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revue neurologique 164 (2008) 841–845

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Réunion commune de la SFN et de la SFNV 8–10 octobre 2008

Épilepsie et accident vasculaire cérébral


Epilepsy and stroke

C. Lamy
Service de neurologie, hôpital Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France

info article r é s u m é

Disponible sur Internet le Les lésions vasculaires cérébrales exposent à un risque accru de crise épileptique et
27 août 2008 d’épilepsie. Elles sont en cause dans au moins un tiers des épilepsies après 60 ans et
représentent ainsi la cause la plus fréquente d’épilepsie dans cette tranche d’âge, devant
Mots clés : les pathologies dégénératives, les tumeurs et les traumatismes crâniens. La fréquence des
Accident vasculaire cérébral crises épileptiques après un accident vasculaire cérébral (AVC) est d’environ 10 % ; une
Crise épileptique minorité de ces patients développe une véritable épilepsie post-AVC. On distingue habi-
Épilepsie tuellement les crises précoces, survenant dans les sept à 14 jours suivant l’AVC et les crises
tardives, qui surviennent en majorité dans la première année suivant l’AVC. Ces deux types
Keywords: de crises sont vraisemblablement sous-tendus par des mécanismes physiopathologiques
Stroke différents. De nombreux facteurs prédictifs de crises ont été identifiés, les plus significatifs
Seizure d’entre eux étant le type, le siège cortical de l’AVC. Les indications thérapeutiques et les
Epilepsy modalités du traitement restent débattues. Il est toutefois probable que la majorité des anti-
épileptiques de première génération ne soient pas les plus appropriés pour le traitement de
l’épilepsie post-AVC.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

abstract

Stroke is associated with an increased risk of subsequent seizures and epilepsy. Cerebro-
vascular lesions are the leading cause of epilepsy in the elderly, ahead of degenerative
disorders, brain tumors and head trauma, accounting for up to one-third of newly diagnosed
seizures in this population. The frequency of seizures in stroke victims varies from 5 to 20%,
but only a minority will develop epilepsy. Based on differences in their presumed patho-
physiology, seizures after stroke are usually divided into early and late seizures, according to
various definitions. Early seizures are usually defined as those occurring within one or two
weeks after stroke; late seizures usually occur within the first year after stroke. Several risk
factors of seizures have been identified; stroke subtype and cortical location being the best-
characterized predictors of seizure development. The optimal timing and type of anti-
epileptic treatment remain debated. Several findings suggest that the majority of first
generation anti-epileptic drugs are not the best choice in stroke patients.
# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Adresse e-mail : c.lamy@ch-sainte-anne.fr.


0035-3787/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.neurol.2008.07.006
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Les lésions vasculaires cérébrales exposent à un risque accru ans (Burn et al., 1997). Elle diffère toutefois en fonction du type
de crise épileptique et d’épilepsie, ayant quelques spécificités. et du siège de l’AVC.

