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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 4-070-A-05

Cardiopathies congénitales
M Iselin

Introduction Fréquence et étiologie des cardiopathies


congénitales
Les cardiopathies congénitales sont les plus fréquentes des malformations
congénitales.
Fréquence
Il faut insister d’emblée sur le grand polymorphisme des malformations
cardiaques : on regroupe sous ce vocable des anomalies mineures (petits L’incidence de 7 à 8 pour 1 000 naissances est généralement retenue, ce qui
défauts septaux, anomalies valvulaires...) qui n’ont aucune conséquence place les cardiopathies au premier rang des malformations congénitales [3].
fonctionnelle sur la vie des patients. Ces maladies bénignes sont Cette prévalence correspond à 40 % de toutes les malformations fœtales. Les
heureusement les plus fréquentes. À l’opposé, il existe des malformations cardiopathies congénitales sont la cause de 50 % des décès en France de
complexes et gravissimes (hypoplasie ou atrésie d’un vaisseau, d’un toutes les malformations congénitales.
ventricule ou d’une valve...) incompatibles avec une survie prolongée et
qui nécessitent des traitements multiples, le plus souvent de type palliatif. Variétés
Enfin, certaines malformations sont graves et mettent en jeu le pronostic
vital mais peuvent à présent être réparées chirurgicalement de façon très Les cardiopathies congénitales sont caractérisées par leur grand
satisfaisante. polymorphisme. La plupart sont bénignes, comportant soit un défaut septal
Cette grande diversité de malformations oblige à recourir à une classification : de petite taille (communication interauriculaire [CIA], communication
classification anatomique ou plus exactement segmentaire, c’est-à-dire intraventriculaire [CIV]), soit une malformation valvulaire isolée
réalisant une description précise de chacun des éléments de l’anatomie (rétrécissement aortique ou pulmonaire). Certaines guérissent spontanément
cardiaque ainsi que leurs rapports respectifs, y compris avec les viscères ou après un traitement chirurgical. Ces cardiopathies pourraient être
avoisinants ; classification physiopathologique, plus souvent utilisée et basée qualifiées de « simples ».
sur les perturbations hémodynamiques créées par les malformations Au contraire, d’autres sont qualifiées de « complexes » car s’accompagnant
(cardiopathies avec shunt gauche-droite ; cardiopathies par obstacle à de bouleversements importants de l’architecture cardiaque. Très
l’éjection ou au remplissage ventriculaire ; cardiopathies cyanogènes ; schématiquement, les lésions rencontrées sont :
cardiopathies complexes). – une atrésie ou hypoplasie d’un ventricule et de sa valve
Des notions élémentaires d’embryologie cardiaque sont indispensables auriculoventriculaire : hypoplasie du cœur gauche, atrésie pulmonaire à
pour une bonne compréhension de l’anatomie pathologique des septum intact, atrésie tricuspidienne... ;
malformations cardiaques congénitales. La circulation cardiaque fœtale, – une atrésie ou hypoplasie d’un vaisseau : tronc artériel commun, atrésie
très différente sur le plan physiologique de la circulation adulte, rend pulmonaire avec CIV, tétralogie de Fallot... ;
compte de l’assez bonne tolérance de malformations cardiaques parfois – une anomalie grave du cloisonnement : canal atrioventriculaire, ventricule
très complexes et graves. Les modifications de l’hémodynamique en unique... ;
période néonatale vont bouleverser cet équilibre et être à l’origine des – une malposition des structures cardiaques : transposition des gros
manifestations d’intolérance. vaisseaux, discordance atrioventriculaire, maladie d’Ebstein... ;
L’imagerie radiologique joue un rôle fondamental dans le diagnostic de ces – une association de plusieurs de ces anomalies.
malformations. C’est l’échocardiographie, couplée au doppler, qui fournit les Toutes ces malformations sont graves : elles menacent le pronostic vital,
renseignements les plus précis et qui constitue l’examen clef pour l’analyse nécessitent une ou plusieurs interventions chirurgicales, entraînent parfois un
morphologique. Les techniques radiographiques (radiographie pulmonaire, handicap sévère.
angiocardiographie) apportent également des renseignements précieux.
L’imagerie par résonance magnétique nucléaire semble également être une
technique prometteuse. Étiologie
Le dernier volet de ce travail comprend une description des principales Si quelques facteurs étiologiques ont pu être étudiés de façon assez précise,
cardiopathies congénitales rencontrées en pratique courante avec leur les causes des cardiopathies congénitales restent obscures dans la plupart des
anatomopathologie, leur physiopathologie et les données de l’imagerie cas. Il est d’ailleurs probable que des mécanismes différents, survenant à
radiologique. différents stades de l’embryogenèse, président à des malformations aussi
variées que les malpositions, les troubles du cloisonnement cardiaque, les
anomalies d’évolution des arcs aortiques, etc [8].
La tendance qui prévaut actuellement est de considérer qu’environ 90 % des
malformations cardiaques sont le résultat de la combinaison de
Michel Iselin : Cardiologue,17, rue Jean-Romain, 14000 Caen, France. prédispositions génétiques et de facteurs d’environnement [12, 13, 14].
© Elsevier, Paris

