première année dans la plupart des cas. La survenue • Pendant la grossesse, le traitement dépend du risque de réci-
d’une épilepsie est associée à la mortalité à long terme dans une dive embolique. Si le risque est élevé (état d’hypercoagulation,
étude [95] . Dans l’étude FOP-ASIA, 2,4 % des patients de moins de pathologie cardioembolique à haut risque), une anticoagula-
55 ans ayant présenté un infarctus cérébral de cause inconnue ont tion est recommandée ; l’héparine (héparine non fractionnée
développé une épilepsie dont les deux tiers ont eu leur première ou héparine de bas poids moléculaire) au premier et au troi-
crise dans les 24 premières heures. Elle était plus fréquente chez les sième trimestre pouvant être relayée par des antivitamines K
sujets dépendants et en cas de lésion corticale. Le risque d’épilepsie pendant le deuxième trimestre. En l’absence de haut risque
tardive était de 5,5 % à 3 ans [97] . embolique, un traitement par héparine peut être introduit pen-
dant le premier trimestre, suivi d’une petite dose d’aspirine pour
le reste de la grossesse.
Qualité de vie et conséquences sociales
tardives
Le pronostic fonctionnel des ischémies cérébrales du sujet jeune Conclusion
est généralement favorable ; 50 % à 90 % des patients sont indé-
pendants [22, 24, 28, 29, 91] . Cependant, seulement la moitié des sujets Si les étiologies des ischémies cérébrales du sujet jeune sont
reprennent leur travail antérieur dont un tiers nécessitent un amé- multiples et le pronostic globalement bon, la recherche doit se
nagement de leur poste [22, 24, 28] . Le nombre de patients divorçant concentrer sur l’identification d’étiologies nouvelles, les modali-
pendant les 3 premières années est sans doute plus élevé que dans tés de réalisation du bilan étiologique et l’évaluation du risque de
la population générale. La survenue de troubles sexuels a été très récidive dans certaines étiologies rares, afin de préciser la stratégie
peu étudiée ; l’étude de Neau retrouve que 22 % des patients se thérapeutique la mieux adaptée.
plaignent de troubles sexuels, la plupart du temps d’une baisse
de la libido, indépendamment de leur sexe. Une fatigue est fré-
quemment rapportée même en l’absence de handicap résiduel [98] . Références
En l’absence d’évaluation systématique, il est difficile de savoir si
ces conséquences sociales et familiales sont en rapport avec des [1] World Health Organization, WHO. The global burden of disease: 2004
symptômes dépressifs ou des troubles cognitifs. En effet, 25 % à update. World Health Organization Report; 2008.
50 % des patients rapportent la survenue d’un syndrome dépres- [2] Ellis C. Stroke in young adults. Disabil Health J 2010;3:222–4.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Bodenant M, Leys D. Accidents ischémiques cérébraux du sujet jeune. EMC - Neurologie 2012;9(3):1-12
[Article 17-046-B-13].
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