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recommandations

Syndrome coronarien aigu :


guidelines et spécificité gériatrique

Le syndrome coronarien aigu (SCA) comprend l’angor insta-


ble, l’infarctus du myocarde sans élévation du segment ST et
l’infarctus du myocarde avec élévation du segment ST. Le SCA
est une maladie plus fréquente dans la population gériatrique
et grevée d’une morbi-/mortalité très élevée. Les personnes
âgées étant souvent exclues des essais cliniques, le gériatre
doit les prendre en charge sans guidelines spécifiques ; bien
que représentant un groupe à haut risque, ils sont toutefois
ceux qui bénéficieraient le plus du traitement agressif de re-
vascularisation coronarienne. En l’état de nos connaissances
Rev Med Suisse 2009 ; 5 : 1137-47
actuelles, l’âge ne doit pas être un facteur limitant pour une
prise en charge invasive, toutefois, la qualité de vie et l’état
C. Falconnet physique préexistant sont des éléments à prendre en compte
dans l’appréciation globale de cette prise en charge.
S. Carballo
M. Roffi
SYNDROME CORONARIEN AIGU
P.-F. Keller
Introduction
J.-J. Perrenoud
Le syndrome coronarien aigu (SCA) est une entité continue
regroupant plusieurs diagnostics avec des prises en charges
différentes : l’angor instable (AI), l’infarctus du myocarde sans
élévation du segment ST (NSTEMI) et l’infarctus du myocarde
Acute coronary syndrome : guidelines avec élévation persistante du segment ST (STEMI). Les manifestations cliniques
and geriatrics specificity
sont protéiformes, voire même inexistantes, en particulier chez les patients dia-
Acute coronary syndrome (ACS) includes un-
stable angina pectoris, myocardial infarction
bétiques, chez qui des douleurs atypiques ou la dyspnée peuvent faire évoquer
without ST elevation and myocardial infarc- le diagnostic. Le SCA est une manifestation aiguë d’une maladie : l’athéroscléro-
tion with ST elevation. ACS is more frequent se. Les conséquences du SCA impliquent de considérer une prise en charge
in the elderly than in the general population invasive précoce sous réserve de l’âge du patient, de son risque coronarien et
and is associated with very high morbidity de son risque lié à ses comorbidités.
and mortality. As older individuals are often L’augmentation de l’espérance de vie dans les pays industrialisés a pour consé-
excluded from clinical trials, the geriatrician
quence une augmentation de la proportion des patients coronariens de plus de
needs to take care of these subjects without
specific guidelines. Although older subjects
75 ans dans les prochaines décennies. Or, les recommandations sont basées sur
(or very old subjects) represent a group at les preuves d’essais cliniques effectués sur des populations de patients sélec-
high risk of complications, they would bene- tionnés avec peu de comorbidités en excluant le plus souvent les patients de
fit most of an aggressive coronary revascula- plus de 75 ans. Ceci est particulièrement important dans les traitements anti-
risation procedure. Given the current state of thrombotiques pour lesquels les patients à risque hémorragique et très âgés
knowledge, biological age itself should not sont exclus. Le gériatre doit donc prendre en charge ces patients sur la base de
be the only limiting criteria when considering
recommandations peu adaptées à la population gériatrique ou sur la base d’évi-
an invasive coronary procedure, but the exis-
ting quality of life and physical conditions of dences scientifiques insuffisantes. Une stratégie invasive précoce semble actuel-
the individual should also be taken into ac- lement bien établie mais les données sont contradictoires pour la population
count in the global management strategy. au-delà de 75 ans. L’approche pharmaco-invasive «agressive» comporte un risque
de complications plus important dans la population gériatrique (polymorbide et
fragile) en raison des effets secondaires tels que les saignements,1 alors que la
réduction du risque de morbi-mortalité par l’approche pharmaco-invasive est
encore plus importante que dans les populations plus jeunes. Par conséquent,
les patients âgés, bien que représentant a priori un groupe à très haut risque,
sont toutefois ceux qui pourraient le plus bénéficier du traitement agressif anti-
thrombotique et de revascularisation coronarienne.2

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Epidémiologie
Tableau 1. Critères d'infarctus du myocarde (Task
En Suisse, selon les statistiques de l’OFS 2005, les ma- force for the redefinition of myocardial infarction)
ladies cardiovasculaires représentent les causes de décès PCI : percutaneous coronary intervention (angioplastie) ; CABG : coro-
les plus fréquentes chez les hommes comme chez les fem- nary artery bypass graft (pontage) ; BBG : bloc de branche gauche.
mes (40%), avant les tumeurs malignes (26%) et sont éga- 1. Elévation et/ou diminution d’un biomarqueur cardiaque (préférentiel-
lement au premier rang chez les personnes plus âgées, lement la troponine) avec au moins une valeur au-dessus du 99e percen-
toujours avec une proportion d’hommes plus élevée à être tile de la limite supérieure de référence (URL) en association avec une
évidence d’ischémie myocardique avec au moins un des points suivants :
victimes d'infarctus. Ces chiffres de mortalité cardiovascu- • Symptômes d’ischémie
laire tendent toutefois à rester stables, voire à diminuer • Modification ECG indiquant une ischémique nouvelle (modification
depuis 1990 (figure 1). du ST-T nouvelle ou BBG nouveau)
• Apparition d’ondes Q pathologiques à l’ECG
• Evidence iconographique d’une perte nouvelle de myocarde viable
ou d’un mouvement régional anormal nouveau
Part des principales causes de décès selon le groupe d’âge, • Mort subite, inexpliquée, impliquant un arrêt cardiaque, souvent
en 2005 avec des symptômes suggérant une ischémie myocardique, et accom-
pagnée par une présumée nouvelle élévation du segment ST ou
Hommes nouveau BBG, et/ou évidence d’un thrombus frais par une corona-
rographie et/ou une autopsie, mais le décès survient avant que les
résultats de sang soient obtenus, ou à un moment avant les modifi-
cations des biomarqueurs cardiaques dans le sang
2. PCI : pour les patients avec des valeurs normales de troponine, une
élévation des biomarqueurs cardiaques au-dessus du 99e percentile URL
est significative d’une nécrose myocardique périprocédurale. Par conven-
tion, une élévation des biomarqueurs supérieure à 3 x 99e percentile
0-24 25-44 45-64 65-84 85 et plus URL définit un infarctus du myocarde secondaire à une PCI. Un sous-
type en lien à une thrombose documentée du stent est également
Femmes reconnu
3. CABG : avec des valeurs normales de troponine, une élévation des
biomarqueurs cardiaques au-dessus du 99e percentile URL est significative
d’une nécrose myocardique périprocédurale. Par convention, une éléva-
tion des biomarqueurs supérieure à 5 x 99e percentile URL plus soit une
onde Q pathologique nouvelle ou un BBG nouveau, ou une occlusion
coronarienne native ou du greffon documentée par angiographie, ou une
évidence iconographique d’une perte nouvelle de myocarde viable sont
définis comme un infarctus du myocarde secondaire à une CABG
0-24 25-44 45-64 65-84 85 et plus
4. Découvertes pathologiques d’un infarctus aigu du myocarde

