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Physiopathologie et étiopathogénie
de l’infarctus du myocarde
Physiopathology of myocardial infarction
H. Akoudad (Professeur assistant) a,
H. Benamer (Ancien chef de clinique des hôpitaux de Paris) b,*
a
Faculté de médecine et de pharmacie de Fès, Maroc, service de cardiologie, hôpital Bichat.
b
Service de cardiologie, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris ;
service de cardiologie, hôpital européen de la Roseraie, 93300 Aubervilliers, France.
MOTS CLÉS Résumé L’infarctus du myocarde est l’une des principales causes de morbi-mortalité
Infarctus ; dans les pays développés et ce malgré l’amélioration enregistrée ces dernières années
Épidémiologie ;
dans la prise en charge thérapeutique de cette urgence coronaire. Il correspond à une
Plaque vulnérable ;
nécrose myocytaire secondaire à une occlusion d’une artère coronaire. La principale
Thrombose ;
Anatomopathologie étiologie est représentée par la rupture ou l’érosion d’une plaque d’athérome vulnérable
compliquée d’un thrombus occlusif. Cette plaque est volontiers riche en lipides avec une
mince chape fibreuse. L’ampleur de l’événement thrombotique dépend de facteurs
locaux et systémiques. La connaissance des caractéristiques des plaques à risque consti-
tue l’une des avancées importantes dans la compréhension de la physiopathologie des
syndromes coronaires aigus.
© 2003 Publié par Elsevier SAS.
Abstract Myocardial infarction is the leading cause of death in developed nations despite
KEYWORDS of recent advances in the management of this disease. It is defined as the necrosis of
Myocardial infarction; cardiac tissue due to coronary artery occlusion. Rupture of atherosclerotic plaque
Epidemiology;
exposes its thrombogenic components, activates the clotting cascade and promotes
Vulnerable plaque;
Thrombosis; thrombus formation. The vulnerable plaque has a high lipid content and thin fibrous cap.
Pathology Progress in the treatment and prevention of myocardial infarction is dependant on a
greater understanding of the mechanisms of coronary plaque rupture. Thus, the challenge
of today is to identify and treat these dangerous vulnerable plaques responsible for the
acute coronary syndromes.
© 2003 Publié par Elsevier SAS.
dates marquantes dans le management de l’infarc- surviennent après l’âge de 74 ans.1 L’âge moyen de
tus du myocarde. survenue de l’infarctus est de 10 ans plus élevé
Le terme d’infarctus du myocarde regroupe l’en- chez la femme : 73 ans en moyenne contre 63 ans
semble des situations au cours desquelles il existe chez l’homme.4 Alors que la proportion de femmes
une nécrose myocytaire secondaire à une ischémie parmi les infarctus hospitalisés n’est que de 23 %
prolongée. La traduction biologique de cette né- avant 55 ans, elle augmente avec l’âge pour dépas-
crose est l’élévation des enzymes cardiaques, en ser 60 % après 75 ans.5
particulier les troponines (I ou T) qui a permis une
redéfinition de l’infarctus. Variabilité géographique
qui est constatée à Strasbourg et à Toulouse, mais tion du calibre coronaire liée aux sténoses athéro-
pas à Lille où elle reste stable.1 mateuses préexistantes. En fait, c’est probable-
ment l’association de ces deux phénomènes qui
Circonstances de survenue entraîne la rupture de la plaque athéromateuse.