Toute référence à cet article doit porter la mention : Iselin M. Cardiopathies congénitales.
Facteurs d’environnement
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Radiodiagnostic — Cœur-Poumon, 32-015-A-12,
Pédiatrie, 4-070-A-05,1999, 6 p.
C’est dans les 2 premiers mois de la gestation que leur action serait susceptible
d’entraîner une malformation [1].
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Tableau I.

Cardiopathies observées dans les principales aberrations chromosomiques (en %)


Aberration Fréquence de la cardiopathie Type de cardiopathie (par ordre de fréquence)

population générale 1 CIV, CA, CIA


trisomie 21 50 CAV, CIV, CIA, CA, TF
trisomie 18 100 CIV, CA, SP
trisomie 13 90 CIV, CA, Dx
Turner (XO) 35 CoA, CIA, SA
XXXXY 14 CA, CIA, CoA

Cardiopathies au cours des embryopathies

Agent Fréquence de la cardiopathie Type de cardiopathie (par ordre de fréquence)

toxiques
- alcool 25-50 CIA, CIV, CA
- amphétamines 5? CIV, CIA, TGV, CA
- hydantoïnes 2-3 SP, SA, CoA, SA
- triméthadione 15-30 TGV, TF, HCG
- lithium 10 Ebs, AT, CIA
- hormones sexuelles 2-4 CIV, TGV, TF
rubéole 35 SP, SPp, CA, CIV
maladies maternelles
- diabète 3 à 5* CoA, CIV, TGV
- lupus 40 BAV, FEE
- phénylcétonurie 10 TF, CIV, CIA

Cardiopathies observées dans quelques syndromes géniques

Maladie ou syndrome Hérédité Cardiopathie Fréquence des cardiopathies

Holt-Oram DA CIA, CIV, CoA 100


Noonan DA SP, CMH, CIV 55
Sclérose de Bourneville DA Rabdomyome 50
Apert DA SP, CIV 10
Carpenter RA CIA, CIV 3
LEOPARD DA SP 100
Ellis Van Creveld RA CIA TF 50

Fréquence de quelques cardiopathies et risque de récurrence dans la descendance (en %)

Cardiopathie Fréquence Risque de récurrence si père atteint Risque de récurrence si mère atteinte

CIA 0,13 1,5 4-4,5


CIV 0,37 2 6-10
CAV 0,03 1 14
SA 0,03 3 13-18
SP 0,07 2 4-6,5
CoA 0,05 2 4
* : variable selon l’équilibre glycémique pendant l’embryogenèse ; AT : atrésie tricuspide ; BAV : bloc auriculoventriculaire ; CA : canal artériel ; CAV : canal auriculoventriculaire ; CIA : communication interauriculaire ; CIV : communication
interventriculaire ; CMH : cardiomyopathie hypertrophique ; CoA : coarctation de l’aorte ; DA : autosomique dominant ; Dx : dextrocardie ; Ebs : maladie d’Ebstein ; FEE : fibroélastose endocardique ; HCG : hypoplasie du cœur gauche ; RA :
autosomique récessif ; SA : sténose aortique ; SP : sténose pulmonaire ; SPp : sténoses pulmonaires périphériques ; TF : tétralogie de Fallot ; TGV : transposition des gros vaisseaux.