Maladies cardiovasculaires distingués : d’une part les AI, caractérisés par l’absence
Tumeurs malignes d’élévation des biomarqueurs et d’autre part les NSTEMI,
Maladies de l’appareil respiratoire caractérisés par l’élévation de la troponine. L’AI est défini
Accidents et morts violents comme un angor soit nouvellement apparu (moins de huit
semaines = de novo), soit d’intensité ou de fréquence crois-
Autres causes de décès
sante (crescendo) à l’effort, soit de repos.
Figure 1. Causes de décès en 2005 en fonction du Si l’élévation des biomarqueurs est un élément déter-
groupe d'âge et du sexe minant dans le diagnostic de l’AMI, elle n’est pas une con-
La taille des cercles est proportionnelle au nombre absolu de décès par dition indispensable pour le diagnostic de SCA ; en effet,
groupe d’âge. © Office fédéral de la statistique. dans l’AI, par définition, il n’y a pas d’élévation des tropo-
nines et, inversement, plusieurs autres pathologies peu-
vent s’accompagner d’une élévation de cette protéine (ta-
Définition bleau 3). L’interprétation du taux des biomarqueurs cardia-
Le SCA regroupe un continuum de manifestations aiguës ques doit donc toujours être considérée dans son contexte
de l’athérosclérose : l’AI, l’infarctus NSTEMI et l’infarctus clinique. D’autre part, un angor instable avec des modifi-
STEMI. La maladie coronarienne chronique peut se mani- cations ECG dynamiques importantes en amplitude expo-
fester par un angor dit stable pouvant précéder le SCA. se le patient à un risque de mortalité aussi élevé, voire
L’infarctus aigu du myocarde (AMI) est défini par un con- plus élevé qu’un NSTEMI sans modification ECG et sans
sensus euro-nord-américain de la façon suivante : mise en instabilité hémodynamique, raison pour laquelle l’utilisa-
évidence de nécrose myocardique qu’elle soit électrocar- tion de scores de risque est importante dans les SCA. Les
diographique (onde Q) ou biologique (élévation de la tro- trois entités du SCA sont résumées dans la figure 2.
ponine ou de la fraction MB de la créatinine kinase (CK-
MB)), ceci en conjonction avec une constellation clinique Physiopathologie
compatible avec une ischémie myocardique (tableau 1) et Compte tenu de la physiopathologie de l’athérosclérose,
cette définition classifie l’AMI selon différents critères cli- il est compréhensible que le SCA survienne plus fréquem-
niques d’apparition (tableau 2).3 Dans les SCA sans sus- ment chez la personne âgée dans un contexte de maladie
décalage du segment ST, deux cas de figure doivent être plus diffuse avec des complications hémodynamiques plus

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Tableau 2. Classification clinique étiologique des


différents types d’infarctus du myocarde Douleur thoracique
PCI : percutaneous coronary intervention (angioplastie) ; CABG : coro-
nary artery bypass graft (pontage). Syndrome coronarien aigu

Type 1 Infarctus du myocarde spontané en lien avec une ischémie


ECG Elévation du ST Pas d’élévation du ST : SCA - NSTEMI
secondaire à un événement coronarien primaire tel = SCA - STEMI ou angor instable
qu’une érosion et/ou une rupture, une fissure ou une
dissection de plaque Biomarqueurs Reperfusion Troponine Troponine
urgente L 6 h 00 + L 6 h 00 -
Type 2 Infarctus du myocarde spontané en lien avec une ischémie
secondaire soit à une demande accrue en oxygène, soit Diagnostic Infarctus myocardique Angor instable
à une diminution des réserves (exemple : spasme artériel aigu
coronarien, embol coronaire, anémie, arythmies, hyper-
tension ou hypotension) Figure 2. Organigramme résumant le syndrome
Type 3 Mort subite inattendue, incluant l’arrêt cardiaque, souvent coronarien aigu (SCA)
avec des symptômes suggestifs d’une ischémie myocardique,
NSTEMI : non-ST elevation myocardial infarction (infarctus du myocarde
accompagnée possiblement d’une élévation nouvelle du
sans élévation du segment ST).
segment ST, ou d’un bloc de branche gauche nouveau,
ou l’évidence d’un thrombus frais dans une coronaire
(angiographie et/ou autopsie), mais le décès est apparu avant
que les échantillons de sang puissent être obtenus, ou à
un moment avant l’élévation des marqueurs cardiaques dans
le sang
Type 4a Infarctus du myocarde associé à une PCI
Type 4b Infarctus du myocarde associé à la thrombose d’un stent,
documenté par une angiographie ou par l’autopsie
Type 5 Infarctus du myocarde associé à une CABG

