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mise au point

Dissection aortique aiguë :


utilité diagnostique des D-dimères

La dissection aortique aiguë (DAA) est peu fréquente, mais


grevée d’une morbidité et d’une mortalité importantes. Les
rapports de vraisemblance positif ou négatif des éléments cli-
niques et paracliniques sont insuffisants pour confirmer ou in-
firmer une DAA. L’angio-CT, l’échographie transœsophagienne
et l’IRM sont validés pour poser ce diagnostic, mais ils ont l’in-
convénient d’être invasifs, parfois indisponibles et accompa-
gnés de complications potentiellement graves. Diverses étu-
Rev Med Suisse 2008 ; 4 : 1759-63
des suggèrent que des D-dimères dans la norme permettraient
d’exclure une DAA. Cependant, la qualité méthodologique in-
Y. Fournier suffisante de ces études, l’hétérogénéité des tests D-dimères
P.-A. Moix et de leurs seuils diagnostiques, ainsi que l’absence d’une
stratégie diagnostique validée ne permettent pas actuellement
O. Hugli d’utiliser les D-dimères pour exclure une DAA en pratique cli-
nique.
Drs Yvan Fournier et Paul-André Moix
Service de médecine interne
Dr Olivier Hugli
Centre interdisciplinaire des urgences
CHUV, 1011 Lausanne INTRODUCTION
Yvan.Fournier@chuv.ch
Paul-Andre.Moix@chuv.ch La dissection aortique aiguë (DAA) est une urgence médicale
Olivier.Hugli@chuv.ch rare, mais associée à une mortalité de 33% à 24 h et de 50% à
48 h si elle n’est pas reconnue. Lorsque la DAA est traitée, la
survie est de 85% à 30 jours. Une stratégie diagnostique rapi-
de est donc primordiale. Cependant, le diagnostic de DAA ne
Acute aortic dissection : diagnostic peut à ce jour être posé ou exclu sur la seule base de paramètres cliniques ou
usefulness of D-dimer
d’examens paracliniques simples.1 Ces dernières années, de nombreux auteurs
Acute aortic dissection (AAD) is uncommon,
and associated with high morbidity and mor-
ont tenté de démontrer l’utilité diagnostique de divers biomarqueurs en cas de
tality rates. Positive or negative likelihood DAA.2 Parmi ceux-ci, les D-dimères ont été analysés à de multiples reprises pour
ratios of clinical parameters, ECG and chest exclure une DAA. Cet article propose de faire le point sur l’utilité diagnostique
x-ray do not allow to rule in or rule out AAD. des D-dimères lors d’une suspicion de DAA et tente de répondre à la question
Angio-CT, transoesophageal echocardiogra- suivante : peut-on exclure une DAA uniquement sur la base d’un taux normal de
phy, and MRI are validated tools for AAD diag- D-dimères ?
nosis, although they are invasive and associa-
ted with significant complications. In several
studies, D-dimer level within the normal range ÉPIDÉMIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DAA
appears to have a negative predictive value
that is low enough to rule out AAD. However, La dissection aortique est dite aiguë lorsque le diagnostic de dissection est
flaws of study design, heterogeneity of D- posé dans les quatorze jours suivant l’apparition des symptômes. Une vingtaine
dimer tests and of their cut-offs (from 100 to de patients sont admis chaque année au Centre interdisciplinaire des urgences
900 µg/l), and the absence of a validated work- du CHUV en raison d’une DAA, soit 0,04% des admissions. Cette pathologie a été
up strategy are strong arguments against the
décrite pour la première fois il y a plus de 200 ans par Morgagni et reste, malgré
current use of D-dimer as a unique test to
rule out AAD in clinical practice. les progrès dans son diagnostic et son traitement, encore assortie d’une morta-
lité intrahospitalière de 27% selon le Registre international des dissections aor-
tiques ou IRAD.3,4 Son incidence exacte n’est pas connue, puisqu’environ une
dissection sur trois n’est jamais diagnostiquée. Néanmoins, une incidence de 10
à 25 cas par million d’habitants par année est une estimation raisonnable. Le
ratio homme/femme est de 2 et l’âge moyen des patients est de 63 ans.4 Les fac-
teurs de risque d’une DAA sont l’hypertension artérielle (72% des patients de
l’IRAD), l’âge avancé et les pathologies de la paroi aortique dont le syndrome de
Marfan.5 Du point de vue physiopathologique, la dissection débute avec une