Virus Hérédité
La rubéole congénitale peut provoquer persistance du canal artériel, sténose L’interaction entre des facteurs héréditaires et des facteurs d’environnement
pulmonaire, CIA ou CIV. Sa fréquence est en nette diminution avec les pourrait intervenir dans 90 % des malformations cardiaques. De nombreuses
campagnes de vaccination. Le rôle tératogène d’autres virus études montrent que le risque de récurrence des cardiopathies dans la
(Cytomégalovirus, Coxsackie) est vraisemblable mais non démontré. descendance des sujets atteints est supérieur à la fréquence des mêmes
malformations dans la population générale. Ce risque est plus élevé quand
Toxiques c’est la mère qui est atteinte [9, 17].
Un certain nombre de substances sont tératogènes si elles sont administrées On trouvera dans le tableau I des données plus précises sur le risque et la
pendant les premières semaines de la grossesse : antiépileptiques fréquence des cardiopathies [15].
(hydantoïne), triméthadione, isotrétinoïne, lithium. Avec le développement du diagnostic anténatal par l’échocardiographie, ces
Le rôle des œstroprogestatifs est discuté. Le syndrome d’alcoolisme fœtal notions sont importantes : analyse soigneuse de l’anatomie du cœur fœtal en
(dysmorphie, retard mental...) comporte, dans 30 % des cas, une cardiopathie. cas de grossesse à risques, de malformation extracardiaque, réalisation d’un
caryotype fœtal en cas de dépistage d’une cardiopathie [16]. Néanmoins, il faut
Affections maternelles savoir que près de 90 % des cardiopathies surviennent sans facteur favorisant.
L’existence d’un diabète maternel augmente de trois à cinq fois le risque de Le diagnostic anténatal nécessite une étude systématique « en routine » du
cardiopathie congénitale par rapport à la population générale. Il semble cœur fœtal effectuée lors de l’étude morphologique du deuxième semestre.
étroitement corrélé à la qualité de l’équilibre glycémique pendant la
conception et l’embryogenèse [5]. Rappel sur la circulation fœtale (fig 1A)
Le lupus érythémateux disséminé et les syndromes lupiques peuvent être
responsables de troubles de conduction intracardiaque ou d’atteinte Contrairement à la circulation de type adulte dite « en série » (le sang traverse
myocardique. Les patientes atteintes de phénylcétonurie doivent se d’abord la petite circulation puis la grande), la circulation fœtale est constituée
soumettre, avant la conception, à un régime pauvre en phénylalanine. de deux circuits parallèles en communication par deux shunts, le foramen
ovale et le canal artériel. Lorsque l’on parle de débit cardiaque fœtal, on se
Aberrations chromosomiques réfère habituellement à la somme des débits ventriculaires droit et gauche
La fréquence et le type de cardiopathie varient en fonction de la nature de (débit cardiaque combiné).
l’aberration. Les anomalies chromosomiques cliniquement patentes se La circulation pulmonaire n’est que très peu fonctionnelle : 5 à 7 % du débit
retrouvent chez 6 à 10 % des nouveau-nés atteints de malformations cardiaque fœtal. La perfusion du cœur gauche est essentiellement dépendante
cardiaques. Si l’on considère l’ensemble des enfants atteints d’anomalies du foramen ovale. Un gradient transauriculaire de 1 à 2 mmHg permet de
chromosomiques, la proportion de malformations cardiaques est de 33 %. maintenir perméable la valve du foramen ovale, celle-ci se refermant lors des
Elle est de près de 100 % dans la trisomie 18, de 40 % dans la trisomie 21 [2, 6]. systoles auriculaires.
Le ventricule droit se vide presque en totalité par le canal artériel dans l’aorte
Affections géniques descendante. Par son rôle de décompression du circuit pulmonaire, il
Les malformations cardiaques relevant d’affections monogéniques à influence le développement et la morphologie finale des artères pulmonaires.
transmission mendélienne autosomique ou gonosomique représentent Les pressions pulmonaires et aortiques sont égales.
environ 3 % des cardiopathies. Il apparaît fondamental de les reconnaître en Le ventricule gauche n’assure que l’irrigation du tiers supérieur du corps. Son
raison de leur risque de récurrence [18]. débit représente, avant terme, 30 à 35 % du débit cardiaque combiné.