Tableau 3. Elévations des troponines en l’absence


d’une maladie ischémie cardiaque avérée
• Contusion cardiaque ou tout autre traumatisme incluant la chirurgie,
le pacing, etc.
• Insuffisance cardiaque congestive – aiguë et chronique Figure 3. Initiation, progression et complication de
• Dissection aortique l’athérosclérose
• Maladie valvulaire aortique (Adaptée de Libby P. Current concepts of the pathogenesis of the acute coro-
• Cardiomyopathie hypertrophique nary syndromes.Circulation 2001;104;365-72,avec l’autorisation de l’auteur).
• Tachy- ou bradyarythmies, ou bloc cardiaque
• Apical ballooning syndrome Haut : section longitudinale d’une artère montrant l’athérogenèse durant
• Rhabdomyolyse avec blessure cardiaque le temps.
• Embolie pulmonaire, hypertension pulmonaire sévère Bas : sections transversales d’une artère.
• Insuffisance rénale 1. Artère normale.
• Maladie neurologique aiguë (accident vasculaire cérébral, hémorragie 2. Début des lésions : expression par les cellules endothéliales de molé-
sous-arachnoïdienne) cules chemo-attractrices et d’adhésion recrutant des monocytes et des
• Maladies infiltratives (exemples : amyloïdose, hémochromatose, sarcoï- lymphocytes T R accumulation de lipides dans l’intima.
dose), et maladies inflammatoires sclérodermiques (exemple : myocar- 3. Evolution vers un stade fibro-graisseux : les macrophages lient des lipo-
dite ou extension myocardique d’une endo-/péricardite) protéines modifiées devenant ainsi des cellules pleines de graisse. Proli-
• Toxicité médicamenteuse ou toxines fération et migration des cellules musculaires lisses par amplification du
• Patients sévèrement malades, spécialement ceux avec insuffisance recrutement due à la sécrétion de cytokines inflammatoires et de fac-
respiratoire ou sepsis teurs de croissance par les leucocytes et autres.
• Brûlure (particulièrement si touchant L 30% de la surface corporelle) 4. Progression : expression de facteurs tissulaires par les médiateurs de
• Effort extrême l’inflammation, potentiellement procoagulants, et des protéinases dégra-
deur de matrice R affaiblissement du cap fibreux de la plaque.
5. Rupture du cap : les facteurs de la coagulation ont accès au lipid core
(thrombogène) R thrombose sur une plaque non occlusive. S’il y a désé-
fréquentes. Il s’agit d’une maladie évolutive faisant inter-
quilibre entre les mécanismes prothrombotiques et fibrinolytiques, un
venir de nombreux paramètres métaboliques. Le SCA re- thrombus occlusif peut en résulter.
présente une complication aiguë de l’athérosclérose qui 6. Résorption du thrombus : la thrombine et les médiateurs, relâchés lors
est déclenchée par une rupture de plaque d’athérome oc- de la dégranulation des plaquettes, peuvent permettre la cicatrisation
(accumulation de collagène et croissance de cellules musculaires lisses)
casionnant secondairement un phénomène thrombotique R plaque fibreuse avancée et souvent calcifiée R sténose R angor stable.
avec microembolisation dans un NSTEMI ou une occlusion 7. Dans certain cas, le thrombus occlusif est secondaire à une érosion
complète d’une artère coronaire épicardique dans un STEMI superficielle de la couche endothéliale R thrombus mural R infarctus du
myocarde. Ces érosions compliquent souvent des lésions avancées, mais
(figure 3).4 Contrairement au SCA, l’angor stable se carac- ne surviennent pas nécessairement après une rupture du cap fibreux.
térise par une sténose progressive de l’artère coronaire qui
produit une limitation du flux sanguin nécessaire aux be-
soins métaboliques du myocarde lorsque les besoins sont lorsque les conditions métaboliques augmentent les be-
augmentés à l’effort (figure 4). D’autre part, une sténose soins du myocarde en oxygène tels qu’un état fébrile avec
significative peut occasionner un angor instable secondaire ou sans sepsis, une hyperthyroïdie ou une anémie.

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vations périphériques et M 2 mm dans les dérivations pré-


