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1. Introduction
C’est l’oblitération plus ou moins complète d’une veine profonde par un thrombus résultant d’une coagulation
intravasculaire localisée . Cette pathologie est indissociable de sa complication immédiate qu'est l'embolie
pulmonaire (EP) ce qui justifie le concept de maladie thromboembolique veineuse (MTEV). Plus de 80 % des
EP sont dues à une thrombose veineuse profonde (TVP) des membres inférieurs. La MTEV présente un risque
immédiat potentiellement vital l'EP, alors qu'à distance de l'épisode aigu le risque est lié au développement d'une
maladie post-thrombotique et plus rarement à l'évolution vers une pathologie pulmonaire chronique.
2. Données générales
2 .1 - Epidémiologie
Les estimations concernant l'incidence de la MTE sont très imprécises faute d'éléments diagnostiques fiables
puisque même le diagnostic post-mortem est soumis à discussion. En France l'incidence annuelle de la MTE est
de l'ordre de 50 à 100 000 cas responsables de 5 à 10 000 décès. On constate une augmentation régulière de
l'incidence de la MTEV notamment en milieu médical. Cette augmentation est liée à la proportion de plus en
plus importante de sujets âgés dans les services de médecine.
La MTEV est une pathologie d'accompagnement c'est-à-dire qu'elle vient le plus souvent compliquer l'évolution
d'une autre pathologie ou un geste chirurgical. De ce fait, il s'agit très fréquemment d'une pathologie acquise en
milieu hospitalier. La moitié des patients présentant une MTEV ont une espérance de vie de l'ordre de 1 an, la
mortalité étant essentiellement liée à la pathologie initiale. La mortalité d'une MTEV non traitée est de l'ordre de
30%.
La thrombose veineuse est induite par trois facteurs principaux (triade de Virchow):
- l'altération de la paroi veineuse (facteur pariétal) qui reste un facteur mineur, sauf dans certaines situations
(cathéter veineux central, foyers septiques loco-régionaux...) ;
- la stase veineuse liée à l'alitement ou à l'immobilisation prolongés, à l'insuffisance veineuse chronique, aux
compressions extrinsèques (adénopathies, cancers digestifs ou pelviens) ;
- l’activation des facteurs de la coagulation favorisée par les traumatismes, l’accouchement, la chirurgie, les
déficits acquis ou congénitaux en certains facteurs protecteurs.
Sous l'influence d'un ou plusieurs de ces facteurs, le thrombus se forme dans veines drainées par les systèmes
caves . La majorité des thromboses débute dans les membres inférieurs parce qu’ils sont plus souvent et plus
facilement immobilisés que les membres supérieurs. Le thrombus prend naissance en général dans un nid
valvulaire souvent au niveau des veines du mollet ; il est alors asymptomatique et peut le rester plusieurs jours.
Lorsque les capacités de lyse physiologique du patient sont dépassées, il y a un risque d'extension qui se fait en
amont et surtout en aval avec un thrombus non adhérent à la paroi comportant un risque important d'embolie
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2.3-Facteurs étiologiques
C’est le plus souvent l’association d’un facteur déclenchant ( situation à risque) et de facteurs favorisants propres
au patient qui est à l’origine d’une TVP .
2.3.1 - Etats favorisant la stase :
• Alitement prolongé : La stase est particulièrement marquée chez l’hémiplégique et l’insuffisant cardiaque ;
les suites d’infarctus du myocarde associent stase et libération de facteurs prothrombotiques.
• Longs voyages en avion, voiture ou train, sans mobilisation des membres inférieurs.
• Varices, séquelles de thrombose veineuse
• Syndrome de Cockett (compression de la veine iliaque primitive gauche par l’artère iliaque primitive droite,
favorisant les thromboses veineuses du membre inférieur gauche).
• Matériel endoveineux (cathéters, filtre cave…).
• Grossesse (la compression utérine et l’hyperoestrogénie favorisent la thrombose) , le risque de maladie
thrombo-embolique est 5 fois supérieur chez la femme enceinte.
Le sujet âgé combine plusieurs états favorisant la stase (moindre mobilité, prévalence augmentée des varices,…).