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1 A. Schéma de la circulation fœtale. B. Segmentation et inflexion du tube cardiaque.


1. Veine cave supérieure ; 2. artère pulmonaire ; 3. foramen ovale ; 4. ventricule droit ; Le pointillé représente le péricarde pariétal. L’oreillette s’intègre progressivement à l’inté-
5. foie ; 6. canal veineux d’Arantius ; 7. veine cave inférieure ; 8. veines ombilicales ; rieur du péricarde. Le bulbe vient se placer en avant et à droite du ventricule primitif, réalisant
9. veine porte ; 10. placenta ; 11. artères ombilicales ; 12. isthme aortique ; 13. canal une « boucle bulboventriculaire droite » qui est la disposition anatomique normale. Les
artériel ; 14. oreillette gauche ; 15. ventricule gauche. flèches indiquent la rotation.
1. Aorte ventrale ; 2. bulbe ; 3. ventricule ; 4. oreillette ; 5. sinus veineux ; 6. cavité péricar-
dique ; 7. sillon bulboventriculaire.

En cas d’anomalie morphologique, la taille des cavités cardiaques et des fermeture spontanée d’une CIV, constitution d’une sténose sous-valvulaire
vaisseaux de la base est dépendante des flux intracardiaques. L’hypoplasie du aortique par développement d’un tissu fibreux dans la voie de chasse du
cœur gauche traduit probablement l’insuffisance de débit du foramen ovale. ventricule gauche, établissement d’une circulation collatérale en cas de
En cas d’anomalie d’un circuit, les shunts vont assurer une redistribution des coarctation de l’aorte isthmique, etc. Ces données sont, bien sûr, prises en
flux vers le circuit controlatéral avec pour corollaire un « remodelage » : ainsi, considération dans les indications thérapeutiques.
une déviation antérieure du septum infundibulaire entraîne une CIV par
mauvais alignement, un rétrécissement sous-pulmonaire avec pour
conséquence une petite artère pulmonaire et une dilatation de l’aorte ; à Éléments d’embryologie appliqués
l’opposé, la déviation de la même structure en arrière vers la région sous- aux cardiopathies congénitales
aortique provoque une CIV, un rétrécissement sous-aortique, une hypoplasie,
voire une interruption de l’arche aortique et une dilatation de l’artère
pulmonaire [19]. Formation et mise en place du tube cardiaque
Ceci peut expliquer la bonne tolérance in utero de cardiopathies graves : il L’ensemble de l’appareil cardiovasculaire, cœur et vaisseaux sanguins, ainsi
existe toujours une voie de dérivation. que les éléments figurés du sang, provient du mésoblaste. Les tubes
Cependant, les possibilités d’adaptation du myocarde fœtal à une surcharge cardiaques, initialement au nombre de deux, droite et gauche, se fusionnent
de débit ou de pression restent très limitées. Certaines cardiopathies peuvent au 22e jour pour former un tube cardiaque unique, légèrement infléchi,
provoquer une défaillance cardiaque létale in utero. constitué d’un revêtement interne endocardique et d’un manteau
myoépicardique [11].
Modifications circulatoires postnatales Au début, le cœur forme un tube rectiligne. L’ébauche cardiaque continue à
s’allonger et commence à s’infléchir. Au cours de cette inflexion, on voit
apparaître, sur toute sa longueur, un certain nombre d’expansions (fig 1B).
Chez le nouveau-né, la suppression de la circulation placentaire et le début de
la respiration pulmonaire entraînent des modifications brutales au sein du La portion auriculaire forme, par fusion de ses cavités droite et gauche, une
système vasculaire : obturation des veines et des artères ombilicales, du canal oreillette unique. La jonction auriculoventriculaire reste étroite et forme le
veineux d’Arantius, fermeture du canal artériel par contraction de sa paroi canal auriculoventriculaire qui met en communication la partie gauche de
musculaire (probablement sous l’effet d’une bradykinine libérée par le l’oreillette commune et le ventricule embryonnaire primitif. Le bulbe forme
poumon lors des premières inspirations), fermeture du foramen ovale la partie trabéculée du ventricule droit. Sa portion moyenne, appelée cône
(l’augmentation de pression dans l’oreillette gauche et la diminution dans artériel, forme l’infundibulum des deux ventricules. La partie distale du bulbe
l’oreillette droite appliquant le septum primum contre le septum secundum). donne le tronc artériel, représentant l’origine et la partie proximale de l’aorte
et de l’artère pulmonaire (fig 2) [7].
La circulation se fait « en série » : le sang traverse la petite circulation, puis la
grande. Une malformation bien tolérée pendant la vie fœtale devient
brutalement symptomatique, d’autant que les voies de dérivation ou de Cloisonnement du cœur
suppléance (canal artériel, foramen ovale) deviennent très vite insuffisantes.
Un des objectifs de la réanimation des cardiopathies à révélation précoce est Les cloisons cardiaques se forment essentiellement entre le 27e et le
de rétablir ces suppléances (agrandissement du foramen ovale par 32e jour, dates entre lesquelles la taille de l’embryon passe de 5 mm à environ
atrioseptostomie de Raschkind, dilatation du canal artériel par les 16 à 17 mm.
prostaglandines). Du fait de leur situation cruciale, les anomalies de ce cloisonnement cardiaque
L’abaissement des résistances pulmonaires permet, en cas de sont à l’origine de nombreuses malformations cardiaques. Il est dû au
communications anormales, l’établissement d’un shunt dont le débit s’accroît développement des bourrelets endocardiques dans le canal
progressivement dans les premières semaines de la vie et provoque auriculoventriculaire, dans la région du tronc et du cône artériel [4].
l’apparition de manifestations cliniques après un intervalle libre.
Cloisonnement de l’oreillette
Enfin, il faut souligner le caractère « évolutif » des malformations cardiaques
congénitales, surtout dans les premières années de la vie : restriction, voire Le septum primum, crête falciforme descendant du toit de l’oreillette, ne