Clinical cordiales dans au moins deux dérivations consécutives ou
Type of lesion
manifestation d’un bloc de branche gauche nouveau. Ces exceptions
constituent en effet les caractéristiques ECG d’un STEMI.
Les modifications ECG, le nombre de dérivations touchées
et l’amplitude des sous-décalages permettent de stratifier
le risque de mortalité dans les AI et NSTEMI.6
Un bloc de branche gauche préexistant rend le diag-
Stenotic Ischemia nostic d’AMI difficile, voire impossible. Rarement, il est pos-
• Few • Angina pectoris sible de s’aider du signe de Cabrera (spécificité 87%) ou de
• Fibrotic • Positive exercise test
• Thick cap • Perfusion defect l’algorithme de Sgarbossa (spécificité 100), les deux étant
• Less compensatory d’une sensibilité inférieure à 10%.7
enlargement
Biomarqueurs
Les troponines cardiaques T (cTnT) ou I (cTnI) sont les
marqueurs de choix d’une blessure myocardique, en rai-
son d’une spécificité et d’une sensibilité supérieures aux
enzymes cardiaques traditionnelles (créatinine kinase (CK)
et son isoenzyme MB (CK-MB)). La cTnI est la troponine
Non-stenotic Infarction dosée actuellement en cas de suspicion de SCA, car non
• Many dépendante de l’état de la fonction rénale ; toutefois son
• Lipid-rich élévation n’est pas synonyme de SCA. La cTnI peut s’éle-
• Thin cap
• Compensatory enlargement ver secondairement à une tachyarythmie, notamment une
fibrillation auriculaire paroxystique, une embolie pulmo-
Figure 4. Différence entre une lésion athéromateuse naire (marqueur pronostique), des accidents cérébraux aigus,
sténosante et non sténosante un sepsis etc., pathologies fréquemment rencontrées dans
(Adaptée de Libby P. Pathophysiology of coronary artery disease. Circu-
lation 2005;111;3481-8, avec l’autorisation de l’auteur). une population gériatrique. Contrairement à une idée ré-
pandue, il n'existe pas de cut-off dans son dosage permet-
tant de présumer soit d’une origine coronaire, soit d’une au-
Clinique tre origine. En d'autres termes, une élévation très modeste
La triade douleurs thoraciques, modifications ECG et peut signaler une coronaropathie décompensée et une
cinétique des enzymes cardiaques est la base de la prise élévation plus élevée peut être secondaire à une tachy-
en charge du syndrome coronarien. Une douleur angineu- arythmie. Son élévation après le début des symptômes
se est dite typique si elle présente trois caractéristiques : est mesurable à 3-6 heures, son pic est aux alentours de 24
1) rétrosternale ; 2) précipitée par l'activité physique et 3) heures et disparaît après généralement une semaine, mais
soulagée en quelques minutes par le repos ou la prise de peut perdurer parfois jusqu’à deux semaines.
nitroglycérine. Si deux caractères sur trois sont présents, elle Le dosage des CK tend à disparaître pour le diagnostic
est dite atypique; si un seul ou aucun caractère n'est présent, de SCA mais son élévation, avec une fraction MB positive
elle est dite non angineuse. La caractéristique de la dou- (L 6%) en concordance avec le taux de cTnI, renforce l’hy-
leur rétrosternale est plutôt diffuse, difficile à localiser et pothèse d’une origine coronarienne à l’ensemble clinique
décrite comme une pression, une sensation d’écrasement (tableau 3).
ou de poids, avec une irradiation dans le cou, la mâchoire La myoglobine n’est pas spécifique et de fait n’est pas
ou le(s) bras. La diaphorèse et la pâleur sont des signes recommandée pour le diagnostic de routine et la stratifi-
«adrénergiques» souvent associés au SCA et en particulier cation du risque cardiovasculaire.
dans les STEMI. L’agitation peut être un signe de bas débit
même si la tension artérielle est conservée. En effet, plus Stratification du risque
de 5% des patients en choc dans les consultations d’ur- Différents scores sont utilisés pour stratifier le risque
gence ont initialement une tension artérielle normale. de mortalité dans l’AI et le NSTEMI, GRACE,8 PURSUIT,9
Les facteurs de risque cardiovasculaire sont prédictifs TIMI, tout comme le STEMI. Dans les STEMI, la reperfusion
du risque de survenue à long terme d'événement corona- en urgence étant recommandée dans les plus brefs délais,
rien mais ne contribuent que peu à l'estimation de la pro- seul le statut hémodynamique est utile (classe Killip)10 (ta-
babilité d'un SCA 5 sauf chez les patients diabétiques pour bleau 4). Dans les AI et NSTEMI par contre, la stratification
lesquels le risque d’infarctus ou mortalité est identique à du risque est importante pour définir la stratégie antithrom-
un patient coronarien avéré. botique et invasive. Le score TIMI (tableaux 5 et 6) permet
de stratifier le risque de mortalité et de complications car-
ECG diovasculaires dans les deux semaines suivant le SCA en
L’AI et le NSTEMI présentent des manifestations ECG utilisant des paramètres cliniques simples en urgence.11,12
hétérogènes allant d’un ECG normal à des modifications Ces scores permettent de stratifier le risque afin de dé-
du segment ST ou de l’onde T à l’exception des sus-déca- terminer la stratégie thérapeutique pharmaco-invasive pré-
lages persistants du segment ST de M 1 mm dans les déri- coce ou sélectivement invasive sur la base d’une explora-