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rupture de l’intima, puis la pénétration du sang entre l’in- Tableau 1. Rapports de vraisemblance positif et
tima et la média et la création d’une fausse lumière. Cette négatif de quelques signes et symptômes lors d’une
dernière peut s’étendre en amont ou en aval du point de suspicion de DAA1
rupture initial et communiquer par plusieurs brèches avec Un rapport de vraisemblance L 10 ou l 0,1 modifie de manière signifi-
la vraie lumière aortique.6 Plus rarement, un hématome cative la probabilité prétest d’un diagnostic.
intramural peut être observé sans qu’une brèche ne soit Signe ou symptôme Rapport de Rapport de
mise en évidence.7 vraisemblance vraisemblance
positif négatif
Hypertension 1,1-1,8 0,4-0,7
DIFFICULTÉS DIAGNOSTIQUES
Douleur thoracique soudaine 1,0-2,6 0,3-1,0
La DAA a une présentation clinique polymorphe et mime
Douleur déchirante 1,2-10,8 0,4-1,0
de nombreuses pathologies thoraciques ou abdominales.
Elle est même asymptomatique dans 10% des cas.8 Sa re- Douleur migrante 1,1-7,6 0,6-1,0
connaissance est donc difficile. Un défi supplémentaire est Asymétrie des pouls 2,4-47,0 0,6-0,9
d’arriver rapidement au diagnostic correct, car la mortalité Déficit neurologique focal 6,6-33,0 0,7-0,9
de la DAA croît rapidement, particulièrement durant les
Souffle aortique diastolique 0,9-4,9 0,8-1,1
premières heures après le début de la dissection. Malheu-
reusement, aucun signe clinique ou symptôme seul n’a un Elargissement du médiastin 1,6-3,4 0,1-0,4
ou de l’aorte à la Rx thorax
rapport de vraisemblance positif (RV+) suffisamment élevé
pour poser, ou négatif (RV-) suffisamment bas pour exclure Hypertrophie ventriculaire 0,2-3,2 0,8-1,2
un diagnostic de DAA. Le cliché thoracique est normal dans gauche à l’ECG

12% des cas et ne montre un élargissement médiastinal ou


aortique que dans 21% des cas.4 Pour ce type de cliché par HUG, permet une mesure quantitative. Avec un seuil diag-
exemple, les RV+ et RV- ne sont que de 1,6-3,4 et 0,13-0,31 nostique à 500 µg/l, ce test a une sensibilité élevée (85-
respectivement, et donc insuffisants pour modifier de fa- 100%), une spécificité médiocre et un RV- de 0,08 suffisam-
çon significative la probabilité prétest. L’ECG ne montre la ment bas pour réduire fortement la probabilité prétest
plupart du temps que des modifications aspécifiques. Le d’un événement thromboembolique veineux. Le dosage
diagnostic repose dès lors sur trois méthodes d’imagerie : par agglutination au latex montre des résultats sensible-
l’angio-CT spiralé, l’échocardiographie transœsophagien- ment similaires à ceux obtenus par ELISA, alors que celui
ne et l’angio-IRM. Pour ces examens paracliniques, les RV+ par agglutination aux globules rouges gagne en spécificité
sont de respectivement 14, 14, et 25 et leurs RV- de 0,02, au détriment de la sensibilité (60-90%).
0,04, et 0,05.9 Le résultat de l’un de ces trois examens En plus d’être disponible 24 h/24 dans la plupart des
modifie donc très fortement la probabilité prétest. L’angio- centres, le temps requis pour cette analyse est court (40
graphie était autrefois l’examen diagnostique de référen- minutes en automate au CHUV). Différents appareils per-
ce pour la DAA, mais elle a été progressivement rempla- mettent actuellement un dosage des D-dimères au lit du
cée par les techniques d’imagerie moins invasives citées malade en dix à quinze minutes au moyen d’anticorps mar-
ci-dessus. qués. La valeur diagnostique des D-dimères dans la mala-
La stratégie diagnostique de la DAA représente un défi die thromboembolique et leur usage, bien connu des cli-
de taille pour l’urgentiste en raison de : niciens, en ont fait un candidat logique et naturel comme
• la faiblesse des RV+ ou RV- des éléments anamnestiques, biomarqueur de la DAA.
cliniques et de la radiographie du thorax (tableau 1) ;
• l’accès souvent restreint en urgence aux méthodes d’ima-
PRINCIPALES ÉTUDES CONCERNANT
gerie diagnostique, leurs complications et/ou leurs coûts.
Ces éléments ont motivé la recherche d’un biomarqueur LES D-DIMÈRES LORS DE DAA
simple, fiable et disponible 24 h/24 qui simplifierait la dé- L’étude princeps abordant ce sujet fut de type cas-con-
marche diagnostique, sur le modèle de ce qui a été déve- trôle publiée dans Chest en 2003.10 L’objectif était de dé-
loppé pour deux autres causes de douleur thoracique, à terminer la relation entre le taux de D-dimères et la DAA.
savoir l’embolie pulmonaire et l’infarctus du myocarde. C’est Il s’agissait d’une cohorte prospective de dix patients avec
dans ce contexte que l’utilité du dosage des D-dimères a une suspicion de DAA, complétée par un groupe rétro-
suscité énormément d’intérêt et d’espoir. spectif de quatorze patients avec un diagnostic de DAA.
Le groupe contrôle était constitué de 35 patients avec une
douleur thoracique aiguë d’autre origine. Les D-dimères
D-DIMÈRES étaient L 500 µg/l (moyenne 9400 µg/l) chez tous les pa-
La physiopathologie de la DAA implique la formation tients avec une DAA. Des D-dimères L 500 µg/l avaient une
d’un hématome intrapariétal en contact avec la circulation sensibilité de 100% pour le diagnostic de DAA. Les auteurs
sanguine. Il est donc légitime de penser que les D-dimè- concluaient que des D-dimères l 500 µg/l rendaient une
res, produits spécifiques de dégradation de la fibrine, vont DAA peu probable. Suite à ces résultats prometteurs, une
s’élever dans le sérum. Les D-dimères sont mesurables douzaine d’études et quelques rapports de cas regroupant
selon différentes méthodes, avec des performances diag- au total plus de 500 patients avec une DAA ont été publiés
nostiques variables. Le test ELISA, utilisé au CHUV et aux (tableau 2). Selon la méta-analyse de Sodeck et coll. incluant