1. Épidémiologie 2. Facteurs de risque des crises épileptiques

Les lésions vasculaires cérébrales sont responsables de plus De nombreuses études ont montré que la fréquence des crises
de 10 % des épilepsies de l’adulte et de 30 à 50 % des épilepsies précoces est plus élevée en cas d’hémorragie cérébrale (3 à
du sujet âgé. Dans des études de population récentes, le risque 19 %), de thrombose veineuse cérébrale (TVC) (12 à 34 %) ou
d’épilepsie était multiplié par 20 environ par rapport au risque d’hémorragie sous-arachnoı̈dienne (HSA) (4 à 18 %) que
de la population générale dans la même tranche d’âge (So d’infarctus (2 à 6 %) (Giroud et al., 1994 ; Burn et al., 1997 ;
et al., 1996 ; Burn et al., 1997). Bladin et Norris, 1998 ; Labovitz et al., 2001 ; Ferro et Pinto,
La prévalence des crises post-AVC est toutefois assez faible. 2004). Les crises épileptiques, partielles avec ou sans généra-
Elle varie dans les études les plus récentes entre 5 et 20 % des lisation secondaire sont un mode de révélation très fréquent
cas (en moyenne 10 %) ; des chiffres variant de 2 à 67 % ayant d’une TVC (environ 30 % des cas) (Ferro et Pinto, 2004).
été rapportés. Ces écarts s’expliquent en grande partie par des Le risque de crise tardive et d’épilepsie est aussi plus élevé
différences méthodologiques d’une étude à l’autre (Camilo et en cas d’hémorragie cérébrale ou d’HSA que d’infarctus
Goldstein, 2004 ; Ferro et Pinto, 2004 ; Ryvlin et al., 2006) : cérébral dans certaines séries (Burn et al., 1997), mais pas
dans toutes (Bladin et al., 2000). Le risque d’épilepsie après une
 étude prospective ou rétrospective ; TVC varie entre 5 et 27 % (Ferro et Pinto, 2004).
 nature et taille de la population ; La topographie corticale de l’infarctus est un des facteurs
 type d’AVC étudié ; définition et critères diagnostiques prédictifs de crise précoce le plus fréquemment identifié (So
utilisés ; et al., 1996 ; Burn et al., 1997 ; Bladin et al., 2000 ; Lamy et al.,
 inclusion ou non de patients ayant des antécédents 2003). Cette topographie était associée à un risque de crise
d’épilepsie ; multiplié par deux dans la série de Bladin et al., 2000. La
 durée de suivi ; prise en compte ou non des facteurs survenue de crises épileptiques a parfois été décrite en cas
favorisant les crises épileptiques. d’infarctus profond. Toutefois, l’existence d’une lésion corti-
cale de petite taille, non visible au scanner, ne pouvait être
La plupart des études différencient les crises précoces et exclue dans les études ayant utilisé le scanner (Burn et al.,
les crises tardives. Les crises précoces sont des crises 1997 ; Bladin et al., 2000). Des anomalies latéralisées à
symptomatiques d’une affection cérébrale aiguë et ne sont l’électroencéphalogramme (EEG) et à la scintigraphie cérébrale
pas synonymes de maladie épileptique. Il s’agit le plus de perfusion (Bladin et al., 2000) ont été observées chez des
souvent d’une crise unique ; la majorité d’entre elles patients ayant fait une crise épileptique précoce après un petit
surviennent pendant les 24 premières heures (Giroud et al., infarctus profond, suggérant effectivement l’existence d’une
1994 ; So et al., 1996 ; Burn et al., 1997 ; Bladin et al., 2000 ; lésion ou d’une dysfonction corticale chez ces patients (Camilo
Berges et al., 2000 ; Labovitz et al., 2001 ; Lamy et al., 2003). Leur et Goldstein, 2004). Le risque de crise épileptique précoce est
fréquence varie de 2 à 23 % selon les études (2 à 8 % dans les plus élevé en cas d’hémorragie de siège lobaire que d’hémor-