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Tableau 4. Classification de Killip tion fonctionnelle préalable. En résumé, le risque élevé est
Risque de mortalité hospitalière lors d’AMI (acute myocardial infarctus défini dans les conditions cliniques suivantes : 1) ischémie
– infarctus aigu du myocarde). récidivante malgré un traitement antiangineux intensif ; 2)
Classes Mortalité taux de troponine élevé ; 3) sous-décalage du segment ST
I Pas de râles de stase, pas de B3, 6% nouveau ; 4) symptômes d’insuffisance cardiaque chronique
normotendu (nouveau ou en aggravation) ; 5) diminution de la fonction
II B3 ou râles de stase m 1/3 inférieur 17% systolique ventriculaire gauche ; 6) instabilité hémodyna-
des plages pulmonaires et turgescence mique ; 7) tachycardie ventriculaire soutenue ; 8) PCI (an-
jugulaire gioplastie) dans les six mois et 9) antécédent de CABG
III Râles de stase L 1/3 inférieur des 38% (pontage).13 A cela s’ajoutent deux facteurs de haut risque
plages pulmonaires ou un œdème aigu
qui rendent la décision thérapeutique difficile en raison
du poumon
de leur haute prévalence dans cette population : le diabète
IV Choc cardiogénique ou hypotension 81%
(tension artérielle systolique
et l’insuffisance rénale.
l 90 mmHg) et évidence d’une vaso-
constriction périphérique (oligurie, Prise en charge
cyanose ou transpiration)
L’étape la plus urgente est de poser le diagnostic de
SCA, puis de stratifier les risques (mortalité, cardiovascu-
laire et hémorragique) et, parallèlement, il est crucial d’écar-
Tableau 5. AI/NSTEMI TIMI-score
ter une cause secondaire de SCA telle que l’anémie, un état
Facteurs de risque Points Mortalité ou infarctus fébrile, une déshydratation, une poussée hypertensive, une
myocardique récurrents
ou nouveaux ou ischémie tachyarythmie, etc.).14,15
sévère récidivante
nécessitant une revasculari-
sation en urgence à J14
AI/NSTEMI
Deux cas de figure se discutent : la stratégie invasive
Age M 65 ans 1 1 pt : 5%
(urgente ou précoce) et la stratégie médicale.
M 3 facteurs de risque 1 2 pts : 8% Selon les guidelines 2007 de l’ACC/AHA et de l’ESC, une
coronaire
coronarographie est indiquée pour les patients sans comor-
Cardiopathie ischémique 1 3 pts : 13% bidités majeures, avec des lésions coronariennes acces-
reconnue
sibles à l’angioplastie et ayant un des critères de haut à
Prise d’aspirine au cours 1 4 pts : 20% très haut risque :
des sept derniers jours
• en urgence (l 2 heures) si critères de très haut risque :
Douleur angineuse récente 1 5 pts : 26% persistance ou récidive d’angor sous traitement, insuffi-
Augmentation des enzymes 1 6 pts : 41% sance cardiaque et/ou B3, instabilité hémodynamique ou
Sous décalage de ST 1 – arythmies menaçantes (FV, TV).
L 0,5 mm • En urgence différée ou précoce (l 48-72 heures) si cri-
Score de risque = total des points (0-7). tères de haut risque : élévation de la troponine, change-
Stratification du risque en trois groupes : bas (0-2 pts) ; intermédiaire ments dynamiques du ST-T, diabète, insuffisance rénale
(3-4 pts) ; élevé (5-7 pts). (GFR l 60 ml/min), FE l 40%, angor précoce postinfarctus,
NSTEMI : non-ST elevation myocardial infarction (infarctus du myocarde
sans élévation du segment ST) ; AI : angor instable. antécédent d’infarctus, PCI dans les six mois, antécédent
de CABG, un score TIMI M 4.
Une stratégie invasive-élective (avec investigations car-
Tableau 6. STEMI TIMI-score diaques préalables) ou médicale se discute si le patient
n’a pas de récidive d’angor, pas de signe d’insuffisance car-
Facteurs de risque Points Mortalité globale à J30
diaque, pas de changement ECG, pas d’élévation de tro-
Age M 65 ans l 65 0 0 pt : 0,8% ponine L 6 heures.
65-74 2 1 pt : 1,6%
L 74 3 2 pts : 2,2% Traitement immédiat
Quelle que soit la décision (invasive ou médicale) du-
Diabète ou hypertension 1 3 pts : 4,4%
artérielle ou angor rant la période d’évaluation du patient, il convient de pren-
dre en charge immédiatement le SCA. Le traitement en
Tension artérielle systolique 3 4 pts : 7,3%
l 100 mmHg urgence comprend l’oxygène, une dose de charge d’aspi-
rine (250 mg) en intraveineux (i.v.), puis 100 mg 1x/jour per os
Fréquence cardiaque L 100/min 2 5 pts : 12,4%
(p.o.), du clopidogrel en dose de charge (300-600 mg p.o.),
Killip II-IV 2 6 pts : 16,1% puis 75 mg 1 x/jour, des nitrés en cas d’angor et selon la ten-
Poids l 67 kg 1 7 pts : 23,4% sion artérielle (TA), une antalgie si douleurs, une anxiolyse.
Elévation du segment ST ou BBG 1 8 pts : 26,8%
Time to treatment L 4 heures 1 9 pts-14 pts : 35,9%
Traitement médical
Le traitement médicamenteux, outre le traitement anti-
STEMI : ST elevation myocardial infarction (infarctus du myocarde avec
élévation du segment ST) ; BBG : bloc de branche gauche.
agrégant, comprend : 1) le traitement anticoagulant : l’hépa-
rine (héparine non fractionnée ou héparine de bas poids

