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Obstétrique

[5-044-F-10]

Accidents thromboemboliques et gravidopuerpéralité

Daniel Vinatier : Praticien hospitalier, hôpital Jeanne de Flandre


Gilles Theeten : Praticien hospitalier, département d'anesthésie-réanimation no 1, hôpital Roger Salengro
Brigitte Jude : Praticien hospitalier et universitaire, laboratoire d'hématologie, hôpital cardiologique
Alain Carré : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service de médecine interne et hypertension artérielle, hôpital
cardiologique
Jean-Claude Monnier : Professeur des Universités, praticien hospitalier, hôpital Jeanne de Flandre
Centre hospitalier régional universitaire de Lille, 59037 Lille cedex France

Résumé
Les thromboses veineuses sont les complications veineuses les plus fréquentes au cours de la grossesse et la
période puerpérale. L'embolie pulmonaire est la principale cause de mortalité maternelle. Comme en l'absence de
diagnostic et de traitement, la majorité des décès par embolie pulmonaire survient dans l'heure de sa découverte,
il est peu probable que la mortalité sera réduite en améliorant le traitement, mais au contraire en améliorant le
diagnostic des thromboses et en étant particulièrement attentif aux facteurs prédisposants permettant d'appliquer
sélectivement les mesures prophylactiques. L'embolie pulmonaire n'est qu'un des aspects de la maladie
thromboembolique. Une insuffisance veineuse chronique entraînant oedème, douleur, ulcération, eczéma peut
affecter durablement les patientes ayant présenté une thrombose pendant une grossesse.

Poser le diagnostic de thromboses veineuses est d'importance non seulement en raison du risque vital pour la
patiente et son foetus, mais aussi en raison des répercussions futures : les possibilités de grossesse ultérieure, de
contraception et traitement hormonal de la ménopause et la prise en compte des risques lors d'une intervention
chirurgicale ultérieure.

Les phlébites imposent donc un diagnostic de certitude, fondé sur l'indication facile des examens échographiques
et doppler, la recherche d'anomalie acquise ou constitutionnelle de l'hémostase et l'instauration d'un traitement
anticoagulant par l'héparine ou ses dérivés.

Dans certains cas, selon l'existence d'épisode antérieur de phlébites, la connaissance d'une anomalie de
l'hémostase, un traitement préventif pourra être indiqué.

© 1996 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés

EPIDÉMIOLOGIE

Pendant une grossesse, le risque relatif de présenter un accident thromboembolique est cinq à six fois supérieur à
celui d'une femme du même âge non enceinte et ne prenant pas de contraceptifs oraux. La moitié des accidents
thromboemboliques affectant les femmes de moins de 40 ans survient dans un contexte de grossesse.

L'appréciation au cours de la grossesse de l'incidence des accidents thromboemboliques est imprécise car le
diagnostic de ces affections n'est pas toujours porté avec certitude. De plus, les statistiques publiées ne
distinguent pas toujours le type superficiel ou profond de la phlébite. Les chiffres publiés doivent être interprétés
prudemment car le plus souvent ils proviennent de constatations cliniques et non de l'application systématique de
tests de dépistage dont on connaît les imperfections.

Thromboses veineuses
Les fourchettes des estimations des incidences des thromboses veineuses profondes publiées sont très variables
(tableau I). De 0,07 à 0,09 % pour Priollet qui a comptabilisé plusieurs séries anglo-saxonnes, de 0,018 à 0,29
% pour Rutherford et al [80], de 0,5 et 0,7 % pour De Swiet [23] et 0,11 à 0,36 % pour Weiner [92]. L'inclusion
des phlébites superficielles dans ces évaluations double l'incidence des thromboses.

Ces chiffres minimisent l'incidence réelle puisqu'une étude systématique au fibrinogène 125I radioactif a objectivé
une incidence élevée à 3 % dans une population de patientes asymptomatiques ayant accouché [31]. Un examen
systématique par phléthysmographie objective une thrombose veineuse profonde chez 1,8 % des patientes [7].

L'embolie pulmonaire et le syndrome postphlébitique peuvent compliquer la thrombose veineuse. L'appréciation du


risque d'embolie pulmonaire est quasiment impossible à estimer puisque dès leur diagnostic posé, les thromboses
sont traitées. Une appréciation apparaît à travers les premiers essais contrôlés évaluant l'efficacité des
anticoagulants contre un placebo dans le traitement des embolies pulmonaires. Le taux de récidive dans le groupe
traité par placebo était de 26 % [5]. Les thromboses veineuses profondes non traitées se compliquent d'embolie
pulmonaire dans 15 à 25 % des cas, dont 12 à 15 % entraîneront le décès de la patiente. Un traitement approprié
réduit l'incidence des embolies à 4,5 % en diminuant significativement la mortalité autour de 0,7 % [31].

Les thromboses veineuses profondes détruisent les valves veineuses. Les fuites veineuses résultantes peuvent
s'extérioriser soit par un simple gonflement ou par une ulcération cutanée. Le suivi sur 11 ans de 104 patientes
ayant présenté une thrombose veineuse a montré que seulement 22 % des patientes ne présentent aucun
symptôme tandis qu'une ulcération cutanée affecte 4 % des patientes [6].

Embolies pulmonaires
L'estimation de l'incidence des embolies pulmonaires est encore plus imprécise. Une revue de plusieurs travaux
estime l'incidence des embolies pulmonaires entre 0,3 et 1,2 % des grossesses [23]. Un dépistage dans le
post-partum immédiat avec des scintigraphies et des angiographies pulmonaires systématiques a recensé une
embolie pour 750 grossesses.

L'embolie pulmonaire peut encore tuer. La mortalité maternelle des embolies pulmonaires non traitées est estimée
à 13 %.

Les travaux rapportant l'incidence de la mortalité maternelle pendant la grossesse par embolie pulmonaire ne
distinguent habituellement pas les accidents thromboemboliques des embolies amniotiques et gazeuses. Lorsque
la distinction est faite, plus de la moitié des embolies pulmonaires sont d'origine thromboembolique [30].

La mortalité maternelle par embolie pulmonaire est estimé à 1 à 2 pour 100 000 grossesses, faisant des accidents
thromboemboliques et de l'hypertension les principales causes de mortalité maternelle dans les pays occidentaux
[23]
. Dans le registre anglais des causes de décès maternels, 29 des 139 décès enregistrés entre 1985 et 1987
sont dus à une embolie pulmonaire. La mortalité atteint 7 pour 100 000 grossesses après une césarienne.

Durant la dernière décennie, cette mortalité par accidents thromboemboliques a singulièrement diminuée, de plus
de 50 % entre 1970 et 1985 [30]. Aux Etats-Unis, durant cette période le taux de mortalité a chuté de 9 à 4,2
pour 100 000 naissances dans la population noire. La tendance est identique pour la population blanche passant
de 3,3 à 1,3 pour 100 000 .

L'examen des registres de l'Inserm U 149 confirme ces tendances pour la France, à savoir que (tableau II) :

la pathologie thromboembolique est la seconde cause de mortalité maternelle après les hémorragies ;
le nombre absolu de décès maternels dus aux accidents thromboemboliques diminue progressivement (89
décès en 1981, 17 décès en 1991) ;
la proportion des décès maternels due aux accidents thromboemboliques a tendance à augmenter passant
de 16 % en 1981 à 19 % en 1991.

Situation à risques
Le risque d'accident thromboembolique est majoré dans de nombreuses situations.

L'âge des patientes : les patientes de plus de 40 ans meurent 10 fois plus souvent d'embolies pulmonaires
que leurs homologues de moins de 25 ans [30].
Le mode de vie influe fortement sur l'incidence des accidents thromboemboliques. Au Japon, l'incidence de
ces accidents est dix fois moindre que celle rencontrée dans les pays occidentaux lorsque la population
étudiée vit selon le mode traditionnel. L'incidence pour les Japonaises augmente parallèlement à
l'occidentalisation du mode de vie. Le régime alimentaire expliquerait ces différences.
Le type d'accouchement : le risque est majoré de 3 à 16 fois si l'accouchement a lieu par césarienne.
La parité : après la troisième grossesse le risque augmente pour chaque nouvelle grossesse pour toutes les
classes d'âge après 30 ans.
La surcharge pondérale : un poids supérieur à 72 kg aggrave fortement le risque. Le tiers des femmes
décédant d'une embolie pulmonaire sont obèses [9]. Le risque est au maximum pour les patientes obèses
hypertendues hospitalisées pour bilan et mise au repos.
L'hospitalisation : le risque est accru pour les patientes hospitalisées pour des vomissements, de
l'hypertension artérielle (HTA), une cardiopathie, des grossesses multiples ou un diabète, probablement en
raison de l'inactivité imposée à ces patientes.
La prise d'oestroprogestatifs dans le post-partum décuplerait le risque .
La période du post-partum : les thromboses veineuses profondes sont trois à cinq fois plus fréquentes après
l'accouchement qu'avant la délivrance [12].
Les antécédents de thromboembolie : le risque de récurrence est estimé de 5 à 15 %. Sans prévention, 13
% des patientes aux antécédents de thromboembolie hors gestation récidiveraient. Le risque de récidiver
pour une patiente ayant déjà eu un tel accident lors d'une grossesse précédente se situerait entre 12 et 20
%, mais pour certains la prise en charge soigneuse et précoce de ces patientes effacerait ce risque [78].
Les méthodes de fécondation in vitro pourraient augmenter l'incidence des phlébites .
Les interventions chirurgicales : le risque est accru pour les patientes bénéficiant d'une intervention
chirurgicale après l'accouchement. En Angleterre et au pays de Galles, au cours des années 1973-1975, sur
les 15 patientes qui décédèrent après un accouchement par voie vaginale après une embolie pulmonaire,
cinq furent atteintes suite à une ligature de trompe [9].

Un tiers des accidents thromboemboliques surviennent pendant la grossesse et deux tiers dans le post-partum
[74]
. Les risques thromboemboliques pour certains sont majorés au cours du troisième trimestre de grossesse
[92]
et pour d'autres, ils seraient constants tout au long de la grossesse [33].

Les phlébites survenant pendant la grossesse se localisent neuf fois sur dix au niveau du membre inférieur gauche.
Cette topographie pourrait souligner l'importance du facteur mécanique dans la genèse des thromboses
gravidiques. Il y aurait décompensation d'un syndrome de Cockett préexistant par l'utérus gravide.

PHYSIOPATHOLOGIE

Il y a plus de 100 ans, Virchow décrivait une triade de facteurs qui jouent un rôle important dans la coagulation
intravasculaire : modifications de la composition du sang, altérations de la paroi des vaisseaux et stase veineuse.

Modifications hématologiques
La grossesse entraîne normalement des modifications franches de l'hémostase, notamment de la coagulation et de
la fibrinolyse, qui permettent d'assurer le développement des circulations maternelles et foetales, et limitent les
hémorragies de la délivrance. Ces modifications vont dans le sens d'une hypercoagulabilité et d'une
hypofibrinolyse qui peuvent augmenter le risque thrombotique.

Ces modifications physiologiques sont habituellement bien tolérées, et leur implication directe dans la survenue
d'accidents thromboemboliques n'a jamais été démontrée. Cependant, ces modifications de l'hémostase peuvent
démasquer une tendance thrombotique préexistante, constitutionnelle ou acquise. C'est pourquoi, la grossesse et
le post-partum sont des périodes « privilégiées » de révélation d'un état de thrombophilie, qui doit être recherché
2 à 3 mois après l'accouchement, c'est-à-dire après le retour des paramètres de l'hémostase à leur état antérieur.

Par ailleurs, les complications de la grossesse, de l'accouchement et du post-partum peuvent s'accompagner de


modifications aiguës de l'hémostase, majorant le risque thrombotique.