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Tableau 2. Récapitulatif des études concernant la valeur diagnostique des D-dimères dans la dissection aortique
aiguë (DAA)11,12
Référence Design DAA Cas Type de test Seuil Sensibilité Spécificité RV+ RV-
(n) contrôle D-dimères pour DAA pour DAA
(n) µg/l)
(µ (%) (%)
Sodeck et coll. (2007) Prospectif 65 – Agglutination au latex L 100 100 – – –
L 500 98
Wiegand et coll. (2007) Rétrospectif 25 – Agglutination au latex L 500 88 – – –
Sbarouni et coll. (2007) Prospectif 18 29 ELISA L 700 94 59 2,3 0,1
L 500 100
Spinner et coll. (2006) Non déclaré 26 56 Agglutination au latex L 300 92 – – –
Hazui et coll. (2006) Rétrospectif 113 – Agglutination au latex L 400 92 – – –
Ohlmann et coll. (2006) Rétrospectif 27 – Immuno-turbidimétrique L 400 99 34 1,5 0,03
Weber et coll. (2006)a Prospectif/ 27 – Immuno-turbidimétrique L 500 100 – – –
rétrospectif
Hazui et coll. (2005) Cas-contrôle 29 49 Agglutination au latex L 900 93 80 4,7 0,09
Akutsu et coll. (2005)b Prospectif 30 48 Immuno-turbidimétrique L 500 100 54 2,2 0,02c
Akutsu et coll. (2005)b Prospectif 30 48 Sandwich enzyme L 100 100 54 2,2 0,02c
immunoassay
Eggebrecht et coll. (2004) Prospectif 16 80 Immuno-turbidimétrique L 620 100 73 3,7 0,01c
Perez et coll. (2004) Rétrospectif 7 – Agglutination au latex L 500 100 – – –
Shimazaki et coll. (2003) Prospectif 29 31 Non déclaré L 800 – – – –
Weber et coll. (2003) Cas-contrôle 24 35 Immuno-turbidimétrique L 500 100 69 3,2 0,01c
a Weber et coll. ont utilisé les données de 2003 pour leur publication de 2006.
b Akatsu et coll. ont employé deux tests différents pour chaque patient.
c Les RV ont été calculés sur la base d'une sensibilité de 99%.
-
RV+ : rapport de vraisemblance positif ; RV- : rapport de vraisemblance négatif.