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1 7 2 A. Coupe frontale d’un cœur d’embryon de


9 mm (environ 30 jours). Les oreillettes communi-
quent avec les ventricules par le canal atrioventri-
8 culaire, dont le cloisonnement et la formation des
2 valves auriculoventriculaires sont assurés par le
développement des bourrelets endocardiques.
9 Les bourrelets du tronc et du cône artériel réalisent
la division aorte-artère pulmonaire.
1 1. Renflement aortique ; 2. bourrelet aorticopulmo-
10 naire droit du tronc ; 3. bourrelet aorticopulmo-
3 naire droit du cœur ; 4. bourrelet endocardique
latéral droit ; 5. cloison interventriculaire ; 6. troi-
sième arc aortique ; 7. quatrième arc aortique ; 8.
sixième arc aortique ; 9. bourrelet aorticopulmo-
3 naire inférieur gauche du tronc ; 10. bourrelet aor-
ticopulmonaire ventral gauche du cœur ; 11. bour-
relet endocardique latéral gauche ; 12. bourrelet
endocardique inférieur.
11 B. La division aorte-artère pulmonaire subit une
torsion d’environ 150° qui explique l’enroulement
4 caractéristique des gros vaisseaux de la base du
4 cœur.
2
1. Aorte ; 2. ventricule droit ; 3. artère pulmonaire ;
12 4. ventricule gauche.
Flèches noires : sang artériel ; flèches grisées :
5 A B sang veineux.