Modifications physiologiques de l'hémostase au cours de la grossesse normale


Modifications de l'hémogramme

Le volume sanguin augmente au cours de la grossesse, l'hématocrite diminue de façon modérée au cours du
troisième trimestre, la numération plaquettaire tend à diminuer également, à partir de la 31e semaine [45]
probablement en relation avec une hyperdestruction plaquettaire [27]. Cette thrombopénie ne s'accompagne pas
d'anomalies qualitatives, est généralement modérée (plaquettes 75 109/L) et se corrige dans les jours qui suivent
l'accouchement.

Modifications de la coagulation

La concentration de plusieurs facteurs de la coagulation augmente au cours de la grossesse, en raison d'une part
de l'imprégnation par les oestrogènes et d'autre part en raison d'un équilibre entre consommation et augmentation
compensatrice de synthèse . Le fibrinogène augmente à partir du deuxième mois par le biais d'une augmentation
de synthèse, et ne revient à la normale que 4 semaines après l'accouchement [28].

Le facteur VIII et le facteur Willebrand s'élèvent progressivement, en raison d'une augmentation de la production
endothéliale, ou par le biais d'une synthèse par le placenta [29]. Les facteurs X et VII augmentent, avec
apparition fréquente d'un phénomène d'activation à froid du facteur VII. Le facteur V augmente au premier
trimestre puis diminue.

Les inhibiteurs physiologiques ne se modifient pas tous de la même façon. L'antithrombine III et 1'α 2
macroglobuline sont stables ou diminuent modérément. La protéine C augmente d'environ 30 % à partir du
deuxième trimestre. La protéine S diminue de façon significative. La concentration de ces inhibiteurs revient à la
normale en quelques jours à 1 semaine après l'accouchement.

Modification de la fibrinolyse

L'activité fibrinolytique globale diminue progressivement au cours de la grossesse, et atteint son minimum au
moment de l'accouchement. Les différents facteurs qui interviennent dans l'équilibre de la fibrinolyse sont
profondément modifiés durant toute la grossesse. L'activateur tissulaire du plasminogène (tPA) augmente de 50 à
200 %, son inhibiteur, le PAI 1 (plasminogen activator inhibitor 1) augmente de 200 à 700 %, et un inhibiteur,
synthétisé par le placenta (PAI 2) apparaît [55].

Les facteurs de la fibrinolyse diminuent rapidement dans les heures suivant l'accouchement, et reviennent à la
normale après 3 à 5 jours [10].

Détection biologique du risque thrombotique


Les progrès importants accomplis depuis 10 ans dans la compréhension des mécanismes de la thrombose ont
permis la mise au point de tests biologiques susceptibles de détecter une activation de l'hémostase in vivo, et
d'identifier un certain nombre de situations à risque, notamment des anomalies constitutionnelles de l'hémostase
prédisposant aux thromboses. Ces tests sont souvent coûteux et d'interprétation délicate au cours de la grossesse,
les normes spécifiques à chaque époque de la grossesse n'étant pas déterminées avec précision. Ils ne doivent pas
a priori être prescrits au cours d'une grossesse normale, mais doivent être réservés aux situations où il existe une
suspicion de thrombose ou des antécédents personnels ou familiaux de thrombose.

Détection d'une activation anormale des plaquettes, de la coagulation, ou de la fibrinolyse

Une activation plaquettaire in vivo peut être détectée par un dosage de thromboglobuline et de facteur 4
plaquettaire. Les tests sont délicats et sont peu interprétables chez la femme enceinte, du fait des modifications du
métabolisme plaquettaire sus-citées.

L'activation de la coagulation entraîne l'augmentation dans le plasma de peptides d'activation des enzymes, tels
que le fibrinopeptide A (FPA ; activation du fibrinogène), le fragment 1+2 de la prothrombine (F1+2) (activation
de la prothrombine), et les peptides d'activation des facteurs IX, X ou de la protéine C. Une autre approche de
l'activation de la coagulation peut être fournie par l'étude de complexes enzymes-inhibiteurs, tels les complexes
thrombine-antithrombine (TAT), ou protéine C activée-inhibiteur. En pratique, seuls les dosages de FPA, du F1+2
et des TAT sont disponibles commercialement, et ont été évalués assez largement lors d'études cliniques, mais
leur utilisation chez la femme enceinte a jusqu'ici été très limitée. Au cours de la grossesse normale, la
concentration plasmatique du FPA est multipliée par 3 à partir de 32 semaines d'aménorrhée et ne revient à la
normale qu'après l'accouchement [92].

Le dosage des produits de dégradation spécifiques de la fibrine (D-dimères) est un test sensible d'activation de la
coagulation et de la fibrinolyse, à condition d'être réalisé par technique immunoenzymatique (enzyme-linked
immunosorbent assay : Elisa). De façon intéressante, il a été démontré qu'une concentration normale des
D-dimères (< 500 ng/mL) avait une bonne valeur prédictive de l'absence d'embolie pulmonaire [11]. En revanche,
une augmentation des D-dimères peut être due à une ou plusieurs causes et n'indique pas obligatoirement une
thrombose constituée. Elle peut en particulier être témoin d'une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).

Détection d'anomalies de l'hémostase augmentant le risque thrombotique

Plusieurs anomalies constitutionnelles de l'hémostase augmentant le risque de thrombose sont maintenant


identifiées : par ordre croissant de fréquence, les déficits en antithrombine III (1 à 2 % des accidents
thrombotiques veineux précoces ou récidivants), en protéine C [38] ou en protéine S (5 %) [17], la résistance à la
protéine C activée. Cette dernière anomalie, liée le plus souvent à une mutation sur le gène du facteur V explique
20 à 30 % des accidents thrombotiques veineux récidivants ou précoces. Pour ces anomalies constitutionnelles, la
grossesse et le post-partum sont assez fréquemment l'occasion d'un premier accident thromboembolique révélant
l'anomalie. Un interrogatoire à la recherche d'antécédents thrombotiques familiaux, un dosage des inhibiteurs
physiologiques antithrombine III (ATIII), protéine C, protéine S (par technique fonctionnelle) et une recherche de
résistance à la protéine C activée permettent une orientation diagnostique. Dans tous les cas, il est nécessaire de
réaliser un contrôle de la, ou des anomalies détectées, 2 à 3 mois après la grossesse, et après l'arrêt du
traitement anticoagulant, afin de confirmer le diagnostic [20].

Une anomalie acquise de la coagulation doit également être recherchée de façon systématique, notamment la
présence d'un anticoagulant lupique, encore appelé en France « antiprothrombinase » [85]. Cet anticoagulant est
un autoanticorps antiphospholipide qui allonge les temps de coagulation utilisant des phospholipides (temps de
céphaline plus activateur en particulier). Cet effet anticoagulant n'existe qu'in vitro, et in vivo il existe une
tendance thrombotique, dont le mécanisme reste discuté. Un anticoagulant lupique est rencontré de façon non
exceptionnelle chez la femme jeune, dans le cadre d'une maladie lupique (dont il peut être le révélateur) ou dans
le cadre d'un syndrome antiphospholipides. Une forme particulière de ce syndrome est le syndrome de Soulier et
Boffa qui associe avortements à répétition ou retard de croissance intra-utérin, anticoagulant lupique et
thromboses veineuses ou artérielles. La découverte d'un anticoagulant lupique nécessite donc un bilan complet de
pathologie dysimmunitaire chez la femme enceinte.
Modifications de la coagulation au cours des grossesses, accouchements et post-partum
pathologiques
Les grossesses pathologiques s'accompagnent fréquemment d'une accentuation des modifications physiologiques
de l'hémostase, ce qui, en association avec l'alitement et la stase veineuse augmente de façon nette le risque de
thrombose. Surtout, la tendance physiologique à l'activation de la coagulation peut évoluer, sous l'influence de
divers agents activateurs surajoutés, vers un tableau de CIVD avec ou sans fibrinolyse associée, avec ses diverses
complications hémorragiques et thrombotiques.

Physiopathologie des CIVD au cours de la grossesse

La CIVD est le résultat d'une activation de la coagulation in vivo, non contrôlée par les systèmes inhibiteurs. Cette
activation concerne habituellement tous les acteurs de l'hémostase : coagulation plasmatique, plaquettes,
endothélium. Les facteurs déclenchants peuvent être non spécifiques de la grossesse : activation endothéliale et
monocytaire au cours d'une infection bactérienne (par le biais de l'endotoxine dans le cas des bactéries à gram
négatif), d'une infection virale, d'un choc thermique, hypovolémique ou d'une hypoxie, de la circulation de
complexes immuns. Mais un certain nombre de stimulus particuliers peuvent être rencontrés au cours de la
grossesse : en effet, le liquide amniotique et le placenta sont très riches en substances activatrices de la
coagulation, notamment le facteur tissulaire. Au niveau de la circulation placentaire, une activation localisée de la
coagulation survient fréquemment, contenue par les inhibiteurs physiologiques. Ces phénomènes normalement
localisés peuvent s'étendre de proche en proche à la faveur d'une libération anormale de facteur tissulaire, par les
structures placentaires ou par des éléments cellulaires maternels autres (tissus lésés ou cellules vasculaires
activées).

Les principales causes de CIVD au cours de la grossesse sont les infections, particulièrement les infections à germe
à gram négatif (pyélonéphrite, infections amniotiques), les rétentions de foetus morts, les décollements
prématurés du placenta, les états prééclamptiques ou éclamptiques.

Conséquences cliniques

Les CIVD entraînent deux types de conséquences cliniques : d'une part un syndrome hémorragique lié à la
consommation des facteurs de coagulation et des plaquettes et à l'activation réactionnelle de la fibrinolyse, d'autre
part des microthromboses qui touchent les tissus périphériques ou des organes vitaux tels que les reins, les
surrénales et qui, dans leur forme la plus grave aboutissent à des nécroses et à une défaillance multiviscérale.

Tableau biologique

Dans la forme typique, les facteurs de la coagulation et les inhibiteurs physiologiques sont consommés, de même
que les plaquettes. Le temps de céphaline activé et le temps de Quick sont allongés. La génération excessive de
thrombine est révélée par la présence de complexes solubles de fibrine, et l'activation de la fibrinolyse
réactionnelle par la présence de produits de dégradation de la fibrine (PDF). à un stade plus précoce, seuls la
présence de complexes solubles (test à l'éthanol), ou de produits de dégradation de la fibrine (D-dimères) ainsi
qu'une diminution des plaquettes, du facteur V et du fibrinogène peuvent révéler le processus.

Modifications hémodynamiques

Stase veineuse
La stase veineuse prédispose aux thromboses de plusieurs façons. Elle empêche la clairance des facteurs de
coagulations activés et le contact entre ces facteurs activés et leurs inhibiteurs. Le retour veineux des membres
inférieurs est facilité par la contraction musculaire qui est la véritable pompe du sang veineux. En décubitus, les
sinus veineux des jambes sont dilatés. La stase veineuse peut encore être due à une anomalie du retour veineux
soit induite par l'utérus gravide, soit par distension des veines.

Pendant la grossesse et l'accouchement plusieurs modifications prédisposent à la stase veineuse. Les études
pléthysmographiques ont objectivé une dilatation veineuse pendant la grossesse probablement sous l'effet des
oestrogènes sur les cellules musculaires lisses des parois veineuses. Cet effet oestrogénique pourrait expliquer la
survenue de dilatations variqueuses pendant la grossesse. Cette augmentation de calibre est précoce et intéresse
toutes les veines du petit bassin et des membres inférieurs. Le calibre de la veine ovarienne passe en moyenne de
9 à 26 mm de diamètre dès le début de la grossesse.