seize études (437 patients), des D-dimères supérieurs au cas les plus typiques) et/ou de vérification (absence de
seuil diagnostique avaient une sensibilité de 97% (IC à test de référence pour les patients avec un test négatif) ;
95%, 94-98%) et une spécificité médiocre de 53-64% pour la ces deux biais améliorent artificiellement la sensibilité
DAA. Le RV- était de 0,06 (IC à 95%, 0,02-0,13) et le RV+ de des D-dimères lors de DAA ;
2,58 (IC à 95%, 1,76-3,78).11 Une deuxième méta-analyse • les différents types de tests D-dimères choisis et l’hété-
encore plus récente a réuni onze études (349 patients) dont rogénéité des seuils diagnostiques (tableau 2).
neuf se retrouvaient dans la publication de Sodeck et coll. Cependant, selon ces études préliminaires, le RV- des
Les RV- et RV+ étaient de 0,15 et 1,6 respectivement avec D-dimères paraît très bas et donc susceptible d’être inclus
un seuil diagnostique des D-dimères unifié à 500 µg/l.12 dans une telle stratégie diagnostique. Ces résultats doi-
Des DAA avec un taux de D-dimères en dessous du vent être confirmés par des études prospectives, à l’instar
seuil diagnostique (faux négatifs) ont été rapportées. Hazui du rigoureux processus de validation effectué pour le diag-
et coll. ont recherché les facteurs associés à des D-dimè- nostic d’embolie pulmonaire. L’algorithme décisionnel de
res inférieurs au seuil diagnostique de 400 µg/l chez neuf la DAA pourrait de même associer la stratification du risque
(8%) de leurs 113 patients avec une DAA.13 Des D-dimères selon la probabilité prétest et le dosage des D-dimères.
faussement négatifs étaient retrouvés chez des patients de Cette stratification du risque de DAA pourrait être faite à
moins de 70 ans, lors de thrombose complète de la fausse partir de trois variables cliniques : une douleur thoracique
lumière et de dissection peu étendue. ou dorsale aiguë déchirante ou d’apparition rapide (l2 mi-
nutes), une asymétrie des pouls périphériques ou une asy-
métrie tensionnelle de L 20 mmHg aux membres supé-
DISCUSSION ET PERSPECTIVES rieurs et un élargissement de l’aorte ou du médiastin à la
L’état des connaissances actuelles ne permet pas de sou- radiographie standard du thorax. Ces trois facteurs de ris-
tenir une stratégie diagnostique où l’exclusion de la DAA que étaient associés à une DAA parmi une cohorte de pa-
est basée sur le seul dosage des D-dimères. Cette position tients avec une suspicion de DAA admis dans un service
se base sur les arguments suivants : d’urgence pour une douleur thoracique ou dorsale aiguë.14
• le nombre restreint de patients inclus dans les études ; La probabilité de DAA était faible en l’absence de ces trois
• le design des études : la preuve se base sur une large variables, intermédiaire en présence d’une douleur telle
proportion d’études cas-contrôles et de cohortes rétro- que définie ci-dessus ou d’une anomalie radiologique, et
spectives sujettes à des biais de diversité (sélection des finalement élevée en présence d’une association de deux

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ou des trois variables. Il faut à nouveau souligner que ces mée à 15%. Dans cette situation, un dosage des D-dimères
variables ont été dérivées à partir d’une population hau- l 500 µg/l laisserait la probabilité post-test de DAA à 1,7%
tement sélectionnée et que cette stratification du risque (figure 2). Cette stratégie diagnostique combinant la pro-
n’a pas été validée de manière prospective. babilité prétest et la mesure des D-dimères serait sus-
L’algorithme de Siegal reprend cet outil de prédiction ceptible de réduire le nombre d’examens radiologiques
clinique pour classer les patients avec une suspicion de superflus, les complications liées à l’injection de produit
DAA en trois catégories selon que leur risque est faible, de contraste (néphropathie, anaphylaxie) et à l’irradiation
intermédiaire ou élevé (figure 1), mais n’a été validé par (tumeurs radio-induites), ainsi que secondairement les
aucune étude.15 Un dosage des D-dimères pourrait dès coûts de la santé.
lors s’intégrer dans cet algorithme : de par son RV- très bas, Des études multicentriques seraient nécessaires pour
un résultat négatif des D-dimères permettrait d’exclure confirmer la validité de cette approche diagnostique et
sans investigation supplémentaire une DAA chez un pa- mieux caractériser les patients à bas risque chez lesquels
tient classé à bas risque, mais présentant un ou plusieurs le dosage des D-dimères permettrait d’exclure la DAA. Par
facteurs de risque (figure 1). Voici un exemple pour illus- ailleurs, il faudrait uniformiser la méthode de dosage des
trer le propos : un patient de 70 ans, avec une HTA traitée, D-dimères et fixer un seuil diagnostique unique.
consulte pour une douleur thoracique d’intensité modé-
rée. Il n’y a pas d’argument pour une étiologie cardiaque
ou thromboembolique. Devant l’éventualité d’une DAA, IMPLICATIONS EN PRATIQUE CLINIQUE
les trois variables cliniques citées ci-dessus sont recher- Comme illustré précédemment, le RV- des D-dimères
chées sans être trouvées. Cependant, au vu de l’âge, du de 0,06 à 0,15 selon les méta-analyses11,12 permettrait, à
sexe et de l’HTA, la probabilité prétest de DAA est esti- partir d’une probabilité prétest faible (l 10%) et intermé-

