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Prise en charge des cholécystites alithiasiques


● E. Vibert*, D. Azoulay*

L
a cholécystite alithiasique est par définition une de cholécystites (7, 8) chez les malades séropositifs. Elle est
inflammation de la vésicule dont la physiopatho- plus fréquente au stade de sida (9). Les étiologies les plus fré-
logie, souvent multifactorielle (ischémique, infec- quentes dans ce contexte sont les co-infections par le cytomé-
tieuse, obstructive), exclut la lithiase. Elle représente 5,25 % galovirus et le Cryptosporidium, mais d’autres infections
(2 à 11 %) des cholécystites (1–4). Cette pathologie, initiale- opportunistes parasitaires, fongiques ou bactériologiques peu-
ment décrite chez des malades déjà hospitalisés, pour la plupart vent être retrouvées (8). Dans plus de 50 % des cas, la cause
en réanimation, présente une difficulté diagnostique et théra- n’est pas retrouvée (8).
peutique. Le traitement ne tolère aucun retard sous peine d’une Enfin, de rares cholécystites alithiasiques infectieuses à germes
morbidité et d’une mortalité élevées chez des malades souvent banaux (10) ou encore immunoallergiques (11) ont été rappor-
fragiles. tées chez des sujets jeunes sans antécédent particulier.

LE TERRAIN ET LES CAUSES DES CHOLÉCYSTITES QUELLE STRATÉGIE DIAGNOSTIQUE ADOPTER ?


ALITHIASIQUES Cliniquement
La cholécystite alithiasique survient dans 50 % des cas (11 à Les signes cliniques de cholécystite alithiasique sont peu spé-
63 %) au décours d’une chirurgie ou d’un traumatisme récent cifiques et associent de manière variable, dans le temps et/ou
(1–5). dans leur intensités, des douleurs abdominales de l’hypo-
Le choc, la déshydratation, le sepsis, les transfusions multiples chondre droit (75 à 85 %), de la fièvre (25 à 55 %) et parfois
sont les causes les plus fréquentes de cholécystite alithiasique. une vésicule palpable (0 à 20 %, [3–5]). Le tableau clinique est
Le plus souvent, elle survient sur un terrain débilité par le dia- peu spécifique chez des malades postopérés ou hospitalisés
bète, l’athérosclérose ou les néoplasies évolutives (6). Pour ces pour d’autres raisons. En fait, le diagnostic de cholécystite ali-
raisons, le terrain de prédilection est l’homme de plus de 60 ans thiasique doit être envisagé chez tout malade hospitalisé pré-
hospitalisé en réanimation. sentant un syndrome septique sans cause évidente retrouvée.
Cependant, des études récentes rapportent une augmentation de En ce qui concerne les malades non hospitalisés, cette patholo-
l’incidence de la cholécystite alithiasique chez des malades non gie partage une symptomalogie commune avec la cholécystite
hospitalisés. Une étude américaine rétrospective de 47 cholé- aiguë lithiasique.
cystites alithiasiques a montré que 36 sur 47 (77 %) des cholé-
cystites alithiasiques concernaient des malades non hospitalisés Biologiquement
à distance de toute chirurgie ou de tout traumatisme (3). L’hyperleucocytose, bien que non spécifique, est le signe bio-
Cependant, l’âge moyen était de 65,5 ans, le sex-ratio restait de logique le plus souvent rencontré (70 à 96 %) (2–5). Le bilan
3 : 1, une athérosclérose était présente dans 72 % des cas et un hépatique montre une cholestase anictérique dans 25 à 50 % des
diabète dans 15 % des cas. cas (2, 4, 5). La cytolyse hépatique est présente dans 40 % des
Un autre cadre étiologique de cholécystite alithiasique pouvant cas (4, 5). Cependant, le bilan hépatique peut être normal dans
toucher des sujets plus jeunes concerne les malades séroposi- 20 à 75 % des cas (2, 4, 5).
tifs pour le HIV. Dans ce cadre, la cholécystite est, après l’ap-
pendicite, la deuxième cause de prise en charge chirurgicale Morphologiquement
(8). La cholécystite alithiasique représente 36 à 78 % des cas L’échographie abdominale et le scanner abdominal sont les
deux examens morphologiques les plus fréquemment utilisés
pour le diagnostic de cholécystite alithiasique. La sensibilité du
scanner abdominal a été rapportée comme supérieure à celle de
l’échographie dans cette indication (5, 12, 13). Il est particuliè-
* Centre hépato-biliaire, hôpital Paul-Brousse, UPRES 1596, IFR 89.9,
rement adapté pour détecter une inflammation, un épanchement
Université Paris-Sud, Villejuif. péri-vésiculaire, des modifications importantes de la paroi