études prospectives récentes). Ces variations s’expliquent ragie profonde (Labovitz et al., 2001). Les facteurs de risque de
notamment par des définitions différentes du terme crise en cas de TVC sont l’existence de déficits focaux, de
« précoces », variant de 24–48 heures jusqu’à un mois après thrombose de veines corticales et de lésions parenchyma-
l’AVC (Silverman et al., 2002 ; Camilo et Goldstein, 2004 ; Ferro teuses à l’imagerie (Ferro et Pinto, 2004).
et Pinto, 2004 ; Ryvlin et al., 2006). Les critères proposés par la Le siège cortical de l’infarctus a été identifié comme un
Ligue internationale contre l’épilepsie sont calqués sur ceux facteur de risque de crises tardives ou d’épilepsie dans
qui définissent les crises post-traumatiques ; la période de certaines études seulement (Bladin et al., 2000 ; Lamy et al.,
survenue des crises dites précoces concerne les sept premiers 2003). Le rôle favorisant dans la genèse des crises d’ı̂lots de
jours après l’AVC. Cette distinction qui peut paraı̂tre arbi- cortex préservés au sein de la lésion ischémique a été
traire est importante car ces deux types de crises, précoces et évoqué.
tardives, correspondent vraisemblablement à des mécanis- D’autres facteurs de risque de crise épileptique précoces
mes physiopathologiques différents (Camilo et Goldstein, post-AVC ont été proposés mais de façon plus inconstante :
2004 ; Ferro et Pinto, 2004). sévérité de l’AVC ; infarctus de grande taille ; existence d’une
Les crises tardives sont observées dans plus de 80 % des cas transformation hémorragique. Quelques études ont fait état
dans les deux ans suivant l’AVC, en majorité durant la d’une plus grande fréquence de crises précoces dans les
première année, le risque étant maximal entre le sixième et le infarctus de mécanisme cardio-embolique, mais ce fait n’a été
douzième mois. Leur fréquence est estimée entre 3 et 15 % ; le confirmé par la suite (Bladin et al., 2000). La fréquence des
risque d’une 1ère crise tardive post-AVC est d’environ 1 à 4 % à crises post-AVC ne paraı̂t pas différente chez le sujet jeune de
un an, diminuant ensuite à environ 1 % par an (So et al., 1996 ; ce qu’elle est chez le sujet plus âgé (Ferro et Pinto, 2004). Enfin,
Burn et al., 1997 ; Berges et al., 2000 ; Labovitz et al., 2001 ; Lamy une étude a fait état d’un effet protecteur de l’hypercholesté-
et al., 2003). La fréquence des crises récurrentes (définissant rolémie sur la survenue de crises précoces post-AVC (Devuyst
une épilepsie) post-AVC est plus faible, évaluée entre 1 et 5 % et al., 2003). En cas d’hémorragie intracrânienne, la taille
pendant la première année suivant l’AVC, environ 5 % à cinq de l’hémorragie et la quantité de sang dans les espaces
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sous-arachnoı̈diens et les ventricules ne semblent pas être parfois d’allure clonique, atteignant le membre supérieur ou
prédictifs de crises (Bladin et al., 2000). inférieur, controlatéraux à une sténose serrée ou une occlu-
La survenue de crises précoces semble associée à un risque sion carotide. L’absence de troubles de conscience, de marche
accru de crise tardive (So et al., 1996 ; Lamy et al., 2003). Les épileptique, le lien avec la mise en orthostatisme, à l’inverse
autres facteurs de risque de crise tardive identifiés sont la l’arrêt en position allongée, la normalité de l’EEG pendant les
sévérité initiale de l’infarctus, les infarctus de grande taille, le symptômes et l’inefficacité des anti-épileptiques permettent