Cloisonnement du canal atrioventriculaire


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Deux gros bourrelets endocardiques divisent le canal atrioventriculaire en un
7 canal droit (tricuspide) et un canal gauche (mitral). Ils participent également
à la constitution de la partie membraneuse de la cloison interventriculaire
2 8
ainsi qu’à la fermeture de l’ostium primum (fig 3).
9 L’absence de fusion de ces bourrelets détermine une cardiopathie grave : la
persistance du canal atrioventriculaire qui s’associe très fréquemment à la
1 trisomie 21.
5 Une fusion incomplète des bourrelets endocardiques du canal
3 10 atrioventriculaire réalise alors une CIA identique à la forme précédente mais
avec cloison interventriculaire fermée. Cette anomalie, appelée persistance
de l’ostium primum, est habituellement associée à une bifidité de la valve
4 11 antérieure de la mitrale et de la valve septale de la tricuspide.
L’atrésie tricuspidienne est due à une oblitération à un stade précoce de
l’orifice auriculoventriculaire droit. Elle est caractérisée par l’absence de
valve tricuspide et toujours associée à une CIA, une CIV et une atrophie du
Septum secundum ventricule droit.
Bourrelets endocardiques
Septum primum A Cloisonnement des ventricules
La cloison interventriculaire est composée d’une épaisse portion musculaire
et d’une mince portion membraneuse. Elle est formée par la fusion du
bourrelet endocardique auriculoventriculaire inférieur, du bourrelet
aorticopulmonaire droit, du bourrelet aorticopulmonaire gauche. L’absence
1 2 B de soudure entre ces éléments entraîne la persistance d’une CIV.
3 A. Cloisonnement cardiaque. La paroi postérieure de l’oreillette primitive s’épaissit
La forme la plus fréquente est l’agénésie du septum membraneux. Elle peut
dans un plan sagittal et se développe en avant sous la forme d’une cloison qui porte survenir à l’état isolé ou intéresser également la portion musculaire adjacente.
le nom de septum primum. Au cours de la septième semaine apparaît un nouvel Très fréquemment, en période néonatale, la fusion entre ces différents
épaississement, le septum secundum. Ces deux septa ne sont pas accolés et
laissent persister un orifice en « chicane » : le foramen ovale.
bourrelets est incomplète, laissant persister de petits defects dans la portion
1. Septum primum ; 2. ostium primum ; 3. ventricule primitif ; 4. septum inferius ; 5. musculaire du septum dont l’évolution se fait presque toujours vers la
bourrelets endocardiques ; 6. foramen ovale ; 7. oreillette droite ; 8. oreillette gau- guérison par fermeture spontanée en quelques semaines à quelques mois.
che ; 9. septum secondum ; 10. ventricule droit ; 11. ventricule gauche.
B. Évolution des bourgeons endocardiques du canal atrioventriculaire et formation Cloisonnement du tronc et du cône artériel
des valves tricuspides et mitrales.
1. Tricuspide ; 2. mitrale. La zone du tronc artériel est divisée par le septum spiral ou aorticopulmonaire
en aorte et artère pulmonaire. Les bourrelets aorticopulmonaires du cône
séparent les infundibulums aortique et pulmonaire et obturent la cloison
forme jamais une cloison complète. Il laisse persister un orifice, l’ostium interventriculaire.
primum, entre les deux oreillettes. Le septum secundum, qui se forme par la
Les anomalies de cette division sont nombreuses et sont à l’origine d’un
suite, demeure également incomplet. Ce n’est qu’à la naissance, au moment
groupe de malformations appelées anomalies conotroncales [10].
où la pression augmente dans l’oreillette gauche, que les deux septa
s’appliquent l’un contre l’autre, fermant ainsi la CIA (fig 3) [20]. La plus fréquente d’entre elles est la tétralogie de Fallot. Elle est due à une
division inégale du cône, consécutive à un déplacement en avant du septum
Les anomalies du cloisonnement des oreillettes sont parmi les plus fréquentes aorticopulmonaire. Il en résulte un rétrécissement à la sortie du ventricule
des cardiopathies congénitales. Elles sont deux fois plus fréquentes chez la droit appelé sténose infundibulaire pulmonaire et une large CIV avec
fille que chez le garçon. déplacement antérieur de la paroi aortique qui chevauche le septum
interventriculaire.
L’une des plus importantes est la persistance de l’ostium secundum. Cette
Le tronc artériel commun résulte de l’absence de cloisonnement du cône
cardiopathie, caractérisée par une large CIA, est due à une résorption
artériel. Un seul vaisseau sort du cœur donnant naissance à l’aorte, aux artères
excessive du septum primum ou à un développement insuffisant du septum
coronaires et aux artères pulmonaires. Il surplombe le septum
secundum. interventriculaire par une large communication toujours associée.
La plus grave des anomalies de ce groupe est l’agénésie complète de la cloison La transposition des gros vaisseaux survient lorsque le septum
qui réalise l’oreillette unique et est habituellement associée à d’autres aorticopulmonaire, dont le trajet est normalement spiralé, est rectiligne. Il en
malformations cardiaques. résulte un abouchement de l’aorte dans le ventricule droit et de l’artère