La femme jeune a un risque plus élevé de thrombose veineuse que l’homme jeune en raison de la prévalence plus
élevée des varices, de la contraception oestro-progestative, des grossesses…
- La douleur est le signe d’appel le plus fréquent et le plus important , elle est présente dans 60 % des
cas. Elle relève de plusieurs mécanismes : la stase , le spasme et l’inflammation de la veine . Elle peut
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être spontanée , minime ou absente , elle doit alors être exagérée ou provoquée par la palpation le long
des trajets veineux , par le ballottement ou la compression manuelle du mollet ou par la dorsi-flexion
du pied , c’est le classique signe de Homans qui n’est pas spécifique et peut s’observer dans certaines
atteintes musculo-tendineuses ou articulaires .
- l’œdème n’est présent que lorsque la thrombose entraîne une gêne au retour veineux comme c’est le
cas lorsqu’elle est occlusive et siège au niveau poplité , fémorale et /ou iliaque . Il est dur résistant et ne
prend pas le godet , la peau est de couleur blanche luisante avec une augmentation de la température
locale et une dilatation des veines superficielles . Selon la topographie de l’obstruction il est limité à la
jambe(thrombose poplitée) ou s’étend à tout le membre inférieur (thrombose fémoro-iliaque), se trouve
alors réalisé le tableau clinique typique de phlegmatia alba dolens qui peut être complété par une
hydarthrose du genou et des adénopathies inguinales.
En cas d’œdème massif et brutal par blocage aigu du carrefour saphéno-fémoro-iliaque , la mise en
tension sous aponévrotique entraîne une compression de la circulation artérielle ce qui se manifeste par
des signes d’ischémie avec une cyanose s’étendant à tout le membre accompagné parfois d’un état de
choc , c’est la phlegmatia coerulea dolens ou phlébite bleue qui constitue une urgence thérapeutique .
Cette forme particulière est très rare ( 1% des TVP) , son pronostic est mauvais car l’évolution peut se
faire vers la gangrène et l’amputation , le risque embolique est élevé et l’association à un cancer est
fréquente.
Les signes généraux sont généralement peu intenses avec fébricule aux alentours de 38 ° C , pouls classiquement
accéléré de façon progressive ( pouls grimpant de Mahler ) et angoisse.
Baser le diagnostic de TVP sur les signes cliniques , c’est courir le risque d’un traitement inutile, coûteux et
dangereux . C’est sur un faisceau de signes cliniques que l’on évoque la possibilité d’une TVP et la probabilité
clinique a priori de TVP est d’autant plus élevée qu’il existe des circonstances favorisantes , la certitude
diagnostique n’est apportée que par des examens complémentaires.
Le passage de la suspicion clinique à la confirmation paraclinique s’accompagne d’un « déchet diagnostique »
plus ou moins important selon la localisation du thrombus . Les examens complémentaires confirmeront la
suspicion clinique dans seulement des 10 % des cas pour les TVP surales et dans 30 % des cas pour les TVP
proximales .
* Phlébographie
C’est l’examen de référence ou " gold standard " mais ce n’est plus l’examen d’imagerie réalisé en première
intention, elle est préconisée uniquement en cas d’incertitude diagnostique persistante ou de non disponibilité
des techniques ultrasoniques.
On procède à une injection bilatérale progressive par une veine du dos du pied d'un produit iodé hypo-
osmolaire. Elle fournit 4 signes : la lacune, l'arrêt en cupule, l'absence de segment veineux principal et la
circulation collatérale. Le critère principal de thrombose veineuse est la présence d'une lacune (image radio-
claire) constante sur plusieurs clichés .
Elle a des limites et des inconvénients :
• lorsqu'elle est négative, elle ne permet pas d'exclure formellement le diagnostic de TVP car il n'est pas
toujours possible de visualiser toutes les veines de jambe (veines soléaires, jumelles, fémorale profonde,
circonflexe ou hypogastrique) ;
• elle est invasive et ne peut être pratiquée de façon courante et systématique ;
• elle peut être traumatisante et douloureuse, elle entraîne une irradiation, elle nécessite l'injection d'un
produit iodé qui peut être mal supporté (intolérance, allergie) ou dangereux (insuffisance rénale,
embolie pulmonaire dans 1 % des cas) ;
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- son coût est trois fois plus élevé que l’échographie veineuse.