handicap (Camilo et Goldstein, 2004 ; Ferro et Pinto, 2004 ; d’affirmer le diagnostic (Ferro et Pinto, 2004).
Ryvlin et al., 2006), la survenue de récidive d’AVC (So et al., À l’inverse, des crises partielles dites « inhibitrices » avec
1996), une démence préexistante (Cordonnier et al., 2005). des signes purement déficitaires ont été rapportées (De Reuck
et al., 2006). Il s’agit d’épisodes brefs, récurrents d’aphasie, de
déficit sensitif et/ou moteur. Le caractère stéréotypé des
3. Séméiologie des crises épisodes, leur durée brève, la mise en évidence d’anomalies
paroxystiques controlatérales à l’EEG et l’efficacité du anti-
Tous les types de crises partielles peuvent être observés. épileptique permettent de les différencier d’un AIT.
L’analyse séméiologique précise des crises est en partie L’EEG est très souvent anormal à la phase aiguë d’un AVC.
limitée dans cette population par l’existence de déficits focaux Les anomalies les plus fréquentes sont des ralentissements
plus ou moins importants, pouvant comporter des troubles de focaux ; il peut s’agir aussi d’ondes lentes rythmiques,
vigilance et des troubles du langage et le caractère rétrospectif d’éléments aigus et de décharges épileptiformes périodiques
de certaines études. Les crises précoces sont le plus souvent latéralisées (PLED dans la littérature anglo-saxonne). Ces
partielles simples, souvent motrices, ou complexes (Camilo et différentes anomalies EEG ne sont pas spécifiques, y compris
Goldstein, 2004 ; Ferro et Pinto, 2004). Elles peuvent être les PLED qui sont souvent associées à des anomalies
secondairement généralisées ou paraı̂tre généralisées métaboliques. La valeur prédictive positive de ces anomalies
d’emblée, le début focal pouvant être méconnu. paroxystiques sur la survenue d’une crise post-AVC, qu’elle
Les AVC constituent une des causes principales d’états de soit précoce ou tardive, est considérée comme faible par la
mal épileptique (EME) chez l’adulte, représentant 20 et 30 % plupart des auteurs (Ferro and Pinto, 2004). L’existence
des cas. Il s’agit toutefois d’une complication rare ; sa d’anomalies paroxystiques à l’EEG après un AVC ne paraı̂t
prévalence était d’environ 1 % dans deux séries hospitalières donc pas un argument suffisant pour proposer un traitement
récentes de grande taille portant sur des patients hospitalisés anti-épileptique préventif. En revanche, l’EEG est indispen-
pour un premier AVC, ischémique ou hémorragique (Rumbach sable au diagnostic d’état de mal épileptique non convulsif et
et al., 2000 ; Velioglu et al., 2001). Les EME sont inauguraux (non doit être réalisé en urgence en cas de troubles de conscience ou
précédés de crises) dans environ la moitié des cas (Rumbach d’état confusionnel inexpliqués.
et al., 2000). Le risque d’EME ne semble pas influencé par le
type d’AVC, ischémique ou hémorragique ou sa cause
(Rumbach et al., 2000 ; Labovitz et al., 2001 ; Velioglu et al., 5. Physiopathologie
2001), mais serait accru en cas d’AVC invalidant (Velioglu et al.,
2001). La physiopathologie des crises épileptiques post-AVC n’est
Les EME sont le plus souvent partiels simples ou partiels pas parfaitement connue. Un certain nombre d’hypothèses
complexes, plus rarement partiels secondairement générali- ont toutefois été proposées, différenciant habituellement les
sés ou apparemment généralisés d’emblée. Les EME non crises tardives et les crises précoces (Silverman et al., 2002 ;