D’autres paramètres, notamment biologiques, in-
Variations dans le temps de la fréquence fluencent très probablement cette variation nyc-
de l’infarctus du myocarde thémérale : l’augmentation matinale de l’agréga-
bilité et de l’adhésion plaquettaire, ainsi que
Variations circadiennes l’augmentation de la viscosité sanguine et la dimi-
La présence d’une variation circadienne dans la nution de la fibrinolyse physiologique par augmen-
survenue d’un infarctus du myocarde a été initiale- tation du PAI-1 (plasminogen activator inhibitor 1),
ment rapportée par Muller et al.6 Depuis, de nom- pourraient favoriser la constitution d’un throm-
breux travaux ont démontré l’existence d’une aug- bus.11
mentation matinale et d’une diminution nocturne
de la fréquence de l’infarctus.7 En effet, l’étude Variations hebdomadaires et saisonnières
MILLIS a démontré à partir d’une analyse enzyma- Dans une étude allemande, la fréquence de l’in-
tique permettant d’évaluer le début de la nécrose, farctus dans la population active présente un pic
l’existence d’un pic de fréquence entre 9 et 10 heu- qui survient le lundi et dépasse de 33 % sa fré-
res du matin et un minimum entre 23 heures et quence dans la population inactive.12 On constate
minuit.6 Ces données ont été confirmées par également une augmentation de la fréquence de
l’étude ISAM qui, sur 1 741 infarctus, a retrouvé une l’infarctus pendant les mois d’hiver, de janvier à
fréquence de survenue quatre fois supérieure entre mars.13 Cette prédominance saisonnière a été
8 et 9 heures qu’entre 0 et 1 heures.8 Dans une confirmée par Spencer et al. qui ont analysé
méta-analyse réalisée par Cohen et al., un infarctus 259 891 patients du registre NRM-2 (National Regis-
sur 11 et une mort subite sur 15 sont attribués au try of myocardial infarction).14 L’élévation des fac-
sur-risque matinal9 (Fig. 1). Il est aujourd’hui admis teurs de la coagulation avec une tendance à la
que l’incidence la plus élevée de l’infarctus est thrombose pourrait expliquer la tendance à la sur-
observée dans les 3 à 4 heures qui suivent le lever.10 mortalité liée à l’infarctus du myocarde lors de
Les explications de cette prédominance matinale l’hiver.15
sont variées. Certaines privilégient l’explication
mécanique : l’augmentation de la pression arté- Circonstances déclenchantes
rielle au réveil pourrait entraîner une rupture de la Bien que l’infarctus survienne le plus souvent au
plaque athéromateuse, tandis que l’augmentation repos, quelques heures après le lever, certaines
matinale du tonus vasculaire majorerait la réduc- situations comportant un effort particulier ou un
stress important peuvent favoriser son déclenche-
25000 ment.
20000
Activité physique
La première description d’un infarctus survenu à la
suite d’un effort important, le marathon d’Athè-
Nombre d’infarctus
par semaine, et seulement de 2,4 (intervalle de lation du système sympathique.24 Dans l’étude
confiance 95 % : 1,5-3,7) chez les sujets entraî- américaine Onset, 14 % des infarctus surviennent
nés17. dans les 2 heures qui suivent un épisode de colère,
D’autre part, dans la série de Giri et al., 10 % des avec un risque relatif de 2,0 (intervalle de
infarctus du myocarde traités par angioplastie pri- confiance 95 % : 1,7-3,2).24 De même, le pic de
maire surviennent au cours ou dans l’heure suivant fréquence de l’infarctus observé le lundi dans la
l’effort.19 La population qui présente un infarctus population active est expliqué par le stress de la
du myocarde d’effort est volontiers de sexe mascu- reprise du travail après un week-end de repos.25
lin, obèse, sédentaire, tabagique ou présentant
une dyslipidémie et ce en comparant par rapport au
groupe de patients présentant un infarctus du myo-
Étiologies
carde sans relation avec l’effort.20 Le rôle néfaste
du tabac est noté par plusieurs auteurs, en particu-
lier en période de récupération. L’effort en ques- Athérosclérose coronaire
tion est souvent décrit comme étant inhabituel du
fait de son intensité ou des conditions météorologi- C’est, de loin, la principale étiologie (95 %) de
ques défavorables . l’infarctus du myocarde. La plaque d’athérome se
L’analyse angiographique du réseau coronaire de comporte comme le substrat sur lequel vont se
ces patients révèle souvent une atteinte monotron- greffer la rupture de la plaque et l’activation de la
culaire touchant un vaisseau de gros calibre, sou- coagulation qui conduisent à l’occlusion coronaire
vent l’interventriculaire antérieure avec fréquem- et à la nécrose myocardique. Tous les facteurs de
ment un large thrombus.20 Sur le plan risque cardiovasculaires sont donc indirectement
physiopathologique, le mécanisme par lequel l’ef- impliqués dans l’étiopathogénie de l’infarctus. Ils
fort peut déclencher l’infarctus du myocarde n’est sont abordés dans ce chapitre, l’analyse des consé-
pas univoque (en dehors des traumatismes thoraci- quences de l’occlusion coronaire sur le myocarde
ques). Il est cependant clair que l’exercice physi- étant traitée dans un autre.
que, par le biais de l’élévation de la pression arté-
rielle et de la tachycardie, augmente de façon Autres causes
aiguë le stress pariétal coronaire qui peut jouer un
rôle dans la fissuration et la rupture de la plaque Elles sont rares et seront très succinctement pas-
d’athérome. D’autre part, l’effort qui entraîne une sées en revue (Tableau 1).