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19 5 Développement des gros troncs et du sinus veineux ; à gauche, vers 24 jours ; à droite,
vers 35 jours. Au-dessus, schéma en coupe transversale de la disposition des grosses
veines et de leur rapport avec l’oreillette. Au-dessous, vue postérieure du cœur.
20 La corne droite du sinus va se développer et donner les veines caves inférieures et
supérieures. Il ne subsiste de la corne gauche que le sinus coronaire.
1. Veines cardinales antérieures ; 2. veines cardinales postérieures ; 3. veines vitellines ;
4. veines ombilicales ; 5. jonction auriculosinusale ; 6. repli atriosinusal ; 7. veine vitelline
droite ; 8. bulbe ; 9. veine cardinale commune ; 10. veine ombilicale gauche ; 11. corne
gauche du sinus ; 12. ventricule gauche ; 13. corne droite du sinus ; 14. veine cave
inférieure ; 15. ventricule droit.
14 21

double crosse aortique. Elle forme un anneau vasculaire autour de la trachée


et de l’œsophage, entraînant souvent des troubles de compression.
4 Développement des troisième, quatrième et sixième arcs aortiques. Le quatrième arc L’artère sous-clavière droite rétroœsophagienne est une sous-clavière
droit forme la portion initiale de l’artère sous-clavière droite, le gauche, la portion de la crosse constituée aux dépens de la portion distale de l’aorte dorsale droite et de la
aortique placée entre la carotide et la sous-clavière gauche. L’artère innominée (ou tronc septième artère segmentaire. Le quatrième arc aortique droit et la partie
artériel brachiocéphalique) et l’aorte ascendante dérivent du sac aortique. proximale de l’aorte dorsale droite sont oblitérés. Le raccourcissement
1. Aorte ; 2. troisième arc ; 3. quatrième arc ; 4. sixième arc ; 5. artère pulmonaire primitive ;
6. aorte dorsale ; 7. artère pulmonaire principale ; 8. carotides internes ; 9. carotides ; ultérieur de l’aorte, entre l’origine de la carotide primitive gauche et de la
10. canal artériel ; 11. artère sous-clavière droite ; 12. carotides ; 13. artère innominée ; sous-clavière gauche, explique que cette sous-clavière droite anormale prenne
14. aorte thoracique ; 15. sous-clavière droite ; 16. artère pulmonaire droite ; 17. artère finalement naissance juste au-dessous de la sous-clavière gauche. Comme son
vertébrale ; 18. sous-clavière gauche ; 19. canal ; 20. artère pulmonaire gauche ; 21. aorte origine provient de l’aorte dorsale droite, elle doit croiser la ligne médiane en
thoracique.
arrière de l’œsophage pour atteindre le membre supérieur droit. Elle peut
pulmonaire dans le ventricule gauche. La transposition peut être isolée ou parfois entraîner une dysphagie ou une gêne respiratoire.
associée à d’autres malformations comme une CIV ou une sténose de la valve L’absence de crosse aortique est due à l’oblitération anormale du quatrième
pulmonaire. arc aortique gauche. Il s’y associe fréquemment une sous-clavière droite
Les malformations des valves sigmoïdes, aortiques et pulmonaires résultent d’origine anormale. Il existe un canal artériel largement ouvert, irriguant à
d’une fusion plus ou moins étendue des valvules semi-lunaires. partir de l’artère pulmonaire l’aorte descendante. Les carotides sont irriguées
par la portion initiale de l’aorte. Cette cardiopathie, appelée interruption de
Les formes graves de sténose pulmonaire réalisent une véritable atrésie de
l’orifice associée à une hypoplasie du tronc pulmonaire et surtout du l’arche aortique, s’associe fréquemment à une CIV ou à une fenêtre
ventricule droit. La persistance d’une CIA constitue alors la seule voie de aortopulmonaire [19].
passage du sang du cœur droit vers le cœur gauche. Le canal artériel persiste Enfin, la coarctation de l’aorte est l’anomalie la plus fréquente,
toujours et représente la seule voie d’accès vers la circulation pulmonaire. caractérisée par un rétrécissement marqué de la lumière aortique en aval