Suspicion d’une dissection aortique aiguë (DAA)

Recherche des éléments suivants :


A. Douleur aiguë thoracique ou dorsale, d’apparition brutale ou de type «déchirement»
B. Asymétrie des pouls périphériques ou tensionnelle L 20 mmHg
C. Elargissement du médiastin ou de l’aorte à la Rx du thorax

0 élément M 1 élément

Risque faible Facteur A ou C isolé ?


(incidence de DAA 7%)

Oui Non

Recherche de facteur de risque (FR) : Risque intermédiaire Risque élevé


Syndrome de Marfan, bicuspidie aortique, HTA, (incidence de DAA 30-40%) (incidence de DAA 80-100%)
grossesse au troisième trimestre, prise de
cocaïne, anévrisme aortique, Syndrome de
Turner, exercice physique intense récent, acci-
dent à haute vitesse avec décélération brutale,
cathétérisation aortique récente, vasculite Dosage D-dimères Faire une imagerie

Négatif Positif

0 FR M 1 FR

Considérer un
autre diagnostic

Figure 1. Arbre décisionnel lors de suspicion de dissection aortique aiguë (DAA) proposé par Siegal et coll.15
Arbre décisionnel (en noir) modifié en intégrant l’utilité diagnostique potentielle du dosage des D-dimères (en rouge).
Les auteurs du présent article ne recommandent pas l’utilisation de cet algorithme en pratique clinique car il n’a été validé par aucune étude.

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mement sombre d’une DAA non diagnostiquée. Pour cette


Probabilité Probabilité raison, le dosage des D-dimères ne doit pas être utilisé en
prétest post-test pratique clinique pour exclure une DAA.16 Selon les re-
commandations actuelles, la prise en charge des patients
avec une suspicion de DAA reste basée sur l’analyse des
facteurs de risque, une anamnèse et un examen clinique
Rapport de
minutieux, ainsi que sur les examens paracliniques tels que
vraisemblance l’angio-CT et l’échocardiographie transœsophagienne.17

CONCLUSION
Sur la base de la littérature actuelle et dans l’attente de
nouvelles études, le dosage des D-dimères ne peut pas
être utilisé de façon isolée pour exclure le diagnostic de
DAA. Toutefois, leur rapport de vraisemblance négatif très
bas ne peut être ignoré et devrait être intégré aux autres
variables cliniques dans l’évaluation de la probabilité de
DAA. Le défi est maintenant de définir plus précisément
la place des D-dimères dans l’arbre décisionnel du diag-
nostic de la DAA, dans le contexte difficile d’une maladie
peu fréquente, aux multiples présentations cliniques et au
pronostic sombre.

Implications pratiques
Figure 2. Probabilité de dissection aortique aiguë
(DAA) après un dosage des D-dimères dans la > Un taux de D-dimères supérieur au seuil diagnostique a une
norme selon le nomogramme de Fagan sensibilité de 94 à 98% pour la DAA. Le rapport de vraisem-
blance négatif des D-dimères varie de 0,06 à 0,15 et influence
A partir d’une probabilité prétest de 0,15 ou 15% (ligne verticale gauche) de manière significative la probabilité prétest
et d’un rapport de vraisemblance négatif pour des D-dimères l 500 µg/l
à 0,1 (moyenne entre 0,06 et 0,15)11,12 (ligne centrale), il est possible de > Toutefois, en l’absence d’algorithme diagnostique validé inté-
calculer la probabilité post-test à 0,017 ou 1,7% (ligne verticale droite).
grant les D-dimères, on ne peut pas utiliser leur rapport de
vraisemblance négatif bas pour exclure une DAA
diaire (30-40%), d’obtenir une probabilité post-test de DAA > Lors d’une suspicion de DAA, le diagnostic se fait principale-
inférieure à 1% et de 4-6% respectivement (figure 2). Si une ment par angio-CT (examen de choix), échocardiographie
probabilité post-test de 1% est acceptable, une probabilité transœsophagienne et, plus rarement, par angio-IRM
plus élevée est problématique au vu du pronostic extrê-

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