vasodilatation des artères coronaires saines devient
vasoconstricteur sur des segments athéroscléroti- Embolies coronaires
ques (dysfonction endothéliale) de la coronaire qui Ces embolies sont le plus souvent fibrinocruoriques
est ainsi le siège de spasme. Celui-ci serait particu-
et à point de départ dans le cœur gauche. Plus
lièrement fréquent lors de la période de récupéra-
rarement, il s’agit d’embolies paradoxales. Cer-
tion au cours de laquelle il existe une stimulation
tains emboles correspondent à des morceaux de
vagale importante et une hyperventilation qui favo-
végétations dans le cadre d’une endocardite, le
rise le spasme post-effort qui peut être aggravé par
plus souvent aortique, ou à des fragments de
le tabac.21 L’exercice physique régulier augmente
myxome de l’oreillette gauche. De façon tout aussi
la fibrinolyse et le taux de l’activateur tissulaire du
plasminogène. Ces modifications n’existent pas anecdotique, on a signalé l’existence d’embolies
chez le sujet sédentaire chez qui l’exercice induit calcaires dont le point de départ est un rétrécisse-
en plus une activation plaquettaire avec libération ment aortique calcifié. Une embolie gazeuse est
excessive de thromboxane A2.22 également possible au cours de la chirurgie cardia-
que.
Activité sexuelle
De nombreuses anecdotes circulent sur la survenue Traumatismes thoraciques
d’un infarctus du myocarde à l’occasion d’un acte
sexuel et cette circonstance déclenchante, attri- Les traumatismes thoraciques ou les importantes
buée à une stimulation adrénergique, est confir- décélérations peuvent entraîner des infarctus qui
mée dans la littérature médicale, notamment par sont en rapport avec une dissection d’un tronc
l’étude américaine Onset.23 coronaire épicardique. En règle générale, le dia-
gnostic est retardé car l’infarctus passe inaperçu au
Stress émotionnel sein des manifestations bruyantes d’un polytrauma-
On retrouve un stress émotionnel récent dans 4 à tisme avec atteinte polyviscérale. Enfin, il convient
18 % des infarctus, constat expliqué par une stimu- de souligner qu’il est difficile de faire la différence
Physiopathologie et étiopathogénie de l’infarctus du myocarde 53
Étiopathogénie
entre un vrai infarctus du myocarde par occlusion
coronaire et une simple contusion myocardique L’infarctus du myocarde est un syndrome corona-
traumatique. rien aigu lié à l’occlusion d’un vaisseau coronaire
responsable d’une ischémie myocardique sévère
Pathologie coronaire non athéromateuse puis d’une nécrose. La rupture d’une plaque
d’athérome suivie de la formation d’un thrombus
Certaines pathologies de la paroi artérielle coro-
occlusif est le principal phénomène physiopatholo-
naire, comme les artérites inflammatoires (immu-
gique. Celui-ci est associé à une vasoconstriction
nitaires ou infectieuses), les dysplasies fibromuscu-
distale et à un phénomène de microembolisation
laires, les collagénoses, les séquelles radiques,
qui aggravent l’ischémie d’aval (Fig. 2).28
peuvent être responsables d’un infarctus du myo-
carde.
Rupture de la plaque d’athérome
Infarctus à coronaires angiographiquement
saines Différentes études ont permis d’établir une classi-
fication évolutive de la plaque athéromateuse al-
Parfois, alors que l’infarctus est diagnostiqué par la lant de la strie lipidique à la plaque compliquée.29
clinique, les anomalies électrocardiographiques, Les classes I à III se différencient par des propor-
54 H. Akoudad, H. Benamer
Inflammation
Les plaques rompues sont caractérisées par une
richesse en cellules inflammatoires, en particulier
des macrophages activés. En effet, dans les lésions
Figure 2 Physiopathologie de l’infarctus du myocarde. La rup- responsables de syndromes coronaires aigus, les
ture de la plaque d’athérome aboutit à la formation d’un throm-
macrophages occupent 14 % de la surface des pla-
bus occlusif. Des emboles se détachent du thrombus initial et
migrent vers la circulation d’aval qui est également le siège ques par rapport à 3 % dans les lésions responsables
d’une vasoconstriction. L’ensemble de ces phénomènes aboutit d’un angor stable. D’autre part, les plaques rom-
à la réduction du flux coronaire et à l’aggravation de l’ischémie pues présentent une néovascularisation adventi-
myocardique. tielle et intimale importante qui serait une source
1 . Thrombus ; 2. embolie distale : 3. vasoconstriction.