En se développant, l'utérus comprime les veines iliaques externes pouvant aboutir à une réduction significative du
débit pendant le dernier trimestre. La circulation dans la veine cave peut parfois être complètement interrompue
en décubitus dorsal.

Durant les grossesses pathologiques imposant l'alitement, les accouchements difficiles et les césariennes, une
stase veineuse s'installe due à l'immobilisation des membres inférieurs et la compression des veines pelviennes
par la tête foetale.

Le tonus veineux redevient normal 8 à 12 semaines après l'accouchement.


Lésions endothéliales
L'endothélium intact protège des thromboses car il ne réagit ni avec les plaquettes, ni avec les facteurs de
coagulation. Plusieurs explications de cette non-réactivité ont été avancées : une répulsion électrostatique due aux
charges négatives protées par les cellules endothéliales, la synthèse endothéliale de prostacycline qui inhibe
l'agrégation plaquettaire et la présence sur les cellules endothéliales de substances aux propriétés de l'héparine.
Lorsqu'il y a des lésions de l'endothélium les tissus sous-endothéliaux réagissent avec les plaquettes et les facteurs
de coagulation.

Les veines restent intactes pendant la grossesse, mais des agressions veineuses peuvent les blesser au cours de
l'accouchement, qu'il ait lieu par voie vaginale ou par césarienne. Les lésions traumatiques sont probablement la
cause majeure de l'augmentation du risque thromboembolique dans la période de post-partum.

ASPECTS CLINIQUES

La précocité du diagnostic permet de diminuer l'incidence des complications emboliques et de minimiser la gravité
des séquelles.

La certitude diagnostique est indispensable avant de mettre en route un traitement coûteux potentiellement
iatrogène pour la mère et le foetus. Les signes d'appel cliniques doivent être connus car devant la moindre
suspicion d'accident thromboembolique une procédure diagnostique complète doit être déclenchée. Mais le
diagnostic clinique est très peu performant, manquant de spécificité et de sensibilité. L'enquête diagnostique
paraclinique ne confirme l'accident thromboembolique que chez la moitié des patientes suspectes [4]. Des
examens paracliniques objectifs devront confirmer et préciser les lésions (fig 1), d'autant que les signes cliniques
mêmes francs ne peuvent distinguer les thromboses à risque important d'embolie pulmonaire. La localisation des
lésions, qui n'est précisée efficacement qu'avec les examens paracliniques, est indispensable pour décider du
mode de traitement.

Thromboses des veines superficielles


Il s'agit d'un cordon linéaire inflammatoire, induré, douloureux et chaud siégeant sur un trajet veineux ou une
varice. La taille du cordon est variable de quelques centimètres à plusieurs dizaines de centimètres. L'inflammation
périveineuse est parfois large, formant un placard rouge. Ces lésions intéressent essentiellement les veines
saphènes et leurs branches.

Ces thromboses veineuses superficielles posent deux questions :

Quel est le risque de thrombose veineuse profonde associée ?


Une recherche systématique chez 42 patientes a recensé 12 % de thromboses profondes associées. Le risque est
le plus important pour les thromboses superficielles siégeant au-dessus du genou [88]. Bergqvist a confirmé cette
association, sur 56 patients souffrant d'une thrombose de la saphène interne, 9 (16 %) avaient une thrombose
veineuse profonde associée. Le mécanisme retenu n'est pas une extension de la phlébite puisque 8 fois sur 9 la
thrombose profonde n'avait aucun rapport anatomique avec la phlébite superficielle [8].

Quel est le risque d'embolie pulmonaire ?


En l'absence de varices, le risque d'embolie semble faible [74]. En revanche, si elle survient sur des varices
saphènes internes ou externes, le risque est lié aux possibilités d'extension de la thrombose aux axes profonds qui
sont directement liées à l'alitement et à l'association d'une maladie postphlébitique préexistante, c'est-à-dire
toutes les situations qui réduisent le flux dans les veines profondes.

Thromboses veineuses profondes


La difficulté du diagnostic de thrombose veineuse profonde est encore accrue par la grossesse car l'oedème, les
crampes, la douleur des mollets et la dilatation des veines superficielles peuvent ne traduire qu'une stase veineuse
isolée sans phlébite. Les syndromes de compression de la veine iliaque gauche par la bifurcation artérielle et les
rares anomalies de la veine cave inférieure peuvent se décompenser pendant la grossesse par la compression par
l'utérus gravide évoquant à tort une phlébite pelvienne.

Une suspicion de phlébite surale sera posée devant des douleurs plus ou moins vives au niveau d'un mollet
exacerbées par les mouvements, des contractures, un gonflement, un oedème, des modifications de coloration des
membres, la perception d'un cordon induré, d'un signe de Homans et d'un test de Lowenberg positif. Le signe de
Homans est présent lorsque la dorsiflexion passive du pied sur une jambe au repos entraîne une douleur située le
plus souvent au niveau du mollet, du creux poplité ou de l'extrémité distale de la cuisse. La positivité du test de
Lowenberg est retenue lorsque le gonflement rapide d'un brassard de tensiomètre entraîne une douleur distale.
Une série continue de 60 phlébites survenant pendant la grossesse montre que dans 96 % des cas, la phlébite
siège sur la jambe gauche, et dans 4 % elle est bilatérale. Dans aucun cas la thrombose n'est isolée sur la jambe
droite [33].

Le diagnostic de thrombose se complique parfois lorsque s'y associe une pathologie différente. Une étude
prospective utilisant le doppler et l'échographie chez 40 patients souffrant d'érysipèle de jambes a permis
d'objectiver une thrombose veineuse profonde dans 15 % des cas [63].

Les phlébites iliofémorales sont plus graves que les phlébites surales de par leur potentiel emboligène et leur
retentissement hémodynamique. Pendant la grossesse, la symptomatologie est souvent fruste car le réseau
veineux collatéral est capable de compenser la stase induite par la thrombose. La moindre douleur unilatérale
inguinale, rétrocrurale ou du triangle de Scarpa sera suspecte surtout si elle est exacerbée par la palpation
fémorale, si s'associe un léger gonflement de la cuisse, le mollet restant souple, si l'on observe une cyanose isolée
à la cuisse et si l'on constate une exagération de la circulation sous-cutanée. Dans le post-partum, du fait de
l'involution de la circulation collatérale pelvienne, la symptomatologie est souvent beaucoup plus explosive, avec
une cuisse cyanosée de périmètre augmenté, les extrémités pâles et froides et une diminution des pouls
périphériques.

Thrombophlébites pelviennes suppurées (TPS)


Les TPS compliquent 0,1 % des grossesses, mais l'incidence peut atteindre 1 à 2 % après une césarienne
compliquée d'une infection. Elles ne surviennent qu'après l'accouchement. Il faudra l'évoquer devant un syndrome
septique résistant à l'antibiothérapie. Après une césarienne, une antibiothérapie appropriée permet la guérison de
95 à 98 % des patientes infectées. Approximativement la moitié des patientes ne répondant pas au traitement
anti-infectieux a une TPS, l'autre moitié a un abcès.

Ce syndrome septique est associé à des signes digestifs (douleur, météorisme) et urinaires (dysurie, pollakiurie).
Le toucher vaginal retrouve un utérus volumineux et peu mobilisable avec, parfois, la présence de cordons veineux
indurés qui signent le diagnostic. L'efficacité d'une héparinothérapie à dose curative confirmera le diagnostic [50].
Ces TPS sont une conséquence parfois fatale des endométrites du post-partum. Non traitées un tiers des patientes
présentent des embolies pulmonaires septiques. D'autres complications mortelles peuvent être rencontrées (choc
septique, insuffisance rénale aiguë, CIVD) [16].

Cette pathologie est facilement confondue avec une appendicite, une torsion d'annexes, une paramétrite ou un
abcès pelvien. Avant l'utilisation des anticoagulants, le diagnostic était porté lors de laparotomies qui entraînaient
une mortalité significative (10 à 16 %) [70]. L'héparinothérapie instaurée rapidement permet d'éviter les embolies
pulmonaires et la thrombose progressive de la veine cave et des veines rénales.

Les examens scanner et échographiques semblent pouvoir faciliter le diagnostic. Cependant, la littérature
évaluant, ces outils diagnostiques confonde souvent les TPS et les thromboses des veines ovariennes [79].

Thromboses des veines ovariennes


La thrombose des veines ovariennes complique 0,5 % des accouchements. Elle touche dans 68 % la veine droite,
elle est bilatérale dans 20 % des cas [26]. Plusieurs facteurs expliqueraient ces thromboses : la stase veineuse,
l'infection et l'hypercoagulabilité. Le calibre de la veine ovarienne droite est augmenté trois fois en fin de grossesse
sans élévation de la pression intraluminale [43]. La stase veineuse serait due à la chute du débit sanguin ovarien
dans le post-partum dans ces veines dilatées. Une endométrite est associée à la thrombose dans 67 % des cas
[26]
. Bien que la responsabilité de l'infection ne soit pas prouvée six fois sur sept, la culture des thrombi permet
d'identifier des germes pathogènes [67].

Deux propositions ont été avancées pour expliquer la localisation préférentielle droite :

la veine gauche serait protégée par une circulation sanguine rétrograde ;


la veine droite serait comprimée au niveau du détroit supérieur par le croisement avec l'uretère [67].

Le tableau clinique est souvent trompeur. Elle se révèle 2 à 3 jours après un accouchement par une douleur
iliaque, le plus souvent à droite, qui peut irradier dans la région lombaire. L'examen objective souvent une masse
tendue et douloureuse latéro-utérine. La fièvre est quasi constante .

Les diagnostics différentiels sont nombreux (tableau III). Seule la grande précision diagnostique apportée par les
examens complémentaires (scanner, résonance magnétique nucléaire, échographie doppler) permet de ne pas
opérer ces patientes particulièrement fragiles, à risque élevé d'extension de la thrombose dans la veine cave ou
dans les veines rénales et d'embolie pulmonaire . Sur 24 patientes opérées à tort, Munsik enregistre quatre décès
alors que les 13 patientes traitées par antibiotique et anticoagulant ont toutes guéri [67]. La réalisation
systématique d'examens paracliniques performants (examen scanner ou de résonance magnétique nucléaire)
découvre plus fréquemment des thromboses des veines ovariennes .
Embolies pulmonaires (EP)
Elle peut émailler l'évolution d'une thrombose suspectée ou reconnue, voire même en cours de traitement, ou être
inaugurale. Elles sont plus fréquentes dans le post-partum que pendant la grossesse. Leur survenue pendant la
grossesse impose la recherche d'une maladie générale ou d'un déficit en facteurs de coagulation (fig 2).

La symptomatologie dépend du volume du caillot et du retentissement hémodynamique. Des EP asymptotiques


peuvent accompagner les thromboses veineuses.

La dyspnée et la tachypnée sont les signes les plus fréquemment évocateurs d'EP. D'autres signes peuvent être
rencontrés : toux, douleur basothoracique, cyanose, anomalie de l'auscultation cardiaque et plus rarement
l'hémoptysie. Des pathologies préexistantes, comme des pneumopathies, des insuffisances cardiaques peuvent
obscurcir le diagnostic. Les symptômes doivent être appréciés en tenant compte des modifications physiologiques
de la grossesse qui entraînent un certain degré de tachycardie (+ 15 %) et d'hyperventilation (+ 50 %) en partie
aux dépens de la fréquence respiratoire (+ 15 %). L'absence de signes droits à l'électrocardiogramme (ECG) n'a
aucune valeur. La radiographie thoracique (irradiation foetale minime avec un tablier abdominal : 0,01 mGY)
normale dans 20 % des cas ne peut fournir que des signes suggestifs (opacité localisée, surélévation d'une
coupole diaphragmatique). Ces deux examens sont réalisés pour éliminer d'autres causes, telles qu'angor,
infarctus, péricardite, pneumopathie, pneumothorax. Seule l'hypoxémie objectivée par les gaz du sang sous air
ambiant a une sensibilité intéressante. La PaO2 maternelle reste inchangée, voire augmentée en fin de grossesse.
L'hypocapnie n'a aucune valeur du fait de l'hyperventilation physiologique.