4 - AUTRES LOCALISATIONS
- Thrombose pelvienne :
Elle complique les interventions sur le petit bassin, qui sont réputées très thrombogènes comme la
prostactectomie et l’hystérectomie , la grossesse et les accouchements. Elle se traduit par des signes locaux à
type de dusyrie , de ténesme d’épreinte , de constipation , de congestion pelvienne. Les toucher rectal ou vaginal
peuvent réveiller la douleur . Le diagnostic est très difficile car elle échappe à toute les explorations sauf
lorsqu’elle atteint la veine hypogastrique ou iliaque . Lorsqu’elle se propage vers le réseau ilio-cave , elle devient
très emboligène.
- Thrombose de la veine cave inférieure :
Classiquement, elle se traduit par des signes bilatéraux qui surviennent en un temps ou en deux temps successifs
( thrombose veineuse à bascule). En fait , il faut la rechercher systématiquement devant toute thrombose
proximale car, habituellement non obstructive, elle ne se traduit par aucun signe spécifique.
- Thrombose du membre supérieur :
Elle reste rare et survient dans certaines circonstances :
• héroïnomanes ( injections itératives septiques)
• cathéters de perfusion (néoplasie – sida)
• stimulateurs cardiaques
• compression axillaire ou défilé costo-claviculaire .
Le diagnostic clinique est évoqué devant un œdème inflammatoire du bras ou de l’avant –bras dans un contexte
évocateur. Dans certains cas l’extension du thrombus dans la veine cave supérieure est responsable d’un oedème
en pélerine .
L’écho-doppler veineux est le plus souvent suffisamment contributif. La réalisation d’une phlébographie du
membres supérieurs et de la veine cave supérieure est discutée au cas par cas.
-Thrombose de la veine cave supérieure :
Elles sont très souvent satellites d’une néoplasie profonde, d’une thrombose sur cathéter ou sonde de
stimulation ; parfois elles sont dues à l’extension d’une thrombose du membre supérieur , à une maladie de
système ou une thrombophilie. Elles se manifestent de manière progressive par une dyspnée, une toux, une
turgescence des jugulaires, un œdème en pèlerine, un œdème de la glotte. En raison du peu de spécificité de ces
signes, le diagnostic est souvent difficile à la phase initiale.
5. EVOLUTION
* Evolution normale :
Dans la majorité des cas , sous l’effet du traitement , on assiste à la régression des signes cliniques locaux et
généraux avec lyse du caillot ou développement d’une circulation collatérale lorsque persiste une obstruction
plus ou moins complète de la veine.
* Evolution compliquée :
- Les récidives : elles surviennent en cas d’erreurs dans la conduite du traitement anticoagulant ( durée
trop brève , hypocoagulabilité insuffisante) , en cas de thrombopénie à l’héparine ou dans certaines
causes ( cancers, thrombophilie).
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6 -TRAITEMENT
6. 1- TRAITEMENT CURATIF
espacées de 12 heures sans jamais dépasser 0.6 ml par injection . Un bolus initial par voie intraveineuse
est recommandé. Le TCA et l’héparinémie sont mesurés au milieu de l'intervalle entre deux injections
ou juste avant l’injection .
• Soit une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) proposées à la dose de 100 UI anti Xa/kg toutes
les 12 h (FraxiparineR, FragmineR, LovenoxR), ou à la dose de 175 à 200 UI anti Xa/kg en une seule
injection unique quotidienne (FraxodiR, InnohepR). Plusieurs méta-analyses ont repris les essais
contrôlés qui ont comparé HNF et HBPM dans le traitement curatif des TVP et ont démontré que les
HBPM en une ou deux injections quotidiennes sont au moins aussi efficaces que les HNF par voie
intraveineuse. Dans certains cas particuliers détaillés précédemment un traitement ambulatoire de la
TVP peut ainsi être envisagé. La surveillance d’un traitement curatif par HBPM s’effectue
théoriquement par la mesure de l'activité antiXa, 4 h après la 2ème ou la 3ème injection (le taux
thérapeutique est de 0,5 à 1 Unité antiXa /ml) ; en fait la détermination de l’activité antiXa n’est plus
obligatoire sur le plan médico-légal. Cependant dans certaines situations précises, (insuffisance rénale,
sujet âgé , sujet très maigre ou obèse, et patients avec un risque hémorragique élevé), une surveillance
biologique reste recommandée.