de recrutement des cellules inflammatoires.33
Celles-ci sont attirées vers la plaque d’athérome
tions variables de lipides, de cellules inflammatoi-
par des molécules d’adhésion comme des cytokines
res et musculaires lisses. Les lésions de type IV sont
(vascular cell adhesion molecule-1, monocyte che-
plus évoluées et contiennent une proportion impor-
moattractant protein-1) puis activées.34 D’autres
tante de lipides extracellulaires. Dans le type V, il
facteurs sont également incriminés dans l’activa-
existe au sein de la plaque athéromateuse une très
tion des cellules inflammatoires comme les lipides
importante accumulation de lipides extracellulai-
oxydés, l’angiotensine II, le diabète, et probable-
res qui est séparée de la lumière vasculaire par une
ment certains processus infectieux comme le Chla-
fine chape fibreuse. L’étape suivante, caractéristi-
mydiae ou le cytomégalovirus.35
que du type VI, est la rupture de la chape fibreuse,
Le Tableau 2 résume les caractéristiques histo-
exposant à la lumière vasculaire le matériel lipidi-
morphologiques de la plaque d’athérome vulnéra-
que thrombogène et provoquant la constitution
ble.34
d’un thrombus intramural et intraluminal .29
Rôle de l’inflammation et de l’apoptose dans ques. La pression artérielle entraîne une tension
la vulnérabilité de la plaque circonférencielle de la paroi artérielle avec un ef-
La rupture de la plaque et la thrombose qui en fet de stress qui est d’autant plus important que la
résulte est le principal événement physiopathologi- chape fibreuse est mince.42 De même, la propaga-
que de l’infarctus du myocarde. En effet, dans les tion cyclique de l’onde de pression engendre des
séries angiographiques, uniquement 15 % des in- modifications de la lumière artérielle avec défor-
farctus surviennent sur des lésions supérieures à mation des plaques, en particulier celles qui sont
60 %, ce qui explique le rôle mineur de la sévérité excentrées, augmentant ainsi le risque de rup-
de la sténose sous-jacente dans les syndromes coro- ture.34 Le spasme coronaire et la rupture de la
naires aigus.34 La chape fibreuse permet d’isoler les plaque sont fréquemment associés mais le facteur
composants profonds de la plaque (thrombogènes) spastique serait plutôt une conséquence qu’une
du contenu sanguin. Elle est composée de molécu- cause de la rupture de la plaque.
les de structure comme le collagène, l’élastine et La Figure 3 résume les différents facteurs incri-
des protéoglycanes synthétisés par des cellules
minés dans la fragilité et la rupture de la plaque.
musculaires lisses. Son épaisseur dépend essentiel-
lement d’un équilibre entre la synthèse de ces Moyens de détection des plaques vulnérables
protéines et leur dégradation. Ainsi, dans la plaque La coronarographie, qui constitue classiquement le
vulnérable, les macrophages activés synthétisent gold standard dans la détection des sténoses coro-
des enzymes protéolytiques : les métalloprotéases naires épicardiques, n’apporte pas de renseigne-
(MMP) qui dégradent la matrice conjonctive de la ment sur la structure de la paroi artérielle et donc
plaque et la prédisposent à la rupture.36 Plusieurs sur l’aspect des plaques. Plusieurs explorations ont
MMP ont été étudiées, en particulier les collagéna- vu le jour ces dernières années pour évaluer les
ses MMP-1, les gélatinases MMP-2 et MMP-9, et les plaques à risque. L’échographie endocoronaire per-
stromélysines MMP-3.37 L’activité des MMP est ré- met ainsi d’étudier la distribution des plaques, de
gulée au niveau de la transcription génétique mais même que leur morphologie.43 Récemment, le ca-
également après leur synthèse en une forme inac- ractère multifocal de la rupture de la plaque a été
tive qui nécessite une activation extracellulaire.38 rapporté par Rioufol et al.44 L’angioscopie coro-
De même, il existe des inhibiteurs des métallopro-
naire met en évidence l’existence des plaques jau-
téases (TIMP : tissue inhibitors of metalloproteina-
nes, qui sont à haut risque de rupture, chez prati-
ses) sécrétés par les cellules musculaires lisses qui
quement tous les patients ayant présenté un
régulent également l’activité des MMP.39 Le remo-
infarctus du myocarde alors que ces plaques sont