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moléculaire – HBPM), le fondaparinux (inhibiteur sélectif de stent actif ou Drug-eluting stent (DES), la double antiagré-
du facteur Xa) à une dose de 2,5 mg s/c 1 x/jour est préfé- gation est obligatoire pour au moins une année au vu du
ré à l’énoxaparine (HBPM) en raison de son meilleur rap- risque de thrombose tardive du stent, qui bien que rare
port bénéfice/risque de saignement pour une durée de (environ 1%) est une complication aux conséquences le
huit jours (48 heures si on choisit l’héparine). Le fondapa- plus souvent fatales.19
rinux n’a cependant pas sa place dans une stratégie inva- Le traitement anticoagulant est généralement interrom-
sive précoce en raison des risques de thrombose de ca- pu après PCI. En cas de maladie coronarienne sans geste
théters ;16 2) les bêtabloquants en l’absence de signes d’in- de revascularisation, un arrêt de l’anticoagulation par hé-
suffisance cardiaque (métoprolol, carvédilol, bisoprolol) parine fractionnée ou non est préconisé à 48 heures ou à
doivent être débutés rapidement, à titrer en fonction de la la discrétion du clinicien. Avec utilisation de l’énoxaparine ou
TA et du pouls (cible 50-60/min) et des effets secondaires. du fondaparinux, la durée est préconisée pour le temps
Il faut utiliser en priorité une molécule bêta-1 sélective de l’hospitalisation (jusqu’à huit jours). L’anticoagulation
chez des patients connus pour un syndrome obstructif doit être conservée en cas d’indication stricte (fibrillation
pulmonaire. Les anticalciques de type non dihydropyridi- auriculaire(FA), thrombus pariétal, akinésie antéro-apicale
ne sont une alternative ; 3) le traitement de l’insuffisance étendue post-AMI).
cardiaque si nécessaire ; 4) le traitement précoce hypoli-
pémiant en l’absence de contre-indication et quel que Inhibiteurs GP IIb/IIIa des plaquettes
soit le niveau de cholestérol, avec comme but un taux de Chez les patients à risque intermédiaire à élevé, parti-
LDLc l 2,6 mmol/l ; 5) les inhibiteurs de l'enzyme de con- culièrement ceux avec une élévation de la cTnI ou un sous-
version et 6) le contrôle des facteurs de risque selon les décalage du segment ST ou un diabète, le tirofiban ou
recommandations. l’eptifibatide comme traitement précoce initial est recom-
mandé en plus du traitement antiagrégant et anticoagu-
Traitement invasif – PCI et anticoagulation lant. La bivalirudine peut remplacer l’association héparine
Le premier choix de l’anticoagulation est différent selon plus anti-GP IIb/IIIa. Les anti-GP IIb/IIIa doivent être utili-
les guidelines ACC/AHA et ESC comme résumé dans le sés en l’absence d’augmentation du risque hémorragique.
tableau 7. Ces molécules doivent être maintenues pendant et après
En cas de PCI en urgence, l’héparine ou l’énoxaparine la PCI pour 12-24 heures. Les anti-GP IIb/IIIa sont souvent
associées ou non à un anti-GPIIb/IIIa constituent encore le utilisés durant la PCI si les patients n‘ont pas bénéficié d’un
traitement de choix bien que la bivalirudine montre une prétraitement.
efficacité similaire à cette association avec un risque hé-
morragique diminué.17,18 STEMI
En cas de PCI sous traitement de fondaparinux, l’ad- L’angioplastie primaire est le traitement de choix du
jonction d’une dose supplémentaire d’héparine durant la STEMI.20 La fibrinolyse est une alternative lorsque le patient
PCI d’environ 60 U/kg en bolus est requise en raison du présente une douleur thoracique de moins de trois heures
risque de thrombose de cathéter. et que le temps nécessaire depuis l’admission à l’hôpital
Après la coronarographie, avec ou sans PCI, il convient jusqu’à la PCI dépasse 90 minutes (différence Door to Bal-
de continuer l’aspirine à vie et le clopidogrel durant un an loon-Time moins Door to Needle-Time de plus de 60 minutes).21
(étude CURE) en l’absence de risque hémorragique prohi- Les contre-indications absolues à la thrombolyse sont un
bitif (anticoagulation au Sintrom ou autre risque hémorra- antécédent récent d’hémorragie cérébrale, de traumatis-
gique). En cas de risque hémorragique accru, la durée du me facial ou crânien (TC) ou d’accident vasculaire cérébral
traitement antiagrégant sera d’un mois après PCI seulement (AVC). Un patient qui présente un STEMI de plus de trois
si angioplastie sans stent, ou sera fonction du type de stent. heures ne tire pas profit de la thrombolyse et l’angioplas-
S’il s’agit d’un stent nu ou Bare-metal stent (BMS), une dou- tie primaire doit être privilégiée. Récemment, l’angioplas-
ble antiagrégation est obligatoire durant un mois. En cas tie facilitée n’a pas montré d’avantage sur une stratégie

Tableau 7. Résumé des guidelines ESC et ACC/AHA pour l’anticoagulation en cas de NSTEMI
ESC ACC/AHA
Stratégie invasive Bivalirudine : I-B ; héparine : I-C ; Enoxaparine : I-A ; héparine : I-A ; fondaparinux : I-B (avec
énoxaparine : IIa-B héparine en plus en dose standard pendant la PCI,
par exemple 50-60 U/kg en bolus i.v.) ; bivalirudine : I-B
Stratégie invasive Fondaparinux : I-B (avec héparine en plus Enoxaparine : I-A ; héparine : I-A ; fondaparinux : I-B (avec
précoce * pendant la PCI, par exemple 50-100 U/kg en héparine en plus pendant la PCI, par exemple 50-60 U/kg en
bolus i.v.) ; énoxaparine : IIa-B bolus i.v.) ; bivalirudine : I-B
Stratégie Fondaparinux : I-A ; énoxaparine : IIa-B Enoxaparine : I-A ; héparine : I-A ; fondaparinux : I-B ;
conservative fondaparinux si risque de saignement : I-B

* : l 48 heures selon l’ESC, l 72 heures selon l’ACC/AHA.


NSTEMI : non-ST elevation myocardial infarction (infarctus du myocarde sans élévation du segment ST) ; ESC : European society of cardiology ;
ACC : American college of cardiology ; AHA : American heart association ; PCI : percutaneous coronary intervention (angioplastie).