Les signes d'insuffisance cardiaque droite comme la distension des jugulaires, l'hépatomégalie ne sont rencontrés
que si au moins 50 % de la circulation pulmonaire est obturée. Ce qui n'est causé que par une embolie massive ou
par la répétition de petites embolies.

EXPLORATION FONCTIONNELLE ET STRATÉGIE DIAGNOSTIQUE

Le diagnostic de thrombose est impératif, ne pas la reconnaître expose aux risques d'embolies pulmonaires et de
syndromes postphlébitiques, la traiter à tort présente les risques de l'anticoagulothérapie sans compter que la
patiente sera ultérieurement considérée à risque, ce qui aura des répercussions futures comme dans les décisions
concernant les contraceptifs [35]. Le diagnostic clinique est très peu spécifique puisque la thrombose ne sera
confirmée par les examens complémentaires que chez 20 à 30 % des patientes présentant des signes cliniques
classiques. De nombreuses affections imitent la thrombose [69]. La sensibilité de la clinique est encore plus
mauvaise au cours de la grossesse car la thrombose, n'étant pas oblitérante survenant sur un réseau aux
collatérales développées, n'est symptomatique que dans 50 % des cas.

Il n'est pas possible de distinguer les thromboses veineuses profondes qui conduisent à l'embolie pulmonaire de
celles qui restent localisées. à l'inverse, certaines embolies pulmonaires surviennent en l'absence de thrombose
veineuse profonde symptomatique.

Le diagnostic de thrombose veineuse profonde doit être évoqué chez toute patiente souffrant d'une douleur, d'un
gonflement, ou d'une décoloration d'un membre. Une brutale douleur thoracique, une dyspnée d'apparition brutale
impose d'éliminer l'installation d'une embolie pulmonaire. Cette préoccupation est accrue chez les patientes dites à
risque (obésité, multiparité, varices, antécédents familiaux ou personnels de thromboembolie).

La nécessité d'aboutir au diagnostic impose la mise en route d'examens paracliniques, mais la stratégie
diagnostique doit tenir compte de la présence du foetus et des modifications anatomiques dues à l'utérus gravide.
La phlébographie, la pléthysmographie d'impédance et les explorations ultrasoniques sont largement utilisées et
validées pour le diagnostic de thrombose veineuse profonde en dehors de la grossesse [24].

Lors de la grossesse, deux problèmes méritent d'être considérés :

les risques foetaux des examens radiographiques [40] ;


l'inefficacité potentielle des examens non invasifs pendant la grossesse.

Deux méthodes sont proscrites en période puerpérale : le fibrinogène marqué et la phlébographie isotopique, car
l'iode radioactif injecté traverse la barrière placentaire et passe dans le lait maternel.

Diagnostic ultrasonore
L'examen ultrasonographique des veines profondes des membres est fondé sur le couplage d'une exploration
fonctionnelle grâce à l'effet doppler et d'une exploration morphologique grâce à l'échotomographie. L'examen
doppler permet de détecter des anomalies des flux sanguins, tandis que l'échographie permet de visualiser les
vaisseaux profonds et les tissus environnants.

La configuration matérielle la moins onéreuse repose sur l'utilisation d'un système doppler à émission continue et
d'un échographe en « temps réel ». L'appareillage doppler à émission continue doit disposer de deux sondes : une
sonde de « basse fréquence » pour l'examen des troncs veineux profonds et une sonde de « haute fréquence »
pour l'étude des veines superficielles. L'appareillage d'échotomographie doit disposer d'une sonde permettant
l'examen des veines des membres. Une sonde 7,5 MHz offre un compromis satisfaisant entre le pouvoir de
pénétration et la résolution axiale. Une sonde de plus basse fréquence est nécessaire pour l'examen des veines
iliaques et de la veine cave inférieure, bien que ces localisations soient peu accessibles à l'échographie pendant la
grossesse.

L'échographie peut être couplée au doppler à émission pulsée (« duplex »). L'avantage est de pouvoir visualiser
les troncs veineux qui seront sélectivement interrogés au doppler. Le repérage des vaisseaux, la reconnaissance
des collatérales peuvent être facilités par l'utilisation d'un doppler couleur.

Examen morphologique
En échographie une veine normale se présente comme une bande sombre quasi anéchogène, bordée d'un fin liseré
souple. La paroi veineuse épouse le contour des structures anatomiques extérieures et se laisse déprimer par la
sonde. Les valvules veineuses sont normalement bien visibles. Les tests dynamiques, comme la manoeuvre de
Valsava, qui augmente la pression veineuse entraîne une dilatation visible de la veine.

L'aspect échographique d'une thrombose associe des signes directs traduisant l'obstacle intrinsèque au niveau de
la lésion et des signes indirects témoignant des manifestations à distance.

L'échotomographie permet de visualiser directement le thrombus. L'échogénicité de la thrombose varie avec son
âge. Les lésions très jeunes sont très peu échogènes et seule une turbulence localisée dans la veine les objective
[60]
. Les thromboses veineuses fraîches sont régulièrement échogènes, à l'inverse des thromboses organisées qui
sont très hétérogènes. Le signe indirect le plus fréquent est l'incompressibilité de la veine au niveau de la
thrombose, incompressibilité partielle durant les 48 premières heures, incompressibilité totale ensuite. D'autres
signes indirects mineurs doivent attirer l'attention de l'opérateur comme l'immobilité de la paroi, la stase d'amont
et d'aval qui augmente l'échogénicité du sang, la dilatation de la veine. Ces signes seront à comparer à l'aspect du
membre opposé.

Examen fonctionnel
Le flux veineux est spontanément décelable par le doppler au niveau de la veine cave, des veines fémorales et des
veines saphènes internes. Ce flux est normalement modulé par les mouvements respiratoires : il est maximal au
cours de l'expiration et minimal pendant l'inspiration. Des manoeuvres permettent de modifier le flux veineux. La
manoeuvre de Valsava interrompt le flux dans les veines fémorales, mais lors de la reprise expiratoire le flux doit
se rétablir rapidement. La surélévation passive du membre inférieur entraîne du fait de la gravité une vidange
veineuse produisant une augmentation franche et durable du flux veineux. Une compression des masses
musculaires en amont de la sonde doppler provoque une onde de chasse sanguine, se traduisant par une
augmentation franche mais transitoire du signal doppler.

Le signe direct lors des thromboses est l'absence de flux sur la veine obstruée. Ce signe n'est présent que s'il y a
obstruction complète. Lors de la grossesse, le développement de la circulation collatérale peut prêter à confusion
surtout si l'on ne dispose que du doppler continu. Indirectement, la thrombose se traduit en amont par un
ralentissement des flux avec une diminution des réponses aux manoeuvres dynamiques. La trop grande facilité à
détecter un flux au niveau de la saphène interne traduit la mise en place de cette circulation collatérale.

Evaluation de l'utilisation des ultrasons en phlébologie en cours de grossesse


L'échographie couplée au doppler est efficace pour le diagnostic des thromboses proximales, mais la performance
de l'examen est moins bonne pour les thromboses situées en aval de la veine fémorale et sur les veines surales
[37]
. Au niveau des veines surales, la sensibilité de l'échographie serait inférieure à 50 %. Mais les thromboses de
la jambe embolisent plus rarement et l'échographie peut être répétée aussi fréquemment que nécessaire. à cause
de l'utérus gravide, l'extension iliocave d'un thrombus est souvent difficile à préciser, seules les exceptionnelles
thromboses caves sus-rénales sont accessibles à l'échographie par voie sous-costale.

En pratique un examen positif affirme le diagnostic. L'examen négatif, y compris à l'étage sural, rend le diagnostic
peu probable. On peut alors proposer une surveillance et la répétition de l'échographie-doppler 4 à 5 jours plus
tard. Cette attitude validée en dehors de la grossesse est pour la plupart des auteurs applicable à la grossesse.
Une phlébographie de complément sera demandée si un doute persiste quant à l'état de l'étage sural [62].

Pléthysmographie d'impédance
La pléthysmographie d'impédance mesure les modifications de la résistance électrique dans les membres qui
accompagnent les changements de volume sanguin. La déflation brutale d'un garrot placé à la racine de la cuisse
ou le gonflement d'un garrot posé distalement entraîne un flux sanguin immédiat, causant une augmentation des
résistances électriques. Les résultats doivent être comparés à ceux obtenus sur le membre sain [46].

Chez la femme non enceinte, cette technique diagnostique a une sensibilité de 95 % et une spécificité de 98 %
pour diagnostiquer les thromboses proximales. Les performances diagnostiques de la pléthysmographie
d'impédance sont mauvaises pour les thromboses distales. Les résultats peuvent être faussement rassurants
lorsque la thrombose n'est pas occlusive ou lorsqu'une circulation collatérale importante est en place [54]. Cet
examen est considéré comme un mauvais instrument de dépistage chez les patientes à risque asymptomatique,
car des thromboses veineuses volumineuses peuvent passer inaperçues si elles ne sont pas totalement occlusives.
La compression de la veine cave et des veines pelviennes par l'utérus gravide du second ou du troisième trimestre
peut donner des résultats faussement positifs. La réalisation de l'examen, la patiente étant couchée sur le côté,
préviendrait ces faux positifs. La répétition de l'examen améliore sa sensibilité. Si les résultats de l'examen sont
positifs au cours des 2 premiers trimestres, le diagnostic est retenu. Durant le troisième trimestre, un résultat
positif impose de refaire le test après avoir modifié la position de la patiente. Si le résultat est encore positif, une
phlébographie limitée devra confirmer la lésion. Un résultat négatif en pléthysmographie peut exclure une
thrombose proximale mais ne peut éliminer une phlébite surale. En théorie du moins, la stase veineuse résultant
de la compression par l'utérus des veines pelviennes augmenterait les risques d'extension de thrombose surale. Il
est donc licite, si le moindre doute de phlébite surale persiste, de réaliser une phlébographie lorsque la
pléthysmographie d'impédance est négative.

Cependant, l'attitude consistant à ne pas traiter ou à suspendre le traitement lorsque la pléthysmographie est
négative plusieurs fois consécutivement a été évaluée favorablement chez 139 patientes suspectes de présenter
une thrombose veineuse profonde [47].

Phlébographie
La phlébographie demeure l'examen de référence mais doit être adaptée à la grossesse : ponction, opacification
unilatérale du côté du point d'appel, protection utérine par tablier en plomb, donc sans cavographie, limitation du
volume de produit iodé de contraste à 60 mL qui permet de réduire le risque d'hypothyroïdie néonatale. Ce risque
n'existe qu'au-delà de 20 semaines de grossesse.

Les conséquences de l'irradiation sur le foetus doivent être considérées. La dose d'irradiation reçue par le foetus
est inférieure à 0,2 rad si le nombre de clichés est inférieur à trois et s'il n'est pas réalisé de test scopique lors de
l'injection du produit de contraste. La dose reçue par le foetus lors d'une cavographie unilatérale complète sans
tablier de plomb est de 0,314 rad [33]. Ces doses restent inférieures à la dose de 1,5 rad, dose maximale
admissible pour l'abdomen de femme enceinte admise par le Service central de protection contre les radiations
ionisantes (SCPRI). Si le risque létal ou malformatif paraît très faible, plusieurs travaux récents incitent à ne
prescrire de radiations ionisantes que parcimonieusement. Un travail sur des foetus hypotrophiques objective plus
d'anomalie du caryotype chez les foetus irradiés (8 % versus 5 %). Une étude cas-témoin sur des jumeaux
américains irradiés in utero semble montrer une incidence plus importante des cancers dans l'enfance [40].