delage de la matrice extracellulaire est également
sous la dépendance de cytokines pro-inflam- plus rares chez les patients présentant un angor
matoires comme l’interféron c qui inhibe la produc- stable.45 D’autre part, la découverte récente d’une
tion du collagène de type I et III par les cellules augmentation de la température des plaques pré-
musculaires lisses. D’autres cytokines comme l’in- sentant une inflammation superficielle a permis le
terleukine 18 (IL18) qui induit la production d’inter- développement des cathéters de thermographie.46
féron c sont en corrélation positive avec l’instabi-
Large noyau lipidique Réaction inflammatoire Néovascularisation
lité des plaques.39 Cette réponse inflammatoire
impliquée dans l’amincissement de la chape fi-
breuse est contrebalancée par l’effet de cytokines
dites anti-inflammatoires comme l’IL10, le TGF-b Plaque vulnérable
Apoptose des
Inflammation
(transforming growth factor) et l’IL18BP (inhibi- cellules ML
teur endogène de l’IL18).40 Dégradation de Réduction de la synthèse
D’autre part, la réduction de la chape fibreuse la matrice (MMP) de la matrice
peut résulter également d’une diminution de la
Réduction de la matrice
synthèse de la matrice extracellulaire secondaire à de la chape fibreuse
une diminution du nombre des cellules musculaires
lisses ou de leur activité de synthèse.40 À côté du
rôle inhibiteur de l’interféron c, plusieurs travaux
ont montré l’existence d’une augmentation de la Amincissement
de la chape fibreuse
mort des cellules musculaires lisses par apoptose au
niveau des plaques d’athérosclérose.41 Facteurs déclenchants
(triggers)
Rôle du facteur déclenchant (trigger) dans Rupture de la plaque
la rupture de la plaque
Les plaques vulnérables peuvent se rompre sous Figure 3 De la plaque vulnérable à la rupture.
l’effet de forces biomécaniques ou hémodynami- MMP : métalloprotéases ; ML : musculaire lisse
56 H. Akoudad, H. Benamer
vivo sur l’aorte humaine montrent que la présence facteurs systémiques qui créent un véritable état
de microflaps, de dissections, de fissures et d’irré- d’hypercoagulabilité et de thrombogenèse.
gularités au site de la rupture de la plaque athéro-
mateuse influence sa thrombogénicité. Facteurs hémostatiques
– Fibrinogène.
Thrombus résiduel Il est aujourd’hui clairement démontré que le
Il est évident que toutes les plaques qui s’érodent fibrinogène comme le cholestérol sont des puis-
ou se rompent ne donnent pas lieu à un syndrome sants prédicteurs du risque cardiovasculaire. Le
coronarien aigu. La formation d’un thrombus, son fibrinogène augmente la thrombogénicité par diffé-
organisation, sa colonisation par des cellules mus- rents mécanismes : fixation spécifique aux récep-
culaires lisses, constituent un mécanisme reconnu teurs GPIIb-IIIa entraînant l’agrégation plaquet-
de progression de l’athérome. Cela est prouvé dans taire, catalyse de la formation de fibrine et
l’angor instable dont le « refroidissement » clinique augmentation de la viscosité sanguine. De plus, le
peut s’accompagner d’une progression de l’athé- fibrinogène comme la protéine C réactive (CRP)
rome au site de la lésion préalablement responsa- sont augmentés dans les processus inflammatoires
ble du syndrome coronarien aigu. Parfois, la lyse ou qui jouent un rôle important dans l’athérosclérose
l’endothélialisation du thrombus n’est pas com- et dans les syndromes coronariens aigus. Dans
plète et le thrombus résiduel est un point d’appel l’étude PROCAM, les auteurs montrent sur un suivi
pour une thrombose coronaire extensive : d’une de 18 ans, que chaque augmentation d’une dévia-
part, il réduit la lumière vasculaire, augmente les tion standard de fibrinogène s’accompagne d’une
turbulences en regard de la plaque et favorise les majoration du risque coronarien de 30 % chez
dépôts de fibrinogène ainsi que l’activation locale l’homme et de 40 % chez la femme.54 Dans l’étude
des plaquettes ; d’autre part, du fait de l’existence ECAT, une augmentation significative de la concen-
d’une importante quantité de thrombine, le throm- tration plasmatique de fibrinogène est retrouvée
bus lui-même active directement la coagulation. chez les patients qui vont développer un événe-
ment cardiaque grave (mort et infarctus) dans le