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vésiculaire ou encore une autre cause intra-abdominale de sep- parant les deux types de patients sont les suivants : 16 sur 22
sis (5). Au contraire, l’échographie abdominale, qui a l’avanta- (73 %) vésicules gangreneuses et 11 décès sur 22 (50 %) dans
ge de sa faisabilité au lit du malade, s’accompagne d’un taux le groupe déjà hospitalisé versus 1 vésicule gangreneuse sur 5
élevé de faux-négatifs avec une sous-estimation de la gravité de (20 %) et pas de mortalité dans l’autre (13). Dans la série com-
l’atteinte vésiculaire dans la majorité des cas (14). portant le plus grand nombre de malades non hospitalisés, soit
En pratique, l’association de ces deux examens permet de 36 malades sur 47 cholécystites alithiasiques (77 %), la cholé-
rechercher des critères diagnostiques majeurs et mineurs de cystectomie par laparotomie a été le traitement de référence (42
cholécystite alithiasique (5). Les critères majeurs sont l’épais- sur 47 [89 %]) (3). La mortalité était nulle dans le groupe non
sissement de la paroi vésiculaire à plus de 4 mm, l’existence hospitalisé et de 3 sur 11 (27 %) dans celui des malades déjà
d’un épanchement périvésiculaire, un œdème sous-séreux, des hospitalisés au moment du début des symptômes. Pourtant, les
bulles de gaz intra-murales, une infiltration de la graisse périvé- malades non hospitalisés présentaient, dans 82 % des cas, un
siculaire et un signe de Murphy échographique en l’absence de terrain débilité.
lithiase. Les critères mineurs sont l’existence de “sludge” et la Le drainage percutané transhépatique de la vésicule a le grand
distension de la vésicule à plus de 8 cm longitudinalement ou à avantage de pouvoir être effectué sous anesthésie locale. La
plus de 5 cm transversalement. complication principale de ce traitement est le déplacement du
Le diagnostic de cholécystite alithiasique, qui repose en préo- cathéter de drainage dans 8 % des cas (15). Cela apparaît dans
pératoire sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et une série récente concernant 53 cholécystites, dont 13 sans
morphologiques, n’est pas toujours fait, surtout chez les lithiase, chez des malades présentant au moins une contre-indi-
malades déjà hospitalisés. Ainsi, dans la série de Kalliafas cation relative à l’anesthésie générale et pour la plupart hospita-
concernant 27 malades, dont 22 déjà hospitalisés pour d’autres lisés en réanimation (33 sur 53 - 62 %). Parmi ceux présentant
raisons, le diagnostic de cholécystite alithiasique a été fait en une cholécystite alithiasique, 5 sur 13 sont décédés malgré la
peropératoire chez 10 hospitalisés sur 22 (45 %), alors que dia- cholécystostomie percutanée, soit 39 % (15). D’autres auteurs
gnostic avait été fait en préopératoire chez les 5 malades non (1, 3, 4) rapportent l’efficacité relative et surtout le caractère peu
hospitalisés initialement (5). invasif du traitement percutané par rapport à la cholécystecto-
Le délai du diagnostic de cholécystite alithiasique a été rappor- mie ou à la cholecystostomie sous anesthésie générale.
té comme un facteur pronostic principal, surtout chez des Néanmoins, la cholécystectomie par laparotomie devra être réa-
malades déjà hospitalisés au moment de l’apparition des symp- lisée sans retard en cas de non-résolution rapide et franche des
tômes (4). Ainsi, dans la série de Johnson concernant symptômes malgré le drainage.
38 malades, dont 28 sur 38 (73 %) déjà hospitalisés, 10 patients Dans le groupe des malades HIV positifs au stade de sida, les
sur 26 (38 %) ayant une cholécystectomie plus de 48 heures cholécystites alithiasiques ont le même pronostic que la cholé-
