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Pharmacorésistance
Une épilepsie est considérée comme pharmaco-
résistante lorsque les crises d’épilepsie persistent
malgré l’essai d’au minimum deux molécules
antiépileptiques adaptées au syndrome épilep-
tique et utilisées à posologies efficaces [13]. La
Figure 1.2. Courbe d’incidence en fonction du type pharmacorésistance touche environ un tiers des
de crises (d’après Hauser [6]). patients épileptiques et, malgré l’avènement de
nombreuses nouvelles molécules antiépileptiques,
naturellement avec l’âge passant de 1 % entre 0 et demeure stable au cours du temps. Une première
15 ans à 4,5 % au-delà de 85 ans [8]. étude publiée en 2000 sur 525 patients épilep-
tiques nouvellement diagnostiqués entre 1982
et 1997 [14] retrouvait un taux de pharmacoré-
Prévalence sistance de 37 %, la même étude sur une cohorte
élargie à 1795 patients épileptiques nouvellement
●● Pour comprendre diagnostiqués entre 1982 et 2014 retrouve un
La prévalence est le nombre de cas de mala- taux de 36,3 % de pharmacorésistance [15].
dies enregistrés pour une population déterminée,
englobant aussi bien les nouveaux cas que les
anciens cas. Focus
En Europe, la prévalence de l’épilepsie oscille Facteurs de risque de développer une épilepsie
entre 3,3 et 7,8 pour 1 000 habitants [9]. pharmacorésistante [16, 17]
Tout comme pour l’incidence, la prévalence spé-
• Antécédents familiaux d’épilepsie.
cifique va varier en fonction de différents facteurs : • Antécédents de convulsions fébriles (cela renvoie
• l’âge : chiffres plus bas de prévalence en popu- au type de lésion, notamment les scléroses hippocam-
lation pédiatrique générale (0-18 ans) (3,4 à piques très pourvoyeuses de pharmacorésistance).
5,1/1 000) [10, 11] avec toujours néanmoins, • Type de lésions : sclérose hippocampique, malforma-
comme pour l’incidence, un pic de prévalence tions corticales, double pathologie.
chez les tout-petits (< 5 ans) et chez le sujet • Épilepsie post-traumatique.
âgé [3] ; • Comorbidité psychiatrique/addiction.
• le type de crises : chez l’adulte, on note une • Retard à la mise en route du traitement.
nette surreprésentation des crises focales (55 %
à 83 %) versus les crises généralisées, alors que
chez l’enfant, les ratios sont plus équilibrés (42 Mortalité
à 60 % de crises focales versus 30 à 58 % de
crises généralisées) [3,9] ; Très tôt, avant même que le concept de SUDEP
• l’époque : tendance avec le temps à une augmen (sudden unexplained death in epilepsy) ne soit
tation des chiffres de prévalence de l’épilepsie d’actualité, les études de Hauser [6,18] pointaient
(taux de prévalence de 3,5 pour 1 000 dans la une surmortalité dans la population épileptique.
cohorte historique d’Hauser datant des années Pratiquement, toutes les études épidémiologiques
1940-1980 [5] et de 5,4 pour 1 000 dans rapportent un excès de mortalité chez les patients
Chapitre 1. Épidémiologie des épilepsies 3
épileptiques avec un taux de mortalité multiplié • les suicides : on retrouve de façon constante
par 3 dans 38 études de cohorte portant sur un taux plus élevé de suicides que celui de
165 879 patients [19] (fig. 1.3). la population générale chez les épileptiques
Cette surmortalité est attribuée à quatre prin- (cf. chapitre 9, comorbidités psychiatriques).
cipales causes : Une étude de 2017 [26] montre un taux
• les morts soudaines inexpliquées de l’épilep- annuel de mortalité par suicide trois fois plus
tique ou SUDEP seraient responsables de 5,2 % élevé chez les patients épileptiques (taux de
des décès de patients épileptiques et de 36 % 16.89/100,000 habitants/an) ;
de ces décès dans la tranche 0-15 ans [20] avec • l’évolution des maladies causales de l’épilepsie :
un risque cumulatif de décès par SUDEP [21] le taux de mortalité est ainsi beaucoup plus élevé
allant jusqu’à 12 % sur 40 ans en cas de facteur dans les épilepsies symptomatiques (« structu
de risque avéré (voir plus bas, focus « La mort relles-métaboliques) quel que soit l’âge de
soudaine inexpliquée de l’épileptique ou début (avant 20 ans ou à l’âge adulte) [19].
SUDEP »), sachant, par ailleurs, que les décès
attribués aux SUDEP sont très certainement très
sous-estimés [22] ; Focus
• l’accidentologie : noyades, accidents de la voie La mort soudaine inexpliquée de l’épileptique
publique, traumatismes crâniens, etc. On manque ou SUDEP [20-22, 27, 28]
de données épidémiologiques claires sur le taux
de mortalité attribué aux accidents provoqués Les SUDEP représenteraient 0,1 à 9 décès pour
par les crises d’épilepsie. Il apparaît néanmoins 1 000 patients/année. Il s’agit de décès inexpliqués sur-
venant directement au décours d’une crise (et donc relatés
que :
à la crise), crises de survenue le plus souvent nocturne.
– le risque de décéder de noyade est 82 fois Les facteurs de risque identifiés de présenter une
plus élevé dans la population épileptique que SUDEP sont :
dans la population générale [23], • existence d’une épilepsie pharmacorésistante ayant
– le risque de décéder d’un accident de voiture débuté dans l’enfance, de longue évolution, en poly-
lié à l’épilepsie serait faible : seulement 0,2 % thérapie ;
des décès par accident de voiture eux-mêmes • âge : adulte jeune ;
estimés à 8,6 pour 100 000 habitants [24] • retard mental (QI < 70) ;
alors que le risque d’avoir un accident de • fréquence importante de crises généralisées tonico-
cloniques ;
voiture quand on est épileptique est multiplié
• absence de supervision nocturne.
par 1,71 [25] ; Le mécanisme suspecté est le cerebral electrical shut-
down (silence électrique cérébral) avec deux méca-
nismes possiblement conjoints :
• trouble respiratoire inaugural (apnée centrale ou obs-
tructive ou œdème pulmonaire vasogénique) ;
• puis anomalies cardiaques (asystolie ictale, ischémie
cardiaque ictale, fibrose sous-endocardique, anomalies
électrocardiographiques [ECG] interictales).
On ne dispose pas, à l’heure actuelle, de traitement
pour éviter ces SUDEP mais des mesures préventives
tendant à en diminuer la fréquence sont préconisées :
• équilibre optimal de l’épilepsie et notamment des
crises généralisées tonicocloniques ;
• observance thérapeutique optimale ;
• hygiène de vie adaptée ;
• éventuelle supervision nocturne, notamment chez
les patients présentant des phénomènes marqués de
cyanose ou bradycardie postcritiques.
Figure 1.3. Courbe de survie (d’après Hauser [6]).
4 Epilepsies de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte
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