Vasoconstriction suivi.55 Le fibrinogène semble donc étroitement lié
D’autres phénomènes comme la vasoconstriction et au risque de survenue d’infarctus du myocarde. Par
surtout le spasme coronaire peuvent diminuer l’ap- ailleurs, il augmente avec l’âge, l’existence d’un
port d’oxygène au myocarde en réduisant la lu- diabète, d’une hypertension artérielle, d’un taba-
mière artérielle et le débit coronaire. La première gisme, d’une obésité. Chez la femme, après la
description d’ischémie myocardique résultant ménopause, le fibrinogène augmente de façon si-
d’une vasoconstriction coronaire documentée par gnificative. En revanche, une consommation modé-
coronarographie est due à Maseri en 1978.53 Il rée d’alcool ou un exercice physique régulier dimi-
s’agissait de patients coronarographiés pour angor nuent le taux du fibrinogène plasmatique.56 Il
instable, en rapport avec un spasme coronaire oc- existe des polymorphismes du gène de la chaîne b
clusif. Il est aujourd’hui démontré que l’athérome du fibrinogène. Un de ces polymorphismes semble
ou la simple existence de facteurs de risque comme moduler l’effet du tabac sur la concentration de
l’hypercholestérolémie et le tabagisme, s’accom- fibrinogène plasmatique.
pagnent d’une dysfonction endothéliale coronaire – Facteur VII.
avec perte de la vasodilatation endothélium- Le facteur VII est le premier facteur de la voie
dépendante. Ce potentiel spasmogène est extrinsèque de la coagulation. Il est activé par le
d’ailleurs prédominant au niveau des lésions res- facteur tissulaire, dont la concentration est aug-
ponsables de syndromes coronariens aigus. En ef- mentée au site de la rupture, notamment à la
fet, la présence de nombreuses plaquettes activées surface des macrophages activés. Le facteur VII est
au site de la lésion est à l’origine d’une vasocons- alors activé au niveau de la plaque athéromateuse
triction plaquettes-dépendante, liée à la libération rompue et entraîne la cascade de la coagulation. Le
de substances vasoconstrictrices, comme la séroto- facteur VII est donc, lui aussi un marqueur du risque
nine et le thromboxane A2, et d’une vasoconstric- cardiovasculaire. Dans l’étude Northwick park
tion thrombine-dépendante. heart study, l’augmentation de l’activité du fac-
teur VII (VII coagulant ou VIIc) permet de prédire la
Facteurs thrombogéniques systémiques survenue d’un événement cardiaque avec un risque
Au-delà des facteurs locaux, hémodynamiques, his- relatif de 1,8 pour le décès et 1,4 pour l’infarctus
tologiques et biochimiques qui contribuent à la non fatal.57 Les dyslipidémies, spécialement les
genèse de la thrombose coronaire en regard d’une hypertriglycéridémies, augmentent le taux de fac-
plaque athéromateuse rompue, il existe d’autres teur VII et contribuent, probablement par ce biais,
58 H. Akoudad, H. Benamer
Phases d’ischémie
Chez l’homme, la nécrose myocardique sous-
endocardique commence au bout de 30 à 40 minu-
Aspects hémodynamique et histologique
tes après le début de l’occlusion coronaire. Elle est
La première phase est l’ischémie myocardique qui
complète au bout de 4 heures. Ce délai nécessaire à
débute avec l’occlusion coronaire et dure au maxi-
la constitution de la nécrose complète est influencé
mum 4 heures. Quelques minutes après une occlu-
par de nombreux paramètres : existence de colla-
sion complète du flux coronaire, la zone à risque se
térales,89 préconditionnement caractérisé par la contracte moins bien, cette hypokinésie précédant
répétition préalable de l’ischémie, degré d’activité les anomalies électrocardiographiques qui ne
physique et de stress au moment de l’infarctus et, concernent encore que la repolarisation. En revan-
bien entendu, nature du traitement préexistant ou che, les premières lésions cellulaires irréversibles
mis en œuvre dès les premières minutes de l’infarc- indiquant le début de la nécrose, notamment les
tus. Ainsi, la restauration du flux coronaire après anomalies sarcoplasmiques, ne surviennent qu’au
quelques dizaines de minutes d’ischémie entraîne bout de 40 minutes au niveau du myocarde sous-
une réduction de la taille de la nécrose par rapport endocardique. Si la reperfusion survient avant ce