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d’angioplastie primaire sans traitement fibrinolytique préa- pulation L 75 ans.29 Cette atypie est également un phéno-
lable.22,23 Par contre, tout patient fibrinolysé doit bénéfi- mène marqué si la personne souffre de troubles cognitifs.
cier d’une coronarographie dans les plus brefs délais en Cette présentation singulière peut donc amener à sous-
raison du taux élevé d’échecs de fibrinolyse qui est sou- diagnostiquer le SCA14,30 et surtout à différer une prise en
vent asymptomatique (15%)24 avec une mortalité significa- charge invasive.29 Les publications sur la validité de l’anam-
tivement augmentée.25 nèse et de l’examen physique étant basées sur une popu-
La PCI est donc le traitement de choix, ceci associé à un lation jeune avec une présentation typique, nous ne pou-
traitement antithrombotique pharmacologique. Dans ce vons appliquer ces résultats à la population gériatrique.
cadre là, l’héparine associée ou non aux anti-GP IIb/IIIa Les facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels sont
constitue le traitement antithrombotique de choix, bien les mêmes (tabac, hypertension, hyperlipidémie, diabète
que la bivalirudine puisse favorablement remplacer cette et anamnèse familiale) auxquels se surajoute l’âge comme
association. La suite de la prise en charge médicamenteu- facteur de risque indépendant supplémentaire. En effet,
se est la même que pour l’AI/NSTEMI y compris pour ce la mortalité des patients avec SCA de plus de 75 ans est
qui est de l’aspirine et du clopidogrel. plus élevée que dans une population inférieure à 75 ans
(19% versus 5%)31 et ceci en raison de la récidive d’infarctus
Risque de saignement et des complications hémorragiques.29
La stratification du risque de saignement doit faire par-
tie de l’arbre décisionnel de prise en charge.14 Ce risque ECG
dépend de la dose des antithrombotiques utilisée, de leur L’interprétation de l’ECG chez la personne âgée est par-
association et de la durée de leur prise. Le risque augmen- fois difficile ; en effet, l’ECG de base est souvent déjà anor-
te parallèlement à l’âge, avec une fonction rénale diminuée, mal (antécédent d’infarctus du myocarde, HVG, BBG pré-
un bas poids corporel et le sexe féminin. existant, modifications aspécifiques du ST-T, FA, etc.). Il
En cas de saignements mineurs, il conviendrait d’éviter convient donc d’avoir le plus rapidement possible un an-
d’arrêter le traitement. En cas de saignements majeurs, ar- cien ECG et de répéter l’ECG durant la période d’obser-
rêter et/ou neutraliser le traitement anticoagulant et anti- vation pour augmenter la sensibilité de cet examen pour
plaquettaire, à moins que les saignements puissent être la détection d’une ischémie. Un BBG transitoire de même
adéquatement contrôlés avec des interventions hémosta- qu’un ECG normal peuvent également être observés.
tiques spécifiques. Les saignements majeurs augmentent
significativement la mortalité, indépendamment des trans- Enzymes
fusions. Les transfusions semblent améliorer le pronostic Comme cité précédemment, l’élévation des troponines
seulement si l’hématocrite est l 30% et elles peuvent être n’est pas synonyme de SCA. De nombreuses autres patho-
utiles si l’hématocrite est entre 30-33%.26 logies cardiaques et non cardiaques peuvent être à l’origi-
ne d’une augmentation de son taux. Chez la personne âgée,
SYNDROME CORONARIEN AIGU elle est fréquemment le reflet d’une autre pathologie car-
CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE diovasculaire plutôt que de la présence d’un SCA.32 Son
dosage reste toutefois incontournable.
Généralités
On estime que 60-65% des AMI surviennent chez des Score TIMI
patients de 65 ans ou plus et 33% chez des patients de 75 Si les scores tels que le score TIMI, tant pour le STEMI
ans ou plus.27,28 Les patients âgés se présentent plus sou- que pour l’AI/NSTEMI, sont des outils indispensables dans
vent avec un NSTEMI qu’un STEMI, par opposition à une la stratification du risque de la maladie coronarienne, leur
population jeune.29 En l’absence de recommandations et utilité dans le domaine gériatrique est plus limitée, car l’âge
d’études cliniques randomisées dédiées aux patients de étant le facteur prédictif principal de mortalité intrahospi-
plus de 75 ans, le diagnostic et la prise en charge du SCA talière, ce score est le plus souvent élevé.
dans cette population gériatrique doivent être similaires à
ceux des patients plus jeunes avec cependant une consi- Prise en charge14
dération précise des comorbidités et des risques de com- Nous avons peu de données en ce qui concerne la mor-
plications hémorragiques. Le but étant d’assurer un diag- bi-/mortalité de la prise en charge invasive chez la per-
nostic précoce de haute probabilité afin de décider ou non sonne âgée (L 65 ans) et encore moins dans la population
d’une thérapie agressive en fonction du contexte général. très âgée (L 75 ans). Cependant, une étude rétrospective
sur près de 57 000 patients (35% M 75 ans) avec NSTEMI a
Différences montré qu’une approche pharmaco-invasive précoce ré-
Clinique duisait la mortalité par rapport à un traitement plus limité
La symptomatologie est parfois absente ou atypique et plus conservateur.33 Deux études ont montré des résul-
chez la personne âgée qui peut se présenter avec une tats très différents sur la mortalité après PCI en urgence
dyspnée isolée, un état confusionnel, une syncope, voire dans les chocs cardiogéniques.34,35 En ce qui concerne la
une hypotension avec asthénie et/ou une chute secondaire maladie coronarienne chronique, une prise en charge inva-
à un petit débit. L’atypie est plus fréquente chez les fem- sive semble également plus favorable.36,37
mes souffrant d’une hypertension et d’un diabète et peut Sur la base d’études s’adressant à des patients plus
aller jusqu’à 50% de la présentation des SCA dans une po- jeunes, il paraît acceptable de préconiser une prise en