L'examen se fait par injection de produit de contraste dans une veine dorsale du pied, une position de
Trendelenburg inversée de 40° est appliquée à la patiente. Le diagnostic de thrombose veineuse est posé lorsqu'un
défaut de remplissage de forme et de topographie constante est objectivé sous deux incidences. Un arrêt brutal du
remplissage ou l'absence d'opacification sont simplement suspects. Des résultats faussement positifs peuvent
résulter d'une technique défectueuse, de contractures des muscles, d'un kyste du creux poplité ou d'un oedème
localisé [31]. Bien que considérée comme étant la technique étalon-or, la phlébographie reste parfois difficile à
interpréter. Une enquête récente souligne environ 15 % de divergences lorsque l'interprétation est confiée à deux
experts radiologues [71]. Une des difficultés est due à la compression des veines pelviennes par l'utérus. Plusieurs
cas de pseudothromboses en phlébographie ont été décrits et expliqués par ce phénomène de compression [33].

La phlébographie est un examen sensible et spécifique pour le diagnostic des phlébites surales. Chez la femme
non enceinte, la phlébite débute souvent dans la jambe pour s'étendre proximalement. Cependant, chez la femme
enceinte, l'histoire naturelle est différente puisque souvent la lésion débute dans la veine iliaque ou fémorale pour
se propager distalement ensuite. Dans une série publiée, cette séquence a pu être démontrée dans 80 % des cas
[7]
.

La phlébographie reste un examen invasif grevé de complications qui incluent les douleurs musculaires (24 % des
cas), l'apparition d'oedème, de contracture et d'érythème. Le rinçage de la veine avec du sérum physiologique
hépariné permet d'éviter la formation de thrombose secondaire due au produit de contraste. L'utilisation de produit
à faible osmolarité réduit ces ennuis. Une série de 463 thromboses veineuses profondes diagnostiquées par
phlébographie avec un produit de contraste à faible osmolarité a été marquée par un bronchospasme dans 0,4 %
des cas et des incidents locaux dans 22,2 % des cas (douleurs locales, 12,1 % ; nausées, 4,5 % ; vertiges, 1,5 %
; vomissements, 0,4 % ; oedème, 1,9 % ; phlébites superficielles, 0,6 %) [60].

Lorsque le tableau clinique et les explorations non invasives sont en faveur d'une phlébite iliocave, une
phlébographie est nécessaire malgré le risque d'irradiation prénatale. Cette opacification recherche un thrombus
iliaque étendu à la veine cave, peu adhérent, qui représente un risque important d'embolie pulmonaire grave.

Si la phlébographie limitée est négative, une phlébographie complète est indiquée pour confirmer ou infirmer une
thrombose des veines iliaques, le risque foetal de l'irradiation est moindre que celui de traiter à tort ou de ne pas
traiter.

Scintigraphie pulmonaire
La scintigraphie pulmonaire de perfusion est un examen très sensible. Un résultat normal exclut une embolie
pulmonaire. La spécificité de cet examen est mauvaise, des résultats faussement positifs sont enregistrés lorsque
la perfusion pulmonaire est altérée, par exemple lors des pneumonies, des tumeurs, des atélectasies des
épanchements pleuraux [66]. L'examen consiste à injecter en intraveineux des microsphères d'albumine marquées
par du technétium (99mTc). Ces microparticules sont bloquées dans le lit artériolaire précapillaire obstruant moins
de 0,2 % de la circulation pulmonaire.

La spécificité de la scintigraphie est améliorée en faisant précéder la scintigraphie de perfusion par une
scintigraphie de ventilation. La scintigraphie de ventilation par inhalation d'aérosols de xénon 133 ou de 99mTc
avant et après la scintigraphie de perfusion objective les anomalies de ventilation.

La scintigraphie est interprétée comme normale, non informative, avec embolie probable, suspicion d'embolie,
embolie très probable. L'embolie est peu probable devant un défaut isolé de perfusion ou simultané de la perfusion
et de la ventilation. En revanche, elle est très probable lorsque les anomalies sont multiples ou lorsqu'il y a
discordance de la ventilation et de la perfusion. Lorsqu'une anomalie radiographique coïncide avec l'anomalie de
perfusion, l'examen est considéré comme non informatif [70].

Angiographie pulmonaire
Dans certains cas, il faut réaliser une angiographie pulmonaire considérée comme le test définitif dans le
diagnostic de l'embolie pulmonaire. Le produit de contraste est injecté sélectivement dans les branches lobaires ou
segmentaires des artères pulmonaires, permettant de visualiser tous les vaisseaux d'un diamètre de plus de 2,5
mm. Une embolie se traduit par un défaut de remplissage de la lumière ou l'interruption brutale d'un vaisseau
dont l'extrémité distale est comblée de caillot. L'anomalie doit être objectivée sur plusieurs incidences. Ces
examens présentent des risques avec un taux de morbidité de 4 à 5 % et une mortalité de 0,2 à 0,3 %.

Théoriquement l'angiographie numérisée pratiquée après injection du produit de contraste dans une veine
périphérique serait une adaptation moins agressive de la technique mais la résolution de l'image obtenue serait
moins bonne à cause des mouvements respiratoires et cardiaques.

Stratégie diagnostique
Les examens paracliniques non invasifs (échographie et pléthysmographie) n'ont pas les mêmes performances
lorsqu'ils sont utilisés en situation de dépistage ou de diagnostic chez des patientes symptomatiques. Le
regroupement de six études leur attribue une sensibilité globale de 59 % et une spécificité de 98 % en situation de
dépistage [60].

Plusieurs situations diagnostiques sont rencontrées.

Suspicion de thrombose veineuse profonde


Dans les localisations jambières, poplitées et fémorales un examen ultrasonore doit permettre de résoudre le
problème diagnostique qu'il y ait ou non confirmation de la thrombose. Lorsque l'examen est négatif et que la
symptomatologie persiste, il faut refaire un examen échographique après 48 heures.

Lorsque la localisation est iliocave, devant un résultat négatif on peut conclure sous réserve d'une bonne maîtrise
de l'échographie à l'absence de thrombose . L'examen sera également répété si les signes cliniques ne s'amendent
pas. à ce niveau topographique, un résultat anormal des explorations non invasives impose une phlébographie qui
seule pourra, tout en confirmant la thrombose, préciser l'extension sur la veine cave.

Suspicion d'embolie pulmonaire


L'ECG est souvent normal. L'absence de signes électriques droits ne doit pas faire rejeter le diagnostic. La
radiographie du thorax (irradiation foetale négligeable avec un tablier abdominal), normale dans 20 % des cas, ne
fournit que des éléments suggestifs tels que l'élévation d'une coupole diaphragmatique, une atélectasie, une
effusion pleurale [77]. Cependant ces deux examens sont pratiqués pour éliminer une autre cause : angor,
infarctus, péricardite, pneumopathie et pneumothorax. L'intérêt principal de la radiographie thoracique est d'aider
à interpréter les images obtenues en scintigraphie. Seule l'hypoxémie objectivée par les gaz du sang sous air
ambiant a une sensibilité intéressant (85 %). La PaO2, maternelle, normale à terme, est inchangée, voire
augmentée de 10 %. L'hypocapnie est, en revanche, sans valeur durant la grossesse, du fait de l'hyperventilation
physiologique.

La scintigraphie pulmonaire est l'examen de première intention. L'irradiation foetale est estimée à 0,4-1,75 mGy et
à 3,5 fois cette dose si une scintigraphie de ventilation-perfusion est nécessaire. Un examen négatif permet de
rejeter le diagnostic d'EP.

Une angiographie pulmonaire est nécessaire lorsque la scintigraphie ne permet pas de conclure, en cas d'EP
massive et en cas de contre-indication aux anticoagulants.

Lorsque l'EP est confirmée, l'enquête étiologique retrouve une thrombose veineuse profonde dans 80 % des cas.
Cette thrombose, chez la femme enceinte, est asymptomatique une fois sur deux.
TRAITEMENT

L'héparine est la base du traitement curatif et préventif de la thrombose veineuse au cours de la grossesse .
Parfois la chirurgie s'imposera. Souvent divers moyens physiques aideront à la prévention de la thrombose et de
ses complications.

Méthodes

Méthodes médicamenteuses
L'efficacité du traitement anticoagulant doit être compatible avec le déroulement de la grossesse. L'héparine et ses
dérivés sont le traitement de choix des thromboses veineuses de la grossesse. Les antivitamines K (AVK) sont
déconseillées. L'incidence des complications foetales directement imputables à l'anticoagulation est évaluée à 3,6
% avec l'héparine contre 26 % avec les AVK. Les morts foetales et néonatales sont également plus fréquentes
avec les AVK (16 % versus 2,5 %). Seul le traitement anticoagulant des phlébites a permis de réduire la fréquence
des embolies de 13 % à 1 % [59].

Héparine non fractionnée (HNF)

L'héparine se lie essentiellement à l'ATIII et catalyse l'inactivation de plusieurs enzymes générées au cours de la
coagulation, la thrombine et le facteur Xa. Il en résulte un allongement du temps de coagulation du plasma
mesuré par le temps de céphaline activateur.

L'héparine standard ou HNF (PM 20 000) ne franchit pas la barrière placentaire et n'est pas excrétée dans le lait.

Voie d'administration et posologie

La perfusion continue à la seringue électrique est la voie habituelle de traitement. Le pronostic des thromboses
dépendant de la rapidité de l'obtention de l'hypocoagulation, un bolus initial de 50 UI/kg précède la mise en route
de la seringue. En son absence l'hypocoagulabilité efficace est atteinte en 4 à 6 heures. La dose prescrite est
ensuite d'environ 15 à 20 UI/kg/h. Les examens biologiques de surveillance réalisés dès la 4e heure permettront
d'adapter la posologie, la réponse individuelle étant très variable et la grossesse induisant souvent une résistance
aux héparines.

Après quelques jours de traitement intraveineux continu, la voie sous-cutanée prend le relais à raison de deux à
trois injections quotidiennes. La posologie de départ de l'héparine en sous-cutané est de 10 000 UI toutes les 12
heures [1].

Surveillance biologique du traitement

L'efficacité du traitement est évaluée sur le temps de céphaline activateur (TCA) et sur l'héparinémie qui reflète
l'activité antifacteur Xa du traitement. Il est indispensable de dépister les patientes présentant un allongement du
TCA avant tout traitement (présence d'un anticoagulant circulant ou d'un syndrome inflammatoire).

L'interprétation du TCA intègre le moment de la mesure par rapport à l'heure de l'injection d'héparine
(l'allongement du TCA de deux à trois fois le temps du témoin dépend du réactif utilisé) :

au cours d'une perfusion continue, le moment du prélèvement est indifférent ; le TCA sera maintenu entre
deux et trois fois le témoin et l'héparinémie entre 0,3 et 0,6 UI/mL ;
lors d'injections sous-cutanées, si le prélèvement est effectué à mi-temps entre deux injections, le TCA
devra être deux à trois fois celui du témoin ; si le prélèvement est effectué juste avant l'injection suivante,
le TCA devra être de 1,5 fois le temps du témoin et l'héparinémie autour de 0,15 UI/mL.

Certains associent dans la surveillance, l'activité anti-IIa (zone thérapeutique de 0,2 à 0,5 UI/mL).

Le risque de thrombopénie induite par l'héparine impose un contrôle régulier de la numération des plaquettes,
dont les modalités sont proposées dans le paragraphe suivant.