à la zone initialement à risque. Cependant, surtout délai, il n’y a pas de nécrose myocardique, pas
si elle est tardive, la restauration du flux coronaire d’onde Q sur l’électrocardiogramme (ECG) de sur-
s’accompagne de lésions dites de reperfusion qui face et pas de perte définitive de la fonction
peuvent aggraver la dysfonction myocardique ré- contractile qui peut mettre plusieurs heures ou
gionale, éventuellement de façon définitive. Les jours pour récupérer : on parle alors de myocarde
mécanismes de ces lésions de reperfusion sont très « sidéré »91. Ces anomalies de la contractilité se-
discutés. Pour certains, ils sont dominés par la raient liées à des altérations des structures extra-
production de radicaux libres qui, au moment de la cellulaires de connexion, qui apparaissent très pré-
reperfusion, sont largués dans la circulation par les cocement en cas d’ischémie sévère. Au bout des
cellules ischémiques mais non nécrosées.90 Pour- 4 premières heures ou plus en cas d’occlusion inter-
tant, différentes substances réputées pour retenir mittente, de collatéralité, de préconditionnement
ou neutraliser les radicaux libres au moment de la ou de protection médicamenteuse du myocarde, la
reperfusion restent sans influence sur l’étendue de nécrose de la zone à risque est pratiquement com-
la nécrose. À ce jour, l’existence même de ces plète. À ce stade, la reperfusion permet encore de
lésions de reperfusion et leurs mécanismes physio- réduire l’étendue de la nécrose, mais de façon
pathologiques restent hypothétiques malgré des re- marginale, au niveau des zones bordantes et au prix
cherches approfondies. d’une perte de l’intégrité de la microvascularisa-
tion, d’une diapédèse des globules rouges et d’une
transformation secondaire de la nécrose en infarc-
Nécrose tus hémorragique. Angiographiquement, une reper-
fusion à ce stade tardif pourra se traduire par un
phénomène de no-flow,92 caractérisé par une ar-
La nécrose myocardique peut être transmurale, tère ouverte sans flux coronaire satisfaisant et do-
responsable d’un infarctus avec onde Q, ou beau- cumenté par échocardiographie de contraste.
coup plus rarement sous-endocardique, responsa-
ble d’un infarctus sans onde Q. Les deux types de Perturbations cellulaires
nécrose relèvent de mécanismes physiopathogéni- En aérobie, le myocyte consomme essentiellement
ques différents : dans l’infarctus avec onde Q, il des acides gras, ce qui permet une synthèse d’adé-
s’agit le plus souvent d’une occlusion coronaire nosine triphosphate (ATP), importante et avec un
aiguë, alors que dans l’infarctus sans onde Q, on bon rendement. Les glucides ne sont utilisés qu’ac-
invoque une chute du débit coronaire par baisse de cessoirement. En anaérobie, le myocyte n’utilise
la pression artérielle sur des lésions coronaires le pratiquement plus d’acides gras dont l’accumula-
plus souvent tritronculaires. Macroscopiquement, tion génère des prostaglandines, des leucotriènes
ces deux types de nécrose sont encore distincts : les et des hydroperoxydes cytotoxiques. De plus, l’ac-
nécroses transmurales touchent plus de 50 % de cumulation d’acétylcoenzyme A entraîne une inhi-
l’épaisseur du myocarde, les nécroses sous- bition de l’activité ATPasique. En parallèle, la
endocardiques moins de 50 %. Par ailleurs, les ber- consommation de glucides a pour conséquence une
ges de la nécrose sont en général plus nettes en cas accumulation d’ions H+ et de lactates qui sont, eux
de nécrose transmurale. aussi, cytotoxiques. En résumé, la synthèse d’ATP
Physiopathologie et étiopathogénie de l’infarctus du myocarde 63
en anaérobie est de rendement faible et s’accom- rupture du contour diastolique de la cavité ventri-
pagne d’une accumulation de substances toxiques culaire, mais qui peut se laisser souffler et conduire
pour les myocytes. Le déficit enzymatique entraîne à la formation d’un anévrisme. Secondairement,
un ralentissement puis un arrêt des pompes à so- plusieurs mois à plusieurs années plus tard, cette
dium et calcium, ainsi qu’une fuite de potassium et cicatrice fibreuse peut être suppléée par une hy-
de magnésium vers le milieu extracellulaire, avec pertrophie compensatrice, ou être en partie colo-
des conséquences électrophysiologiques importan- nisée par du tissu graisseux.