A la fois sous HNF et sous HBPM, une surveillance bi-hebdomadaire des plaquettes doit être effectuée de
façon systématique pour dépister une thrombopénie à l’héparine qui peut survenir entre le 5ème et le 21ème jour
de traitement. La durée d’une anticoagulation curative par les héparines ne doit pas ainsi dépasser 7 à 10 jours.
Le relais par une antivitamine K (AVK) doit être réalisé le plus tôt possible, avec même introduction des
anticoagulants oraux dés le jour du diagnostic, simultanément avec l'héparine, si la réalisation d’examens
complémentaires n’est pas programmée (endoscopies, ponctions...). Les AVK à demi-vie longue (PréviscanR ou
plus rarement CoumadineR,) assurent une meilleure stabilité de l’hypocoagulabilité durant le nycthémère , ils
sont à privilégier en pratique médicale quotidienne La surveillance d’un traitement par AVK se fait par le taux
de prothrombine (TP) à maintenir entre 35 et 45 % et par l’INR (International Normalized Ratio) dont la valeur
recherchée est située entre 2 et 3, le contrôle est hebdomadaire le premier mois, puis mensuel . Il ne faut
interrompre l’héparinothérapie qu’après l’obtention d’un TP etd’un INR en zone thérapeutique sur 2 contrôles
consécutifs et prévoir une période suffisamment prolongée de chevauchement ( 4 à 6 jours au minimum).
La durée du traitement anticoagulant oral reste controversée et varie en fonction du risque de récidive de TVP et
du risque de complications hémorragiques iatrogènes (augmenté chez le sujet âgé ou lors d’affections médicales
ou psychiatriques associées). Le consensus actuel est : 6 à 12 semaines au décours d’un premier épisode de TVP
distale ; 3 à 6 mois au décours d’une première TVP proximale ; au moins un an voire plus en cas de récidive a
fortiori si persistance des facteurs favorisants. Il faut également faire une distinction entre les patients avec un
facteur prédisposant temporaire à la thrombose qui peuvent certainement bénéficier d’une durée de traitement
courte, et ceux avec un facteur prédisposant permanent ou avec une TVP idiopathique chez lesquels les durées
de traitement doivent être plus prolongées.
La contention élastique par bas ou collants de contention moyenne ou forte est indispensable dès le diagnostic
et doit être mise en place quotidiennement avant le lever, elle doit être poursuivie pendant au moins 3 mois et
réduit ainsi considérablement le risque de syndrome post-thrombotique veineux.
L’alitement est préconisé uniquement à la phase aiguë si le caillot est non adhérent à la paroi et si la douleur et
l’inflammation locales sont importantes. L’immobilisation doit être la plus brève possible.
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La chirurgie et la thrombolyse :
L'indication de ces deux traitements est de proposer une levée précoce de l'obstacle au retour veineux .
La thrombectomie chirurgicale : ses indications sont toujours l’objet de controverses, elle doit être réservée aux
thromboses proximales, occlusives, extensives et récentes ( < 5 jours) du sujet jeune, ou aux exceptionnelles
"phlébites bleues".
Les thrombolytiques : ils n’ont pas d'efficacité démontrée sur la limitation de l'extension de la thrombose ni sur
la prévention du syndrome post-thrombotique ; par contre, ils majorent le risque hémorragique , exposent à
l’embolie pulmonaire par fragmentation du caillot et induisent une mortalité de 0,6 %. Ils ne doivent être
discutés que devant une thrombose très proximale (ilio-fémorale) récente ( < 5 jours ) , chez un sujet de moins
de 65 ans, sans contre-indication aux thrombolytiques.