Complications

Accidents hémorragiques

Les accidents hémorragiques dus à l'héparine pendant la grossesse compliquent 2 % des traitements pendant la
grossesse. Les périodes du per-partum et du post-partum sont les moments les plus dangereux. Il convient de ne
pas prescrire de médicaments pouvant inhiber les fonctions plaquettaires (aspirine et anti-inflammatoires non
stéroïdiens), qui doivent rester opérationnelles chez les patientes sous héparine [36].

Thrombopénies induites par l'héparine


Les thrombopénies compliquent environ 1 % des traitements par héparine. Elles peuvent survenir dès le cinquième
jour de traitement. L'éventuelle survenue de cette complication impose la numération plaquettaire avant tout
traitement, puis deux fois par semaine jusqu'au 21e jour. Les thrombopénies après ce délai sont exceptionnelles.
Leur survenue impose l'arrêt de l'héparine [39].

Ostéoporose

Un traitement d'une durée supérieure à 20 semaines entraîne une ostéoporose dose-dépendante au niveau de la
corticale phalangienne (20 000 UI/jour). Le retour à la normale après l'arrêt du traitement peut être lent, mais
l'ostéoporose est toujours réversible .

Héparines de bas poids moléculaire (HBPM)

Les propriétés pharmacocinétiques de ces molécules très favorables (demi-vie deux fois plus longue que celle de
l'HNF) et leur excellente biodisponibilité par voie sous-cutanée, même à faibles doses, simplifient
l'héparinothérapie préventive et curative [25].

La prescription d'une HBPM à une femme enceinte relève aujourd'hui de la responsabilité éclairée du médecin qui
doit mettre en balance l'absence de recommandation officielle (autorisation de mise sur le marché : AMM),
l'absence d'effets secondaires néfastes actuellement reconnus chez la mère et le foetus, la commodité d'utilisation
dans le domaine de la prévention au long cours des thromboses (une seule injection quotidienne au lieu de deux à
trois pour l'HNF).

Une seule injection quotidienne sous-cutanée d'HBPM assure une prévention équivalente à celle de deux ou trois
injections sous-cutanées d'HNF. Deux injections sous-cutanées d'HBPM seraient aussi efficaces que l'HNF
administrée par voie intraveineuse pour traiter une phlébite .

HBPM actuellement disponibles

Les trois HBPM commercialisées en France sont présentées avec des systèmes d'unités et des posologies
apparemment différents. Ainsi les doses de nadroparine (Fraxiparine®) sont exprimées en unités anti-Xa IC
(institut Choay), les doses d'énoxaparine (Lovenox®) s'expriment en milligrammes et celles de daltéparine
(Fragmine®) en unités anti-Xa internationales. Une unité antifacteur Xa internationale, dont la définition est
encore discutée, permet de mieux manipuler ces trois molécules. Ainsi, pour une même indication, les doses
recommandées exprimées en unités antifacteur Xa internationales sont voisines pour les trois HBPM actuellement
disponibles. Depuis peu, les unités de Fraxiparine® sont exprimées à la fois en unités antifacteur Xa IC et en
unités antifacteur Xa internationales [73].

Dose, administration et surveillance

La posologie dépend du but recherché, curatif ou préventif. L'administration est toujours par voie sous-cutanée.

La surveillance d'un traitement par HBPM en pratique courante est basée sur la détermination de l'activité
antifacteur Xa circulante. Cependant, cette mesure n'est pas le reflet thérapeutique fidèle et exclusif de l'activité
antithrombotique des HBPM, mais elle constitue un bon marqueur biologique de la présence du produit dans le
plasma.

L'activité anti-Xa est mesurée 3 à 4 heures après l'injection sous-cutanée et doit se situer entre 0,5 et 1 UI
anti-Xa/mL lorsque le traitement est curatif et entre 0,3 et 0,45 UI anti-Xa/mL lorsqu'il s'agit de prévention. La
variabilité individuelle des réponses étant faible, les ajustements de la thérapeutique sont rarement nécessaires.
Le TCA n'est pas ou très peu modifié par les traitements par les HBPM, il est donc inutile.

La numération des plaquettes fait partie des éléments de surveillance réguliers, bien que les accidents
thrombopéniques soient plus rares qu'avec les héparines non fractionnées.

Complications et coût du traitement

Les hémorragies et les thrombopénies peuvent compliquer ces traitements par HBPM, bien que leurs fréquences
semblent plus faibles qu'avec les héparines. Il convient de mettre en oeuvre une surveillance et des précautions
identiques à celles appliquées lors de toutes les héparinothérapies. Le risque d'ostéoporose existerait également
pendant la grossesse.

En prenant en compte le coût du médicament, des contrôles biologiques, des soins infirmiers et de la surveillance
médicale, le coût de revient tant curatif que préventif par HBPM est environ 10 % moins élevé que celui d'un
traitement dans la même indication par une héparine calcique. Si l'on y ajoute l'efficacité supérieure ou au moins
égale, le risque hémorragique moindre ou au moins égal, cette évaluation est en faveur de l'utilisation des HBPM
[75]
.

Il semble se confirmer qu'une utilisation raisonnée et raisonnable des HBPM améliore la prise en charge globale
(efficacité clinique, mieux-être des malades, coût pour la santé) des thromboses veineuses profondes. La facilité
d'emploi alliée à l'efficacité clinique de ces molécules ne doit pas conduire aux abus régulièrement notés : des
traitements au long cours (continus ou séquentiels) abusifs et sans aucun justificatif, et une mauvaise prise en
charge de la maladie thromboembolique. Des prescriptions sans confirmation diagnostique à des doses
insuffisantes espérant ne pas faire courir de risque hémorragique au malade ou pour ne pas avoir besoin de
contrôle biologique aboutissent à des thromboses qui évoluent à bas bruit et qui peuvent compromettre l'avenir de
ces patientes. Cependant, ces molécules ne seront recommandées qu'après parution des autorisations
administratives.

Antivitamines K
Les AVK étant potentiellement dangereuses pour la mère et le foetus, leur prescription est fortement déconseillée
pendant la grossesse. Les AVK entraînent des avortements spontanés. Au premier trimestre, ils induisent de
nombreuses malformations (osseuses et cérébrales, hernie diaphragmatique, asplénie) dont le syndrome
malformatif spécifique avec hypoplasie nasale et épiphyses ponctuées. Elles seront interdites entre la 6e et la 12e
semaine car elles induisent de 12 à 30 % d'embryopathies . Elles seront prohibées autour de l'accouchement
pouvant être à l'origine d'hémorragies maternelles, mais surtout le foetus soumis aux contraintes mécaniques
pourrait souffrir d'hémorragies intracérébrales, plus fréquentes s'il y a nécessité d'une extraction instrumentale.

Dans la période du post-partum les AVK remplaceront avantageusement les héparines [83].

Choix d'une AVK

Il est souhaitable de prescrire des AVK de demi-vies longues (Apegmone®, Préviscan®, Coumadine®) en une seule
prise quotidienne, de préférence le soir afin de pouvoir corriger les doses le jour même du contrôle biologique.
L'administration d'AVK provoque une diminution de la concentration plasmatique des formes biologiquement
actives des facteurs vitamine K-dépendants. La vitesse de décroissance de ces protéines dépend de leurs
demi-vies respectives : facteur VII, 5 h ; facteur IX, 14 h ; facteur X, 40 h ; facteur II, 60 h. L'effondrement des
facteurs dont la durée de vie est la plus courte va entraîner un risque hémorragique, à l'inverse leur remontée
rapide à l'arrêt de l'efficacité des AVK fait courir un risque thrombotique.

Surveillance biologique des traitements par AVK

Un traitement anticoagulant par les AVK requiert une surveillance biologique pour adapter la dose optimale pour
chaque patiente afin d'obtenir une efficacité thérapeutique avec un minimum de risque hémorragique.

● Temps de Quick ou taux de prothrombine

Le temps de Quick exprimé en pourcentage de la normale et improprement appelé taux de prothrombine (TP) est
depuis longtemps en France le test de référence pour la surveillance biologique des traitements par les AVK.
L'origine des thromboplastines utilisées pour ces tests étant très variables (cerveau de lapin, placenta humain), les
résultats des tests sont incomparables d'un laboratoire à l'autre. Pour diminuer ces difficultés d'interprétation, un
nouveau mode d'expression de l'efficacité a été proposé par l'International normalised ratio (INR).

● INR

Une standardisation internationale recommande d'adopter ce nouveau mode d'expression du temps de Quick.
L'INR est le rapport du temps de Quick en secondes du malade sur celui du témoin élevé à la puissance ISI (index
de sensibilité international).

INR = (Temps de Quick malade/Temps de Quick témoin)ISI

L'ISI est une caractéristique de la thromboplastine utilisée. Il est déterminé par comparaison à une
thromboplastine de référence internationale considérée comme un étalon.

À titre indicatif, un INR à 2 correspond à un TP voisin de 45 %, et un INR à 4,5 correspond à un TP voisin de 25


%.

Un contrôle biologique hebdomadaire associant temps de Quick et INR est conseillé au cours des 4 premières
semaines de traitement. Le bilan sera répété toutes les 2 semaines. Si apparaît une affection intercurrente, si des
modifications de la posologie s'imposent, de nouveaux contrôles seront effectués.

Posologie des AVK

La dose nécessaire à l'équilibre du traitement anticoagulant varie d'un individu à l'autre. L'équilibre ne peut être
obtenu qu'au bout de 3 à 4 demi-vies (7 jours en pratique). Les doses de charge en début de traitement sont
dangereuses et injustifiées en raison des demi-vies différentes des divers facteurs vitamino-K dépendants. La dose
initiale choisie est habituellement la dose quotidienne moyenne nécessaire à l'équilibre soit 4 mg (1 comprimé)
pour le Sintrom®, 20 mg (1 comprimé) pour le Préviscan®, 4 mg (1 comprimé) pour l'Apegmone®, 6 mg (3
comprimés de 2 mg) pour la Coumadine®.

Si les AVK sont prescrites pendant la grossesse, le risque hémorragique foetal pourrait être minimisé en
maintenant l'INR entre 2 et 2,5. Pour des indications plus particulières (prothèse valvulaire mécanique, embolie
systémique récidivante), l'INR sera entre 3 et 4,5.

● Complications hémorragiques
Sous AVK une hémorragie peut être due à un traumatisme, à une lésion locale, ou à un surdosage qui sera
confirmé par les tests biologiques. La conduite à tenir dépend de la gravité de l'hémorragie. Selon la gravité de la
situation, il faudra choisir entre la suspension du traitement pendant 24 heures, l'injection lente de vitamine K1,
l'injection intraveineuse de PPSB (prothrombine, proconvertine, facteur Stuart, facteur antihémophilique B).

En cas d'urgence chirurgicale, liée ou non à un accident hémorragique, la perfusion de PPSB devra être suffisante
pour obtenir un temps de Quick dans une zone compatible avec une hémostase chirurgicale, c'est-à-dire
supérieure à 50 % environ (INR < 2). Le traitement AVK sera interrompu transitoirement et remplacé par une
héparinothérapie.

Contre-indications des AVK

Un traitement par AVK ne doit être prescrit que chez des patientes susceptibles d'en comprendre les risques et
d'en assumer la surveillance régulière.

L'innocuité des AVK pendant le deuxième trimestre de la grossesse est mal documentée, néanmoins le risque
foetal semble moindre pendant cette période, leur indication doit cependant rester exceptionnelle.

Quoi qu'il en soit, certaines contre-indications des AVK doivent être respectées pendant la grossesse.