tes pour la cellule myocardique. L’accumulation de
sodium intracellulaire a pour conséquence un Complications et évolution
œdème cellulaire, alors que celle de calcium active
la consommation d’énergie, la déplétion en ATP et Thrombus intraventriculaire
les systèmes protéolytiques lysosomiaux. La cellule Les dommages tissulaires au niveau de l’endocarde
est alors dans un état de contracture permanente. infarci entraînent une exposition du collagène en-
La perméabilisation de la membrane cellulaire par docardique qui provoque l’agrégation plaquettaire,
l’effet nocif des radicaux libres entraîne une fuite initiant la formation d’un thrombus. Le thrombus
des macromolécules et des enzymes cardiaques qui ainsi formé va se remodeler progressivement pour
sont drainés par le système lymphatique, à une disparaître spontanément, sous l’effet de la fibri-
vitesse d’autant plus lente que le poids moléculaire nolyse physiologique, dans 14 à 50 % des cas.95 Dans
de ces enzymes est élevé. certains cas, ce thrombus se complique d’embolie
systémique, le plus souvent cérébrale.
Nécrose coagulante
La seconde phase de l’infarctus du myocarde est Rupture cardiaque
caractérisée par la survenue d’une nécrose coagu- La rupture cardiaque correspond à une déchirure
lante et l’apparition de la réaction inflammatoire. hémorragique du myocarde infarci. Elle complique
L’une et l’autre surviennent dans les 4 à 48 heures surtout les nécroses transmurales et est plus fré-
qui suivent l’occlusion coronaire. Contrairement à quente en cas de nécrose étendue. Elle se localise à
l’ischémie, cette phase n’est pas réversible. Pen- la jonction entre le myocarde infarci et le myo-
dant cette période, le myocarde est colonisé par carde sain, zone de fragilité soumise à des forces de
des polynucléaires éosinophiles et des monocytes cisaillement souvent importantes. Cette complica-
qui sécrètent des enzymes protéolytiques, partici- tion grave survient le plus souvent dans les premiè-
pant à la destruction des myocytes nécrosés93. res heures de l’infarctus. Elle peut s’accompagner
d’une simple réaction péricardique sérohématique
Convalescence dans les ruptures en péricarde cloisonné ou d’un
La troisième phase correspond à la phase de cica- hémopéricarde de survenue très brutale, rapide-
trisation qui débute à partir de la 72e heure. Elle est ment fatal.
caractérisée histologiquement par l’infiltration du
tissu nécrosé par des polynucléaires, des macro- Remodelage ventriculaire
phages et des lymphocytes T ainsi que par la dispa- Les modifications de la géométrie et des capacités
rition de la myoglobine dans les myocytes nécrosés. fonctionnelles du ventricule gauche survenant dans
C’est pendant la première partie de cette phase de les suites d’un infarctus constituent les éléments
cicatrisation (48-96 heures) que surviennent le plus du remodelage ventriculaire postinfarctus.96 Ces
fréquemment les complications mécaniques modifications surviennent dès les premiers jours et
comme la rupture cardiaque, la fuite mitrale par peuvent se prolonger pendant des mois. Elles ont
rupture de pilier, ou la rupture du septum interven- pour conséquence de maintenir normaux le volume
triculaire.94 Le processus d’amincissement de la d’éjection et les contraintes pariétales.
paroi et d’expansion de la zone nécrosée, qui com-
mence dès les premières heures de la nécrose, se Géométrie ventriculaire
poursuit pendant cette phase. Dans les suites d’un infarctus transmural étendu,
diverses modifications géométriques du ventricule
Cicatrisation gauche vont apparaître et se développer à des
Cette phase débute 1 semaine environ après le degrés variables : augmentation du volume ventri-
début de l’ischémie. L’importante infiltration de culaire, perte de la forme originale ellipsoïde pour
cellules inflammatoires va laisser la place à du devenir sphérique, amincissement de la paroi né-
collagène sécrété par les fibroblates. La zone de crosée pouvant aller jusqu’à la rupture ou l’ané-
myocytes nécrosés va laisser la place à une cica- vrisme, augmentation de l’épaisseur des parois non
trice fibreuse qui est le plus souvent rigide et sans nécrosées.97
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