En cas de sténose valvulaire aortique, les valvules sont épaissies et peuvent de l’origine sous-clavière gauche. Le point de départ de la malformation
être fusionnées de façon si complète qu’il ne persiste plus qu’un orifice en serait une anomalie de la média, entraînant une prolifération secondaire
trou d’épingle. Toutefois, le calibre de l’aorte est habituellement normal. de l’intima. Lors de la fermeture du canal artériel se produit une véritable
constriction de la lumière aortique qui peut, si elle est brutale et rapide,
entraîner chez le nouveau-né une défaillance ventriculaire gauche aiguë.
Développement des vaisseaux Chez l’enfant plus grand, la tolérance est meilleure grâce aux possibilités
d’adaptation du ventricule gauche. Entre crosse de l’aorte et aorte
Artères descendante s’établit une circulation collatérale, empruntant les
Chaque arc branchial possède un arc aortique, mais la plupart des arcs intercostales et les mammaires internes, qui assurent l’irrigation sanguine
aortiques s’oblitèrent en totalité ou partiellement. Les arcs aortiques de la partie inférieure du corps.
importants sont l’arc de la crosse aortique (quatrième arc aortique gauche),
l’arc de l’artère pulmonaire (sixième arc) qui, au cours de la vie fœtale, est en Veines systémiques
communication avec l’aorte par le canal artériel, l’arc de l’artère sous-clavière
gauche. La sous-clavière droite est formée par le quatrième arc aortique droit, On reconnaît trois grands systèmes veineux embryonnaires : le système des
la portion distale de l’aorte dorsale droite et la septième artère veines vitellines qui donne le système porte ; le système des veines cardinales
intersegmentaire droite (fig 4). qui donne le système cave ; le système des veines ombilicales qui disparaît
après la naissance (fig 5).
Une crosse aortique droite est observée lorsque le quatrième arc aortique
gauche et l’aorte dorsale gauche sont remplacés par leurs homologues droits. Le système cave peut être le siège de nombreuses anomalies :
Parfois, le ligament artériel est situé à gauche et passe derrière l’œsophage. – veine cave inférieure double dans son segment lombaire ;
Lorsque l’aorte dorsale droite persiste entre l’origine de la septième artère – absence de veine cave inférieure : le courant sanguin de la partie caudale
intersegmentaire et sa réunion avec l’aorte dorsale gauche, on observe une du corps parvient au cœur par la grande veine azygos et la veine cave

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4-070-A-05 CARDIOPATHIES CONGÉNITALES Pédiatrie

supérieure ; les veines hépatiques s’abouchent dans l’oreillette droite à la Veines pulmonaires
place de la veine cave inférieure ; cette anomalie est habituellement associée
à d’autres malformations cardiaques ; Une petite portion de l’oreillette primitive émet une ébauche qui va à la
– la veine cave supérieure gauche est due à la persistance de la veine rencontre des veines pulmonaires, devenant ainsi l’oreillette gauche. Au
cardinale antérieure gauche et à l’oblitération de la veine cardinale commune, début, les veines pulmonaires issues du bourgeon pulmonaire sont donc sans
ainsi que de la partie proximale de la veine cardinale antérieure du côté droit ; rapport avec le cœur mais au contraire anastomosées avec les veines
cette veine cave supérieure gauche se jette dans le sinus coronaire et dans systémiques. Ces anastomoses doivent normalement disparaître. Lorsqu’elles
l’oreillette droite ; elle peut assurer, soit la totalité du drainage veineux de la persistent, elles sont à l’origine des anomalies du retour veineux pulmonaire,
partie supérieure du corps, soit s’associer à une veine cave supérieure droite. du cœur triatrial et des sténoses des veines pulmonaires.

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