L'hypertension artérielle grave non contrôlée (pression diastolique supérieure à 120 mmHg), l'insuffisance rénale
grave (clairance de la créatinine inférieure à 20 mL/min), un accident vasculaire cérébral récent, la chirurgie
intracrânienne, ou un traumatisme crânien récent (sauf si scanner normal), un ulcère gastroduodénal en évolution,
prouvé par fibroscopie, des varices oesophagiennes, un trouble acquis grave de la synthèse hépatique, une
diathèse hémorragique.

Interactions médicamenteuses

De nombreux médicaments interfèrent avec les AVK en diminuant ou en majorant leurs effets.

Le régime alimentaire peut modifier les effets des AVK. Un jeûne ou un défaut d'apport de vitamine K
potentialisent l'effet des AVK. Les boissons alcoolisées inhibent le catabolisme des AVK. Les aliments riches en
vitamine K1 (choux, brocolis, choucroute, céréales) peuvent limiter l'effet des AVK. Certaines circonstances
pathologiques (fièvre, cancers, hyperthyroïdie) peuvent diminuer la synthèse des facteurs de la coagulation et
potentialiser l'effet des AVK.

Traitements médicaux divers


Les thrombolytiques ont été utilisés dans quelques cas exceptionnels, sans grands effets délétères pour la mère et
le foetus. Le risque hémorragique de ces médicaments les réserve aux situations gravissimes [3]. La streptokinase
(Streptase®) et le tissue plasminogen activator ont été utilisés chez la femme enceinte uniquement en présence
d'une maladie grave mettant en jeu le pronostic fonctionnel (phlébite proximale) ou vital (EP sévère, thrombose
d'une prothèse valvulaire). L'aspirine (60 à 150 mg) paraît moins efficace dans la prévention des accidents
veineux, elle est proposée dans la prévention des accidents artériels.

Méthodes physiques
Toutes les situations et toutes les techniques améliorant le retour veineux peuvent aider à la prévention des
thromboses et peuvent participer au traitement curatif en améliorant les résultats. La simple surélévation des
membres réduit le calibre veineux. Aidée d'un kinésithérapeute les patientes seront sensibilisées à l'intérêt d'un
lever précoce. La contention par bas élastique, dont l'efficacité sur la prévention des thromboses et sur les
syndromes postphlébitiques a été prouvée, nécessite une bonne prescription et une motivation forte. Les résultats
obtenus par la stimulation électrique sont contradictoires.

Méthodes chirurgicales
La chirurgie ne s'applique qu'à quelques situations exceptionnelles mettant en jeu le pronostic maternel.

Crossectomie
Elle réalise la ligature de crosse ou crossectomie, sous anesthésie locale, en cas de thrombose veineuse
superficielle ascendante avec menace d'extension aux troncs veineux profonds.

Filtres caves temporaires


Ces filtres permettent souvent de passer un cap difficile sans gêner l'implantation dans un second temps d'un filtre
définitif si nécessaire. Leur indication se discute en présence d'une thrombose iliofémorale, d'un thrombus «
flottant » dans la veine cave inférieure qui présente un risque majeur d'embolie pulmonaire grave, ou en cas
d'embolies pulmonaires répétées malgré un traitement anticoagulant efficace. En cas d'embolie pulmonaire
gravissime avec état de choc, ils permettent, par un même cathéter et en un minimum de temps, de réaliser le
diagnostic (angiographie pulmonaire non sélective), le traitement (fibrinolyse par cathéter porte-filtre), et la
prévention temporaire des récidives d'EP, souvent fatales sur ce terrain .

Thrombectomie chirurgicale
La thrombectomie a trois objectifs essentiels : éviter l'EP par l'ablation du thrombus, faire disparaître rapidement
douleur et oedème du membre, et réduire le risque de maladie postphlébitique. Leur indication pendant la
grossesse est exceptionnelle et nécessite l'avis de spécialiste.

Pratique

Traitement curatif
Phlébites superficielles

L'association d'un traitement anti-inflammatoire local et d'une contention élastique est généralement suffisante
pour faire régresser les troubles. Le traitement anticoagulant n'est pas justifié dans ces phlébites superficielles.
Une crossectomie sous anesthésie locale pourra être discutée en cas de menace d'extension aux troncs veineux
profonds.

Phlébites pelviennes et thromboses des veines ovariennes

La phlébite pelvienne est suspectée lorsqu'une endométrite correctement traitée ne répond pas aux antibiotiques.
L'héparinothérapie est à la fois un test diagnostique et le traitement. Le traitement chirurgical ne s'adresse qu'aux
patientes qui n'ont pas réagi favorablement au traitement anticoagulant et antibiotique. L'indication d'une ligature
des veines génitales, voire de la veine cave inférieure est affaire de cas particulier. Le traitement continuera 7
jours après résolution de la température.

La durée du traitement en cas de phlébite de la veine ovarienne sera plus long. Le scanner et la résonance
magnétique permettraient d'une part de diagnostiquer plus souvent ces lésions et d'autre part de suivre l'évolution
locale de la maladie.

Phlébites profondes des membres inférieurs

L'HNF en perfusion continue intraveineuse à dose efficace (TCA = deux à trois fois le témoin, héparinémie
comprise entre 0,2 et 0,5 UI/mL) constitue le traitement de choix pendant une durée de 7 à 10 jours. Le TCA sera
demandé quotidiennement. Après 5 à 10 jours de perfusion, l'héparinothérapie sera poursuivie par voie
sous-cutanée jusqu'à la fin de la grossesse à raison de deux injections quotidiennes en maintenant un TCA
(prélevé entre deux injections) entre deux et trois fois le témoin.

La dose sera fortement réduite ou interrompue 6 heures avant l'accouchement pour la reprendre 6 heures plus
tard. L'efficacité de l'héparinothérapie sera renforcée par le repos au lit, la surélévation du membre atteint et la
contention adaptée du membre. Dès que la déambulation devient supportable et que l'anticoagulation est effective
(48 heures) la patiente est autorisée à se lever.

En raison de l'absence d'AMM pendant la grossesse, le choix sera laissé au thérapeute d'utiliser les HBPM qui ont
par ailleurs prouvé leur efficacité, voire leur supériorité dans le traitement des TVP. Pour les trois HBPM
commercialisées, les doses exprimées en unités internationales antifacteur Xa sont comparables : 100 UI
antifacteur Xa/kg en injection sous-cutanée deux fois par 24 heures. Le traitement sera poursuivi jusqu'à la fin de
la grossesse et après la délivrance.

Une fois réduits, les risques d'hémorragie du post-partum, c'est-à-dire une semaine après l'accouchement, le
relais peut être pris par les AVK en modulant son choix en fonction du mode d'allaitement et des contraintes
imposées à la patiente. La durée habituelle du traitement après l'accouchement est de 6 semaines. La durée totale
du traitement ne doit pas être inférieure à 3 mois. La contention élastique devra être poursuivie jusqu'à l'arrêt du
traitement. Un examen échographique et doppler aux 3e et 6e jours doit permettre d'évaluer l'état de l'axe
veineux, souvent normal lorsque les lésions sont distales, souvent encore perturbé en cas de lésions iliofémorales.
Dans ces cas, le traitement par AVK pourra être poursuivi beaucoup plus longtemps .

Embolies pulmonaires

Les EP nécessitent une prise en charge cardiovasculaire et un traitement anticoagulant. La réanimation est parfois
prioritaire et inclut toujours l'administration d'oxygène et si besoin une réanimation cardiaque et une ventilation
assistée. Lorsque l'embolie est mal supportée hémodynamiquement, la conduite à tenir est identique à celle
établie en dehors de la grossesse. Dans ces cas, la fibrinolyse semble avoir un meilleur pronostic foetal que
l'embolectomie.

Une dose de charge d'héparine (70 à 100 UI/kg) est suivie par une perfusion intraveineuse à la seringue électrique
pour maintenir un TCA double ou triple du témoin. Si l'embolie récidive malgré une anticoagulation efficace, une
interruption chirurgicale de la veine cave peut être discutée en aval des veines rénales. Si l'origine des embolies
récidivantes est introuvable, la veine ovarienne gauche sera liée. Dès que la suspicion clinique d'embolie est
suffisamment forte, le traitement anticoagulant doit être introduit avant d'en attendre la confirmation par les
examens complémentaires.

Lorsque l'embolie a lieu pendant la grossesse, le traitement sera poursuivi pendant la grossesse et 6 semaines
post-partum.

Traitement de la CIVD

Le traitement repose essentiellement sur le traitement de la cause de la CIVD : traitement de la toxémie


gravidique, avec au maximum déclenchement de l'accouchement ou césarienne, antibiothérapie si infection,
évacuation utérine si rétention de foetus mort. La CIVD peut être traitée de façon spécifique secondairement par
l'apport prudent des facteurs déficitaires, sous forme de concentré de fibrinogène ou de plasma congelé, de
concentré de plaquettaires. Ces traitements comportent deux risques : celui d'entretenir la CIVD si le processus
initiateur n'est pas supprimé, et un risque potentiel des produits sanguins. C'est pourquoi leur usage est réservé à
des situations où le syndrome hémorragique est si important qu'il met en jeu le pronostic vital. L'héparinothérapie
peut être utilisée de façon prudente également, à la posologie de 100 à 200 UI/kg/24 heures en association avec
les facteurs de coagulation sus-cités, à condition que le syndrome hémorragique ait été maîtrisé. Les
antifibrinolytiques sont réservés aux situations où le syndrome hémorragique et la fibrinolyse sont très importants,
car ils risquent théoriquement d'accentuer les phénomènes microthrombotiques. Le traitement des
microthromboses passe également par le traitement de la cause de la CIVD et l'arrêt du processus d'activation. La
réanimation, le traitement du choc, l'hyperoxygénation jouent également un rôle essentiel.

Traitement préventif
Cas généraux

Aucune situation consensuelle ne se dégage concernant la prévention de la thromboembolie. Pour essayer de


mieux aborder ce problème, des scores prédictifs de thromboembolie établis à partir des facteurs de risques, ont
41 86 91
, ,
été proposés (tableau IV) .

Pour un score 0-1, il ne faut pas faire de prévention médicamenteuse.

Une patiente n'ayant comme facteur de risque qu'un seul accident thromboembolique dans ses antécédents, ou ne
présentant qu'un risque faible (score 2 à 3) fera l'objet d'une héparinothérapie du post-partum par HBPM pendant
6 semaines. Certains conseillent pour ces patientes à risque un traitement par héparine sous-cutanée à faible dose
(5 000 UI toutes les 12 heures) jusqu'au milieu du troisième trimestre avant d'augmenter la posologie à dose
thérapeutique jusqu'à l'accouchement. La période du post-partum sera également protégée. Aux faibles doses
prescrites, aucune surveillance biologique ne s'impose.

Une patiente ayant dans ses antécédents plusieurs accidents thromboemboliques et/ou plusieurs facteurs de
risque (score élevé à 4) sera mise sous héparinothérapie sous-cutanée d'emblée ou à partir de la 16e semaine à
posologie telle que le TCA soit dans les zones thérapeutiques. Le traitement sera prolongé après l'accouchement.

Les patientes ayant souffert d'un accident thromboembolique au cours d'une grossesse précédente seront
soumises à une héparinothérapie hypocoagulante (TCA 1,5 fois le témoin) pendant toute la grossesse et durant la
période du post-partum.

La validation de ces scores n'étant pas véritablement établie, leur valeur pratique ne fait pas encore l'unanimité.

Les HBPM semblent également être efficaces dans la prévention des thromboses. Les doses prescrites varient
selon l'importance du risque (tableau V).