convulsifs seraient plus fréquents à la phase aiguë. Ils se Camilo et Goldstein, 2004 ; Ferro et Pinto, 2004).
manifestent essentiellement par des troubles de vigilance ; le À la phase aiguë de l’infarctus, l’hypoxie tissulaire
diagnostic risque donc d’être méconnu si un EEG n’est pas secondaire à la chute du débit sanguin cérébral, la libération
effectué. d’acides aminés excitotoxiques tels que le glutamate ; et
l’accumulation intracellulaire de calcium et de sodium
entraı̂nant une dépolarisation neuronale serait à l’origine
4. Diagnostic des crises (Silverman et al., 2002 ; Camilo et Goldstein, 2004 ;
Ferro et Pinto, 2004). Des décharges neuronales répétées
Le diagnostic d’une crise épileptique à la phase aiguë d’un AVC pourraient survenir au sein de réseaux de neurones survivants
peut s’avérer difficile en l’absence de témoins lorsqu’il existe exposés au glutamate. Une diminution de l’efficacité de
des troubles de vigilance ou du langage. l’inhibition GABAergique ayant pour conséquence une hyper-
Les crises partielles simples sont habituellement assez excitabilité corticale par le biais des récepteurs NMDA est
faciles à distinguer d’un accident ischémique transitoire (AIT) aussi évoquée. La zone de pénombre ischémique pourrait
au cours duquel les manifestations cliniques sont habituel- aussi jouer un rôle dans le déclenchement des crises. La
lement purement déficitaires et d’une durée plus longue fréquence peu élevée des crises précoces suggère que d’autre
(plusieurs minutes) que celle d’une crise épileptique (quelques facteurs que l’ischémie jouent un rôle déclenchant : facteurs
secondes à quelques minutes). Le limb shaking, qui est un locaux (lésions de reperfusion par reperméabilisation précoce)
phénomène moteur paroxystique non épileptique, lié à un bas ou généraux (hyperglycémie, sevrage médicamenteux, trou-
débit du territoire carotide controlatéral, peut être plus bles ioniques, acido-basiques, hypoxie secondaire à une
trompeur. Il s’agit de mouvements involontaires répétés, plus pneumopathie. . .). Le rôle de l’effet de masse, d’une ischémie
ou moins rythmiques, pouvant être de grande amplitude, associée et des produits de dégradation de l’hémoglobine est
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évoqué dans la genèse des crises secondaires à un AVC par un handicap résiduel mais son impact réel n’a pas n’a pas
hémorragique. été spécifiquement étudié.
Les crises tardives seraient liées à une organisation Le pronostic immédiat des EME post-AVC est assez sombre
« épileptogène » de la zone cicatricielle post-AVC. Les travaux avec une mortalité élevée variant entre 30 et 53 % des cas
expérimentaux suggèrent le rôle de modifications des pro- (Rumbach et al., 2000 ; Labovitz et al., 2001 ; Velioglu et al.,
priétés des membranes neuronales, de l’équilibre des neuro- 2001) et une majoration fréquente du déficit neurologique (15/
transmetteurs, de l’organisation de connexions et de réseaux 31 dans la série de Besançon), parfois irréversible (Rumbach
neuronaux pathologiques, anormalement excitables et hyper- et al., 2000).
synchronisés. Le rôle épileptogène des dépôts de fer est Les récidives d’EME post-AVC ne sont pas exceptionnelles
l’hypothèse la plus communément admise pour expliquer la (25 à 30 % des cas), surtout lorsqu’il s’agit d’EME précoces ; en
prévalence élevée des crises post-AVC hémorragique (Silver- revanche, la survenue d’un EME ne semble pas majorer le
man et al., 2002 ; Ferro et Pinto, 2004). risque d’épilepsie ultérieure (Rumbach et al., 2000 ; Velioglu
et al., 2001).