après le début des symptômes avaient une vésicule perforée, cystite lithiasique, avec une mortalité de 3 %, et doivent être
alors que les opérés précocement n’avaient ces manifestations traitées de la même manière par cholécystectomie par voie
peropératoires que dans 1 cas sur 12 (8 %), avec une mortalité ouverte ou par cœlioscopie (7). Dans cette population, la voie
globale pour les 2 groupes de 10 % (4). En revanche, dans la d’abord n’influence pas la durée de l’hospitalisation, et un taux
série de Savoca concernant 47 malades, dont seulement 11 sur de CD4 inférieur à 50 cellules/ml est le seul facteur prédictif
47 (23 %) hospitalisés au moment de l’apparition des symp- d’une durée d’hospitalisation plus longue (7).
tômes, il n’existait pas de perforation vésiculaire, et la mortali- Le succès du traitement médical par anticoagulants de la cholé-
té globale était de 6 % avec une laparotomie effectuée en cystite alithiasique est très peu décrit en dehors d’étiologies très
moyenne 37 + 5 heures après le début des signes (3). En fait, particulières telles que le syndrome des anticorps antiphospho-
c’est donc le terrain sur lequel survient la maladie qui fait le pro- lipides (16). Il n’existe pas dans la littérature de publication
nostic de la cholécystite alithiasique. comparant le traitement médical et chirurgical de la cholécysti-
te alithiasique.
QUELLE STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE ADOPTER ?
Les traitements admis de la cholécystite alithiasique sont chi- CONCLUSION
rurgicaux : de la cholécystostomie percutanée sous anesthésie La cholécystite alithiasique, qui représente environ 10 % des
locale à la cholécystectomie laparoscopique, le choix du traite- cholécystites aiguës, est une maladie plus fréquemment rencon-
ment dépend du terrain et des facteurs de risque associés. trée chez des malades ayant une comorbidité importante et/ou
La cholécystectomie par laparotomie est le traitement le plus déjà hospitalisés pour d’autres raisons. Son diagnostic est avant
souvent utilisé, du fait de la fréquence des découvertes peropé- tout morphologique et repose sur l’association de l’échographie
ratoires des cholécystites alithiasiques lors de laparotomies réa- et du scanner. Cependant, il n’est pas rare qu’elle soit méconnue
lisées devant un tableau de sepsis intra-abdominal sans cause jusqu’à la laparotomie exploratrice. Elle doit donc être suspec-
retrouvée en préopératoire (5). Dans la série de 27 cas de tée et recherchée devant tout tableau septique ou abdominal
Kalliafas, comportant 22 malades hospitalisés et 5 malades non d’origine inconnue. Son traitement est avant tout chirurgical. Le
hospitalisés lors de des premiers symptômes, les résultats com- drainage vésiculaire percutanée transhépatique précoce sous

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anesthésie locale peut être tenté. Cependant, la cholécystecto- 8. French AL, Baudet LM, Benator DA et al. Cholecystectomy in patients with
mie par voie ouverte reste le traitement de référence en l’absen- AIDS: clinicopathologic correlations in 107 cases. Clin Infect Dis 1995 ; 21 :
852-8.
ce d’une amélioration rapide après drainage chez les malades
fragiles et dans tous les autres cas. C’est le seul traitement effi- 9. Carroll BJ, Rosenthal RJ, Bonet PH. Complications of laparoscopic chole-
cystectomy in HIV and AIDS patients. Surg Endosc 1995 ; 9 : 874-8.
cace dans les formes gangreneuses et perforées. ■ 10. Parithivel VS, Gerst PH, Banerjee S et al. Acute acalculous cholecystitis in
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