Lorsque la patiente est soumise à un traitement anticoagulant avant la fécondation, il est préférable de ne débuter
la grossesse qu'après l'accord du cardiologue qui relaiera les AVK par les héparines. De toute façon,
l'héparinothérapie sera entreprise dès le diagnostic de la grossesse connu en trois injections sous-cutanées
quotidiennes en adaptant la posologie et en surveillant l'apparition de complications éventuelles. Si le diagnostic
de grossesse est fait après 9 semaines, le relais par les AVK ne serait plus justifié pour certains. Pour ceux qui
estiment les risques de l'héparine au long cours supérieurs à ceux des AVK, les anticoagulants oraux seront repris
durant le second trimestre. La moindre complication obstétricale aiguë impose le passage à l'héparine.

L'exposition aux AVK en début de grossesse ne constitue pas un motif d'interruption de grossesse.

Cas particuliers
Patientes porteuses de prothèses valvulaires

La grossesse chez une patiente porteuse d'une prothèse mécanique reste émaillée de complications maternelles et
foetales dont l'incidence n'est pas négligeable. à l'inverse, la grossesse avec bioprothèse sans anticoagulant a une
évolution le plus souvent simple avec 84 % de naissances d'enfants normaux. Mais ce résultat n'est obtenu qu'au
prix de la certitude d'une réintervention cardiaque entre 30 et 40 ans.

Chez une femme ayant déjà une prothèse mécanique au moment du début de la grossesse, on réduira au
maximum la durée de l'héparinothérapie responsable de quatre fois plus d'accidents thromboemboliques que les
AVK. L'héparinothérapie sera réservée aux deux périodes critiques de la grossesse qui se situent de la 6e à la 12e
semaine (embryopathies coumariniques) et pendant la dernière quinzaine (hémorragies de la délivrance et
néonatales). Toutes ces propositions sont un choix de « moindre mal » car la grossesse chez une porteuse de
prothèse mécanique reste une période dangereuse où le risque global d'accident thromboembolique est décuplé
par rapport au risque habituel [84].

Patientes souffrant d'un déficit en antithrombine III, protéine C, protéine S et présence d'un
anticoagulant lupique

Les patientes présentant une anomalie de l'hémostase essaieront de planifier leur grossesse. C'est au cours du
déficit en ATIII que le risque est le mieux connu. L'attitude à adopter chez ces patientes reste discutée et il n'y a
pas de consensus sur une attitude systématique. Le choix de donner ou non un traitement prophylactique repose
sur les antécédents personnels et familiaux qui seront colligés de façon très soigneuse.

Actuellement, il semble préférable de prescrire l'héparine durant toute la grossesse. De nombreux protocoles ont
été proposés, mais les séries sont trop petites pour que la supériorité de l'un ou l'autre puisse être retenue [82].
Les faibles posologies semblent moins efficaces que les doses thérapeutiques. La surveillance de ce traitement est
celle de toute héparinothérapie, mais l'on devra avoir connaissance du taux d'ATIII qui permettra une meilleure
adaptation. Plus le taux d'ATIII est élevé, moins d'héparine sera nécessaire pour atteindre une anticoagulation
thérapeutique.

Des concentrés d'ATIII seront prescrits lors de l'accouchement et pour compléter le traitement anticoagulant en
cas de thrombose. L'association héparine et ATIII impose une surveillance hématologique spécifique.

Les femmes qui ont un déficit en protéine C ou S ayant des antécédents de thrombose doivent probablement être
traitées par héparine. Le meilleur moment pour débuter le traitement et la posologie est encore discuté. Une
réunion de consensus récente [65] propose la conduite suivante : si l'accident antérieur a eu lieu à la fin d'une
grossesse ou dans le post-partum et en l'absence d'accident « spontané », l'héparinothérapie sera à dose
préventive au cours des deux premiers trimestres et à dose curative au troisième trimestre et dans le
post-partum. Pour les patientes sans antécédent personnel de thrombose mais qui ont une histoire familiale de
thrombose, l'héparine est probablement indiquée.

La présence d'anticorps antiphospholipides est souvent associée à une tendance aux thromboembolies et aux
accidents obstétricaux à type d'avortements ou de décès foetaux. La combinaison grossesse et anticorps
antiphospholipides majore le risque de thromboembolie. Aucun moyen biologique ne permet de prévoir qui fera un
accident thromboembolique. En cas d'antécédents de thrombose, que la patiente soit sous anticoagulant au long
cours ou non, un traitement par héparine est nécessaire. En présence de ces anticorps, mais en l'absence
d'antécédents de thrombose et d'antécédents obstétricaux défavorables, il est conseillé de prescrire de l'aspirine à
faible dose (75 mg) jusqu'à 36 semaines. Si la patiente a des antécédents obstétricaux malgré l'aspirine, les rôles
des traitements par héparine, gammaglobulines et corticoïdes restent à préciser. En l'absence d'antécédent de
thrombose, il n'est pas retenu de prescrire un traitement anticoagulant uniquement sur la connaissance biologique
de la maladie.

Risque thrombotique des fécondations in vitro

Les traitements d'induction de l'ovulation avant fécondation in vitro sont réalisés de plus en plus fréquemment.
Une hyperstimulation ovarienne est observée dans un petit pourcentage de cas et peut s'accompagner de
thromboses veineuses ou artérielles.

La prévention des thromboses dépend sans doute des conditions de l'hyperstimulation ovarienne : surveillance
étroite de la stimulation de l'ovulation en tenant compte des taux d'oestradiol plasmatiques atteints.

Un traitement anticoagulant préventif systématique a été proposé, en cas d'antécédents personnels ou familiaux
de thrombose et en cas d'hyperstimulation sévère par l'HNF par voie sous-cutanée à la dose de 5 000 UI deux à
trois fois par jour. L'injection journalière de 2 000 UI anti-Xa d'HBPM pourrait être insuffisante pour la prévention
de ces thromboses [18].

Prévention des complications thromboemboliques après césarienne

Le taux de complications thromboemboliques dans les suites de l'opération césarienne est sept fois plus important
qu'après un accouchement normal, avec une mortalité de 1 pour 2 500 césariennes. Les modalités précises de
cette prévention ne font pas encore l'unanimité, en particulier l'intérêt de la prescription systématique
d'anticoagulants est très discuté. Le lever précoce reste la clé de la prévention des thromboses après césarienne
[14]
.

L'introduction des HBPM en clinique humaine permet de redéfinir et de proposer une attitude préventive efficace et
peu iatrogène :

dans tous les cas, il faut avoir recours aux moyens de prévention non médicamenteux, en particulier la
kinésithérapie et le lever précoce, voire la stimulation électrique. Leur mise en application effective doit être
strictement contrôlée ;
en cas de césarienne à haut risque, une héparinothérapie par HNF ou mieux par HBPM à dose efficace avec
dosages d'héparinémie et surveillance bihebdomadaire des plaquettes peut être proposée ; ce traitement
sera poursuivi 15 jours à 3 semaines selon l'importance du risque ;
pour les césariennes sans facteur de risque surajouté, un traitement systématique par HBPM paraît
intéressant, car il offre une bonne protection avec un taux de complications hémorragiques moindre. Le
risque de thrombopénie ne peut cependant pas être écarté, et il paraît prudent de doser le taux de
plaquettes une à deux fois par semaine. Ce traitement peut être arrêté après 7 à 10 jours, c'est-à-dire lors
de la sortie de la maternité.

Pour les patientes ayant des antécédents de thromboembolies (notamment pendant la grossesse), les AVK
prendront le relais de l'héparinothérapie.

Anesthésie médullaire et anticoagulants

Recommandations du consensus national français du 8 mars 1991 :

...« il n'est pas recommandé de recourir à une anesthésie médullaire lorsque des anticoagulants sont administrés
avant la ponction... Il est extrêmement clair qu'aucun traitement par l'héparine ne doit précéder une anesthésie
rachidienne... Même si cette recommandation n'est étayée par aucune donnée prospective et même si les
accidents neurologiques sont apparemment très rares, il est absolument irrecevable de prendre un risque, aussi
faible soit-il, quand il peut conduire à une paraplégie définitive. Des raisons éthiques et médicolégales justifient
donc cette recommandation, reconnue actuellement dans tous les pays développés ».

...« un traitement par aspirine ou ticlopidine doit formellement être interrompu au moins 7 jours avant l'anesthésie
rachidienne, ce qui pose un réel problème en obstétrique en raison de la diffusion récente du traitement salicylé
pour la prévention de l'hypertension gravidique ».

Cette conférence reflète l'état de nos connaissances actuelles sans prétendre réaliser un consensus général.

Chez les patientes qui ne présentent pas de contre-indication aux anesthésies médullaires, ces anesthésies
participent par leurs effets sur l'hémostase et par l'hémodilution, à la prévention de la thrombose [58].

ACCOUCHEMENT CHEZ LES PATIENTES TRAITÉES

Accouchement et sa préparation
Le mode d'accouchement est exceptionnellement dicté par le problème thromboembolique. Les examens de fin de
grossesse habituels doivent permettre d'établir le pronostic obstétrical. L'accouchement et la période du
post-partum sont importants pour ces patientes car le risque de thrombose est accru tandis que les anticoagulants
peuvent être à l'origine d'accidents hémorragiques. Il est important que les consignes pour l'accouchement soient
clairement inscrites dans le dossier de la patiente. De toute façon pour ces patientes, il semble préférable de
planifier l'accouchement.

Une quinzaine de jours avant la date prévue de l'accouchement, le traitement par héparine doit prendre le relais
des AVK. Si le travail débute alors que la patiente est encore sous AVK à posologie anticoagulante, une césarienne
peut se discuter pour protéger le foetus d'une hémorragie intracérébrale. Si l'INR est entre 2 et 2,5, le risque
d'hémorragie maternelle durant l'intervention est faible.

Pendant l'accouchement le risque d'hémorragie pour les patientes sous héparine est faible si l'héparinémie est
inférieure à 0,4 U/mL.

Pour les patientes traitées par héparine en sous-cutané et à distance de l'épisode thrombotique, l'arrêt du
traitement dès le début du travail est une solution satisfaisante. Lorsque les patientes sont sous héparine en
perfusion ou à proximité de l'accident, deux solutions sont possibles :

la posologie de l'héparine est maintenue au minimum, le plus pratique est d'abandonner la voie
sous-cutanée pour installer ou maintenir une perfusion continue d'héparine pour maintenir un taux de 0,1 à
0,2 U/mL ;
le traitement efficace est prolongé pour être arrêté 6 heures avant l'heure prévue de l'accouchement.

Si une intervention chirurgicale est nécessaire pendant la grossesse, soit il est possible d'atteindre la clairance de
l'héparine, soit une prescription de protamine dont la posologie pourra être précisée à partir de l'estimation du
volume plasmatique et de la concentration d'héparine.

Période du post-partum et allaitement


Le délai idéal pour la reprise du traitement est discuté ; 6 heures pour certains, 24 heures pour d'autres.
L'héparine sera le premier traitement réintroduit. Le traitement sera poursuivi 6 semaines (parfois plus si la
thromboembolie est récente) soit à dose prophylactique, soit à dose thérapeutique. Il est possible à la fin de la
première semaine de prendre le relais par les AVK.

La thromboembolie ne contre-indique pas l'allaitement, il est cependant conseillé de maintenir le traitement par
héparine, car le passage des AVK dans le lait est inconstant, et les avis concernant l'innocuité pour le nouveau-né
sont partagés .

La survenue d'une thromboembolie après l'accouchement imposera un traitement d'au moins 3 mois, et peut-être
à vie si la thrombose révèle un déficit constitutionnel de l'hémostase.

Les progestatifs microdosés pourraient assurer la contraception du post-partum.

Fig 1 :
Fig 1 :

Aspect phlébographique d'une phlébite poplitée.

Fig 2 :

Fig 2 :

Embolie de l'artère pulmonaire gauche.

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