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charge pharmaco-invasive pour les patients gériatriques du clopidogrel à deux, voire quatre semaines. Si une anti-
aussi agressive que pour ceux décrits dans les recomman- coagulation est indiquée (FA, thrombus pariétal, etc.), nous
dations (PCI, antiangineux, antiplaquettaires et anticoagu- privilégions le clopidogrel.38 La durée de l’anticoagulation
lation), mais les risques/bénéfices doivent être discutés, est également sujette à discussion (up to hospital discharge
avec une considération particulière pour la qualité de vie, selon les recommandations 2007 pour NSTEMI). Partant
les souhaits du patient et ses comorbidités avant d’envi- du principe de précaution, en l’absence d’indications strictes
sager des thérapies augmentant le risque de saignement ou de complications devant conduire à une PCI, nous pro-
et/ou d’insuffisance rénale. Les recommandations ACC/AHA posons un arrêt de ce traitement à 48-72 heures si le pa-
200715 prônent les mêmes stratégies thérapeutiques pour tient n’est pas sous fondaparinux.
la population âgée M 75 ans que pour la population plus
jeune en tenant compte des éléments suivants : considérer
les comorbidités, le status cognitif, l’espérance de vie. Il est CONCLUSION
également recommandé de tenir compte des effets hypo- Le syndrome coronarien aigu est une maladie plus fré-
tensifs plus marqués et plus mal tolérés chez les patients quente dans la population gériatrique et grevée d’une mor-
âgés ainsi que la pharmacocinétique. A ce titre, un calcul bi-/mortalité très élevée. Il faut considérer deux groupes :
de la clairance de la créatinine est recommandé chez tous la maladie coronarienne chronique et la maladie corona-
les patients de plus de 75 ans dans des conditions stables rienne aiguë. Dans la prise en charge du SCA, la revascu-
de fonction rénale pour adapter les posologies des médi- larisation a un intérêt tant sur la qualité de vie que sur la
caments avec une attention particulière aux femmes de mortalité. Dans le groupe des syndromes coronariens aigus,
petit gabarit. De plus, un suivi attentif des complications deux cas de figure se présentent : le STEMI et le NSTEMI.
potentielles doit être assuré (complications hémorragiques Ce dernier est la manifestation la plus fréquente dans la
et hémodynamiques). population gériatrique avec une mortalité à un an qui est
supérieure à celle des STEMI.39 Pour les STEMI de moins
Traitement invasif de trois heures d’évolution, la reperfusion en urgence est
Si la stratégie pharmaco-invasive est choisie, elle doit recommandée pour toutes les tranches d’âge en l’absence
donc se faire dans les meilleurs délais par rapport au dé- de contre-indications avec une préférence nette pour l’an-
but des symptômes. Les anti-GP IIb/IIIa ne sont pas pré- gioplastie primaire en particulier pour la population géria-
conisés d’emblée dans cette tranche d’âge en raison du trique chez laquelle le risque d’hémorragie cérébrale est
risque élevé de saignement ne contrebalançant pas le fai- nettement plus élevé. Pour les STEMI de plus de trois
ble avantage perçu sur la mortalité. Lors des PCI, nous heures et moins de douze heures d’évolution, la fibrinoly-
optons plutôt pour des BMS, permettant ainsi de raccour- se n’entre plus en ligne de compte et seule la PCI doit être
cir le temps de la double antiagrégation plaquettaire de considérée. La prise en charge du SCA de type NSTEMI
douze à un mois en cas d’anticoagulation associée ou de est plus complexe, puisqu’elle nécessite une stratification
risque hémorragique accru. du risque pour déterminer la stratégie invasive et son délai.
En l’état de nos connaissances actuelles, l’âge ne doit
Antiagrégation et anticoagulation pas être un facteur limitant pour une prise en charge selon
Le risque de saignement est proportionnel à l’intensité les recommandations internationales, toutefois, la qualité
de l’anticoagulation ainsi qu’à l’association avec des médi- de vie, l’autonomie et l’état physique préexistant sont des
caments inhibant la fonction plaquettaire ou provoquant éléments très importants à considérer dans l’appréciation
des érosions gastriques (AINS, etc.). Les personnes L65 ans globale de la prise en charge invasive ou non.
sont plus à risque de même que ceux souffrant d’une in-
suffisance rénale chronique ou d’une anémie. En l’absence
de stent, la durée de la double antiagrégation est recom-
mandée pour une année. Toutefois, n’ayant pas de données
basées sur l’évidence, nous préconisons un arrêt précoce

Implications pratiques Adresses


Dr Catherine Falconnet
> Le syndrome coronarien aigu se traite de manière urgente et Dr Jean-Jacques Perrenoud
agressive médicalement et/ou par une revascularisation en Département de réhabilitation et gériatrie
urgence ou précoce (évaluation clinique l10 minutes) Ch. du Pont-Bochet 3, 1226 Thônex
catherine.falconnet@hcuge.ch
jean-jacques.perrenoud@hcuge.ch
> Une stratification du risque cardiovasculaire et hémorragique
est indispensable Dr Sebastian Carballo
Service de médecine interne générale
Drs Marco Roffi et Pierre-Frédéric Keller
> Le traitement antiagrégant et anticoagulant doit être donné Service de cardiologie
le plus rapidement possible HUG, 1211 Genève 14
sebastian.carballo@hcuge.ch
> Ce n’est pas l’âge qui est un frein à une attitude invasive, mais marco.roffi@hcuge.ch
la qualité de vie, l’autonomie et les comorbidités pierre-frederic.keller@hcuge.ch

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