6. Pronostic
7. Traitement
L’impact des crises épileptiques post-AVC sur la mortalité et
l’évolution fonctionnelle reste débattu. Théoriquement, la Les indications du traitement anti-épileptique des crises
survenue d’une crise épileptique à la phase aiguë d’un AVC épileptiques post-AVC restent encore mal définies. En
peut aggraver les dysfonctionnements métaboliques déjà l’absence d’essais thérapeutiques randomisés de taille suffi-
existants et leur effet délétère sur le tissu cérébral vulnérable sante, la plupart des indications thérapeutiques reposent sur
(Camilo et Goldstein, 2004). Plusieurs études ont fait état des études observationnelles et des consensus professionnels
d’une mortalité accrue en cas de crise épileptique précoce (Ryvlin et al., 2006).
après un AVC. Dans la cohorte SAS (Bladin et al., 2000), la L’administration d’un traitement anti-épileptique préven-
survenue de crises précoces était associée à une mortalité tif à la phase aiguë d’un infarctus cérébral n’est actuellement
accrue et un pronostic fonctionnel plus sévère pour les pas recommandée. Pour les hémorragies cérébrales, bien qu’il
infarctus cérébraux seulement. D’autres études portant sur n’existe aucune preuve du bien-fondé de cette attitude, les
les hémorragies cérébrales ou les HSA (avec ou sans recommandations américaines considèrent la possibilité d’un
malformation vasculaire) ont montré une association entre traitement anti-épileptique préventif bref à la phase aiguë
crises épileptiques précoces et évolution neurologique plus d’une hémorragie lobaire. Une méta-analyse récente n’a pas
sévère (Butzkueven et al., 2000 ; Passero et al., 2002 ; Vespa montré de bénéfice d’un traitement anti-épileptique préventif
et al., 2003). Dans beaucoup d’études récentes toutefois, en cas de TVC (Kwan et Guenther, 2006).
incluant des études de population, après ajustement sur l’âge, En cas de crise, l’administration d’un traitement est
la sévérité et la taille de l’AVC, la survenue de crises précoces recommandée en prévention des récidives, aussi bien pour
n’était pas un facteur indépendant de mortalité ou d’aggra- les infarctus cérébraux que pour les hémorragies. Les facteurs
vation du handicap résiduel (Camilo et Goldstein, 2004 ; Ferro favorisants (sevrage médicamenteux, désordres métaboli-
et Pinto, 2004). ques, hypoxie. . .) doivent être recherchés et traités.
L’impact des crises tardives sur le pronostic fonctionnel Le rapport bénéfice/risque de la mise en route de ce
reste discuté. Des observations d’aggravation permanente du traitement dès la première crise et sa durée optimale restent
handicap neurologique, en l’absence de récidive d’AVC visible toutefois discutés (Ryvlin et al., 2006). Le bénéfice éventuel doit
à l’imagerie, ont été rapportées (Ferro et Pinto, 2004). Ces être mis en balance avec les effets secondaires éventuels du
aggravations permanentes sont toutefois rares ; leur physio- traitement anti-épileptique. Les seules données spécifiques
pathologie reste imparfaitement connue. Une aggravation proviennent d’une unique étude, rétrospective, portant sur de
transitoire du déficit neurologique, d’origine postcritique, est faibles effectifs. Le taux de patients libres de crises à deux ans
plus fréquemment observée (Berges et al., 2000). Plus était de 85 % dans le groupe traité (carbamazépine ; n = 24,
récemment, une association entre la survenue de crises acide valproı̈que ; n = 9 et phénytoı̈ne ; n = 2) versus 61 % dans
épileptiques récurrentes après un infarctus cérébral et un le groupe non traité ( p = 0,04). En revanche, le risque de crise
déclin cognitif a été rapportée ; toutefois, la majorité de ces était similaire après l’arrêt du traitement (Gilad et al., 2001).
patients recevaient un traitement anti-épileptique au moment Ces constations sont cohérentes avec les données recueillies
de l’évaluation cognitive pouvant jouer un rôle dans la genèse dans les crises post-traumatiques. Des études randomisées de
des troubles cognitifs (Ryvlin et al., 2006). grande taille ont permis de montrer que, si le traitement anti-
Le risque de récidive (et donc d’épilepsie) paraı̂t plus élevé épileptique était efficace dans la prévention des crises épilepti-
après une première crise tardive (54 à 66 %), qu’en cas de crise ques à la phase aiguë d’un traumatisme crânien, il ne diminuait
précoce (environ 30 %) (So et al., 1996 ; Burn et al., 1997 ; Bladin ni la mortalité ni le risque d’épilepsie ultérieure. Il n’avait pas
et al., 2000). Les récurrences de crises sont souvent peu non plus d’impact favorable sur l’évolution fonctionnelle
nombreuses et les épilepsies post-AVC pharmacorésistantes (Chadwick, 2000). En se basant sur ces résultats, il ne semble
semblent rares (Burn et al., 1997 ; Ryvlin et al., 2006). Les pas exister de bénéfice à un traitement anti-épileptique
données sur le pronostic à long terme sont cependant limitées. prolongé en cas de crise précoce post-AVC.
L’existence d’une épilepsie post-AVC est susceptible de Un traitement anti-épileptique au long cours est souvent
diminuer la qualité de vie des patients déjà souvent altérée prescrit dès la première crise tardive en raison du risque de
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récidive et du risque d’aggravation fonctionnelle lié aux crises. Bladin CF, Norris JW. Epilepsy and stroke. In: Ginsberg MD,
Toutefois, le risque de récidive n’est pas significativement Bogousslavsky J, editors. Cerebrovascular disease.
Pathophysiology, diagnosis and management. Malden:
différent de celui de la population générale après une première
Blackwell Science; 1998. p. 1119–25.
crise non traitée. La décision doit être prise de façon
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2005;76:1649–53.
p = 0,06) ; toutefois, les faibles effectifs ne permettaient pas
De Reuck J, De Groote L, Van Maele G. Delayed transient
d’atteindre la significativité. La tolérance était significative- worsening of neurological deficits after ischaemic stroke.
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traitement dans le groupe lamotrigine versus 31 % dans le Devuyst G, Karapanayiotides T, Hottinger I, Van Melle G,
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les plus appropriés pour le traitement des crises post-AVC, et patients with early postischemic stroke seizures: a
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incluant le risque d’interactions médicamenteuses, du risque
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